Chapitre 5
Ecrit par EdnaYamba
5.
Je saisis sa main qu’il me tend. Les frissons
qui me parcourent j’en suis sure n’ont rien avoir avec le froid.
Nous traversons les rues éclairées de notre
quartier, alors que les flocons de neiges tombent sur nous, jusqu’à son
appartement.
Quand nous y arrivons nous nous jetons l’un sur
l’autre sans mots.
Les mots de comptent pas, et pourtant il y a
beaucoup à dire, des réponses à donner, des explications à fournir. Mais ils se
meurent dans les baisers d’Alan.
C’est dans ses bras que je m’abandonne, sur le
grand lit rond d’Alan qui ne fait pas moins de 2m de diamètre, entre les quatre
murs blancs-bleus de sa grande chambre, silencieux
et témoins de notre retour de passion.
Face à face, les têtes posées sur les oreillers,
nous nous regardons comme si le temps s’est arrêté. Peut-être le temps d’une
conversation, mais aucun de nous deux ne se lance dans cette conversation qu’on
doit avoir.
J’adorais regarder son beau visage dans le temps
et c’est toujours le cas, je touche sa barbe en couronne. C’est l’élément
nouveau qu’il n’y avait pas il y a 3 ans et qui lui donne un charme
irrésistible. Qu’est-ce qu’il est beau !
-
Elle te va bien !
apprécié-je.
Il sourit alors que je trace de mon doigt le
parcours de cette couronne.
-
Merci, me dit-il, les yeux
fixés sur moi.
-
Alan, on devrait peut-être…
-
Chut, m’interrompt-il,
Juste l’instant Présent Aurore, n’oublie pas !
Se concentrer sur l’instant présent…
-
Concentre-toi juste sur le
fait que mon charme irrésistible te met k.o.
J’éclate de rire devant sa prétention alors
qu’il m’attire dans ses bras, et me serre fortement. Pas de mots. Juste nos
cœurs battant aux rythmes simultanés.
J’entre sur la pointe des pieds à la maison en
espérant ne pas tomber sur mon espiègle de grand-mère qui heureusement pour moi
dort encore, enfin c’est ce que je crois jusqu’à ce que j’écoute :
-
Bonne arrivée Aurore
Thérèse, j’espère que la nuit a été bonne.
Je m’allonge sur le lit en riant.
Apparemment ce n’est pas demain la veille que je
tromperais cette renarde.
Et puis quand est-ce va-t-elle arrêter de m’appeler
Aurore Thérèse et m’appeler Aurore comme tout le monde ?
***
-
Alors pour demain le diner
chez ma sœur qu’est-ce que tu en dis ? me demande Elodie alors que nous
marchons dans l’allée du parc.
J’ai voulu qu’on discute, je me dois d’être honnête mais je n’arrive
pas à placer un seul mot, elle va dans tous les sens, elle me parle de sa sœur
qui organise un repas chez elle et qu’elle aimerait qu’on y aille. Et plus je
la regarde, plus j’ai des remords avec l’impression de m’être foutue d’elle.
Comment je vais lui annoncer que j’ai passé la nuit avec mon ex, et qu’au fond
ce n’est pas encore réellement fini ce que j’éprouve pour elle. Je cherche les
mots, les bons mots, ceux qui ne la blesseront pas, mais est-ce possible ?
-
Demain ce n’est pas
possible, lui dis-je et puis il faut qu’on….
-
Ok ce n’est pas
grave ! de toutes les façons y aura d’autres occasions, à Noel peut-être
ou au nouvel an, ce sont de bons moments aussi...
Elle se tait interrompue par un appel de son
téléphone. Sa sœur apparemment.
-
Ok j’arrive, lui dit-elle.
Elle raccroche et se tourne vers moi.
-
Je vais devoir y
aller ! on m’attend.
Elle me smack et file sans que je n’ai pu lui
dire quoique ce soit. Je trouverais le bon moment et certainement les mots
qu’il faut pour lui parler, en attendant je prends le chemin opposé pour
rejoindre Aurore qui m’attend devant le café où nous avions l’habitude de nous
rendre.
Quand je la vois mon cœur fait un bond dans ma
poitrine, ses cheveux bouclés sont relevés dans un chignon haut , elle porte une robe teintée jaune avec des bas noirs enfilés dans un boot, un manteau noir
pardessus. Elle arbore un sourire magnifique.
Je ne peux m’empêcher de l’embrasser et même si
je m’engage sur un terrain glissant, je veux juste profiter de l’instant
présent qu’importe que demain elle reprenne le premier vol pour Paris. Vu qu’il
me semble impossible de me la défaire de la peau, je vais profiter le temps que
ça dure.
Et comme deux amoureux qui se découvrent, nous
nous parlons de tout.
Nous nous quittons quelques minutes plus tard
alors qu’elle va rejoindre Anaïs et moi Andy.
-
Donc ça a recommencé à
nouveau, sourit Andy alors que nous essayons de choisir un costume pour son
mariage. Vous avez au moins discuté ?
-
Non !
Il me regarde plein de surprises.
-
Une discussion ne
s’imposait pas plutôt ?
-
Pour l’instant ce qui
compte c’est l’instant présent!
Il hoche la tête en signe de compréhension sans
ajouter un mot.
Je ne me fais pas d’illusion même si j’aimerais
que ça dure plus que maintenant, je sais aussi qu’à la fin des fêtes elle peut
aussi décider de reprendre le premier vol pour Paris comme la première fois.
*
* *
Comme chaque Année depuis longtemps déjà, nous
nous retrouvons chez Thérèse Anguilet, on est au fil des années devenus une
famille. La mère d’Anaïs, son époux et
leurs enfants sont également présent. Ma mère et ma sœur sont arrivées par le
premier train de ce dimanche pour ne pas rater le diner.
Chaque année est différente l’une de l’autre et
c’est toujours aussi plaisant.
A l’arrivée nous avons tous déposés nos cartes
de vœux dans la petite boite près du sapin, chaque carte sera donnée à son
destinataire à la fin du repas.
Ma mère est visiblement heureuse de voir Aurore.
Elle chuchote quelque chose à Thérèse Anguilet et les deux se mettent à rire.
Ma mère a toujours adoré Aurore, et même quand
celle-ci m’a quitté, elle lui a trouvé des circonstances atténuantes.
Vous n’êtes peut-être pas prêts ! Faut la
comprendre elle est encore jeune. Et toi tu n’as pas vraiment l’air d’etre sur de tes sentiments !
Cependant ma sœur, elle choisit ses mots avec
beaucoup de prudence en lui parlant, de
peur de réveiller des blessures anciennes. Bientôt le sujet se porte sur le
bébé de 5 mois de ma sœur, qu’Aurore ne cesse de couvrir de baisers. Le veinard.
Je l’observe.
Personne d’autre dans la pièce à part Andy et
bien évidemment Anaïs ne sait ce qui se passe entre nous, nous nous lançons de
temps en temps quelques regards discrets.
Un tintement attire notre attention à tous.
-
Cette année c’est encore
une grande joie de nous retrouver autour de cette table en vue de la fin
d’année, commence mamie Thérèse, l’année semble plutôt bien se terminer pour
tous.
Elle passe en revue d’un regard tout le monde
sur la table, il est vrai que chacun de nous a plutôt eu une belle année.
Elle pose son regard sur les futurs mariés et
dit :
-
Pour couronner le tout, nous
aurons l’occasion de voir nos jeunes tourteraux sceller leur amour. Levons nos verres
à cette année magnifique et à l’amour !
Andy couvre Anaïs d’un regard plein d’amour,
elle le lui rend souriante.
-
À l’amour !
disons-nous tous.
Nous levons nos flutes pleines de champagne à
leur honneur.
La discussion s’anime autour du mariage prochain.
Anaïs ne cesse de sourire à chaque fois qu’Andy
utilise le mot « ma future épouse et
moi »
On aurait dit qu’il en est l’inventeur.
Ils sont tellement beaux ceux-là ! apprécie-t-on.
Je jette un coup d’œil en direction d’Aurore,
nos regards se croisent. Pense-t-on à la même chose à cet instant précis ?
Que ça aurait pu être nous, il y a 3 ans. Je
réprime la montée d’amertume.
-
Il est temps de passer à table ! nous
annonce Thérèse Anguilet.
La diner est tout simplement délicieux, la dinde
au citron de mamie Thérèse est un vrai régal qui met tout le monde d’accord.
Quand le repas fini et que la jeune génération
que nous sommes se met dans un coin pour discuter, d’un regard entendu Aurore
et moi, nous éclipsons pour le jardin.
-
Ça va ? me
demande-t-elle quand nous arrivons.
-
Oui… pourquoi tu es partie,
il y a 3 ans ?
C’est brut, je sais. Mais elle ne parait pas
surprise parce tout comme moi, elle savait qu’on ne pouvait pas éviter ce sujet longtemps. Elle passe les bras autour
d’elle à cause du froid.
-
Allons à la maison, nous
serons plus à l’aise pour discuter, lui proposé-je
Elle hoche la tête et me suit.
Je l’invite à s’asseoir, sur le canapé. Ici, on
pourra discuter à l’aise même si les derniers souvenirs de cette maison, nous
rappelle notre passion.
-
Ça va la temperature te va
ou il faut augmenter un peu le thermostat ?
-
Ça va, me dit-elle
Je reviens m’asseoir à côté d’elle.
-
Je sais que je t’ai dit
qu’on ne parlera pas du passé, mais je pense que c’est important !
-
J’avais peur…bégaye-t-elle.
-
Peur ? mais de
quoi ? tu ne m’aimais donc pas ?
Je me suis torturé longtemps avec cette question.
-
Bien sûr que je t’aimais,
réplique-t-elle aussitôt, ce n’était pas ça le problème !
-
Je ne demande qu’à
comprendre, lui dis-je en approchant d’elle,
-
Je n’étais pas prête à
assumer Alan, j’avais peur de passer à côtés de mes rêves, de me retrouver frustrer,
de t’en vouloir et de nous gâcher la vie !
***
Ce n’était pas une question d’amour, ça ne l’a
jamais été !
-
On était ensemble depuis 4
ans, d’où provenaient tes doutes ?
Mes doutes ?
Culturellement parlant si en occident à 18 ans
les jeunes pouvaient se marier, en Afrique ce n’était pas le cas.
Je n’étais qu’une enfant à peine sortie du cocon
familial, à 2o ans je n’étais qu’un bébé pour mes parents. Je quittais cette
coupe parentale pour venir sous la coupe de ma grand-mère à Montréal. Je
n’avais jamais connu c’était quoi être indépendante, s’occuper de soi
d’ailleurs, je ne savais même pas prendre soin de moi-même comment aurais-je pu
prendre soin d’un homme ? Être une femme ?
Être en couple est une chose, se marier en est une
autre.
J’allais quitter la coupe de ma grand-mère pour
celle d’Alan.
Je voulais intégrer cette école de finances de
Paris et j’avais obtenu mon admission pour le master.
Et même si je pouvais faire cette formation à
Montréal, devoir renoncer à Paris sonnait comme une alarme, qui me prévenait
que ce ne serait pas le seul sacrifice que je ferais !
J’ai paniqué. J’avais l’impression que je ne
serais jamais libre. je ne serais pas heureuse !
Et qu’au final je l’en voudrais parce que je
serais frustrée, et ce n’était pas ce que je voulais. Je l’aimais trop et il ne
méritait pas ça que je marie en ayant des doutes ou des regrets. Je lui aurais
fait beaucoup de mal à la longue. J’ai dû penser qu’en partant, je l’oublierais
vite, que je referais certainement ma vie…Ce que je ne savais pas c’est que je
me ferais encore plus de mal.
Ding dong
On sonne à la porte. Alan se lève, ça doit
certainement être sa mère ou sa sœur bien que je les imagine mal venir à cet
instant. Je suppose qu’ils ont tous dû remarquer notre absence et savoir qu’on
avait dû aller discuter.
-
Elodie, je ne t’attendais
pas !! l’entends-je dire !
-
Pourquoi, dit l’autre en
entrant, ah je vois !
Elle apparait dans une robe rouge qui lui va à
ravir. Je me lève brusquement comme en prise en flagrant délit.
Elle bat des mains, se tournant vers Alan et
moi.
-
Bravooo ! c’est pour
ça que tu ne m’attendais pas Alan ! lui dit-elle furieuse ! pour
elle, tu as donc repris avec elle…. Tu oublies qu’elle t’a quitté comme un moins
que rien, je t’ai ramassée à la petite cuillère et toi, elle revient et hop…
Pendant nous gardons le silence, un vague moment
de culpabilité me saisit après mais je me rappelle les paroles de maman, s’il y
a une petite lueur d’espoir saisis-la. Et c’est ce que j’ai fait, j’ai suivi
mon cœur, je suis peut-être égoïste comme elle le dit mais je l’aime…
Alan se retourne vers moi et me dit :
-
Aurore s’il te plait tu
peux me laisser discuter avec Emilie !
Je reste figée quelques minutes le temps de réaliser.
Il me demande de partir , il reste avec elle. Il
la choisit.
Puis je sors de la maison en claquant très fort
la porte, le cœur en lambeaux avec comme un doute, on dirait bien que je l’ai
perdu…
Les larmes aux yeux je cours vers la maison….
J’ai fait une bétise il y a 3 ans je n’aurais
jamais dû le quitter ….