Chapitre 6 : Justice des hommes
Ecrit par Verdo
LE JOURNAL D'AMINA (Roman)
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****Chapitre 6 : Justice des hommes****
« Il est normal de juger une personne fautive mais il est plus judicieux de connaitre les raisons qui l’ont obligé à mal agir avant de se prononcer ».
Verdo Lompiol…
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⎯ Je n’en sais rien maman ! marmonnai-je…
⎯ Oh seigneur ! Pas ça s’il te plaît ! S’affola-t-elle. Qu’allons-nous faire ? Comment allons-nous expliquer cela à tout le monde ? Pourquoi tout ceci nous arrive à nous ? Seigneur, aie pitié de nous, tes pauvres enfants.
Quelques secondes après, Stéphane bougea des mains. Il était donc tombé dans les pommes pendant tout ce temps et nous avions cru qu’il avait tiré sa révérence. Je soupirai profondément pendant quelques secondes et commençai à reculer, de même que maman. Au moins, le seigneur avait écouté nos prières. Reste à savoir ce qui allait se passer par la suite. Il, malgré sa profonde blessure crânienne se releva après de très grands efforts. Il descendit du lit et marcha de manière zigzagante vers moi, qui essayais d’atteindre la porte et de prendre la poudre d’escampette. Malheureusement, bien avant que je n’atteigne la serrure de la porte, il m’asséna un violent coup de poing avec toutes les forces qui lui restaient. J’allai heurter le mur et me retrouvai à terre ; le coud tordu. Il se jeta sur moi et réussit à entrelacer mes deux mains autour de ma tête et commença à m’infliger de violents gifles. Dans mes débattements, j’aperçus maman arriver. Elle se jeta aussi à son tour sur lui et essaya de l’arrêter en le prenant par les mains mais ce dernier nous surprit brusquement. Il se saisit d’un des débris de verre qui se trouvait par terre et lui trancha l’une de ses mains avec. Elle se retira et commença à hurler comme un nouveau né tout en maintenant son autre main très fort sur la blessure pour éviter beaucoup de saignements. Il se retourna de nouveau vers moi et m’apostropha par le cou. Je me sentis étouffée par ses grandes mains musclées au point où je n’arrivais plus à respirer ni à me débattre. Ma vision devenait aussi partiellement floue. Je perdis toutes mes forces puis d’un mouvement, il me relâcha à petit feu en émettant un cri horrible. Du sang jaillissait de sa bouche ainsi que ses narines et inondait son visage. Il s’écroula sur moi avec tout son poids. J’aperçus ma mère derrière avec également à la main un débris de verre. Elle venait de l'enfoncer de toutes ses forces directement dans sa colonne vertébrale; ce qui l'acheva. Elle le poussa de côté et s’accroupit à mes chevets, me demandant si j’allais bien, très perturbée. J’avais de la peine à bouger mes membres et c'était difficile pour moi de se relever. Elle réussit à me faire asseoir puis d’un ton triste et alarmant, elle me dit :
⎯ Je crois que nous sommes foutues ma fille. Nous n’allons pas nous en sortir cette fois ci.
Nous restâmes pendant un long moment à couler des chaudes larmes…
Nous restâmes des heures dans la chambre de Stéphane à essayer de trouver une alternative mais tous nos efforts étaient vains. Nous étions terrorisées au point où nous ne pouvions pas sortir. Nous nous assîmes alors près du corps, plongées dans une terreur ambigüe. Quelques instants plus tard, l’une des ses sœurs rentra et chercha à le voir. Elle, ne l’ayant aperçu nulle part débarqua dans sa chambre après avoir cogné maintes fois sa porte sans réponses. Elle perdit la parole et resta écervelée pendant une bonne dizaine de minutes devant le drame qui y régnait avant de ressortir, les deux mains sur la tête en criant dans tous les sens comme si ses cordes vocales allaient exploser. En une fraction de secondes, les badauds envahirent le manoir. Ils nous sortirent de la chambre et couvrirent le corps de Stéphane avec un drap puis ils fermèrent la porte en attendant l’arrivée de Yano.
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Un monde fou avait envahi le manoir jusqu’à la devanture. Ça allait et venait et ça criait et insultait dans tous les sens. N’eut été l’intervention de certains jeunes responsables, nous serions déjà six pieds sous terre car cela hantait les autres de l’intérieur de nous brûler vives sans prendre la peine de nous demander ce qui s’était réellement passé. Ils nous avaient donc obligé à nous mettre à genoux au beau milieu de la cour du manoir où tout le monde nous avait encerclé. Quelques temps après, Yano et tous les autres rentrèrent. Ses femmes et enfants se jetèrent instantanément sur nous et commencèrent à nous tabasser. L’on les arrêta tout de suite pour qu’ils ne finissent pas avec nous. Nous étions donc devenues une proie que tout le monde pouvait attraper facilement.
Lorsque le calme revint, Yano nous donna la parole de nous défendre. Au moins il restait parmi cette innombrable foule une personne qui savait encore remuer ses méninges. Après plusieurs minutes à lui expliquer ce qui s’était réellement passé, il nous réprimanda tout d'abord sévèrement sur le fait de ne l'avoir pas mis au courant de l'histoire depuis le premier jour où Stéphane avait commencé ses manèges puis il décida ensuite de nous conduire devant le chef du village. C’était la plus difficile des décisions qu’il avait pris à voir la physionomie qu’il faisait. Sincèrement, je ne saurai pas quoi faire si j’étais à sa place. Ses femmes et ses autres enfants rétorquaient violemment en criant dans tous les sens. Ils voulaient sans doute nous tuer aussi pour que justice soit faite. A croire qu’ils faisaient tous semblant de nous apprécier. On ne reconnait ses vrais amis que lorsqu’on se retrouve dans un guêpier pareil. Aucun d’entre eux n’avait même pas essayé de se mettre une seconde à notre place et de nous comprendre et dire jusqu’à nous défendre. Pour tous, nous étions coupables et nous méritions la mort.
Après plusieurs heures de marche à nous crier dessus et à nous lyncher, nous arrivâmes au palais du chef du village. Ce dernier était en train de trancher une affaire de vol de volailles avant notre arrivée mais vu le monde fou qui nous accompagnait et aussi vu l’envergure de notre affaire, il laissa la précédente en sourdine pour s’occuper de la nôtre. Tout le monde attendait avec impatience sa sentence. L’on nous installa sur le banc des accusés. Le chef après avoir longuement écouté Yano balbutier décida d’écouter notre version des faits ; ce qui nous prit au moins une trentaine de minutes à tout narrer depuis le début.
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La petite pièce où nous étions enfermées dégageait une chaleur d’enfer et une odeur nauséabonde. C’était un endroit un peu éloigné du palais royal mais proche du cimetière municipal où l’on enfermait les criminels en attente de leurs jugements. Les cellules sont construites en claies et en bambous et gardées par les gardes royales. Le chef aussi était dépassé par les évènements. Il avait perdu la parole après avoir pris le soin d’écouter les deux parties raison pour laquelle il nous avait fait enfermer le temps qu’il trouve une solution idoine.
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Dans la nuit tardive du premier jour où nous étions enfermées, des jeunes du village armés de machettes et de gourdins vinrent défoncer notre cellule avec la complicité des gardes royales et nous sortirent. Ils nous trainèrent incognito jusqu’à une maison inhabitée très loin du village. De loin, nous vîmes certains d’entre eux tailler deux bûches. Lorsqu’ils finirent, ils nous y amenèrent et nous y attachèrent avec des cordes. La fin de notre existence n’était qu’une question de minutes. Sincèrement, j’avais perdu l’espoir de vivre et j’espérais retrouver papa de l’autre côté s’il y avait vraiment une autre vie après la mort.
De loin, nous pouvons les entendre discuter. Selon leurs dires, ils attendaient l’arrivée de celui qui était chargé d'apporter le pétrole qui servirait à mettre le feu aux bûches et à nous faire carboniser par les flammes.
À suivre...
Écrit par Koffi Olivier HONSOU alias Verdo Lompiol. (Noveliste togolais).
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