Chapitre 60

Ecrit par WumiRa

Il était dix-huit heures moins le quart, lorsque Maya et Sonya durent se dire au revoir. L'avion devait décoller dans quelques minutes et pendant que Steve, s'occupait de leurs affaires, les deux femmes s'entretenaient à l'écart.


- Tu vas me manquer, fit Sonya, qui depuis un moment n'arrêtait pas de pleurer.


- Pas autant que toi tu vas me manquer, ma vielle, répondit Maya. Mais c'est la première fois que je te vois autant pleurer. Tu n'es pas enceinte, dis ?


- Hum.


- Quoiqu'il en soit je suis certaine que Steve te rendra heureuse. Il a l'air d'être éperdument amoureux de toi.


- Et sinon, dis lui que je lui ferai la peau.


Elles se retournèrent toutes deux et virent Malik. Sonya s'essuya aussitôt le visage.


- Je n'allais pas manquer ma dernière chance de faire bonne impression auprès de toi, lui dit-il. En même temps, je ne te blâme pas de penser que je suis le pire mari qui soit.


Maya pouffa, alors qu'il l'enlaçait par derrière.


- Du moment où tu me promets de toujours prendre soin de Maya.


- Tu peux être tranquille, n'est-ce pas chérie ?


Cette dernière acquisesça.


- Où est ton mari ? demanda t-il ensuite.


- Il doit être en train de s'occuper de nos bagages.


- Vous allez rester là bas indéfiniment ?


- Oui, répondit Maya. Steve travaille là bas, il a son propre cabinet, donc c'est sûr que nous ne reverrons pas ces deux là de si tôt. Mais on pourrait peut-être aller leur rendre visite pendant les vacances ?


- Je vais y réfléchir, chef.


Steve, le mari de Sonya réapparut pour leur dire qu'il était temps de se séparer.


- Je prendrai soin de ta sœur, Maya. Fais moi confiance.


Elle sourit.


- Tu as vraiment intérêt  ! C'est l'un de mes poumons que tu es en train d'emporter avec toi.


Puis elle prit Sonya dans ses bras, mais au lieu de lui rendre son étreinte, cette dernière gémit de douleur.


- Ça va ? demanda Maya, en la relâchant. Tu as mal quelque part ?


- Rien de grave... J'ai glissé dans la salle de bain, ce matin.


Nul ne vit le froncement de sourcils de Malik.


- La prochaine fois, je veillerai à ce que tu fasses plus attention, intervint Steve.


Ce fut au tour de Malik de prendre Sonya dans ses bras.


- Heureux ménage. Et bon voyage.


- Merci Malik.


Environ dix minutes plus tard, les Sylla reprirent le chemin de chez eux.


- Tu connais Steve depuis combien de temps ? demanda Malik, sur le chemin du retour.


- Depuis plusieurs années, il a été l'avocat de mon père pendant cinq ans. 


- Il a quel âge ?


- Je ne sais pas mais d'après Sonya, il la dépasse d'environ huit ans. Pourquoi ?


- Rien. J'espère qu'il veillera sur elle.


- Je l'espère aussi. C'est la deuxième fois qu'ils se remettent ensemble, mais au moins maintenant, il y a le mariage. Ils s'aiment, c'est clair.


Il prit sa main dans la sienne, tenant le volant d'une main.


- Comme quoi, l'amour change tout.


- Exactement.


- Quel est ton programme de demain ?


- Rien de prévu pour l'instant. Maintenant que Sonya n'est plus là, je vais sérieusement devoir songer à me trouver un travail, en attendant que mon père prenne sa retraite.


- Tu attendras longtemps, c'est certain. Mais au cas où tu serais intéressée, ma secrétaire sera bientôt en congés de maternité, donc...


- Elle est enceinte ?


- Oui.


- Donc ?


- Le poste est temporairement vacant.


- Malik.


- Mon amour, je suis sérieux quand je dis vouloir t'embaucher.


Elle le regarda, sceptique.


- Tu vas me payer ?


- Un vrai salaire. Oublie que tu es ma femme.


- Facile à dire. Sans parler du fait que tu es vraiment tactile.


- Quoi, les démonstrations affectives en public ? Je pourrai m'en passer au bureau, puisque de toute façon, on se verra les soirs à la maison.


- Bon...


- Tu n'es pas obligée de me répondre dans l'immédiat. Prends le temps d'y réfléchir, d'accord ?


- D'accord.



***



Au même moment.



- Pourquoi m'as-tu fait venir jusqu'ici ?


- Assieds-toi d'abord.


- Je n'ai pas le temps de m'asseoir.


- Bon ok. Si je t'ai fait venir, c'est pour te parler de Malik.


- C'est à dire ?


- C'est moi ou tu t'es dégonflée ? 


- Si tu entends par là le fait que j'ai décidé de ne plus me mêler de sa vie conjugale, oui. Ce n'est plus mon problème, s'il a choisi une autre que moi.


- Quelle peureuse ! Il s'est passé quoi dont je ne suis pas au courant ?


- Il s'est passé que je renonce à mettre ma vie en suspens pour quelqu'un qui est occupé à rendre une autre heureuse. Mais regarde toi, donc. Tu ne trouves pas qu'il est temps de passer à autre chose ? Malik Sylla n'est pas le seul homme sur terre, il y en a des milliers qui donneraient...


- Oh pardon, arrête. Épargne moi la chanson habituelle, oui il y a des hommes dehors qui feraient n'importe quoi pour m'avoir, m'épouser et tout le tralalala, mais ce n'est pas ma faute si c'est lui que mon cœur a choisi. Je pensais que tu pouvais m'aider, mais puisque tu me blâmes moi, qui aurait pensé que toi aussi tu es amoureuse de lui, hein ? Même moi, j'ai été surprise, mais vu que tu renonces à lui, ce ne peut être qu'une bonne chose pour moi. Une de moins !


- Et que vas-tu faire hein ? Tu crois vraiment qu'il renoncera à Maya pour toi ?


- Elle n'est pas plus belle que moi, à ce que je sache.


- Il ne s'agit pas que de beauté. Tu n'es pas son genre de femme, admets-le pour une fois.


- Ça c'est parce qu'elle le retient. Mais quand elle ne sera plus là ? Qui à ton avis iras le consoler ? Moi.


- C'est à dire ?


- Tu n'es pas dans mon camp, je n'ai pas à te dévoiler mes secrets. Qui me dit que tu n'iras pas me balancer ?


- Ce que tu comptes faire pour les séparer ne me regarde plus. Mais veille à ce que je n'y sois pas mêlée. Je ne veux plus avoir de problèmes.


- Bah...


- Ensuite si j'étais toi, je ne ferais plus affaire avec Joker, tu ne sais pas de quoi ce type est capable.


- Pardon ?


- Je sais que l'accident de Maya n'en était pas vraiment un. Tu as voulu l'éliminer, mais au lieu de cela, c'est son bébé que tu as tué. Ça par exemple, sois certaine que Malik ne te le pardonnera jamais.


- Comment... C'est Joker qui te l'a dit ?


- Il a suffit que je lui offre deux bières, pour qu'il me vante ses derniers exploits. Tu oublies que c'est moi qui te l'ai présenté ? 


- Le salaud.


- Mais tu t'attendais à quoi ? Apparrement vous avez même couché ensemble, tu m'étonnes qu'il ait voulu faire le paon après ça.


- Je lui ai pourtant ordonné de ne rien dire à qui que ce soit !


- Ce n'est pas mon problème, que tu l'aies mis dans ton lit ou pas. Je ne veux juste plus être mêlée à tes problèmes de cœur, et je suis sérieuse quand je te dis de m'oublier. Je ne veux pas être ta complice quand tout se saura.


- Parce que tu comptes leur dire la vérité ? Il ne te pardonnera pas non plus de m'avoir aidé sur certains coups. Lincoln, par exemple.


- Fais comme bon te semblera. De toutes façons, moi je quitte Dakar, dans peu et si tu es intelligente, tu ferais de même. Aurevoir.



***


Le lendemain


De toute sa vie, Malik n'avait jamais été autant nerveux qu'alors. Il attendait Henri dans le bureau de ce dernier, mais plus le temps passait, plus il se questionnait sur sa décision de tout révéler à son ennemi, non seulement sur sa véritable identité, mais aussi sur ses motivations durant tout ce temps. Avait-il fait le bon choix ? Il se remémora le sourire encourageant et empli de fierté de sa femme, quelques heures plus tôt.


- Quoiqu'il se passera, avait-elle dit, le plus important est que tu auras essayé d'arranger les choses, de la meilleure façon qui soit. Il se pourrait que tu aies eu raison sur toute la ligne et que mon père est le méchant de l'histoire, mais il se peut aussi que tout ça n'était qu'un gros malentendu. Ne t'emporte à aucun moment, quelqu'en soit la conclusion, c'est très important pour moi, Malik.


La porte du bureau s'ouvrit, le tirant de ces pensées. Il se redressa.


- Ah, c'est toi ? demanda la voix d'Henri, alors qu'il se levait.


- Bonjour monsieur Fall.


- Comment vas-tu ? Et Maya ?


Son interlocuteur alla s'asseoir en face de lui et au lieu de l'homme toujours bien habillé qu'il connaissait, il ne vit qu'un vieillard en pyjama.


- Elle va bien, répondit-il avant de se rasseoir.


- Je suis un peu souffrant depuis des jours. Mais ce n'est qu'une toux, d'après le médecin. Enfin, vivement que ça passe. 


Depuis quand cet homme lui faisait-il part de ses problèmes de santé ? Avait-il flairé le danger ?


- Quel bon vent t'amène ? s'enquit Henri.


- Je dois m'entretenir avec vous d'un sujet très important.


- Oui, moi aussi j'ai un sujet qui me tient à cœur et dont je dois te parler. Cependant j'attendais que ma soit disant toux passe. Peut-être qu'on devrait remettre notre petite discussion à plus tard.


- Désolé, mais c'est trop important pour être reporté.


- Ah bon ? Très bien, je t'écoute.


Cherchant par où commencer, Malik marqua une pause de quelques secondes, puis enfin, il dit : 


- Je suis venu vous parler de Barry Sylla.



***


La sonnerie venait de retentir et Maya dût interrompre une séance de squats improvisée, pour aller ouvrir la porte du salon.


- Bonjour Maya


- Bonjour, répondit-elle à la femme qui se trouvait sur le seuil de sa porte, non sans être surprise.


- Tu te souviens de moi ?


- Non, mais entrez s'il vous plaît.


Elle lui céda le passage.


- Merci.


Maya referma ensuite.


- Ton mari est là ?


- Il vient tout juste de sortir. Prenez place, qu'est-ce que je vous offre à boire ?


Awa s'avança vers un fauteuil et s'assit.


- C'est très gentil à toi, ma chérie, mais non ça va. 


- J'insiste. Si vous êtes une connaissance de Malik, je me dois de vous mettre à l'aise, tata. 


- Uhm, d'accord. Un verre d'eau fera l'affaire.


- Très bien, un instant.


Elle s'éclipsa et revint après, avec le verre d'eau et des petits pains sucrés, le tout sur un plateau.


- Merci, c'est très gentil à toi.


Maya s'assit ensuite en face de la visiteuse.


- Dois-je l'appeler ?


- Non. Ce n'est pas un problème s'il en a pour longtemps. Je crois même que cela nous laisseras amplement le temps de faire connaissance. Tu ne te souviens toujours pas de moi ?


- Non... Enfin peut-être, si vous étiez à notre mariage, c'est possible que j'aie oublié.


- Je n'ai pas eu la chance de te voir en robe de mariée. 


- Ah, d'accord.


- Mais j'imagine à quel point tu devais être rayonnante. Tu as de beaux yeux, tout comme ton père.


Maya sourit, de plus en plus perplexe.


- Vous connaissez mon père ?


- Mieux que tu ne l'imagines. Je ne suis pas venu rendre visite à ton mari, en fait si je suis là, c'est pour toi, ma chérie.


- Je vois. Donc si je comprends bien, vous êtes de la famille. 


- C'est exact.


- Une cousine éloignée de papa ? Ce doit être vous, la tante rebelle dont il m'a si souvent parlé.


- Humm non. Mais parle moi un peu de toi. Que fais-tu comme travail ? 


- Actuellement rien.


- Comment ça rien ? Tu ne vis tout de même pas uniquement de ce que te donne ton mari ?


- Non, j'ai de quoi subvenir à mes propres besoins, même si Malik est très attentionné.


- C'est très bien. J'ai toujours été contre le fait qu'une femme dépende totalement de son homme, mais il faut croire que les femmes musulmanes ont un problème avec l'indépendance financière. La plupart en tout cas.


La sonnerie retentit un nouvelle fois et Maya dût encore aller ouvrir.


- Tu attendais quelqu'un ? 


- Non, c'est peut être le gardien.


- Il entre ici ?


- Quand c'est important, oui.


Elle ouvrit, mais à la place du gardien...


- Maman ? Quelle surprise !






Sensuelle Ennemie