Chapitre 41
Ecrit par Auby88
Madame Suzanne ZANNOU
Devant mon miroir, je peigne une dernière fois mes cheveux et les noue au milieu de ma tête.
Tout à l'heure, je me rendrai au Centre psychiatrique de Jacquot avec Fifa. Car aujourd'hui, mon agence de voyage organise une visite gratuite de l'Aéroport international Cardinal Bernardin GANTIN pour les résidents du Centre.
Eh oui, je m'investis de plus en plus au Centre : repas, aide financière, don de vêtements, visites guidées...
C'est tellement réconfortant de voir le sourire ou le rire sur les visages de ces gens à qui "la vie n'a pas fait de cadeau".
Auprès de ces "marginalisés", j'ai appris ce que signifie le mot "ESPERER", j'ai compris l'importance du mot "VIVRE". Car il leur suffit de se réveiller dans "leur monde à part", de profiter d'un repas (même le plus médiocre), de se vêtir d'un vêtement (même le plus vieux) pour se sentir heureux. De peu, ils se contentent avec gaieté, pendant que d'autres mortels s'en plaindraient.
Bientôt, en partenariat avec mon ex-voisine au Centre, Marie-Cécile, j'ouvrirai une fondation qui viendra en aide aux "malades mentaux" et qui oeuvrera contre les stigmatisations dont ils sont victimes dans la société. C'est bien dur, à notre siècle, de voir encore des humains enchaînés comme des macaques parce qu'ils sont considérés comme "fous" et donc d'office dangereux pour la société... (Soupir).
Cette fondation aura pour nom Arabella ZANNOU, en hommage à ma fille. Elle aimait tout ce qui se rapportait à l'humanitaire.
"Bella", murmure-je.
Je sors de ma chambre et vais dans la sienne.
* *
*
C'est dans sa chambre que je me trouve actuellement. Je me recueille devant l'Oratoire où sont posées ses photos. Par moments, je soupire en pensant à elle.
Quelqu'un toque contre la porte.
- Maman, t'es là ?
C'est Fifa.
- Oui, ma fille. Entre ! réponds-je en séchant mes larmes.
Elle le remarque.
- Excuse-moi maman, je vais t'attendre en bas.
- Non, ma chérie, reste.
Elle hoche la tête et s'amène vers moi.
- Bella te manque !
- Oui, beaucoup. Comme on le dit, on n'oublie pas, on vit avec. C'est tout.
Je ne peux m'empêcher de couler encore des larmes.
- Maman, je sais que je ne remplacerai jamais Bella, je sais que parfois les choses se dérèglent dans ma tête et que je te cause des soucis, mais je veux que tu saches que je tiens beaucoup à toi et que je tâcherai à ma manière de te rendre heureuse.
Ses mots me touchent. Je ne sais quoi lui répondre.
- Je t'aime tellement, tu sais. Tu as donné un toît à mon fils et moi, tu m'as aidé à m'en sortir, à trouver un travail, à devenir plus indépendante, à être instruite, tu es une très bonne mère pour moi et tu viens en aide aux patients du Centre. Je suis sûre que Bella est fière de sa maman.
Là, je n'en peux plus. Je fonds en larmes. Nous nous donnons une accolade. Je parviens peu à peu à libérer des mots.
- Moi aussi, je … t'aime beaucoup Fifa. Je crois que j'aurais sombré davantage si je ne vous avais pas Yves et toi ! Merci Fifa. Merci.
Nous demeurons silencieuses jusqu'à ce que Yves pénètre dans la chambre.
- Mémé, est-ce que je peux venir avec vous ?
- Ben non, mon choux.
Il semble déçu, car il adore sortir.
- Mais je te promets que demain, toi et moi nous irons à Magic Land.
- Vraiment ?
- Oui.
- Youpi ! s'extasie-t-il en sautant sur place.
- A présent, va en bas. Sur la table à manger, tu trouveras des croissants. Ils sont pour toi.
- C'est génial. Merci mémé.
- Je t'en prie, mon ange !
- Maintenant, file ! dit sa mère.
- Ne cours surtout pas dans le couloir et fais attention aux marches ! ajoute-je.
- T'as bien …
- Oui maman, oui mémé ! répond-t-il en interrompant sa mère.
Il quitte aussitôt la chambre.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Fifa aussi. Ce petit garçon est un amour qui illumine chacune de mes journées.
- Maman, il est temps qu'on y aille. Sinon, on sera en retard.
Je regarde ma montre. Il est 8 heures 15.
- Oh, t'as raison Fifa ! On y va. C'est toi qui conduis.
- Super !
Je lui mets un bras au-dessus de l'épaule et nous sortons de la chambre...
Environ une heure plus tard.
Fifa et moi venons d'arriver au Centre, avec à notre suite l'un des grands bus de mon agence. A chaque fois que je suis ici, j'ai l'impression d'être dans un autre monde.
Ils sont déjà prêts pour la plupart. Je m'approche d'eux et ils viennent vers moi. Ils m'entourent. Certains avec frénésie d'ailleurs, tant ils sont joyeux. Je ne panique pas. Je suis habituée. Je suis l'une des leurs après tout. Et puis, il y a deux surveillants là pour éviter tout dérapage...
************
Femi AKONDE
"J'ai mis mon complet neuf,
mes souliers qui me serrent
et je suis prêt déjà
depuis pas mal de temps
Ce soir est important (…)"
En boucle, je fredonne cette chanson de Charles Aznavour reprise par notre regretté compatriote Gnonnas Pedro.
Ce soir, je suis en mode SÉDUCTION.
Sous un blazer blanc sans bouton, je porte une chemise blanche (ouverte exprès sur le haut) que j'ai enfoncée dans un jean également blanc. A mes pieds, se trouvent des mocassins marrons en cuir assortis à ma ceinture.
Avec style, je finis de retrousser les manches de mon blazer. Je peigne ensuite mes cheveux en faisant une raie sur le côté puis caresse mes joues, tout en contemplant le miroir. Mon rasage, effectué ce matin, demeure parfait...
Voilà, je suis prêt. Non. Plutôt presque prêt. Il reste la touche finale : une bonne dose de parfum. Encore et encore.
"Là, ça suffit Femi !" me dis-je intérieurement. Il ne faudrait pas irriter les narines d'Aurore ou attirer vers toi d'autres femmes. La seule que tu veux reconquérir ce soir, c'est Aurore. Mais au fait, as-tu besoin de tous ces artifices pour la séduire ? Rappelle-toi qu'elle est tombée amoureuse de toi alors que tu n'étais qu'un mec pauvre !"
Je me mire une dernière fois puis je prends les clés de ma voiture. Toujours en chantonnant et même en vocalisant pour échauffer ma voix, j'atteins le garage, démarre la voiture et quitte la maison...
Des minutes plus tard.
Quelle heureuse coïncidence ! Tandis que j'arrive au lieu prévu, j'aperçois la voiture d'Aurore qui vient de se garer pas loin de la mienne.
Ce veinard de Gérard, il a le privilège de porter ma Belle tous les jours ! Si je n'étais pas sûr de l'amour d'Aurore pour moi, eh bien je serai fort jaloux de lui. Qu'est-ce que je raconte au juste ? Sottises ! (Sourire)
En tout cas, ce soir je m'occupe d'Aurore. Je m'empresse donc de les rejoindre.
- Gérard, c'est bon ! indique-je au chauffeur d'Aurore. Je m'occupe d'elle.
- Bien, monsieur.
- Bonsoir Femi, me dit Aurore en me souriant.
- Bonsoir ... Aurore, réponds-je en perdant mes esprits. Tu … es … ravissante !
J'ai l'impression de fondre, tellement je suis sous son charme. Elle porte une magnifique robe bustier noire dont le haut, fait en dentelle, me laisse entrevoir … (Il vaut mieux que je me taise). J'inspire profondément pour ne pas réveiller "celui qui dort en bas".
- Merci, reprend-t-elle en gardant son sourire. Quant à toi, tu es pimpant !
- Merci Aurore.
En parlant, je continue à la fixer. J'ai même oublié ce pourquoi nous sommes là. Sa douce voix me ramène à la réalité.
- Dis Femi, c'est dehors que se passe la soirée ?
- Quelle soirée ?
- Celle pour laquelle tu m'as invitée ! Je suis encore assise dans la voiture et toi tu es prostré devant moi. Je pensais que tu voulais m'aider à m'asseoir dans mon fauteuil.
- En effet, dis-je en reprenant mes esprits.
Quel idiot, je fais !
Je la soulève de la voiture pour la déposer dans son fauteuil. Nos yeux se croisent. Elle me sourit. Je n'ai qu'une seule envie : l'embrasser. Pourtant, je me retiens. Ce n'est pas le moment. Je ne me permettrai de l'embrasser qu'après lui avoir dit toute la vérité.
Tout heureux, je pousse son fauteuil à l'intérieur de la salle. Des regards se braquent sur nous. Je m'en fiche. Je n'ai jamais eu honte de me montrer en public avec Aurore. C'est plutôt un honneur que d'être près d'une aussi belle femme qu'elle.
* *
*
J'ai commandé deux cocktails que nous sirotons en écoutant les interprètes. Tandis qu'elle a les yeux rivés sur le devant de la scène, je profite pour l'épier par moments.
- Il y a beaucoup de talents par ici. Ils chantent tous très bien et j'adore. Toi aussi, tu chantes ce soir ? me demande-t-elle avec enthousiasme.
- Non, pas ce soir.
En réalité, je preste ce soir. Je réserve une belle surprise à Aurore. Je compte lui dédicacer notre chanson favorite, celle de Timi Dakolo pour lui signifier combien je l'aime.
- Zut alors ! J'aurai bien voulu t'entendre.
- Ce n'est que partie remise, Aurore.
- D'accord. Au fait, j'espère que ta petite amie sait que nous sommes ici.
- Non.
- Non ! s'exclame-t-elle.
Vu la mine qu'elle fait, je change ma version. Aurore est imprévisible. Je ne veux pas qu'elle quitte la pièce la minute d'après.
- Plutôt Oui. Je me suis trompé de mot, dis-je en m'efforçant de paraître calme. Paula sait que nous sommes ici.
- Je suis rassurée, Femi. Est-ce qu'elle …
Je ne la laisse pas finir. Je feins avoir avalé de travers et toussote plus que nécessaire. Les bruits que j'émets semblent couverts par la musique.
Si j'agis ainsi, c'est parce que je n'ai plus envie de parler de ma soi-disante petite amie Paula. Car cela en rajouterait à la longue liste de mensonges la concernant.
- Femi, ça va ?
Je tousse encore un peu puis mets fin à ma comédie. Car je viens de remarquer que des têtes voisines sont tournées vers nous.
- Oui, Aurore. Maintenant, ça va.
- Tant mieux.
Elle détourne son regard pour se concentrer à nouveau sur le devant de la scène. Quant à moi, je continue de la contempler. J'espère pouvoir refréner cette envie qui grandit en moi à l'instant. "Aurore, ma "blessure sucrée", tu me rends fou !"
Heureusement, la voix dans le microphone parvient à calmer mes ardeurs.
" Ce soir, nous avons l'honneur de recevoir parmi nous Femi AKONDE, l'un de nos anciens interprètes. Une fois encore, il nous égayera de sa suave voix. Accueillons-le avec une pluie d'ovations."
- Femi, mais tu …
- Je voulais te faire la surprise ! réplique-je en me levant, le sourire aux lèvres pour rejoindre le podium.
J'ajuste le microphone et pose quelques mots avant de débuter la chanson.
" Ce soir, je voudrais dédier cette chanson The Vow (le voeu ) de Timi Dakolo à une personne qui …"
Mes mots se bloquent, tellement ma surprise est grande. Paula est là, près d'Aurore. Ça, je ne l'avais pas prévu.
J'inspire profondément et reprends ma phrase.
" Ce soir, je voudrais dédier cette chanson de Timi Dakolo à une personne qui est très chère à mon coeur. Elle se reconnaîtra aux travers de ces vers que je lui ai souvent répétés et qui expriment ce que je ressens pour elle. "
Paula parle à Aurore qui regarde dans ma direction. J'espère que Paula n'a pas osé lui dire la vérité. C'est à moi de le faire. J'ai envie de quitter la scène pour les rejoindre, mais je ne peux laisser le public en plant.
J'inspire à nouveau et commence mon interprétation, en m'efforçant de rester le plus concentré possible. Je parviens à finir ma prestation sans omettre une seule parole. Bien. Je remercie le chaleureux public puis me ramène vite vers Aurore et Paula. J'appréhende déjà la situation.