Chapitre 7

Ecrit par Annabelle Sara


En coupant le moteur de la voiture, elle prit une grande inspiration. Leva la tête vers la façade avant du duplex, constata le balancement familier du voilage de la baie vitrée et prit une grande inspiration.

Jasmine avait cette sensation de froid qui l'envahissait chaque fois qu'elle rentrait chez elle et se rendait compte qu'il était là. Il ne s’annonçait jamais, ne la prévenait jamais de son arrivée. Il venait et repartait comme un voleur, ce qu'il était d'ailleurs. Puisque voilà maintenant une décennie qu'il lui avait volé sa liberté.

Elle ne pouvait pas s’enfuir alors le mieux c'était de l'affronter.

Elle descendit du véhicule et d'un pas lent rentra dans ce qui au fil des années était devenu sa geôle.

A peine elle franchit le pas de la porte qu'une poigne ferme se referma sur son cou, l’étouffant presqu’à l’évanouissement.

- Tu sors d’où? Aboya-t-il l'haleine imbibée d’alcool. Tu joues avec moi ? Je sens que tu n'as pas encore compris qui je suis hein jeune fille…

Elle essaya de crier mais aucun son ne sortait de sa gorge alors elle se contenta de taper sur le bras qui l'étranglait.

- C'est un moindre mal comparé à ce que je te réserve si tu ne me dis pas très vite d’où tu viens!

Jasmine sentit ses poumons brûler par manque d’oxygène.

- J’étais à la veillée…

Sa voix était tellement enraillée qu’elle ne s’entendait pas répondre.

- Tu es parti avec un type…

Elle eut une vision du grand mec noir et super sexy dans sa voiture, qui lui avait tenu la main pour la réconforter.

- C'était un… une connaissance de… d'Yvan…

- Tu mens ! Cria-t-il en faisant rebondir la tête de la jeune femme sur le plexiglas derrière elle.

- C'est lui qui me l'a présenté, souffla-t-elle en arrêtant le bras qui lui obstruait les voies respiratoires.

- Il voulait quoi?

- Il… vou-voulait… parler de… ta fille !

Il relâcha légèrement son cou.

- Marianne ? Pourquoi ? D’où il l’a connait?

Le regard enragé de Thomas Essengue vira à un air suspicieux.

- Si tu lâches mon cou je pourrais t'expliquer

- Tu n'es pas en position de négocier Jasmine !

- Qui t'as dit… que je voulais négocier ? Répondit-elle en posant une main sur le torse de son bourreau.

- Il voulait quoi?

- Il s'intéresse au décès de ta fille… il lui a fait un hommage sur Facebook…même morte Marie reste une grande séductrice ! 

- J’ai halluciné en voyant le monde ce soir chez moi… même mon oncle qui ne nous supporte pas est venu !

- Tu vois? Il voulait juste savoir qui était Marie !

Thomas tiqua à cette phrase. Il resserra son poing qui n'avait pas quitté le cou de la jeune femme.

- Qu'est-ce que tu lui as raconté ? souffla-t-il entre ses dents.

- Rien… Rien…

- Tu mens, gronda-t-il. Jasmine ne joue pas avec moi… 

- Je ne... 

- Qu’est-ce que tu as dit ? Aboya-t-il en la secouant.

- Rien qui te concerne !

Elle avait crié aussi fort que lui permettaient ses poumons en feu.

Il la fixa droit dans les yeux.

- Tu as encore raconté l’histoire de la petite ?

Elle détourna le regard pendant que son cœur se mit à battre plus fort.

- Jasmine ! Tu n'es pas fatiguée de te mentir? Parce que tu auras beau dire tout ce que tu veux tu connais la vérité… 

- J'ai raconté la vérité !

Il l’a lâcha brusquement et se mit à rire.

- Ah oui?

Jasmine prit une grande bouffée d’air en se tenant le ventre.

- Laquelle ? Demanda Thomas en se grattant le menton poivre sel. Celle où ma fille aurait poussé une pauvre petite lycéenne de 13 ans à avorter sans lui donné les instructions d'utilisation de l'alcool à brûler ? Ou alors cette fois tu as fais preuve d'imagination ?

- Vas te faire foutre Essengue!

- Langage ! Mon foutre c'est dans ta sale gueule de menteuse je vais le mettre tout à l’heure, ne t’en fait pas!

- J'ai mes règles !

- Et alors ? Est-ce que tu me suces avec ton vagin ? D'ailleurs… Je sens que depuis tu te sens pousser des ailes ! Je vais te montrer. Qui est ton Maitre! 

Il l'empoigna par les cheveux et l’entraîna dans la salle à manger où il l’a balança sans ménagement contre le sol. Jasmine ne cria pas, ne pleura pas elle se contenta de se mettre à genoux pendant que le quinquagénaire dégraffait sa braguette.

Jasmine connaissait ce qui allait se passer. Elle l'avait déjà fait des milliers de fois. Des fois avec joie mais le plus souvent à contre cœur.

Lorsqu'elle repensait à ce qui l'avait mené dans cette position. A genou, la tête entre les jambes du Père son amie décédé, une larme pendante au coin des yeux à cause de son gland qui l'étouffait chaque fois qu’il butait dans le fond de sa gorge, elle se disait qu'au final rien n’était donné.

Elle croise souvent le regard des gens sur elle, des gens qui pour certains la juge et d'autres, l’admire. Elle ne sait pas lequel des deux est pire.

- Concentre toi sur ce que tu fais, aboya Essengue.

Elle s'étouffa un peu plus et une larme coula le long de sa joue rouge. Elle essaya de s’écarter mais il l’a tenait fermement. 

- Reste là ! Tu voulais mon foutre alors tu vas gentiment… le pomper… et avaler !

Elle décida de s’exécuter, elle savait que si elle ne le faisait pas cette torture pourrait durer des heures. Il fallait le faire jouir, seulement il fallait qu'elle pense à autre chose si elle voulait s'appliquer. La première image qui lui vint à l'esprit fut celle d'un jeune homme, grand, les épaules larges un torse puissant un teint d'un noir flamboyant. 

Les traits de son visage était à la fois caractérielle et fin. Son aura et son allure lui donnait tout ce qu’il fallait pour le mettre dans la catégorie beau gosse. Elle imagina le reste de sa personne visualisant une scène qui emporta ses sens. 

La sensation qu'elle avait contenu tout le temps qu'ils avaient passé ensemble dans la voiture prit définitivement possession d'elle.

Elle ne se contenta pas cette fois de s'appliquer, elle y mit du cœur. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressenti cette aura protectrice en présence d'un homme. Sensation qui lui permit de se laisser aller.

Thomas laissa échapper un râle puis il l’a repoussa violemment, l’envoyant valser contre le sol, alors qu’il retenait avec difficulté le jus qu'elle venait de lui pomper.

Elle se nettoya les lèvres sans le quitter du regard alors qu’il remettait de l'ordre dans sa tenue. Il était là mais elle ne le voyait pas. Quelqu'un d'autre la possédait sans le savoir.

Il se leva prestement et la fusilla du regard.

- La prochaine fois que tu me suce en pensant à un autre… sois certaine que tu vas amèrement le regretter !

- Tu n'avais pourtant aucun problème avec ça la dernière fois…

- Ah d’accord tu veux jouer à ça?

- Je n’ai pas envie de jouer avec toi… mais soyons réalistes Essengue ça fait des années que je ne couche plus avec toi pour le plaisir !

Il decela dans sa voix la résignation d'une personne qui a force de plier face à l'adversité, avait décidé d'accepter son destin.

- Nous savons tous les deux pour quelle raison j'accepte de continuer, ajouta -t-elle en se nettoyant vigoureusement la bouche .

- Oui alors c'est une raison suffisante pour que tu te comporte avec beaucoup d’égards à mon endroit !

Cette menace non dissimulée d'Essengue piqua Jasmine au vif.

- Si tu me laissais le voir… s’écria-t-elle avec brusquerie.

- Pourquoi je ferais ça ?

- C'est aussi mon enfant !

- Et donc? Tu crois pouvoir t'en occuper sans moi? Sans mon soutien ? Tu es là tout le temps à te plaindre alors que tu sais très bien qu’il est bien mieux là où il se trouve qu'avec toi !

- Je demande juste une ou deux heures en sa compagnie…

Essengue éclata une fois de plus de rire avant de se retourner comme s'il voulait prendre congé.

- Tu peux rire mais j'ai le droit de demander à voir mon fils…

- Si tu crois que je vais rester là pour écouter tes pleurnicheries, dit-il en quittant la maison.

Il claqua la porte derrière lui. Le bruit sourd de la porte coulissante, brisa plus profondément le cœur déjà meurtri de cette jeune femme. Déjà désemparée par la froideur de sa vie en général, elle devait en plus continuer à subir les affres d'un homme autant arrogant que dangereux.

Durant des années elle avait subi sans riposte mais aujourd’hui, elle avait senti qu'elle pouvait enfin retourner la situation. Comme quoi le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Léon était perdu dans ses pensées. Depuis la veille à causes de toutes ces révélations perturbantes sur la jeune femme qui envahissait son esprit. Bien qu’il ne la connaissait pas. Ensuite cette conversation singulière avec Solène, qui n’était pas terminée, étant donné que la jeune femme s’était murée dans le silence. 

Ce matin d'ailleurs elle s’était pratiquement enfuie pour aller sûrement se réfugier chez ses parents ! Comme elle le faisait très souvent. Trop souvent au goût de Léon.

Lui qui avait pensé que la jeune femme serait heureuse de savoir qu'il se projetait avec elle se sentait maintenant idiot. Idiot d'avoir pensé qu'ils étaient sur la même longueur d’onde.

Il avait certes l'esprit ailleurs mais repassa tout de même d'un œil distrait les dossiers posés sur sa table.

Quand quelqu’un posa sa main sur son épaule. Il sursauta de surprise.

- Massa! Excuse moi Léon je ne voulais pas te faire peur.

La petite voix de sa collègue ramena Léon à la réalité. Elle semblait même plus secouée par son sursaut que lui.

- Tu sors d’où? Demanda-t-il en se retournant vers elle. Tu veux me faire avoir un AVC?

- Non… je suis allée prendre à manger ! Comme depuis le matin je te trouve bizarre j'ai pris un shawarma pour toi… tu n'as rien mangé... Depuis le matin ?

Patricia avait toujours été très prévenante avec lui. Il n'avait jamais cherché à savoir pourquoi.

- Merci

- Je t'en prie… je sais que tu ne bois pas de sucreries donc… le jus c'est pour moi, ajouta-t-elle, traversant le bureau d'une démarche chaloupée vers son propre bureau.

Léon savait pertinemment pourquoi elle était aussi gentille avec lui. Elle n'avait pas besoin de le dire.

- Hier nuit je t'ai vu à une veillée, je dois dire que j’étais surprise, je ne savais pas que tu connaissais Marianne !

- Je ne la connaissait pas, répondit-il.

- Et que faisais tu à sa veillée ?

- Il faut connaître quelqu’un pour lui rendre un dernier hommage ?

- Ce n’est pas ce que j’ai dis! Se défendit la collègue. Je sais juste que cette fille était le genre a provoquer beaucoup d’émoi auprès de la gent masculine, alors… je me suis demandée si…

Elle ne termina pas son propos. Léon leva les yeux inquisiteurs sur elle. Il voyait la question qui lui pendait aux lèvres écrite en majuscule dans ses yeux.

- Si quoi?

- Je sais que ça ne me regarde pas mais… 

- Mais tu voulais savoir s’il s'est passé quelque chose entre cette fille et moi ? 

Aucune réaction,elle se contenta de mordre dans son pain libanais.

- Ça ne me regarde pas !

- En effet, assura-t-il. Toutefois s'il faut déterminer la présence de chacun à cette veillée par une relation étroite avec la défunte je pourrais te retourner la question ma chérie ! Que s’est-il passé entre Marianne et toi?

Elle ne sembla pas enclin à répondre à cette question mais elle leva des yeux brumeux sur lui. Le désir mal caché de la jeune femme avait fait place à un sentiment plus sombre. Comme si la seule évocation de la relation avec Marianne Essengue était source de vive douleur.

- Tu la détestais, souffla Léon.

- Elle a mérité tout ce qui lui a été infligé par son assassin !

La gravité des paroles de sa collègue ne semblait pas correspondre à la finesse de sa voix, mais ses yeux rendaient ses propos cohérent avec son état d'esprit à cet instant.

- Qu'est-ce qu’elle t'a fais ?

Elle prit une grande inspiration avant de lâcher finalement prise. On aurait dit qu'elle laissait choir un lourd fardeau qu'elle traînait depuis bien trop longtemps.

- A cause d'elle j'ai perdu un ami cher à mon cœur il y a 6 ans! Vidal était un jeune garçon plein de vie, de fougue… mais comme beaucoup de son âge il manquait de maturité…

Elle se mit à lui raconter l'histoire du jeune homme qui à cause de son attachement à Marianne s’était retrouvé sous les roues d'un véhicule. On sentait bien que la jeune femme était à cette époque très éprise de l'amant immature de Marianne. Elle avait cette lueur qu'il connaissait bien chaque fois qu'elle évoquait son prénom.

- Quand je pense qu’il n'aurait sûrement pas été là si je ne lui avait pas raconté les bobards de Marianne…

Léon fut intrigué par cette déclaration.

- Quels bobards ? Demanda-t-il

- J'avais surprise Marianne nue qui sortait du bureau du prof à l’époque!

- Nue?

- Bon elle portait sa jupe mais son haut était défait et à la seconde où elle m'a vu elle a paniqué et s'est mise à pleurer ! Elle m'a juré qu'il l'avait agressée ! 

Il pouvait voir dans les yeux de la jeune femme que cette expérience l’avait marquée.

- Marianne était le genre de fille qui attisait la convoitise ! Elle faisait naitre chez les hommes, jeunes comme vieux des envies… Tu vois?

- Et c’est le genre qui rendait les femmes jalouses?

La question de Léon toucha un point sensible, lui provoquant un rire jaune.

- La jalousie ! Répéta-t-elle. C’est exactement ce que Vidal m’avait balancé lorsque je lui avais dit que je ne pensais pas sincèrement que notre professeur ait abusé d’elle. Il ne m’avait jamais parlé comme ça depuis qu’on se connaissait… 

- Il était amoureux…

- Obsédé ! Quand on était jeune on parlait de tout, on avait des discussions sur nos vies, nos attentes nos espoirs... sur ce que nous voulions faire demain ! Il voulait être dans l’armée de l’air. Son papa était militaire et comme tout parent il voulait pousser son fils vers une voie qui lui parlait... là où il avait des entrées mais il avait quand même donné le choix à son fils…. Vidal était brillant même s’il cachait cela derrière de la turbulence et de l’impertinence.

Ecouter Fallon parler de son ami ramena Léon quelques années en arrière lorsqu’il nourrissait encore des ambitions. L’environnement et l’entourage influent généralement sur les projets d’avenir. Pas toujours de la bonne manière.

- Il aurait pu réussir s’il n’avait pas croisé la route de cette fille.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? Lui demanda-t-il.

- Nous étions en fin de cursus et Vidal aurait mieux fait de ne pas s’intéresser à une gamine pourrie gâtée comme Marianne. C’est lors d’un match amical de football de l’équipe de notre école avec une autre qu’il a posé ses yeux sur elle. Et leurs yeux ne se sont plus jamais lâché. Vidal lui il se donnait alors que Marianne s’amusait d’avoir capter l’attention d’un gars de la TC. Et elle l’a bien manipulé avec cette histoire de viol, harcèlement... Ntap! Quand je pense que Vidal est mort à cause d’une crise d’amoureux…

- Amoureux ? Demanda Léon.

Il croyait que Marianne harcelait son professeur comme lui avait dit Yvan.

- Je croyais que c’est elle qui poursuivait le prof et qu’il ne voulait pas d’elle… commença le jeune homme.

- Qui M. Belinga? Cet homme n’aurait jamais craché sur une proposition indécente ! C’était un coureur de jupons de première. Et si Marianne a monté toute cette histoire c’est parce qu’elle l’a surpris avec une fille… une des 5!
A Sang Pour Sang