Chapitre 8
Ecrit par Chrime Kouemo
6 mois plus tard…
Rachel pesta
rageusement en garant sa voiture sur le parking de son entreprise. Elle avait
vraiment choisi son jour pour être en retard! Elle s’était pourtant levée à son
heure habituelle, mais il avait fallu qu’elle oublie son ordinateur en sortant
de chez elle, donc obligée de retourner le chercher. Puis les bouchons
parisiens dès 7h du matin avaient fait le reste.
Ses patrons avaient
convoqué une réunion de crise du personnel suite au retard des paiements des
salaires. Alors qu’on était le 10 du mois de juin, les virements n’étaient
toujours pas arrivés sur les comptes des salariés. La jeune femme savait que
son entreprise traversait une mauvaise passe depuis quelques temps. Les raisons
étaient multiples : la relance timide du carnet de commande suite à la crise
économique, deux gros chantiers dont la gestion avait été catastrophique et
quelques autres affaires qui avaient été mal négociées. Malgré cela, elle avait
toutefois été surprise tout comme ses autres collègues de ne pas avoir encore
reçu son salaire. Elle était un peu juste dans ses finances depuis qu’elle
avait déménagé trois mois plus tôt. Sans compter les vacances au pays qui
avaient déjà bien grevé ses petites économies. Entre les voyages, les
nombreuses sorties et les aides financières données à sa mère qui traversait
une mauvaise passe, l’argent lui avait filé entre les doigts. C’était donc avec
beaucoup d’appréhension qu’elle attendait cette réunion du personnel.
S’adossant contre la
paroi de l’ascenseur qui la menait au 5ème étage de l’immeuble où se trouvaient
leurs bureaux, elle essayait de faire le vide dans sa tête afin de ne pas
s’angoisser. Elle repensa ainsi à sa conversation de la veille avec Alex. Alors
que tout allait pour le mieux entre eux depuis son retour du pays, elle avait
commencé à ressentir il y a un mois de cela une sorte de gêne venant de sa
part. Elle l’avait interrogé en vain. Il lui répondait à chaque fois qu’il
était juste préoccupé par son travail. Pourtant, elle sentait bien que quelque
chose clochait.
Ils avaient même
commencé à parler d’avenir commun. Quelques semaines après être revenue du
Cameroun, Alexandre lui avait annoncé qu’il souhaitait rencontrer ses parents.
C’était elle qui avait temporisé, même si sa demande la faisait exulter de
joie. Son petit côté rationnel, qui ne la quittait jamais trop longtemps
l’avait un peu fait redescendre sur terre. Ça allait trop vite et elle avait
besoin de lui refaire entièrement confiance avant de passer à l’étape
supérieure. Il devait donc venir en France passer deux semaines à la fin du
mois d’août. Ce serait seulement après cela qu’ils officialiseraient les choses
auprès de leurs familles respectives. Le léger tintement que les portes de
l’ascenseur firent en s’ouvrant la ramena à l’instant présent. Il était temps
de savoir à quelle sauce ses collègues et elle allaient être mangés dans les
prochaines semaines.
Dans la grande salle
de réunion, Monsieur Girardot, l’un des associés de leur cabinet d’ingénieurs
peinait à convaincre l’assistance du futur de leur entreprise. Il répétait
juste en boucle comme une sorte de mantra que lui et son associé mettaient tout
en œuvre pour que les salaires soient versés d’ici le 15 juin. Pour ce qui
était du carnet de commandes qui ne permettait pas une projection au-delà des
six mois à venir, il n’arrêtait pas de balbutier et de dire qu’ils étaient sur
des pistes prometteuses. La fin de la réunion les délivra tous d’un moment qui
était plus pénible qu’autre chose. Rachel ne gardait qu’une chose en tête après
tout cela, c’était qu’il était peut-être temps qu’elle
cherche ailleurs même si ça ne faisait qu’à peine un an qu’elle était là. Elle
ne pouvait pas se permettre de rester à attendre sagement que le bateau coule
avant d’établir un plan. Elle venait de trop loin pour cela. Jérôme la héla
alors qu’elle passait devant la cafète :
-
Alors qu’en as-tu pensé demanda
t’il en jetant un coup d’œil dans le couloir afin de s’assurer que personne ne traînait
par là.
-
Franchement ? Pas très rassurant
tout ça. Je me doutais bien qu’il y avait des problèmes, mais pas à ce point-là;
et le discours de Girardot n’a fait qu’aggraver les choses répondit Rachel à
voix basse.
-
Pareil pour moi, avec en plus
Blanchard qui était muet comme une carpe ! Ça se voyait qu’il n’avait même
pas préparé le truc!
Rachel hocha la tête
en signe d’approbation.
-
Tu as une idée de ce que tu vas
faire?
-
Non, je t’avoue que je n’y ai même
pas pensé. Je vais me pencher sur la question ce weekend, mentit Rachel.
Même si elle avait
pleinement confiance en Jérôme, elle ne voulait pas que des rumeurs prématurées
se mettent à circuler sur son éventuel départ.
-
Et toi?
-
Je ne sais pas. J’ai huit ans
d’ancienneté dans la boîte, ça se négocie cher en cas de licenciement pour
raisons économiques. Je vais donc attendre un peu avant de me décider.
D’autres collègues
arrivèrent et, à leurs mines défaites on devinait clairement que la réunion de
ce matin, si on pouvait appeler ça ainsi, avait anéanti certains comme une
massue. La jeune femme discuta encore quelques minutes avec eux, puis retourna
à son bureau; son chantier continuait à tourner malgré tout.
♣ ♣ ♣
Rachel poussa un
profond soupir en poussant la porte de son appartement. Il était vraiment temps
que cette journée s’achève! Heureusement qu’on était vendredi, elle allait
pouvoir se poser et réfléchir à ce qu’elle allait faire après la nouvelle de la
mauvaise santé de son entreprise. En sortant son téléphone de son sac noir,
elle vit un message WhatsApp de sa cousine Alice. Elle l’ouvrit en glissant son
doigt sur l’écran : ‘’appelle-moi dès que tu peux, c’est urgent’’. En fronçant
les sourcils, elle appuya sur le symbole téléphone de l’appli et attendit que
sa cousine décroche. Au bout de la sixième sonnerie, elle entendit dans le
combiné :
-
Rachel, c’est comment? demanda sa
cousine avec une pointe d’inquiétude.
-
Ça va! (Elle lui ferait part de
l’avenir incertain de son entreprise plus tard). Et toi même? Tu m’as un peu
alarmée avec ton message.
-
Est-ce que tu es assise?
-
C’est quoi cette question ? Je
viens juste de rentrer à la maison, et je suis en train de me changer.
-
Assieds-toi s’il te plaît, insista
Alice.
-
Tu commences à me faire peur là.
Il se passe quoi?
-
Hum… Je ne sais même pas comment
te l’annoncer. Eh ah!
-
Alice! s’écria Rachel. Crache le
morceau là ! Il y'a quoi ?
-
C’est Alexandre…
-
Quoi Alexandre ? L’interrompit-elle.
Il a eu un accident?
-
Laisse-moi parler sans me couper
la parole, ordonna sa cousine. Ecoute, le week-end dernier, Hervé a accompagné
ses parents à un mariage traditionnel à Bafang car leur voiture était en panne.
Il n’avait pas l’intention d’y assister mais ses parents ont tellement insisté
que…
Rachel se retint de
lui crier qu’elle n’avait cure des détails de Hervé et ses parents. Elle
voulait juste savoir ce qui était arrivé à Alexandre.
-
Il y est finalement allé; et comme
il était en déplacement pour le boulot, il n’est rentré qu’hier à la maison.
C’était un mariage en grandes pompes apparemment entre deux illustres familles
Bana : Siéwé et Tchameni. Il a pris des photos et je crois que ton Alexandre
était le marié…
Rachel eut
l’impression que son cœur dégringolait de sa poitrine, ses lèvres devinrent
tout d’un coup extrêmement sèches. Elle devait avoir mal entendu. Ce n’était
tout simplement pas possible.
-
J’ai d’abord tiqué quand Hervé
m’en a parlé au téléphone en mentionnant le nom Siéwé. Après je me suis dit que
c’était un nom courant mais quand j’ai vu les photos, ça a confirmé mon mauvais
pressentiment.
La gorge de Rachel
était tellement serrée qu’elle lui faisait mal. Elle voulait dire quelque
chose, mais aucun son ne sortit.
-
Je peux me tromper mais je ne
pense pas, reprit sa cousine. Je t’envoie une photo tout de suite.
La jeune femme
attendit impatiemment que son iPhone télécharge la photo. Quand elle put enfin l’ouvrir,
elle fut pétrifiée sur place. On voyait clairement sur la photo un Alexandre
avec des habits majestueux en basin riche. Il portait même sur la tête une
sorte de chéchia dans le même tissu. La jeune femme à ses côtés, se tenait
légèrement en retrait. On apercevait les grandes manches brodées aux fils dorés
de sa tenue qu’on devinait très élégante. Elle était coiffée d'un magnifique
foulard nouée à la façon nigériane d'où quelques mèches de son tissage
dépassaient savamment sur le côté. Elle rayonnait littéralement. Alex quant à
lui, malgré son sourire, elle devinait une certaine tension sur ses traits. Sans
qu’elle ne s’en rende même compte, de grosses larmes brûlantes se mirent à
rouler sur joues, qui se transformèrent l’instant d’après en sanglots
incontrôlables.
-
Weeeeh ma chérie, je suis vraiment
désolée. J’espère que tu ne m’en veux pas de te l’avoir dit?
-
Non… Non, tu as bien…fait hoqueta
Rachel en essayant tant bien que mal de contrôler ses sanglots.
-
Je ne sais pas quoi dire pour te réconforter… ça va aller?
Rachel ne répondit pas
tout de suite. Un silence embarrassant ponctué par ses reniflements s’installa
puis elle dit :
-
Je vais te laisser… On s’appelle
plus tard.
Et sans attendre la
réponse de sa cousine, elle coupa la communication. L’instant d’après, elle
s’étalait de tout son long sur son lit, cachant son visage dans son oreiller
pour étouffer les sanglots qu’elle n’avait plus aucune raison de retenir. Elle
pleura, hurla, tapant son oreiller pour évacuer la rage, le désespoir, et
l’amertume qu’elle sentait monter en elle prêts à tout balayer telle une lame
de fond.
Que s’était-il passé?
Comment Alexandre avait-il pu lui faire un coup pareil? Elle avait déjà eu
tellement de mal à lui accorder de nouveau sa confiance et, avant son
changement d’attitude de ces dernières semaines, elle avait enfin l’impression
que les choses étaient passées à une autre étape entre eux. Comment en était-il
arrivé là? Alors qu’il n’y a pas si longtemps de ça, il lui proposait d’aller
voir ses parents, et que c’était elle même qui avait voulu temporiser.
Elle pleura longtemps.
A un moment, elle entendit la sonnerie de son téléphone. C’était Gabrielle qui
l’appelait. Elle n’était pas en état de répondre et d’avoir une conversation cohérente.
Elle avait l’impression d’être ivre, bien que n’ayant jamais
pris de cuite de sa vie. Elle éteignit son téléphone. Si le lendemain elle allait un peu mieux, elle lui
ferait signe. Pour l’heure, la tête lui tournait et elle sentait une puissante migraine
pointer le bout de son nez. Elle se glissa sous la couette toute habillée et
rabattit les couvertures au-dessus de sa tête. Elle ne sanglotait plus, mais
des larmes chaudes continuaient de rouler sur ses joues mouillant ses draps.
Le lendemain matin,
elle se leva avec un mal de tête carabiné. Elle s’était réveillée plusieurs fois la nuit pour pleurer. Elle n’arrivait toujours
pas y croire! Un coin de son esprit espérait que c’était un mauvais rêve dont
elle allait bientôt émerger. Mais en rallumant son
téléphone, les nombreux messages d’Alice s’enquérant de ses nouvelles lui
confirmèrent que c’était bel et bien vrai.
Qu’allait-elle faire
maintenant? Appeler Alexandre pour lui demander des comptes? Couper tout
contact avec lui? Quelle explication allait-il lui sortir cette fois? Il ne
s’agissait pas d’une simple tromperie; il s’était carrément moqué d’elle et
avait piétiné ses sentiments et la confiance qu’elle avait recommencé à lui
accorder, sans parler de son amour propre. Elle était en
train de se servir un verre d’eau pour apaiser sa gorge sèche lorsque son
téléphone sonna. Elle regarda l’écran : c’était encore Gabrielle. Elle hésita à
répondre, puis se ravisa.
-
Allô, dit-elle d’une voix
complètement éraillée.
-
Rachel ? Ça va ? Que se passe-t-il ?
Tu m’as plantée hier. Je me suis inquiétée comme une folle.
C’est alors que la
jeune fille se souvint qu’elles avaient prévu une sortie hier. Elle avait été
tellement bouleversée par la confirmation de la mauvaise santé de son
entreprise, puis anéantie par la nouvelle de la duperie d’Alexandre, que ça lui
était complètement sortie de la tête.
-
Ah… Pardon, excuse moi, j’avais
complètement oublié répondit elle d’une voix éteinte
-
Ça ne te ressemble pas. Que se passe-t-il ?
Tu n’as pas l’air bien. Tu as un problème?
Silence. Rachel sentit
sa gorge se nouer. Les larmes affluèrent de nouveau, sans qu’elle ne puisse les
contrôler.
-
Rachel ? insista Gabrielle.
La jeune femme éclata
alors en sanglots. C’était trop ! Elle ne pouvait pas continuer à donner le
change à son amie.
-
Dis-moi ce qui se passe s’il te
plaît, continua son amie.
-
C’est… C’est Alexandre… Il s’est
marié au pays…
-
Quoi ? Comment ça il s’est marié au
pays ? C’est quoi cette histoire ??
-
Je… je ne sais pas moi-même. Je …
n’arrive toujours pas à comprendre.
-
J’arrive tout de suite !
-
Non… Non… ce n’est pas la peine.
Je crois que j’ai envie de rester seule.
-
Et moi je ne veux pas te laisser
seule dans ces circonstances, s’exclama Gabrielle. Je prends quelques affaires
et j’arrive !
Avant qu’elle n’ait eu
le temps de protester à nouveau, Gaby avait raccroché.
Rachel tomba dans les
bras de Gabrielle quand elle lui ouvrit la porte.
-
Explique-moi tout, demanda son
amie en la conduisant sur le canapé.
-
Je ne comprends pas moi-même ce
qui a pu se passer. Le mari de ma cousine était à un mariage traditionnel entre
les enfants de deux grandes familles à Bana, près de Bafang la semaine dernière
et…
Elle s’interrompit;
les mots avaient du mal à sortir de sa gorge. Gabrielle lui pressa la main en
signe de réconfort et d’encouragement à poursuivre.
-
Hervé, le mari d’Alice ma cousine,
a pris des photos et elle a reconnu Alexandre. Elle m’a appelée hier et voilà…
-
Je n’y ai pas cru sur le moment,
mais quand j’ai vu ça : elle saisit son téléphone, le déverrouilla et lui
montra la photo.
-
Mince! C’est bien lui! Eh ah !!Je wanda!! s’écria Gabrielle en pinçant l’écran du
smartphone pour agrandir l’image.
-
Mama éééhh continua son amie. Tu
l’as appelé?
-
Euh… Non.
-
Et lui il t’a appelée?
-
La dernière fois que je l’ai eu
c’était avant-hier. Ça faisait quelques semaines que je le sentais distant au
téléphone, mais il me répondait à chaque fois que c’était à cause de la
pression à son travail.
-
Donc, il ne sait pas que tu es au
courant?
Rachel secoua
négativement la tête.
-
Il faut que tu tires cette
histoire au clair. Tu ne peux pas rester là sans explications.
-
C’est ce que je me dis aussi, mais
à quoi bon? A moins qu’il ne me sorte qu’il a un jumeau dont il ne m’aurait pas
parlé, je ne vois pas trop en quoi ça changerait quoique ce soit.
-
Ça ne changera certainement rien,
mais il faut au moins l’affronter pour connaître sa version de l’histoire.
-
Honnêtement ? Je ne m’en sens pas
l’envie. Tout ce que je sais, c’est que pour le coup c’est vraiment la fin
cette fois-ci. J’ai déjà eu tellement de mal à lui pardonner pour sa tromperie
la dernière fois. Là, il s’agit de bien pire. Il s’est marié dans mon dos,
alors qu’il demandait à rencontrer mes parents il y a à peine 3 mois et…
Fondant de nouveaux en
larmes, elle s’interrompit. Gabrielle la reprit dans ses bras pour la consoler.
-
Tu as peut-être raison
reprit-elle. Je vais l’appeler…
La sonnerie de son
téléphone la fit sursauter. C’était Alexandre. Quand on parlait du loup…
-
C'est lui dit-elle en montrant son
écran de téléphone d’une main et en essuyant du revers de l’autre les larmes
qui continuaient de ruisseler sur ses joues.
-
Tu vas décrocher?
-
Oui, autant régler ça maintenant.
Elle laissa encore
quelques sonneries passer, le temps de se reprendre. Elle n’allait pas en plus
pleurer dans son oreille…Elle répondit enfin :
-
Oui…
-
Rach, ça va ma chérie? fit-il
d’une voix douce.
-
Hum…
-
C’est quoi ce hum… Il y a un
problème ? Demanda-t-il d’une voix qu’elle trouva trop posée et qui la fit
passer d’un état de désespoir total à une rage qui lui donna envie de hurler au
téléphone.
Au prix d’un gros
effort, elle se contint, puis reprit :
-
Je pense que c’est à toi de me
dire ce qui se passe, tu ne crois pas?
-
De quoi parles-tu?
-
Franchement Alex, j’attendais un
peu plus de sincérité et d’honnêteté de ta part après tout ce qui s’est passé.
Tu n’as aucune considération pour moi pour avoir fait ce
que tu m’as fait.
-
Hé, mais…
-
N’essaie même pas de nier. Comment
as-tu pu te marier dans mon dos? Suis-je donc une moins que rien à ce point-là
à tes yeux pour que tu me traites de la sorte?? Assena t’elle en criant presque.
Silence à l’autre bout
du fil.
-
Alors, tu ne réponds rien ? Pas
d’explication? Tu n’aurais pas un jumeau dont tu aurais omis de me parler?? Continua
la jeune femme en hurlant cette fois-ci.
Au bout de quelques
secondes, Alexandre n’avait toujours pas répondu puis :
-
Vraiment Rachel, je ne… je savais pas comment te le dire… Balbutia-t-il.
-
En français peut être? Suggéra-t-elle
avec agressivité.
-
C’est compliqué… Rachel, ce
n’était pas prémédité.
-
Ah ?! Donc tu t’es retrouvé en
plein milieu d’une réunion de famille où tes parents et celle de ta promise ne
t’ont pas demandé ton avis?
-
C’est dur de te l’avouer ma chérie…
-
Arrête ça s’il te plaît. Ça ne
colle pas avec ton comportement!
-
Il se trouve qu’une fille que j’ai
rencontrée pendant que nous étions séparés est tombée enceinte de moi, lâcha-t-il
finalement.
Le cœur de Rachel déjà
malmené depuis la veille, fit une nouvelle embardée dans sa cage thoracique.
Ses jambes devinrent toutes molles et elle se laissa choir sur son petit
canapé. Des larmes qu’elle croyait taries depuis ce matin, se mirent de nouveau
à couler. Elle l’entendit poursuivre son récit, comme dans un état second.
-
Je lui ai dit que je n’en voulais
pas, puisqu’entre nous ça n’a jamais été sérieux. Nous nous sommes mis d’accord
pour qu’elle interrompe sa grossesse. Sauf qu’elle m’a menti, elle n’avait
jamais eu l’intention de le faire. Et il se trouve que cette fille est l’enfant
d’une famille très amie à mes parents. Mon père ne m’a pas laissé le choix… Je
t’assure Rachel, je ne voulais pas te faire de la peine…
Eh bien, c’était raté !
Pensa-t-elle. Elle voulut le lui dire, mais elle n’arrivait qu’à sangloter.
Elle garda donc le silence. Au bout d’un moment, il continua :
-
Pardon Rachel… Je…Je ne voulais
vraiment pas que tu l’apprennes comme ça.
-
ll fallait y réfléchir avant !
Lui lança-t-elle finalement la voix chevrotante.
Puis sans crier gare,
elle coupa la communication, éteignit son téléphone et éclata bruyamment en
sanglots. Gabrielle, qui était allée se réfugier dans la chambre pour lui
laisser un peu d’intimité pendant sa conversation téléphonique accourut à la
rescousse.
-
Wèèèèèh ma chérie en s’asseyant
près d’elle sur le canapé et la prenant dans ses bras.
-
Gaby, c’est horrible ce qu’il m’a
fait…
En sanglotant, elle
raconta toute la discussion à son amie. Gabrielle qui n’avait jamais sa langue
dans sa poche en resta bouche bée. L’histoire était tellement invraisemblable
qu’elle se demandait si elle n’allait pas se réveiller de ce mauvais rêve. Et
l’explication plus que bancale d’Alexandre sur le fait qu’il n’avait pas eu
d’autres choix que de se marier… Les mariages forcés existaient-ils encore de
nos jours? En plus, pour les hommes ??
Combien de temps
restèrent-elle là dans les bras l’une de l’autre? Rachel n’aurait su le dire. Son
amie fut aux petits soins pour elle pendant tout le reste de la journée. Elle
lui prépara des biscuits sablés, ses préférés, qu’elle s’efforça de manger car
elle n’avait pas d’appétit.
-
Le sucre, y a rien de mieux pour
nous faire oublier tous nos bobos, fit-elle en sortant une nouvelle fournée de
biscuits.
Elle lui retourna un
sourire triste.
-
Je sais que c’est difficile à
croire en ce moment, mais tu vas traverser cette épreuve et tu n’en sortiras
que plus forte. Et je suis convaincue que tout cela arrive pour te préparer à
l’homme qui est fait pour toi.
-
Hum…
-
N’en doute pas une seule seconde,
insista Gabrielle. Si tout cela arrive, ça voulait dire qu’il n’était pas fait
pour toi.
En guise de réponse, elle
hocha simplement la tête.
En début de soirée,
Ariane arriva en renfort pour la consoler. Elles passèrent toute la soirée et
une bonne partie de la nuit à parler, et à regarder une sélection de films
comiques faite par ses amies. Finalement elle était contente de les avoir
auprès d’elle, sinon elle serait restée seule, enfermée chez elle à ruminer son
chagrin.
Le weekend passa à une
vitesse folle. Le dimanche, ses amies la trainèrent prendre un verre dans le
Marais, quartier toujours très animé de Paris. Avec les beaux jours, les rues
étaient encore plus bondées que d’habitude et la plupart des terrasses étaient
pleines. Elles durent donc attendre patiemment qu’une table se libère pour
pouvoir s’installer à leur tour. Alors qu’elle voulait commander un cocktail
sans alcool comme à son habitude, Ariane passa commande à sa place d’un Mojito.
-
Ça te fera un peu de bien de boire
un peu d’alcool, déclara t’elle face à sa mine interloquée. Et ne t’inquiète
pas, ça ne te rendra pas ivre.
Gabrielle éclata de
rire.
- Et au pire, mêm