Chapitre 46 : Je te pardonne
Ecrit par Auby88
Margareth IDOSSOU
"Négatif"
C'est le troisième test de grossesse que je viens d'utiliser. Et à chaque fois, le même résultat. Je soupire. Je m'attendais à lire une bonne nouvelle.
Néanmoins, ce n'est pas grave. Je ne m'en fais pas.
Récemment, j'ai passé une série d'examens gynécologiques et le docteur m'a assuré que je peux concevoir et mener une grossesse sans problème. Je me rappelle encore ses mots.
"Margareth, vos examens sont satisfaisants et vous n'avez pas encore la trentaine. Vous pouvez donc tomber enceinte et accoucher en toute sérénité. L'important dès à présent, c'est de ne pas stresser et d'avoir avec votre partenaire des rapports intimes réguliers et fréquents."
"Fréquents", c'est bien cela le problème. Les tracas du quotidien, surtout le boulot, nous éloignent beaucoup, David et moi.
Ainsi, depuis notre retour de Ouidah, nous nous voyons très peu. Même si à chaque rencontre, il y a toujours entre nous la même magie, la même alchimie qu'à Ouidah.
A nouveau, je regarde le test de grossesse avec l'espoir que cela passera du négatif au positif. Rien. Pas grave. En attendant d'être à nouveau maman, je compte profiter autant que possible de Sibelle et de David. Je vais jeter le test à la poubelle et me rends dans ma chambre. Sibelle dort profondément. J'attends qu'elle se réveille pour la conduire chez Charles qui doit être dans sa bijouterie. Elle passe la semaine avec lui.
Charles da MATHA
Mel et Sibelle viendront tout à l'heure. J'ai bien hâte de revoir ma fille. Je ne me lasse jamais d'elle. Elle est tellement adorable, tellement belle ! Je suis bien fier d'être son père, encore plus fier qu'elle m'ait accepté comme tel sans me juger.
Quant à Mel, nos relations se sont légèrement améliorées. J'évite de me comporter en macho avec elle. J'avoue que si je l'ai fait récemment, c'était juste par pur égo de mâle. Pour avoir été son premier homme, celui qui l'a faite femme, je croyais avoir une emprise éternelle sur elle. Comme si elle m'appartenait, comme si elle m'appartiendrait toute sa vie. Car pour l'africain que je suis, être le premier homme d'une femme la lie à vous pour toujours.
Mais tout cela relève du passé à présent. Mel ne m'appartient pas. Mel n'est plus à moi. J'en suis bien conscient. Je la traite avec plus de respect, d'autant plus que sa relation avec David est devenue très sérieuse. En plus, elle est amoureuse et très heureuse. Elle le mérite bien après tout ce qu'elle a pu endurer par ma faute.
A présent, la seule femme qui est mienne, la seule que j'aime et que j'aimerai toujours, c'est Larissa.
J'entends un bruit de voiture. Ce doit être Mel et Sibelle. Je sors les accueillir. Sibelle accourt dans mes bras en criant "Papa". J'adore quand elle m'appelle ainsi. Je la reçois avec grand enthousiasme.
- Ma petite princesse !
Je salue Mel qui me répond avec courtoisie. Larissa nous rejoint. Elle et Mel échangent des mots. Je suis content qu'elles s'entendent bien.
- Larissa, tu me permets de parler en privé avec ton mari ? Je ne lui prendrai pas beaucoup de temps.
- Bien sûr, Mélanie. Prends tout le temps qu'il te faudra.
Franchement, j'adore ma femme. Elle est très compréhensive.
- Merci, lui répond Mel.
Larissa entraîne Sibelle avec elle.
- Viens Mel, nous serons plus à l'aise dans mon bureau.
Elle reste figée en secouant la tête.
- Je ne tenterai rien d'indécent, ni maintenant, ni après. Je te le promets.
- D'accord Charles, réplique-t-elle en me suivant.
Je prends soin de laisser la porte ouverte pour qu'elle soit complètement rassurée, et je la prie de s'asseoir dans le canapé. Je prends place sur une chaise que je positionne en face d'elle.
- Je t'écoute, Mel. Qu'as-tu à me dire ?
Elle respire profondément.
- Je ... tiens à te dire que je te pardonne sincèrement, Charles.
Je n'en crois pas mes oreilles.
- Vraiment !
- Oui, répond-t-elle avec un ton plein d'assurance. Je te pardonne Charles da MATHA. Par le passé, j'étais tellement affectée par ta trahison, aveuglée par ma colère, meurtrie par mes souffrances que je n'arrivais pas à te pardonner. Et surtout, tu m'avais pris ma virginité de la plus horrible des manières pour ensuite m'abandonner comme un déchet.
Je l'écoute sans dire mot.
- Cette première fois très éprouvante avec toi et ta trahison ont laissé des séquelles profondes en moi, au point où j'en suis venue à détester la gent masculine, à ne plus vouloir qu'un homme m'embrasse, qu'un homme me touche, qu'un homme entre à nouveau dans mon intimité.
Elle est au bord des larmes. Je me rends à présent compte de combien je lui ai fait du mal, de combien j'ai bouleversé sa vie de femme.
- Mais récemment, j'ai pu connaître l'amour dans les bras de David, un homme merveilleux qui a su être patient avec moi. Maintenant je suis différente, je suis heureuse, je n'ai plus de complexe, Charles. Je n'ai donc plus de raison de t'en vouloir. Je veux te pardonner. Je me dois de te pardonner. Pour moi. Pour Sibelle.
- Mel ! dis-je ému par ses mots.
- Laisse-moi finir, s'il te plaît. Je tiens également.... à te remercier pour cette fille que tu m'as donné. Certes, tu l'as reniée avant mais au travers de ses récits, je vois à quel point tu t'efforces aujourd'hui d'être un bon père pour elle. Merci pour cela aussi, Charles.
"Si seulement !" me dis-je intérieurement. Je lui souris et prends ses mains. Elle me laisse faire.
- Mel, tu es une femme exceptionnelle qui mérite d'être heureuse. Et je suis contente que tu sois avec David, qui t'a toujours énormément aimée. Crois-moi, si j'avais l'opportunité de retourner en arrière, jamais je ne me jouerais à nouveau de toi, jamais je ne bafouerais à nouveau tes sentiments. Hélas, je ne peux pas remonter le temps.
Je me mets à genoux près d'elle.
- Alors, je te demande aussi pardon pour tout. Je m'excuse pour avoir été aussi odieux avec toi. Je suis sincère.
Elle hoche la tête.
- Relève-toi, Charles.
Je m'exécute et la prends dans mes bras, lui déposant sur le front un bisou protecteur. Nous restons ainsi quelques secondes.
- A présent, il faut que je parte, Charles. J'ai rendez-vous tout à l'heure avec David. Cela m'a fait du bien de te parler.
- A moi aussi. Prends soin de toi.
- Oui, dit-elle.
Nous quittons mon bureau. Elle va dire aurevoir à Sibelle et Larissa puis part. Je la raccompagne jusqu'à sa voiture.
Larissa da MATHA
Je suis heureux pour mon époux. Mélanie lui a enfin pardonné. Je sentais qu'il avait ce poids sur la conscience.
Mélanie ! Cela peut paraître bizarre mais je n'ai jamais ressenti de jalousie envers cette femme. Je fais confiance à mon mari.
Certes, au départ j'étais méfiante, mais avec le temps j'ai compris que Mélanie n'est plus amoureuse de Charles et qu'il n'aime que moi.
Mélanie ! c'est le genre de femme qui dégage une aura positive. Elle ne me donne pas l'impression de me détester. Et puis, comment pourrais-je en vouloir à une femme qui a autant souffert dans sa vie ?
Quant à la magnifique fille qu'ils ont en commun, moi je l'adore. J'en viens parfois à oublier qu'elle n'est pas de mon sang. Car Sibelle ne fait aucune différence entre Judith, Mélanie et moi. Nous sommes ses mamans et elle est fière de dire à chaque fois qu'elle a trois mamans. (Rires).
**********
Judith da SILVA
Je me suis réveillée ce matin, avec le sourire aux lèvres comme d'habitude. Comme chaque matin, je prends le temps de remercier mon créateur en priant et entonnant un chant de louange.
Actuellement, je suis sur la terrasse tandis qu'Arnaud prend une douche en haut. Sibelle, quant à elle, dort encore.
Tout continuerait à être parfait dans mon monde si ma belle-mère n'avait pas à nouveau fait son apparition devant moi.
Cette fois-ci, elle est accompagnée de ma belle-soeur et d'une belle jeune fille qui garde un sac de voyage. La demoiselle, qui doit avoir 25 ans par là, porte un polo assez moulant sur un pagne noué à la taille et qui s'arrête sur ses genoux.
Toutes trois, en particulier l'étrangère me toisent dangereusement. Je crains déjà le pire mais je reste sereine. Intérieurement, je repète Esaïe 54,17 :
"Toute arme forgée contre toi sera sans effet; Et toute langue qui s'élèvera en justice contre toi, Tu la condamneras. Tel est l'héritage des serviteurs de l'Eternel, Tel est le salut qui leur viendra de moi, Dit l'Eternel."
- Bonjour maman ! finis-je par dire chaleureusement.
- Ôte-toi de mon chemin, femme stérile ! Je viens parler à mon fils.
Je garde mon calme et mon sourire. Je ne compte pas la laisser me déstabiliser. Je ne compte plus couler une seule larme à cause d'elle ou de sa fille.
- Entrez donc, maman. Je vais chercher Arnaud.
Mère et fille passent près de moi en me poussant presque. Je ne dis mot. J'attends qu'elles soient assises pour monter prévenir Arnaud. Je demande à Afi de leur servir à boire.
Je monte les marches aussi vite que je peux. Arnaud soupire longuement.
- Qu'est-ce qu'elle peut bien nous vouloir encore ?
- Je ne sais pas mais ce doit être important, pour qu'elle vienne de si bonne heure.
Il secoue la tête.
- Je parie qu'elle est venue nous chercher encore des noises.
Je hausse les épaules.
- Bah ! C'est possible. Mais tu te dois de l'écouter, mon cœur. C'est ta mère après tout.
Il acquiesce et nous descendons. Sa mère me veut à l'écart de leur discussion, mais Arnaud insiste pour que je sois présente.
- Eh bien, tu l'auras voulu Arnaud. Tu vois cette gazelle à mes côtés, elle s'appelle Yolande.
Là, je commence à voir clair dans le jeu de ma belle-mère. Arnaud la laisse parler, bien calé dans le canapé.
- Sa mère est une grande amie du village. Yolande est donc une fille de bonne famille, travailleuse, respectueuse et encore pure.
Pure ? Vierge ? Sérieux. Rien qu'à voir sa bouche d'allumeuse et la forme de ses seins, je devine aisément que celle-là a déjà joué et continue de jouer avec les "bâtons masculins".
- Où veux-tu en venir, maman, en me donnant autant de détails sur ta protégée ?
- Eh bien, comme tu ne veux pas te débarrasser de ta stérile de femme, j'ai amené Yolande pour la seconder. Elle te donnera de beaux enfants.
Un fou rire s'empare d'Arnaud. Je me contiens pour ne pas l'imiter.
- Voyons Arnaud, s'insurge sa sœur. Tu manques de respect à maman.
- Toi, personne ne t'a sonné, petite sotte ! riposte Arnaud. Je te le repète encore, plutôt que de te laisser entraîner dans les délires de maman, tu devrais te chercher un bon mari.
- Je ne te permets pas, Arnaud !
- Je suis chez moi, soeurette. Si ce que je dis ne te plaît pas, tu sais quoi faire ! ajoute-t-il en pointant un doigt vers la porte.
- Maman, je préfère t'attendre dans la voiture.
Elle se lève, pleine de colère et sort.
- Mon fils, je ne te reconnais plus. A cause de cette femme inutile, tu oses mal nous traiter à chaque fois !
- Et ce sera toujours le cas jusqu'à ce que vous compreniez que j'aime ma femme et que je n'en veux pas d'autre !
- Tu es un bel idiot, Arnaud ! Comment peux-tu refuser une fille aussi bien faite que Yolande ? Regarde-la bien !
- Je n'ai pas à la regarder, maman. Je ne veux pas de ton colis, de surcroît "déjà usé", même si tu t'évertues à le rendre blanc comme neige.
La malheureuse se met à pleurer. Je demeure dans mon mutisme, observant et attendant le dénouement de cette situation.
- Je te le redis, maman. Judith est mon épouse et je n'en veux pas d'autre !
- Ne pleure pas, ma belle ! poursuit ma belle-mère. Ici, c'est chez toi. Personne ne t'enlèvera d'ici. Mon fils est ton mari et il finira par t'accepter !
Puis se tournant vers Arnaud, elle ajoute :
- Moi, je m'en vais. Je te laisse ta nouvelle femme.
- Maman, tu ferais mieux d'emmener celle-là avec toi. Maman…
Elle se lève sans répondre à son fils, et sort laissant ma "coépouse" avec nous.
La sans-gêne se cale dans le canapé et scrute attentivement le salon.
Je soupire intérieurement. Je suis tellement choquée, que je demeure assise ne sachant ni quoi dire, ni quoi faire.
- Toi, tu te crois où ? lui lance Arnaud.
- Chez mon mari, dit-elle avec assurance.
- Vraiment ! Si tu ne déguerpis pas d'ici tout de suite, tu sauras quel type de mari, je serai pour toi.
En parlant, il détache sa ceinture, la brandit en s'avançant vers elle. Elle ne semble pas apeurée.
Arnaud ne semble pas blaguer. Il est visiblement en colère. Je suis sur le point de me lever pour l'empêcher de faire une bêtise, mais il m'en dissuade.
Un coup de ceinture atterrit tout juste près d'elle. Là, elle comprend qu'il y a danger et prend ses jambes à son cou, laissant son sac derrière elle. Arnaud s'en empare, le jette dehors puis ferme la porte à clé.
Il inspire profondément et revient vers moi.
- Arnaud, tu n'aurais pas dû …
Près de moi, il s'agenouille.
- Je te demande pardon pour tout ce que ma famille te fait subir, pour toutes les humiliations que tu endures à cause de moi.
- Relève-toi Arnaud, ce n'est pas nécessaire. Je t'aime, c'est tout !
A côté de moi, il s'assoit. Je me blottis dans ses bras.
- Merci de me défendre à chaque fois ! Mais quoi qu'il en soit, n'abandonne jamais les tiens. Ils sont certes compliqués mais je suis sûre qu'ils t'aiment beaucoup.
- Tu ne peux savoir à quel point j'ai mal chaque fois que je me dispute avec ma mère ou ma soeur. Mais je ne peux accepter ce qui est faux, ce qui est injuste. Je ne peux les laisser décider à ma place. Je ne peux les laisser t'humilier devant moi.
Je lève des yeux admiratifs vers lui. Je passe une main dans ses cheveux et d'une voix tremblante, pleine d'émotion, de douceur, j'entonne :
"Il a le regard économe
Il a le verbe rare, ça me plaît
Il aime le chant des colombes et l'odeur du café
Et ces petites choses qu'on fait sans y penser
C'est mon homme, mon drapeau
Mon homme, celui qu'il me faut
Je frissonne je prends l'eau
C'est mon homme, mon abri, mon lit, mon héros
Il ne saurait pas comment briller
Ou comme un phare banal, oublié
Dans sa mer ordinaire
Il brise les vagues sans voir
Ces milliers de lumières
Qu'il m'offre sans le vouloir (…)
C'est mon homme, mon ami
Qui pardonne, celui qu'on choisit
Quand je tâtonne, quand je faillis
C'est mon homme qui fait ce qu'il dit
C'est mon homme je l'admire
Mon ozone, l'air que je respire
Mon opium, mon jour
Oh mon homme, mon toit, mon chemin, mon amour.
Celine Dion,mon homme"