Chapitre 7: Se résigner
Ecrit par kaynaliah
Quelques heures plus tôt
JEANNE NTSAME EPOUSE MINKO
Ce matin, je suis plutôt de bonne humeur. Je prépare en douce l’anniversaire de Georges qui approche. Comme je suis en congés, j’en profiterai pour faire les courses dans la journée avec cette pipelette de Rehyma. La petite là parle seulement: un vrai moulin à paroles mais je l’adore ma petite chouquette. Elle a changé mon monde, ma vie. Elle est toute ma vie aujourd’hui et je ne remercierai jamais assez le Seigneur de m’avoir accordé cette grâce de porter cet enfant en mon sein. Après que je lui préparais son petit-déjeuner, j’ai encore ressenti cette forte douleur que je ressens depuis quelques semaines déjà. Seulement cette fois-ci, elle est beaucoup plus virulente et violente que les précédentes que je dois m’accrocher au rebords de mon plan de travail pour ne pas tomber pour me tordre de douleur. Il faut vraiment que je vois un médecin car là ça commence à me faire peur. Rehyma entre à ce moment-là dans la cuisine avec sa peluche sous le bras.
-”Ca va maman?”
Elle me regarde comme inquiète et semble attendre ma réponse. Ma fille, pas une seconde ne s’écoule sans que je ne pense à elle. Elle est mon monde entier. Je me souviens à cet instant que j’ai été malade du cancer il y a quelques années, et si j’avais fait une rechute? Non je refuse de penser à cela. Je plaque un sourire sur mes lèvres et rassure ma petite princesse.
-”Ca va mon trésor. Que fais-tu à la cuisine?”
-”J’ai faim maman. En plus “Dora” (Dora l’exploratrice) est finie et j’aime pas celui qui passe”
-”Alors toujours du chocolat pour la petite princesse?”
-”Oui et en plus de cela un gros bibi (bisou)”
Je me baisse à son niveau et elle me fait pleins de bisous. On rigole toutes les deux. J’aime partager ces moments avec ma fille. La maternité m’a vraiment transformée. On a beau dire que le plus beau jour de la vie d’une femme est celui de son mariage mais pour moi, c’est celui où j’ai donné la vie à ma fille. Dès que je l’ai prise dans mes bras, mon coeur a juste débordé d’amour pour elle. J’ai compris à sa naissance lorsqu’on dit qu’être maman est le plus beau métier du monde.
On sort de la maison quelques temps plus tard. Je suis au volant de ma voiture et Rehyma est dans son siège entrain de chanter avec son charabia une chanson de Michael JACKSON. Georges m’appelle pendant que je suis au volant et parle avec sa fille qui lui raconte vraiment sa vie. La petite là parle trop je vous promets. Nous allons faire les courses à M’BOLO (hypermaché librevillois). Je me gare sur le parking et descends de la voiture avec Rehyma. Je tire un chariot et la place sur le siège et on rentre dans le magasin. Nous étions du côté des produits laitiers quand j’ai senti un regard insistant posé sur moi. Je me suis retournée et ai croisé le regard de ma “sorcière” de belle-mère. Je vois qu’elle a les yeux posés sur ma fille. Elle me regarde à nouveau comme pour me demander l’autorisation d’approcher de ma fille. Elle s’avance vers moi mais je prends rapidement ce que je voulais prendre et continue à avancer avec mon chariot comme si de rien n’était. Je l’entends m’appeler mais fais comme si elle n’existait pas. Rehyma aussi a détourné entre-temps son attention de sa peluche et assiste à ce qui se passe sans pour autant comprendre. Elle s’apprêtait à me poser des questions quand je fus prise encore d’une violente douleur au niveau de l’abdomen. Cela me poussa à m’accrocher de toutes mes forces à la rambarde du chariot. Un homme qui était à côté de moi se rapprocha et me demanda si tout allait bien. Je m’apprêtais à lui dire oui quand la douleur se multiplia comme par 1000 m’obligeant à me tordre de douleur. J’entendais Rehyma qui commençait à pleurer et les gens commençaient à s’attrouper autour de nous. Je commençais à perdre pied mais je ne devais pas. Ma belle-mère se manifesta à ce moment et je fus bien obligée malgré moi de l’accepter à mes côtés car malgré toute la rancune qu’elle peut ressentir à mon égard, elle ne ferait jamais de mal à Rehyma, sa petite fille. J’ai demandé à ce qu’on appelle mon mari et j’ai demandé à ma belle-mère de veiller sur ma fille jusqu’à ce que mon mari arrive. Le monsieur de tout à l’heure me souleva et me porta jusqu’à sa voiture, suivis de ma belle-mère et Rehyma dans ses bras qui pleuraient à chaudes larmes. MOn coeur était vraiment brisé. Durant le trajet, mes yeux se fermèrent peu à peu mais j’avais dans les mains la peluche de ma fille qu’elle m’avait donnée quelques instants plus tôt. Mais au bout d’un moment, ce fut le trou noir total.
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Retour dans le présent
Cela fait trois jours que je suis sortie de l’hôpital et que je me suis enfermée dans un mutisme sans nom. Je suis dans un état de désespoir total. Mes pensées sont trop embrouillées. Elles sont noires comme cette épée de Damoclès qui trotte au-dessus de ma tête et me rappelle qu’elle peut en finir avec moi à n’importe quel moment. Comment cela a pu arriver? Comment cela a pu m’arriver? Comment cela à pu nous arriver? J’ai quitté pour la dernière fois cette maison avec le sourire aux lèvres, heureuse plus que jamais il y a quelques jours et là je la réintègre complètement morose, profondément désespérée. J’ai perdu tous mes repères. Mes pensées me ramènent à quelques jours plus tôt, lorsque je me suis réveillée à l’hôpital.
Georges était à mon chevet, endormi. Je l’ai contemplé un moment avant que l’image de Rehyma me vienne en plein fouet à l’esprit. Où était ma fille? Je voulais la voir. J’ai dû bouger ou faire du bruit car Georges s’est réveillé à ce moment là et m’a serrée fort dans ses bras. Il m’a appris que j’ai dormi 30 heures. Je ne comprenais pas comment. On m’a administré une puissante dose de morphine pour m’aider à supporter mes douleurs car elles étaient terribles. MAis moi la morphine m’a complètement assomée. Georges était certes présent mais avait l’esprit ailleurs. J’étais trop fatiguée pour lui demander ce qui lui arrivait. Rehyma était à la maison avec la nounou. J’étais plus que rassurée. IL m’expliquait ce qui s’était passé jusqu’à ce que le médecin entre dans ma chambre.
-”Bonjour Mme MINKO. COmment vous sentez-vous ce matin?”
-”Epuisée”
-”Vous souvenez-vous de ce qui vous est arrivé?”
-”Je me souviens avoir fait un malaise alors que je faisais des courses avec ma fille mais après c’est le trou noir”
Il regarda un moment Georges qui acquiesça de la tête avant de poser ses yeux sur moi et de prendre la parole. Koum…. Pourquoi le médecin a besoin de l’autorisation de mon mari pour me parler. Il se passe quelque chose d’anormal.
-”Vous êtes arrivée dans nos locaux complètement inconsciente.”
-”Et si vous allez droit au but svp”
Georges me fixait seulement et me serrait la main.
-”On a réalisé une échographie et une radiologie pour certifier le diagnostic établi. Nous avons trouvé des métastases dans les organes et tissus des régions abdominale et pelvienne et se sont propagées d’une part aux ganglions lymphatiques et d’autre part au sang. Je suis désolée Mme MINKO mais vous avez atteint le dernier stade…”
KOum Koum Koum
-”Vous avez un cancer en phase terminale”....
NOn non non…. Je pensais en avoir fini avec cette maladie”
-”Vous allez être sujette à des troubles urinaires, digestifs menstruels et du colon…..”
Il continuait de parler mais je ne l’écoutais plus. Je voyais juste ces lèvres bouger mais mes oreilles étaient hermétiquement fermées à écouter quoi que ce soit de plus. J’allais mourir. Je suis entrain de mourir. Rehyma…..Mon Dieu! Je ne la verrai pas grandir ma petite princesse….. Les larmes me montent aux yeux. Je vais laisser ma petite famille. Ai-je vraiment mérité cela. Tout était si bien mais là tout s’envole comme le vent soufflant sur un château de sable.
-”Combien de temps me reste-il?”
-”6 mois maximum”
-”Merci d’avoir été franc avec moi…. maintenant je veux sortir d’ici”
-”Chérie je ne…..”
-”J’ai dit que je veux sortir d’ici Georges. Je refuse de passer une minute de plus ici. De toute façon à quoi cela me servirait-il à rester puisque je suis condamnée de toute façon. Je veux voir ma fille et personne ne m’arrêtera”
J’ai retiré la perfusion et me suis levée du lit tout en ayant des vertiges. Georges m’a soutenue pour ne pas que je tombe. Je suis allée prendre une douche. J’ai repensé à toutes les informations que mon cerveau venait d’enregistrer. Je suis condamnée. Je me suis tellement battue pour avoir ma fille et au final, je ne la verrai même pas grandir? Quand je suis sortie de là, Georges était assis sur le lit et avait déjà préparé mes affaires. Nous avons quitté ce lieu sinistre en silence. Le trajet s’est lui aussi effectué en silence. On vient à peine d’arriver à la maison et je fonce à l’intérieur. Je croise la nounou qui me salue et me dit que ça fait presque deux jours que Rehyma n’est pas bien. Koum. Ma petite fille. QU’a-t-elle?
Depuis mon hospitalisation, elle refuse de manger et on doit la forcer pour qu’elle s’alimente, elle ne dort que dans notre lit et à ma place et ne fait que m’appeler. Elle pleure durant de longues minutes avant de pouvoir s’endormir. Mon coeur est juste déchiré. Je cours dans le salon car habituellement elle regarde des émissions sur les animaux mais elle n’y est pas. Je monte dans sa chambre, elle n’y est pas non plus. J’entends des reniflements émanants de notre chambre. Je reconnais la voix de ma petite fille. J’ouvre la porte et cours vers elle mais elle ne me voit pas arriver.
-”Rehyma...Bébé...Maman est là...Arrête de pleurer pucette”
-”Maman? Maman? Snif...Maman”
-”C’est fini chérie” dis-je en la prenant dans mes bras
-”Maman...Snif...Je t’ai snif...cherché partout…..T’étais où? Snif...Tu m’as abandonnée snif”
-”Non mon coeur…. Jamais maman ne t’abandonnera...Jamais tu m’entends….Je serai toujours là”
-”Snif….Je t’aime maman snif”
Koum
-”Je t’aime mon petit ange” dis-je avec des larmes ruisselant sur mes joues
Mon Dieu! Ma petite fille! J’ai tellement mal au coeur