Chapitre 6 : Le sac bleu
Ecrit par Max Axel Bounda
Mon verre vide, je regardai ma
petite amie. La tête que je faisais semblait l’effrayer. Elle s’approcha de moi
et caressa les mains avec douceur. Cela ne me calma guère, je venais peut-être
de m’entretenir avec une complice de meurtre. Sinon, pourquoi cette femme voulait-elle
entrer dans la chambre d’une morte ? Mon
regard se tourna
vers le sac à main posé sur la tablette, je réalisais
en plus que j’avais ses affaires.
— Jess, je crois que la fille que j’ai vue toute
à l’heure est liée au meurtre de cette étudiante, lui
dis-je.
Jessica m’entraîna vers le lit, et
me prit dans ses bras, comme pour me soigner d’un mal qu’elle n’avait pas
encore décelé. Elle me connaissait assez bien pour comprendre et interpréter le
même moindre de mes faits et gestes. Je n’avais aucun secret pour elle. Sentir
les battements de son cœur et les bouts de ses seins frêles contre ma poitrine furent
très réconfortant. Elle me caressa la tête, avant de me demander de lui
expliquer à nouveau toute l’histoire dans les détails. Elle non plus ne
comprenait pas.
Comment le pouvait-elle, cette
histoire était complètement ahurissante. J’eus une légère peine à
trouver les mots pour lui faire part de mes inquiétudes, et des questions qui
me traversaient l’esprit. Qui était cette Rhianne Abessolo ? Pourquoi avait-elle été tuée ? Pourquoi
avait-on jeté son corps au campus ? Et
qui était cette femme que j’avais rencontrée devant la porte de sa chambre ? Que
cherchait-elle devant la porte de sa chambre ?
Pourquoi m’avait-elle remis son sac ?
Et surtout, pourquoi n’était-elle pas revenue le récupérer ?
Jess m’écoutait avec religieusement
quand une sombre évidence me vint à l’esprit.
Les
preuves…
Et si les preuves de la mort de
cette étudiante se trouvaient dans la chambre et que cette fille avait voulu
les effacer ? Mon arrivée avait dû la surprendre et fausser ses
plans. Cela supposait qu’elle reviendrait forcément me voir. Ne fut-ce que pour
récupérer son sac. Et si elle revenait avec des complices ? Car, en plus d’avoir son sac, j’avais aussi vu son visage.
— Ne
t’inquiète pas mon cœur, on va régler ça. Nous allons trouver une solution
ensemble, mais pour l’instant, repose-toi pendant que je te fais à manger.
Ma
petite amie me donna un baiser si langoureux que j’en oubliais tous mes maux.
Je m’allongeai et m’en dormis profondément.
Jessica et moi étions en couple depuis
bientôt trois ans. Nous envisagions de nous fiancer à la fin de nos études. Elle voulait déjà avoir une vie de
famille, avec un gosse et un petit chien.
J’avais
fait sa connaissance au cours d’une conférence sur le rôle des femmes dans
consolidation de la paix et la résolution des conflits en Afrique. Les
participants à cette conférence étaient venus de divers horizons. Plusieurs
étudiants avaient été mandatés par leurs établissements.
Nous
avions échangé nos premiers mots lors de l’apéritif et je la trouvai d’une
intelligence hors du commun. Si je considérais depuis des années que les femmes
étaient naturellement plus intelligentes que les hommes, cette fille était alors
bien au-dessus de la moyenne.
Notre
amitié avait débuté d’une drôle de façons. Au cours des échanges, un jeune
participant un peu sexiste avait soulevé un débat sur la capacité des femmes à
diriger. Peut-être essayait-il de jouer l’intéressant. Mais j’avais trouvé assez
osé de prononcer de tels propos dans un environnement où la majorité des
participants étaient féministes convaincues. En plus, nous sortions d’une
conférence qui avait justement vanté le mérite des femmes à mieux gérer les
conflits que les hommes.
« La
place de la femme n’est pas à la table des décideurs, mais plutôt dans le lit
de la République », avait-il dit en évoquant des faits isolés
maladroitement développés. La future avocate éclata de rire quand il eut
terminé son monologue. Technique de déstabilisation ou sarcasme, elle seule le
savait. Elle poursuivit en démontrant de façon calme et mesurée que tous les
arguments développés par notre ami ne tenaient pas la route.
« Sais-tu que pendant des siècles les hommes que vous êtes, avez été
dirigés par des femmes ? Quand un souverain,
prétextait que la nuit portant conseil, devait remettre son jugement au
lendemain, alors qu’il s’en allait demander à sa femme ce
qu’il devait faire ? ». Son interlocuteur essayait maladroitement de contester, mais la
juriste trouvait toujours des répliques imparables.
Je
restai bouche bée devant la qualité des arguments de cette jeune femme. Elle
était intéressante, et belle aussi. Il était assez rare de trouver
l’intelligence et la beauté chez une seule femme. Je compris immédiatement que
c’était une perle rare.
Afin de ne passer pas pour un
complice silencieux de mon congénère, je lançai au passage que l’histoire
démontrait que les femmes avaient toujours été de meilleurs leaders que les
hommes.
Je ne me rappelle plus combien de
temps avait duré l’échange, mais je me souviens juste que sur tous les plans,
Jessica avait complètement descendu ce type. Et comme, elle avait apprécié mes
interventions, on avait vite échangé nos numéros et s’étions revus à d’autres
occasions. Au final, un an et demi plus tard, nous sortions ensemble. Je
l’avais courtisé près de neuf mois durant et avais eu droit à trois mois
d’observation avant qu’elle ne finisse par accepter.
La partie n’avait pas été facile
mais aujourd’hui je sais que ça en valait le coup.
Après avoir dîné, nous nous enlaçâmes un moment sur le lit. Jessica me
caressa le torse et me proposa de regarder ce qu’il y avait dans le sac. Ma
petite amie pensait que le contenu du sac pouvait nous aider à comprendre certaines
choses. Par exemple, pourquoi cette fille me l’avait remis et pourquoi n’était-elle
pas revenue ? L’idée ne m’enchanta guère, je refusai
immédiatement. Il valait mieux ne rien savoir et ne rien avoir avec cette
histoire.
Sans tenir compte de mon refus, elle
se leva d’un bon et se saisit du sac bleu. Elle l’ouvrit et commença l’inspecter.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Laisse-moi faire ! comment veux-tu assurer ta défense en cas de pépin ?
Jessica se mit alors à
fouiller le sac arborant bleu le logo d’une célèbre marque italienne, et en
sortit un à un chaque objet qu’il contenait.
D’abord, deux liasses de billets de
dix mille francs qu’elle posa sur la tablette. Ensuite, un téléphone portable,
qu’elle essayait d’allumer, mais celui-ci semblait à plat. Elle en sortit un
agenda rose avec un logo dessus, une sorte de papillon. Le reste du contenu se
limitait à deux enveloppes blanches, un porte-monnaie noir, un flacon d’eau de
parfum senteur lavande et un set complet de maquillage.
En poursuivant sa fouille, Jessica
découvrit un chargeur et me demanda brancher le téléphone. Je m’exécutai
immédiatement. Croisant le regard de ma petite amie, je m’aperçus qu’elle n’avait
pas peur. Contrairement à moi qui flippais grave comme si j’avais quelque chose
à me reprocher. Elle ouvrit le porte-monnaie et en retira une chainette en or,
avec à son bout le même logo que sur les enveloppes et l’agenda. Cette fille
devait rouler sur l’or pour avoir de tels bijoux.
— Red Butterfly… dit Jessica,
comme dans un soupir. Je l’ai déjà entendu quelque part.
Soudain, elle se retourna lentement
vers moi. C’est le sac de l’étudiante, la fille qui est morte, dit-elle en
tremblant.
— Comment ça le sac de la morte ?
Elle me montra deux cartes de visite
noires aux motifs dorés. Il y était inscrit « Red Butterfly,
R. Abessolo, Manager ». L’on comprit que le propriétaire
de cette carte dirigeait donc cette entreprise, Red Butterfly. Nous comprimes
que c’était une agence d’hôtesses d’après les services qui y étaient décrits.
Jessica se redressa.
— Bon, si tu veux savoir mon
avis. Je crois
que la fille qui te l’a remis a un lien avec le meurtre. J’imagine qu’elle a voulu
le rendre dans la chambre de la victime.
Certainement, pour éviter qu’on ne la retrouve avec. Mais comme tu l’as
surprise, elle ne pouvait plus le faire. Ce qui veut aussi dire que si
la police retrouve ce sac avec toi, tu peux te faire accuser
de meurtre.
Je regardais ma petite amie, sa
théorie tenait la route. Et elle était encore plus grave que ce que j’avais pu
imaginer jusqu’ici. Je ne pouvais m’empêcher de trembler de tout mon être. Elle
me regarda avec beaucoup de douceur. Je pouvais lire dans son regard qu’elle avait
peur pour moi. Elle se pencha à nouveau pour ouvrir l’une des enveloppes et en
lut lentement le contenu. Je ne voyais rien d’où j’étais, mais je compris juste
à l’expression de son visage qu’elle venait de faire une étrange découverte.
Son visage devint blême, ses yeux se
remplirent de larmes. Ma petite amie, se tourna vers moi. Je ne l’avais pas vu aussi
triste depuis longtemps.
— Chéri, elle était enceinte et
séropositive. Mais ils l’ont quand même tuée !
Comment peut-on assassiner une femme qui attend un bébé de trois mois ?