Chapitre 5 : Une réponse favorable
Ecrit par Auby88
"Les deux mots les plus brefs et les plus anciens, oui et non, sont ceux qui exigent le plus de réflexion.
Pythagore"
Après le départ de Satine, Richmond se dépêche de prendre une douche pour se débarrasser des grains de sable collés à sa peau. Ensuite, devant la télévision, il s'assoit pour s'informer de l'actualité du pays. Sandra s'introduit dans le séjour, après avoir ôté ses ballerines. Puis, sur la pointe des pieds, elle avance vers lui.
- Sandra, tu ne m'auras pas cette fois-ci ! Je sais que tu es là !
- Zut alors !
Sur les jambes de Richmond, elle court s'asseoir.
- J'ai grand besoin que tu me masses les pieds.
Il éteint le poste téléviseur. Elle s'étend, près de lui, dans le canapé et pose ses pieds sur lui. Avec délicatesse, il s'occupe d'elle.
- Je vois que ta journée a été bien remplie ! dit-il en lui souriant.
- Ne m'en parle pas, Ricky ! Un désastre ! Avec Suzie, nous sommes restées dans un embouteillage pendant deux heures. On ne pouvait ni avancer, ni reculer. C'était vraiment atroce. J'ai eu des crampes partout. Un accident de circulation doublé de l'incompétence des hommes en uniforme chargés de réguler le trafic, voilà la cause. Je ne te parle même pas des gaz d'échappement des véhicules 'virussés' et moribonds qui circulent alors qu'ils doivent être à la casse.
- Comment as-tu pu sentir l'odeur de fumée dans une voiture climatisée ? s'étonne-t-il. Et qui est cette Suzie ?
- Suzanne est un mannequin professionnel que j'ai rencontrée ici. J'ai préféré faire le tour de la ville avec elle. Sauf que la clim de sa voiture ne fonctionnait pas !
Les doigts de Richmond arrêtent leur mouvement.
- Je pensais que tu y allais avec Charles ? Il connaît très bien la ville.
- Charles ! s'offusque-t-elle. T'es sérieux, là ! Tu me vois me balader en public avec le chauffeur à mes côtés ? On n'est pas de la même catégorie, lui et moi, je te le rappelle.
Richmond se lève promptement.
- Aïe ! Tu m'as fait mal aux chevilles !
Il est au bar.
- La séance de massage est finie et j'avais besoin d'un verre de whisky.
- Tu viens à peine de commencer, Ricky !
- A dire vrai, ce sont tes propos qui m'ont choqué. Tu ne devrais pas sous-estimer autant les gens ! Et tu devrais faire attention à tes fréquentations !
- Bah ! fait-elle en haussant les épaules. Suzie est une fille sympathique et n'oublie pas que j'ai suivi des cours d'auto-défense. De toute façon, tant que sa clim ne sera pas fonctionnelle, je ne monterai plus jamais dans sa bagnole. Je sens encore les relents d'essence de contrebande vendue çà et là. Je suis étonnée que les gens préfèrent ce combustible frelaté à l'essence des stations !
Il revient s'asseoir près d'elle, son verre à la main.
- Je n'ai jamais approuvé cette proximité avec le danger, mais cela reste un mal nécessaire pour les populations, vu le niveau économique. Et il y a aussi des gens friqués qui s'y approvisionnent. C'est à l'Etat de trouver des solutions idoines.
- En effet. Pour ce qui est de Ganvié, la soi-disante Venise d'Afrique, le décor est architectural avec les maisons sur pilotis. Originale est cette vie sur l'eau avec le commerce, à bord de pirogues, animé par des femmes. Mais, ça sent trop la misère, l'odeur fétide des poissons et j'ai vraiment eu peur que notre barque se renverse.
Richmond secoue la tête pendant qu'elle ajoute :
- J'aurais mieux fait de regarder les images de Ganvié sur le net plutôt que de perdre mon temps.
- C'est cela ton attitude Zen ? s'enquiert-il.
- Je suis ainsi, rétorque-t-elle. Ce n'est pas de ma faute si je vois du négatif partout, surtout ici. Mais je dois quand même reconnaître un point positif : les prêts-à-porter chics de Cotonou. Je n'ai pas pu m'empêcher de dévaliser quelques uns en rentrant. J'en avais grand besoin, mon chou, pour déstresser quelque peu après mon périple et réadopter une attitude Zen !
Il écarquille les yeux en l'écoutant puis reprend :
- Quelle belle manière de maîtriser sa colère, de surcroît en exploitant la fortune d'autrui !
- Ne dis pas cela, mon doudou. Cette nuit, je te montrerai tout ce que j'ai pris. Y a plein des trucs coquins que tu vas adorer et je suis certaine que tu me pardonneras d'avoir dépensé autant d'argent.
Elle affiche un sourire des plus coquins. Il détourne la tête, soupire et se lève à nouveau.
- J'ai besoin d'un autre verre !
- As-tu été bien sage en mon absence ?
Elle s'approche du bar.
- Tu n'es pas amnésique, j'espère ! Tu as toi-même décliné mon invitation. Ne viens donc pas te plaindre de quoi que ce soit !
- Ce matin, je n'avais aucune envie d'interrompre ma zen attitude avec ta soeur dans mon champ de vision. Je parie qu'elle a passé tout son temps à te persuader de me quitter !
- Si cela peut te rassurer, nous avons passé la journée à jouer au ping-pong et à parler de nos souvenirs de famille ! J'aimerais vraiment que tu arrêtes de médire de ma soeur ! Elle est difficile, je le reconnais, ce qui reste de son âge, mais c'est une chouette fille !
- Oui, une chouette avec tout le monde mais un hibou avec moi !
- Cela lui passera, Sandra. Elle m'a promis de ne plus t'embêter !
- Ah vraiment ! Parce que moi je suis une disciple de Saint Thomas !
- Il n'y en a pas une pour rattraper l'autre ! s'insurge Richmond. Vous êtes pareilles : toutes deux, trop fières !
Elle hausse les épaules.
- Bah ! Par hasard, t'aurais pas eu d'autres visites féminines ?
Richmond n'est plus d'humeur à l'écouter. Il quitte le bar et revient s'asseoir. Il rallume le poste téléviseur et se cale bien dans le canapé. Elle se ramène près de lui.
- C'est bon. J'ai compris. T'as pas à t'énerver ! Au fait, la pseudo-religieuse t'a appelé ?
- Tu es bien drôle, Sandra ! Elle ne m'a pas encore appelé mais je reste confiant.
- Elle a peut-être jeté ta carte de visite.
- Je ne pense pas.
- J'avoue qu'au départ, j'étais frustrée que tu aies changé si rapidement d'avis mais à bien y repenser, t'as fait un bon choix.
- Tu le penses vraiment ?
Il la fixe droit dans les yeux. Elle détourne la tête, se lève en ajoutant :
- Je vais voir ce que la cuisinière prépare pour le dîner et ensuite, je file prendre une douche. J'ai une faim de louve !
- Vas-y ! Sauve-toi ! Tu ne changeras jamais !
Elle le regarde à nouveau avec un sourire malin.
La sonnerie du Samsung de Richmond retentit. Un numéro inconnu est affiché sur l'écran. Il décroche l'appel.
- Allô !
- C'est bien monsieur Richmond ?
Il se redresse.
- Oui.
- Je suis Cica, la maîtresse de chant de l'orphelinat.
- Oui, je me souviens de vous, répond-t-il en se levant. Vous avez changé d'avis ?
Il emploie un ton sérieux, pour cacher son excitation.
- Oui, monsieur. J'accepte votre offre.
- C'est parfait ! Nous commencerons après-demain au studio 8 à neuf heures précises. Mon chauffeur passera vous chercher. Il s'appelle Charles. Soyez à l'heure ! Je hais le retard !
Il raccroche, arbore un sourire qui découvre ses belles fossettes puis appelle le pianiste, le contrebassiste et le batteur pour confirmer l'heure et le lieu de leur première répétition.