Chapitre 60
Ecrit par Jennie390
⚜️Chapitre 60 ⚜️
Émile Biyoghe
3 jours plus tard
Tout est lourd autour de moi, je suis dans une obscurité absolue. Je ne vois rien, rien n'est perceptible autour de moi. Où suis-je ? Je combats pendant un très long moment, puis des sons lointains me parviennent enfin. Quels sont ces sons ? Des voix ? Des objets ? Des bruits ? Je n'en sais rien. Je me bats un bon moment avec moi-même jusqu'à ce que je perçoive une odeur de désinfectant. Comme si je me trouvais dans une pièce aseptisée. Je suis confus, où suis-je ? Qu'est-ce que j'y fais ? Au bout d'un moment, j'arrive à ouvrir les yeux très lentement. La lumière est aveuglante et me pique les yeux, donc je les referme automatiquement. J'entends le bip des machines, comme dans un hôpital.
Doucement, j'ouvre encore les yeux et je cligne des paupières à plusieurs reprises pour m'habituer à la lumière. Tout est encore un peu flou, mais je me rends compte que je suis dans une pièce peinte en bleu ciel. Il y a plusieurs machines allumées et qui clignotent. Un monsieur en blouse blanche passe par la porte et écarquille les yeux en me regardant. Il s'approche, me touche, me parle, mais je le regarde sans rien pouvoir dire. Je suis confus. Un bon moment s'écoule avant que le monsieur en blouse et deux autres personnes soient autour de moi jusqu'à ce que je comprenne les paroles qu'ils prononcent, même si j'ai les oreilles qui bourdonnent.
—Monsieur Biyoghe, vous m'entendez ?
[Silence]
—Monsieur Biyoghe, si vous m'entendez, faites-moi un signe. Clignez des paupières ou bougez les doigts.
J'ai les doigts engourdis donc je cligne des paupières.
—Très bien, je suis le docteur Serrano et vous avez été conduit ici à l'hôpital suite à un gros souci. Vous êtes resté deux jours inconscient. Vous avez compris ?
Je cligne des yeux.
Un gros souci ? Pourquoi ? Que m'est-il arrivé ? Pourquoi suis-je ici ? Une jeune femme s'approche de moi avec un verre d'eau qu'elle me fait boire avec une paille. Je prends quelques gorgées. Un moment s'écoule lorsqu'un monsieur entre dans la pièce. Il échange quelques mots imperceptibles avec le docteur puis il se place au pied du lit et m'observe bizarrement.
—Bonjour Monsieur Biyoghe, je suis l'inspecteur Obame. Je suis la personne chargée de l'enquête concernant l'assassinat de Bertille Otando épouse Makaya.
Qui ça ? Je le regarde, hébété, ne comprenant pas de quoi il parle.
—Vous entendez ce que je dis, n'est-ce pas ?
—Ça ne fait même pas une heure qu'il est réveillé et vous voulez déjà l'interroger ? Demande le docteur. Est-ce que ça ne peut pas attendre ?
—La seule raison pour laquelle il n'est pas encore en cellule et en attente de son procès, c'est parce qu'il était inconscient, répond l'inspecteur. Maintenant qu'il s'est réveillé, pourquoi allons-nous attendre ?
En cellule ? Procès ? Mais pour quelle raison ?
—Quand une personne sort du coma, elle est toujours un peu désorientée, perdue. Il lui faut un moment pour s'éclaircir les idées, retrouver la parole, la mémoire et de pouvoir remarcher pour certains. Dans son cas, il a répondu aux stimulis, donc il n'a déjà aucun problème de motricité. Il peut marcher, mais on a une série d'examens à lui faire passer.
—En tout cas, sachez qu'il ne restera pas ici indéfiniment, sa place est derrière les barreaux, dit-il avant de sortir de la chambre.
Pourquoi un inspecteur vient-il me parler ? Pourquoi suis-je dans un hôpital ? Je n'ai aucun souvenir, il y a comme un trou noir.
On m'apporte un plateau repas que je mange difficilement, le médecin et les infirmières font des allers-retours et viennent me chercher avec un fauteuil roulant.
—Où... Où va t-on ? Je demande difficilement.
—On va vous faire passer une IRM et on va faire quelques prises de sang et d'urine pour des analyses, dit le médecin. Il est impératif que l'on vous fasse un bilan de santé.
—Pourquoi... Pourquoi je suis ici ?
—Vous avez été, disons, empoisonné, me répond-il. Allez on y va.
Empoisonné ? Mais...
On me fait passer toute une série d'examens avant de regagner ma chambre. J'essaye de réfléchir, de comprendre comment je suis arrivé là, mais je n'y arrive pas. Au bout d'un moment, mes paupières s'alourdissent et je tombe dans le sommeil.
***
Vincent Mebiame
—Donc tu dis qu'il s'est réveillé ? demande Landry.
—Oui ce matin. L'inspecteur m'a téléphoné pour me le dire. Il s'est réveillé et apparemment, il ne se souviendrait de rien. Mais je crois que c'est un prétexte. Il sait qu'il est piégé, donc il fait semblant d'avoir perdu la mémoire.
—Les séquelles d'un coma peuvent être différentes d'un patient à un autre, dit Landry. Certains peuvent se souvenir de tout, d'autres peuvent avoir une amnésie temporaire ou même définitive. D'autres peuvent avoir du mal à marcher, d'autres se retrouvent avec de gros dégâts neurologiques qui peuvent s'avérer irréversibles. Tout dépend de la cause du coma et du temps que le patient est resté inconscient. Sa chance à lui, c'est d'abord parce qu'il a été conduit assez vite à l'hosto où il a été très vite pris en charge. Ce qui peut expliquer pourquoi il n'a pas duré dans le coma.
— Hum... Je vois.
—Donc c'est vraiment possible qu'il soit dans un état de confusion et qu'il ne se souvienne encore de rien. Toutefois, connaissant le personnage qu'il est, c'est aussi très possible qu'il fasse semblant. On ne peut être sûr de rien.
—En tout cas, le procureur attend juste qu'il se rétablisse pour qu'il soit transféré en cellule pour attendre son procès, dis-je. Les enregistrements de Marleyne Ovono sont suffisamment clairs et incriminants pour qu'il prenne au moins 20 ans d'incarcération.
—Bah, je l'espère, ajoute Landry. Tant qu'il ne sera pas en taule, je ne serai pas en paix.
—Oui, comme nous tous ! Et sinon, comment va Yolande? Pas trop traumatisée ?
—C'est une guerrière. Elle ne ressemble pas du tout à une femme qui a été séquestrée pendant plus d'un an par un désaxé. Elle est hyper souriante maintenant qu'elle a sa sœur près d'elle.
—Oui, j'imagine. Si elle ne garde aucune séquelle de cet enfer, c'est tant mieux. Mais dans tous les cas, le temps remettra tout en place, si blessures psychologiques, il y a.
—Exactement, répond Landry. Bon, je dois te laisser. J'ai des patients qui attendent. Passe une bonne journée.
—Merci. Allez, porte-toi bien.
Clic!
Je gare mon véhicule dans la cour et en descendant, j'aperçois Diane qui joue au ballon avec le petit. Quand ce dernier m'aperçoit, il court vers moi et vient m'enlacer.
—Papa, tu es rentrée !
—Oui champion, comment vas-tu?
—Je vais bien, dit-il en souriant. Depuis tout à l'heure, maman et moi, on joue à plein de jeux différents. On s'amuse comme des fous.
—C'est super, je réponds en lui souriant en retour.
—Papa, finalement, je ne veux pas aller en vacances chez Tonton. Je préfère passer mes vacances ici avec maman.
—J'ai accepté que tu passes un mois de vacances ici avec ta maman, mais après ça tu iras chez tonton.
—Oui, mais moi, je ne veux pas y aller et laisser maman ici, dit-il en boudant. Je veux que...
—Toby, n'insiste pas, le coupé-je directement. Tu adores passer tes vacances chaque année avec tes cousins. Cette année, tu feras pareil, d'accord ?!
—D'accord, dit-il, la mine déconfite.
Je ne me laisse pas attendrir par ses petits yeux de chiens battus parce que je sais que c'est sa mère qui lui a mis en tête cette idée de ne pas aller en vacances. Pourtant, chaque année, il a toujours été plus qu'impatient d'y aller. Mais il ira, d'ailleurs le billet d'avion est déjà acheté. Si Diane croit qu'elle va se servir de lui pour revenir s'installer ici définitivement, elle se trompe. Je passe devant elle sans la regarder et j'entre dans la maison.
Elle se croit aussi trop maligne. Elle ne sait pas que bientôt, je lui présenterai les papiers de la procédure de divorce qui a été entamée. Mon avocat suit le dossier. J'espère être enfin légalement séparé d'elle et je n'ai pas l'intention de lui donner un sou. Elle va partir comme elle est venue. De cette façon, elle pourra librement rendre visite à son chéri, le futur détenu. Je me rends dans ma chambre, après m'être changé, je m'assois devant mon ordinateur pour un appel vidéo avec un client qui est à l'étranger. C'est un dossier très important sur lequel je bosse et je vais devoir voyager pour rencontrer mon client. Mais je ne pars pas tant que le psycho*pathe de service n'est pas derrière les barreaux.
***
Le lendemain matin...
Émile Biyoghe
Ma nuit a été assez mouvementée, je n'ai pas vraiment dormi. La mémoire m'est revenue un peu comme des flashs. J'avais l'impression que la brume qui était dans mon cerveau hier à mon réveil se dissipait progressivement. Des bribes de ce qui s'était passé commençaient à revenir jusqu'à ce que tout soit parfaitement clair. Tout m'est bien revenu en mémoire, surtout cette fameuse nuit qui m'a conduit ici.
Yolande...
Je revois son comportement et je me remémore tout ce qu'elle a dit lorsque je me tordais de douleur au sol.
"—Tu t'es cru trop malin, n'est-ce pas? Je t'avais dit que j'allais te montrer ça !"
Je me souviens de ce regard froid et composé. Bien loin de celui de cette malade mentale que j'ai observée pendant un bon moment. Elle a donc feint la folie. Je repense alors à tout ce qu'elle a fait pour que j'en arrive à cette conclusion.
Elle ne se lavait plus, elle mangeait comme un vrai petit cochon, elle pissait dans ses vêtements et sur le lit, elle parlait seule, chantait, jouait seule... Elle a même réussi à avoir un regard totalement perdu qui m'a convaincu.
Je suis choqué du fait qu'elle ait réussi à me dribbler comme un bleu de cette façon. Je n'y ai vu que du feu. Et l'empoiso*nnement... J'avais bien compris qu'elle avait mis quelque chose dans ma bouteille de vin, mais quoi donc? Je me suis assuré de toujours la garder enfermée dans cette chambre. Qu'a t-elle mis dans ma bouteille? Et où l'a-t-elle trouvée ? Comment s'y est-elle pris pour transporter du po*ison sur elle ce soir sans que je ne m'en rende compte ?
Je suis interrompu dans mes pensées par une infirmière qui vient vérifier ma perfusion.
—Bonjour à vous, comment allez-vous ce matin?
—Euh physiquement ça va plutôt bien, mais je n'ai toujours aucun souvenir.
Je préfère ne pas dire que j'ai déjà retrouvé la mémoire.
—Oh, je vois. Mais ne vous inquiétez pas, la mémoire vous reviendra.
—Je l'espère parce que j'aimerais comprendre ce qui m'est arrivé.
—Vous avez fait une overdose, répond-elle. Une sorte d'intoxication médicamenteuse qui vous a conduit dans cet état.
—Oh...
Des médicaments ?
—Bon, votre petit déjeuner ne devrait plus tarder, dit-elle en quittant la chambre.
—Merci.
Elle m'a empois*onné avec des médicaments, mais où les a-t-elle pris ? Et pourquoi je ne les ai pas vus?
Mon cerveau tourne et je comprends que les fameux flacons qui lui servaient de voiture n'étaient pas vides. Mais s'il y avait des comprimés, j'aurais entendu le bruit quand elle bousculait les flacons.
Sauf si les comprimés étaient réduits en poudre...
La sa*lope !
J'ai tout à coup des céphalées et une forte envie de vomir. Je me lève doucement, je marche avec la perfusion jusque dans la salle de bain où je vomis pendant quelques minutes. Je me rince le visage et la bouche avant de revenir dans la chambre. Je m'allonge et on m'apporte à manger. En regardant ce plateau repas, j'ai la nausée, donc je n'y touche pas.
Mon cerveau est toujours en ébullition. Je suppose que pendant que j'étais inconscient, elle a réussi à s'échapper. Où est-elle maintenant ? Hier, cet inspecteur a parlé de la mort de Bertille Makaya. Sur quelles bases m'arrêter pour son décès? Sachant que j'ai fait brûler la maison de Marleyne avec tout à l'intérieur, la petite sœur y compris. Il y aurait-il eu des copies quelque part?
Une heure plus tard, l'inspecteur se repointe.
—Bonjour Monsieur Biyoghe.
—Bonjour Monsieur, vous êtes ?
—Inspecteur Obame, dit-il. Hier à votre réveil, je suis passé ici. Pour voir si vous êtes déjà apte à aller en cellule.
Imb*écile !
—Euh, je ne m'en rappelle pas, dis-je en me passant une main sur le visage. D'ailleurs, pourquoi voulez-vous m'arrêter ?
—Comme je vous l'ai dit, c'est concernant le meur*tre de Bertille Makaya.
—Je ne sais même pas qui est cette femme.
Il m'observe un moment.
—Ne vous inquiétez pas, la prison va vous rafraîchir la mémoire, réplique-t-il avant de sortir de la chambre.
Co*nnard !
Je me sens acculé, qu'est-ce que je dois faire ?
***
Deux jours plus tard...
Je me souviens évidemment de tout, mais je ne le dis à personne. Au contraire, je fais même celui qui se rappelle à peine de son identité. J'arbore toujours un air confus. C'est la seule solution que j'ai trouvée dans le but de gagner du temps. Et à part les constants vomissements et les nausées, je vais plutôt bien. Je pourrais même rentrer chez moi, mais les policiers n'attendent que ça pour me tomber dessus. J'ai envie d'appeler Martins, mon avocat, mais je ne peux pas.
Une infirmière passe me chercher pour une série d'examens. En revenant dans la chambre avec le docteur, il y a deux personnes en tenue de policier.
—Vous êtes censé rester devant la porte, n'est-ce pas ? Demande le docteur. Il ne va tout de même pas s'enfuir par la fenêtre, nous sommes quand même au 10ᵉ étage.
—Les ordres sont clairs, nous devons le surveiller.
—Oui, mais vous pouvez rester devant la porte. C'est mon patient et je ne conçois pas que, pendant qu'il se trouve sous mes soins, qu'il y ait des agents dans la chambre. Moi-même, ça me met mal à l'aise.
Les deux agents se regardent un moment avant de sortir de la pièce. Le docteur replace ma perfusion et quitte la chambre.
En début d'après-midi , comme s'il avait lu dans mes pensées, je vois Martins passer la porte de ma chambre. Il la referme et se rapproche de moi.
—Emile, mon vieux, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
—Martins, tu as lu dans mes pensées. Je veux te voir depuis deux jours. Comment as-tu su que je suis ici? Toi qui es rarement au pays.
—Bah justement, je suis rentré de voyage ce matin et c'est un confrère que j'ai croisé à l'aéroport qui m'a dit que je voyage un peu partout pendant que mon client le plus important est aux portes de la prison. Et il ne m'a pas fallu beaucoup pour découvrir qu'un mandat avait été délivré à ton encontre.
—Euh, en entrant, tu as trouvé des policiers devant la porte ? Je chuchote.
—Non, il n'y a aucun policier devant la porte. Mais j'en ai vu un au bout du couloir et à l'entrée de l'hôpital.
Je continue à chuchoter.
—Très bien. Il faut que tu découvres ce sur quoi le procureur s'est basé pour me faire inculper pour le décès de Bertille Otando.
—D'accord, mais pour commencer, c'est qui cette femme Bertille Otando ? En tant que ton avocat, tu dois tout me dire pour que je puisse te défendre. Tu l'as vraiment fait assa*ssiner ?
—Ce n'est pas important pour l'instant Martins, dis-je tout doucement. Il faut agir en douce pour...
—Mais pourquoi tu chuchotes? On est tout seuls ici et il n'y a pas de policiers devant la porte.
—En me réveillant il y a deux jours, j'étais dans un état de confusion assez profond, à tel point que je ne savais pas comment j'étais arrivé ici. Là, je me rappelle tout, mais je suis obligé de faire croire que je n'ai toujours pas retrouvé la mémoire pour gagner du temps, sinon on peut m'arrêter.
—Je vois. Bah, j'ai pu apprendre que c'est ta femme qui t'a apparemment empoisonné et qu'elle s'est échappée de ta maison. Ils ont pu le découvrir en visionnant les vidéos de surveillance de ta maison. Ils ont découvert que tu la séquestrais.
Me*rde les caméras...
—S'ils sont tombés sur les enregistrements des caméras de surveillance, c'est très fâcheux, dis-je en me passant une main sur le visage.
—Émile, pour quelles raisons tu la séquestrais ?
—Ce n'est pas important pour l'instant.
—Comment veux-tu que je sauvegarde tes intérêts, si tu ne me parles pas ? demande-t-il. Ça fait plus de 12 ans que je bosse pour toi et je pense t'avoir montré que tu peux me faire confiance.
Philippe Martins est ce qu'on appelle un avocat véreux. Il est capable de tremper dans plein de saletés pour avoir de l'argent. Il m'a aidé à faire passer la mort de mon père pour un accident. Même pour l'histoire de Germain Makaya, c'est lui qui s'est chargé de faire mettre de la dro*gue dans ses affaires à l'aéroport lors de son voyage. C'est un vrai requin dans le domaine, il est sans scrupules quand il s'agit d'argent. Les gens se sont souvent demandés pourquoi je n'ai jamais choisi Vincent comme avocat, vu qu'on était amis. Le truc, c'est que Vincent est bien trop « honnête », il n'aurait pas accepté de me suivre dans mes magouilles.
—D'accord, je vais tout te raconter, mais avant ça, je veux que tu découvres sur quoi le procureur s'est basé pour délivrer un mandat d'arrêt pour la mort de Bertille Otando. Tu connais des gens au Tribunal, c'est une information que tu peux facilement avoir.
—Ok! Laisse-moi passer un coup de fil.
—Va le faire dehors, dis-je. Quelqu'un peut entrer à n'importe quel moment. Surtout cet inspecteur Obame qui ne me lâche pas.
Il hoche la tête et sort de la chambre. Je reste toujours assis en réfléchissant. Qu'est-ce que je dois faire pour me sortir de ce pétrin ? Comment ma vie peut basculer de la sorte?
Il revient dans la chambre quelques minutes plus tard.
—Alors?
—Bah figure-toi que le procureur a reçu des enregistrements de la part de ni plus ni moins que Vincent Mebiame, ton ami.
Encore celui-là ! Il a finalement réussi à m'atteindre.
—Je croyais que vous étiez amis.
—Plus maintenant, je réponds. J'ai découvert qu'il faisait partie d'un complot visant à me faire tomber.
—Ok... Et qui fait partie de ce complot ?
—Je n'en sais foutrement Rien. Il faudra te rapprocher de Diane Bibalou pour voir si elle a découvert quelque chose.
—Diane Bibalou? Euh, ce n'est pas la femme de Vincent ?
—Si, mais c'est grâce à elle que j'ai découvert ce complot.
—Ok d'accord, qu'est-ce que tu peux me dire sur cette histoire de Bertille Otando ? Parle-moi vite pour que je commence à chercher une solution. Ta tactique de jouer à celui qui est amnésique ne va pas marcher indéfiniment.
Je résume très rapidement l'histoire de la mort de Bertille en chuchotant. Je lui dis ce qu'il y a à savoir.
—Tu m'avais juste dit que ce Germain Makaya était un homme qui te faisait chanter, tu ne m'avais pas dit pourquoi. Je comprends maintenant que c'était donc lié à la mort de sa femme et à la séquestration de la tienne.
—Oui, c'est ça.
—Ok je...
Il s'interrompt lorsque la porte s'ouvre et que le médecin entre dans la pièce. Je reprends mon air fatigué.
—Bonjour Messieurs, dit-il en passant ses yeux de moi à Martins.
—Bonjour Docteur, répond Martins.
—Vous êtes ?
—Philippe Martins, dit-il en tendant la main au docteur. Je suis un ami d'Emile et accessoirement, son avocat.
—Ah d'accord, répond le docteur en lui serrant la main. Je suis le docteur Serrano. Vous savez, Maître, que ce n'est pas l'heure des visites, n'est-ce pas?
—Oui, on me l'a dit, mais quand j'ai appris qu'il était ici, c'était indispensable que je vienne le voir.
—Je vois.
—Et que lui est-il arrivé ? demande Martins. Je lui ai demandé en arrivant, mais apparemment, lui-même ne sait même pas pourquoi il se retrouve à l'hôpital.
Martins joue bien le jeu. C'est ce que j'aime avec lui, il comprend très vite ce qu'il a à faire. Il a toujours été très efficace.
—Oui une amnésie suite à un coma arrive parfois, répond le docteur. Mais ça va s'arranger. Bon, je suis venu vous chercher. On a reçu les résultats de vos examens et j'aimerais refaire un autre examen pour confirmation.
—Qu'est ce que j'ai ?
—Ne vous inquiétez pas, pour l'instant on va refaire un examen plus approfondi.
—Je vais donc m'en aller, dit Martins en prenant sa mallette. Je reviens te voir demain matin.
Je hoche tout simplement la tête. Il s'en va et je suis conduit dans une autre salle d'examen.
***
Le lendemain
Je reçois une visite de Martins qui est revenu me voir. On discute pendant environ une bonne dizaine de minutes lorsque la porte s'ouvre. L'inspecteur Obame et Vincent font leur entrée dans la pièce. Je suis tout à coup tendu.
—Bonsoir messieurs, dit Martins.
Seul l'inspecteur répond, Vincent regarde Martins avec dédain avant de pointer son regard sur moi. J'ai juste envie de sauter à la gorge cette espèce de traître. Mais je ne fais rien. Je reste calme et je les regarde à tour de rôle.
—Je suis venu vous signifier que dans quelques heures, vous serez transféré à la prison centrale de Libreville en attente de votre procès, dit l'inspecteur.
Mon cœur fait un bon dans ma poitrine mais je reste toujours calme.
—Mon client ne peut en aucune manière être déplacé de cet hôpital tant que son état ne s'est pas amélioré, intervient Martins. Et d'ailleurs il s'agirait là d'une attestation arbitraire. Et d'ailleurs, d'où sortent les fameuses preuves qui l'incriminent? Sont-elles fiables ?
—Vous êtes son avocat, n'est ce pas ? Ajoute l'inspecteur. Vous aurez tout le temps de préparer sa défense pour le procès mais pour l'instant, il va être conduit à la prison centrale. On a un ordre signé du Procureur.
—Quelles méthodes !! dit Martins. Vous arrêtez un homme qui n'a pas encore retrouvé la mémoire. Il ne sait même pas pourquoi il se trouve à l'hôpital et vous pensez déjà à le faire enfermer? Il...
—Euh, maître Martins, s'il vous plaît, ne nous prenez pas pour des c*ons, dit finalement Vincent. Monsieur Biyoghe a déjà retrouvé sa mémoire.
—Et vous vous basez sur quoi pour dire ça ?
Vincent me regarde et il traverse la chambre jusqu'à la table sur laquelle est posé un vase plein de fleurs. Il passe la main dans les fleurs et sort un objet noir que je n'arrive pas à distinguer. Mais je suis déjà mal à l'aise à cause du calme qui s'affiche sur le visage de Vincent lorsqu'il revient se poster à côté de l'inspecteur. Il lui tend l'objet noir.
—Hier, le médecin vous a emmené faire des examens, dit l'inspecteur. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?
Je ne réponds pas.
—A votre retour, vous avez trouvé deux agents de police ici dans la chambre. Ils vous ont dit qu'ils avaient reçu l'ordre de rester dans la chambre pour vous surveiller.
Je ne réponds toujours pas mais évidemment je me souviens de ce dont il parle.
—En réalité, ils n'ont jamais reçu l'ordre de rester à l'intérieur de la chambre mais plutôt de rester constamment devant la porte.
—Et donc, pourquoi ils étaient dans la chambre? demande Martins, intrigué.
—Pour placer ceci! Répond l'inspecteur en montrant le petit objet noir que Vincent a pris dans les fleurs. C'est une caméra miniature.
Mon cœur fait un triple salto dans ma poitrine. Je fais de mon mieux pour paraître calme mais je suis agité à l'intérieur.
—Une caméra miniature ? répète Martins.
—Oui oui, répond l'inspecteur. Quand vous vous êtes réveillé, j'ai informé Maître Vincent Mebiame. C'est lui qui a suggéré qu'on pose une caméra dans votre chambre et c'est même lui qui nous l'a fournie. Il suffisait juste l'accord du procureur et on l'a fait placé. Donc, Maître Martins, pas besoin de vous dire qu'on a vu et entendu tout ce dont vous avez discuté avec Monsieur Biyoghe hier.
Martins me jette un coup d'œil. J'ai les yeux sur Vincent et la haine que je ressens pour lui est indescriptible.
—Tu croyais que tu étais trop malin n'est ce pas cher ami? dit Vincent. Ton heure est arrivée. Et en ce qui concerne Diane, ton espion, elle ne te servira plus à rien parce que je vais la mettre hors de chez moi aujourd'hui même.
[Silence]
—Donc, le transfert aura lieu dans quelques heures.
—Memoire retrouvée ou pas, il est encore convalescent, il ne peut pas bouger d'ici, dit Martins. Il a des résultats d'examens qu'il attend.
—Maitre votre client sera transféré aujourd'hui, qu'il pleuve ou qu'il neige, ajoute l'inspecteur.
—Vincent tu vas me le payer, dis-je calmement.
—Ouais c'est ça, répond-il sur un ton égal. Va d'abord goûter à la prison, on va discuter plus tard. Espèce de psy*chopathe, ass*assin.
Il me regarde avec dédain et quitte la chambre. Mon sang est dans une véritable ébullition. L'inspecteur s'apprête à sortir puis il se retourne.
—On a compris que vous aimez soudoyer les gens donc, on est en train de trouver un moyen pour que vous ne puissiez le faire cette fois-ci.
—Et comment comptez-vous faire ça? je demande effrontément.
—Le procureur est en train de voir dans quelles mesures vos comptes peuvent être gelés, dit L'inspecteur.
Je me fige.
—Vous n'avez aucun droit de demander que les comptes de mon client soient gelés, dit Martins. À ce que je sache, les crimes qui lui sont reprochés, ne sont en aucune manière des crimes financiers comme le détournement de fonds par exemple. Donc pourquoi geler ses comptes bancaires ?
—Vous n'imaginez pas à quel point le nouveau Procureur est quelqu'un de très engagé. Il est prêt à tout pour s'assurer que votre client pourrisse derrière les barreaux.
Je n'ai même plus de mots, j'ai l'impression que le ciel me tombe sur la tête. Par où je commence? Bon sang !