Chapitre 59
Ecrit par Myss StaDou
Chapitre 59
Clac Clac… Le bruit des clés dans la serrure de la porte de l’appartement de Victor sonne dans mes oreilles comme celui d’une entrée en prison. Je sais que ce n’est pas comparable. Mais les derniers événements de ma vie me vont penser de moins en moins que je vis un conte de fée. Si cet homme est revenu à moi après une si longue période de silence, cela veut dire qu’il tient vraiment à moi.
Malgré le fait qu’il se pourrait que la situation avec ma sœur n’ait été qu’un vilain accident, je n’arrive pas à enlever de mon esprit la question de sa présence chez nous : peut-être ma sœur voulait-elle tout simplement mettre leur relation au grand jour… Je n’en sais bigrement rien et ça m’énerve ! Mais mine de rien, il faudra un de ces jours que je mette les points sur les i avec elle… C’est quand même ma grande sœur… Sans bagarre de préférence. Autant d’animosité et de rancœur envers sa propre sœur, c’est inimaginable.
Mais revenons d’abord à nos moutons. Je me tiens juste à l’entrée de la maison, avec le salon à ma gauche et le couloir qui mène vers les chambres en face de moi. Victor pose le paquet de nourriture sur la table de la cuisine. Oui, j’ai oublié de vous parler de notre petit détour gastronomique nocturne.
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FLASH BACK QUELQUES MINUTES PLUS TÔT DANS LA VOITURE
Quand je vous dis que la honte me suit partout… Étant donné que Victor et moi gardons un silence digne d’une séance de prière dans un couvent de sœurs, mon ventre a décidé de me souiller en pleine nuit en émettant un de ces vieux bruits de lion affamé en pleine savane… Ou c’est la famine de quoi ?! Tandis que la honte me prend de manière violente et je n’ose piper mot, Victor s’est mis en rire en coin avant de changer de route sans rien dire. Il a donc décidé spontanément de faire un détour par l’École de police où, de nuit, un peu en contrebas de la descente de cette route vers le Carrefour Warda, on braise le poulet au charbon.
C’est vrai que des fois, le goût du poulet varie du basilic au gout du Mbongo Tchobi (Plat du peuple Bassa-Cameroun), mais c’est braisé au charbon contrairement aux rôtisseries, donc le goût est tout simplement mortel ! Je reste assise dans la voiture tandis qu’il va passer la commande et revient s’asseoir quelques minutes près de moi.
− Tout va bien ? demande victor en souriant.
− Hmm… Oui.
− Ne sois pas gênée. J’ai moi aussi une petite faim. Les glaces ne pouvaient quand même pas nous servir de diner ce soir.
− C’est quand même vrai.
− Allez, fais-moi un sourire. Tout va bien. Et surtout nous allons bien manger tout à l’heure. Je sais que tu aimes ça.
Je réponds juste avec un petit sourire.
− Voilà ! C’est beaucoup mieux comme ça.
Le vendeur lui fait signe d’approcher et il s’en va chercher le poulet commandé. Sans mot dire, il le pose sur la banquette arrière et se remet en route pour sa maison qui n’était pas très loin de là. Le voici donc devant moi qui se balade dans la maison. Ça sent un peu le renfermé ici. Il n’a apparemment pas été ici depuis un moment. Victor revient donc vers moi pour aller déposer je ne sais quoi au salon. Il repasse ensuite près de moi et se dirige vers le couloir, non sans avoir auparavant caressé mon dos d’un toucher léger de ses doigts en passant.
Hum… Cet homme veut mettre mes sens en feu pour me déstabiliser… Oya ! Ton plan est petit comme la fourmi monsieur ! Aujourd’hui, je ferme boutique !
Victor s’avance lentement, trainant un peu le pas comme si la fatigue avait pris possession de son corps. Quelle fatigue même ? Je sais qu’il sort d’abord d’où ? Je reste plantée où je me trouve avec aucune intention de bouger. Ce n’est qu’après avoir ouvert la porte qu’il se rend compte de ma position statique et affiche un air surpris.
− Nicole, il y a un problème ?
Je le regarde.
− Viens dans la chambre.
− Non !
− Comment ça « non » ?
Je ne lui réponds pas et jette juste le sac de fortune que j’ai encore en main par terre. Je ne suis pas ici pour lui servir tout dans un plateau. Il doit aussi comprendre certaines choses de lui-même. Victor revient donc vers moi et pose sa main gauche sur mon bras droit :
− Chou, parle-moi. Qu’est-ce qu’il y a ?
− Que veux-tu que j’aille faire dans cette chambre ? Tu as dit que je te suive chez toi pour qu’on parle, pas pour qu’on aille faire l’amour !
− C’est tout ce à quoi tu penses ? demande-t-il avec lenteur.
Je marmonne sans répondre.
− C’est cette image que tu as de moi ? s’écrie-t-il. Un obsédé sexuel qui veut juste profiter de ton corps ?
Je sens déjà la colère monter dans sa voix et je me rends compte que peut-être je pousse le bouton trop loin, interprétant mal ses paroles.
− Non… Je n’ai pas dit ça. Mais je ne pense pas que ce soit l’endroit adéquat pour avoir une discussion sérieuse. Avoue qu’il est difficile pour nous de garder nos mains sur nous. On sait toujours comment ça finit.
− C’est normal ! Parce que nous avons toujours envie de l’autre. Il n’y a rien de mal à ça, car c’est sain pour un couple qui s’aime. Mais nous sommes des adultes et nous pouvons raisonner, nous contrôler.
− Hum !
− Si l’envie nous prend, nous le ferons. Mais nous ne sommes pas là pour ça ce soir. S’il te plait, viens dans la chambre. Je suppose que tu dois avoir envie de te rafraichir. Moi après cette longue journée, j’ai besoin d’une bonne douche.
− Moi aussi. Je suis tellement fatiguée. J’ai beaucoup travaillé avec Maman ce matin.
− Viens alors. On y va.
Je le laisse passer devant le temps de réfléchir s’il faut que nous prenions cette douche ensemble ou séparément. J’entre dans la chambre en laissant la porte derrière moi ouverte. Je m’assieds et pose mon sac près du lit. Devant moi Victor se déshabille petit à petit dévoilant ainsi son corps d’Adonis… Anti ! Montée de température corporelle… Je ne pense pas qu’il était aussi musclé la dernière fois que je l’ai vu nu. Il tape déjà les parpaings ? Sans aucune gêne, il se dévoile dans le plus simple appareil et prends une serviette propre dans l’armoire, la jette sur son épaule avant de porter ses sandales et sortir de la chambre pour aller à la douche.
Je suis sûre qu’on peut entendre mes battements de cœur. Je déglutis devant ce spectacle appétissant d’un mec choco sexy qui ne demande qu’à être croqué ! Est-ce que je suis en bois ?! Du couloir, il me lance :
− Je t’attends pour me frotter le dos. Dépêche-toi !
Na ya ! Me dépêcher pourquoi ? Il me veut même quoi à la fin ? Il dit qu’on doit parler et maintenant c’est lui qui marche partout nu comme un ver. Ça, c’est jouer avec les nerfs des gens. Je commence à me déshabiller. Arrivée au plus simple appareil, je passe mon chapeau de bain pour protéger mes cheveux. Ma coiffure offerte par Josy à Douala était encore en très bon état. À la fin, curieuse de savoir à quoi je ressemble ce soir, je me regarde dans le miroir en pied de la penderie et j ai l’impression que mon ventre a un peu augmenté de taille. Non, impossible ! Pas si vite quand même ! C’est sûrement mon imagination qui me joue des tours.
Je me dépêche de prendre une grande serviette dans l’armoire et l’enrouler sur mon corps. Je n’ai pas l’impudeur de Victor pour marcher nue… Timidement, j’ouvre la porte de la salle de bain qui n’est pas très éclairée (Merci Aes Sonel). Victor est sous la douche en train de laisser l’eau couler sur son corps, une main appuyée contre le mur, l’autre sur sa poitrine. Il tourne le visage dans ma direction et me sourit.
− Viens, que je te donne le bain, mon bébé à moi.
Sa voix est si douce qu’on dirait un appel du cœur. Je pose ma serviette près de la sienne sur un manche en fer et le rejoint. Ce qui va suivre est incroyable, mais vrai. Nous prenons cette douche sans faire l’amour. Pour une séance nocturne, l’eau est plutôt tiède donc assez agréable sur mon corps en feu. Après m’être mouillée, Victor prend une éponge et l’arrose du gel douche à la noix de coco, qu’il utilise habituellement pour sa douche, avant de me frotter le corps minutieusement. Je ne vous dirais pas que tout cela n’aiguise mes sens. Mais il le fait dans les règles de l’art. Moi j’appelle cela « douche érotique ».
À mon tour, je lui prodigue un petit massage avec l’éponge remplie de mousse. Je l’entends gémir lorsque, collée contre lui, je passe sur une des ses zones érogènes. Mais pas une fois, il n’a fait un geste pour que ça aille plus loin. À la fin, nous nous rinçons et après un baiser, nous nous essuyons mutuellement avant de quitter la douche et d’aller dans la chambre. Cet échange est très doux et intime. Je crois que des moments comme ceux-là m’ont beaucoup manqué en son absence.
Victor vient encore de m’apprendre une chose : un couple peut passer un bon moment sans forcement s’envoyer en l’air. Je me sens mieux, beaucoup plus détendue qu’avant. Et dans le fond, je le remercierais bien de cette initiative qu’il a pris.
Sous la lumière vive de la chambre, un peu de pudeur me reprend et je me mets à une certaine distance de Victor pour m’habiller. Lentement, j’oins mon corps de mon lait de toilette et enfile ensuite ma nuisette sur le string que j’ai porté. Victor porte une culotte sur son slip avant de passer un t-shirt sans manche sur son torse. Je suis plus rapide que lui – l’habitude de devoir se dépêcher le matin – et je finis la première. Je m’assieds sur le lit pour le regarder finir de s’apprêter. Il met son déodorant et un peu d’after-shave sur son menton. À la fin, il se tourne vers moi, souriant :
−nous allons manger ?
− Ok. Je te suis.
Nous sortons de la chambre. Arrivés au salon, Victor prend le sachet avec le poulet et nous nous rendons dans la cuisine. Je mets le poulet et le plantain tapé dans un plateau. Nous nous installons et commençons à manger. Tout se déroule dans le silence le plus complet. Cela rend l’atmosphère assez lourde. Mais je crois que ça évite de plomber nos humeurs, après le bon moment que nous venons de passer. À la fin du repas, je débarrasse et jette les déchets de poulet dans la poubelle. Il est déjà 2h du matin à la montre murale de la cuisine. Je me demande même bien si on pourra encore parler ce soir.
Victor vient me prendre la main et nous nous dirigeons vers la chambre.
− Victor, allons plutôt au salon. Nous serons plus à l’aise pour parler là-bas.
− Je suis un peu fatigué, chou. Je préfère qu’on aille une fois dans la chambre.
− Si tu veux.
Nous allons dans la chambre et tandis que Victor s’adosse sur le bord de la table de la chambre, je m’assieds sur le bas du lit.
− Tu as assez fait de suspens sur toute cette histoire, parle !
− Que veux-tu savoir ? demande-t-il d’un ton las.
− Où es-tu passé depuis ?
− J’étais hors du pays. Pour le boulot.
− Quoi ? Sans me dire ?
− Je sais qu’expliquer tout cela sera long et compliqué, mais je vais te dire l’essentiel pour l’instant. J’avais une mission de deux semaines au Gabon. Je n’ai été prévenu que le mercredi et je devais prendre mon vol le vendredi.
− C’est pour ça que tu ne répondais pas ? Et tu es rentré quand ?
− Je ne suis rentré que tout à l’heure. Je ne voulais pas trop utiliser le roaming, raison pour laquelle c’est moi qui appelait ton frère et j’avais besoin de temps pour penser.
− Pour penser à me quitter ?
− Comment tu peux penser à une chose pareille ? Nic, je t’aime et je tiens sincèrement à toi.
− Hum !
− Je suis désolé de ce qui est arrivé. Mais donne-moi l’opportunité de t’expliquer tout. Mais pas maintenant. Je tombe de fatigue. J’ai besoin de me reposer pour pouvoir trouver les mots justes pour bien t’expliquer toute la situation.
− Tu ne peux pas faire un effort ? Pour qu’on en finisse une fois.
− Tout ça est vraiment long et je veux qu’en partant d’ici, tout soit clair entre nous.
Il marque un léger arrêt avant de reprendre la parole.
− Dis-moi, as-tu cours demain ?
− Non. J’ai déjà passé la plupart de mes examens. Je suis plus libre.
− Ok. Tant mieux. J’ai pris des congés jusqu’à jeudi. Je veux que tu les passes avec moi.
− Je ne sais pas. Nous verrons d’ici demain.
− S’il te plait, chou. J’ai envie de pouvoir te parler, passer du temps avec toi. Viens, allons nous allonger.
Il retire son T-shirt et son short et je le vois passer à coté de moi pour s’allonger sur le lit. Je le traverse pour aller m’allonger à coté du mur. Il va atteindre la lumière de la chambre et revient s’allonger sur le lit. Dans le noir, comme un bébé il vient se blottir contre moi, me prenant dans ses bras et j’entends rapidement son souffle devenir de plus en plus régulier et calme dans mon cou. Il sombre rapidement dans le sommeil.
Il devait être bien fatigué. Et avec le programme que j’ai du lui imposer cette soirée, je n’ai rien arrangé. Mais il ne perd rien pour attendre. Cette discussion nous l’aurons le matin, l’esprit plus frais.
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C’est le toucher d’un ange sur mon cou qui me fait frissonner le matin.
J’ouvre les yeux brusquement, complètement perdu. Où suis-je ? Petit à petit, la mémoire me revient et je me rappelle que je suis couchée dans le lit de Victor. Ce dernier vient de me déposer un baiser dans le cou et récidive la manouvre.
− Bonjour princesse. Bien dormie ?
− Je ne sais pas… Je pense oui. Merci. Et toi ?
− J’ai passé une nuit merveilleuse et en très bonne compagnie.
Je me détache de ses bras pour m’étirer. Dormir recroquevillée contre lui m’a donné des courbatures ce matin. Même si je me sens divinement bien. Mon ventre se met alors à gargouiller.
− J’ai faim, murmuré-je.
− Je l’entends jusqu’ici, t’inquiète.
Il se penche vers son téléphone poser sur la table de chevet et regarde l’heure.
− Il est bientôt 10h ! Le temps file trop quand je suis avec toi. Je vais aller chercher du pain pour qu’on déjeune. Ensuite nous pourrons parler calmement.
− Ok, il n’y a pas de souci.
Après avoir déposé un baiser sur ma joue, il va se laver les dents et se rafraichir avant d’enfiler un jean et un T-shirt. Il prend ensuite son portemonnaie, son téléphone et la clé de sa voir, et sort de la maison. Je profite aussi de son absence pour faire ma toilette et me rendre à la cuisine.
Victor est de retour une quinzaine de minute plus tard avec du pain chaud et des yeux. Je prépare des omelettes pour le petit déjeuner que nous dégustons ensuite en parlant de politique et de faits divers. A la fin du repas, je débarrasse et remets la cuisine en ordre.
− Ta ménagère vient quand ?
− Normalement, deux à trois par semaine. Mais je lui dirais de venir plus tard. Je ne veux pas que qui que ce soit vienne nous déranger dans notre nid d’amour.
− Moi aussi, murmuré-je.
− Alors tout est bien.
Nous allons ensuite nous installer au salon. Je crois qu’il est plus que temps que nous mettons les choses au clair. Nous nous essayons chacun dans un coin du canapé. Victor a un air très grave, il doit chercher à mettre de l’ordre dans ses pensées.
− Je tiens tout d’abord à m’excuser pour tout ce que tu as vécu à cause de moi. D’abord la situation avec ma mère et ensuite la scène avec ta sœur… J’ai eu à parler avec ton frère et il m’a dit que cela t’avait beaucoup affecté. Ton week-end à Douala avec Josy s’est tout de même bien passé ?
− Oui, quand même… Juste que le choc de vous voir… Enfin… Bref ça m’a envoyé à l’hôpital pour une nuit.
− Quoi ?! Junior a évoqué un truc du genre. Mais…
− Rien de grave, t’inquiète. Juste que je suis restée sans manger de la journée et mon corps ne m’a pas suivi.
− Je suis vraiment désolé, chou. Je sais comment les mots ne seront assez justes pour que tu me pardonnes toute la douleur et le stress…
− Je comprends.
− Tu dois sûrement te demander comment tout cela a pu bien arrivé. La scène avec ta sœur…
Je veux parler, mais j’avais la gorge bien nouée. Revoir cette scène dans ma tête, c’est lourd. Je ris, le cœur en feu :
− Habituels ? N’importe quoi ! Je me suis juste retrouvé dans une situation stupide que je n’ai pas vu venir. Elle m’a tendu un vilain piège.
− Hum… Comment ?
− Elle m’a appelé vers 13h ce jour-là et m’a dit vouloir me voir. Je rentrais à peine de ma pause. Je ne sais même pas où elle a eu mon numéro de téléphone. J’ai supposé que tu as du le lui donner.
− Moi ? Jamais ! Pourquoi j’aurais fait une chose pareille ?
− Bref. Ce n’est plus important. Quand je lui ai demandé pour quelle raison, elle voulait me voir, elle m’a dit que c’était pour discuter de la situation qui avait eu lieu entre toi et moi il y a quelques jours. Tu lui aurais dit que ça t’affectait énormément et elle voulait essayer de nous réconcilier définitivement.
− N’importe quoi ! Je ne lui en ai jamais parlé, dis-je en réfléchissant un instant. À moins que… Je comprends maintenant son vilain sourire de ce soir-là…
Vous vous souvenez qu’après ma conversation avec Josy, ma sœur était entrée en souriant dans la chambre et avait parlé d’avoir gagné le jackpot ? Je comprends mieux maintenant… Quelle gourde je peux être !
− De quoi parles-tu ? demande Victor.
Je force un sourire.
− Rien d’important. Continue.
− J’étais encore au bureau et j’ai tout laissé en plan pour la rejoindre chez vous. Arrivé là-bas, je l’ai trouvé seule. Elle m’a installé au salon et prévenu que tu nous rejoindrais plus tard. Ça lui laisserait ainsi le temps de parler en tête à tête avec moi.
− Hum. Je vois ça.
En parlant, Victor regarde le vide devant lui, comme pour se visualiser de nouveau la scène tel quel a eu lieu. Son visage ne transporte pas beaucoup d’émotions, mais est marqué d’une expression grave.
− Elle m’a servi une liqueur que j’ai bu tandis qu’on parlait de tout et rien pour détendre l’atmosphère.
− Détendre ? Hum ! On a vu ce que ça a donné !
Victor me jette un regard lourd avant de baisser la tête et de continuer à raconter :
− Je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé. Tout est allé vite. J’ai commencé à me sentir lourd. Aligner deux pensées cohérentes devenait difficile. Pensant que je faisais un malaise alimentaire, je lui ai demandé où se trouvaient les toilettes. Elle a tenu à m’accompagner. Mais j’avais vraiment du mal à marcher. Je sais qu’elle m’a soutenu à un moment, tellement mes jambes étaient lourdes. Je pense que je perdais connaissance.
Son récit me rend triste.
− Je sais qu’à un moment, je me suis retrouvé couché quelque part, je pense sur un lit…
Une larme ruisselant sur ma joue droite :
− Sur mon lit…
− Dans un flash, je l’ai aperçue assise sur moi la poitrine nue en train de simuler un acte sexuel. Je voulais lui dire d’arrêter et l’enlever de là. Mais je n’avais plus de force et j’ai sombré dans un milieu assez touffu dans ma tête. Comme si j’étais dans du coton.
− Ce n’est pas vrai !
− Tout ce temps dans ma tête, je luttais pour reprendre pied, car je savais que cette situation n’était pas normale. J’ai cru entendre ta voix très loin et j’ai réuni toute l’énergie qu’il me restait pour t’appeler. Mais j’ai sombré à nouveau dans les méandres obscurs de mon esprit. Quand j’ai de nouveau ouvert les yeux, il faisait nuit et j’étais dans un hôpital.
Je commence à sangloter :
− Je suis désolée.
− Tout ça est passé. Mais je veux que tu comprennes. Il ne m’a pas fallu longtemps pour que je comprenne ce qui c’était passé chez vous.
− Hum…. Snif…
− Il y avait encore la situation avec ma mère à gérer et puis ça... Je savais que tu m’aurais difficilement écouté. L’appel de ton frère m’a enlevé une pierre sur le cœur, surtout quand il m’a dit que grâce à un voisin bienveillant, j’ai pu sortir de là.
− Je suis désolée … Snif… J’aurais dû faire plus attention… Snif… Ne pas m’arrêter aux apparences… Snif… Mais j’étais sous le choc, comprends mois s’il te plait.
Victor pose une main sur mon épaule :
− Ça va. Ne pleure plus. Aucun de nous deux ne pouvait prévoir qu’une chose pareille n’arrive. Mais il faudra parler à ta sœur. C’est terrible ce qu’elle a essayé de te faire.
J’essuie les larmes qui embuent mes yeux et m’empêchent de m’exprimer correctement. Trop d’émotions me submergent en ce moment.
− J’essaierai de lui parler. La situation est très grave, même à la maison. Mes parents l’ont mis à la porte quand ils ont appris par Junior ce qu’elle a fait et qu’elle a refusé catégoriquement de s’excuser auprès de moi. Mais je ne comprends pas son geste.
− Moi non plus. Le plus étrange, je ne sais même pas comment je suis arrivé à l’hôpital. J’ai du être dans un état comateux un bon moment.
− Hum… Dans ma colère, j’ai appelé Jeanne pour gueuler. Mais j’étais déjà en route pour l’agence. Elle est allée illico à la maison et avec l’aide de Stéphane, mon voisin, ils t’ont ramené ici. Mais comme tu tardais à te réveiller, elle a été prise de panique appelé sa mère à l’aide. Celle-ci t’a emmené à l’hôpital, d’après ce que Jeanne m’a dit.
− Je comprends mieux. Le médecin avec qui j’ai parlé le matin m’a dit que c’est ma tante qui m’a emmené. Il n’était pas de garde la nuit, donc il n’a pas assisté à mon admission.
− Je vois.
Victor secoue la tête, triste :
− Qu’est-ce qu’elle doit bien penser de moi ? Malheureusement, étant donné que je devais passer au bureau, prendre des dossiers et me préparer pour le voyage, je n’ai pas eu le temps de l’appeler pour la remercier. Je le ferais tout à l’heure.
− Je vois.
− Bref. C’était un malheureux concours de circonstances. Je tiens vraiment à toi, tu sais.
− Je sais.
− Je ne pouvais pas reporter ce voyage et je ne savais que tu n’aurais pas accepté d’écouter mes explications par téléphone. J’ai tenu à prendre de tes nouvelles par ton frère.
− C’est bien. Ça prouve que tu pensais quand même à moi.
− J’ai profité pour mettre un peu mes pensées au clair et réfléchir sur quelles décisions prendre. J’ai vraiment besoin de mettre de l’ordre dans ma vie.
− Ok. Je t’écoute.
− Je ne comprends pas pourquoi toute cette situation entre nous est si compliquée. Ma mère qui te fout à la porte de chez elle, ta sœur qui essaie de me droguer. J’ai peur qu’on ne laisse nos vies dans tout le processus.
Je me lève brusquement du canapé pour lui faire face debout. J’ai peur, très peur de ce qui peut suivre. Mes mains tremblent à imaginer que…
− Victor… Victor... Où veux-tu en venir en disant cela ? Voudrais-tu par hasard insinuer qu’on doit se séparer ?
Sans rien dire, Victor lève un regard lourd vers moi avant de baisser les yeux vers le canapé.
Non ! Pas ça !