Chapitre IX

Ecrit par imalado

------Josué Akué------

La honte du siècle pour moi, quand hier, cette folle d’Iris qui depuis près de 2 ans ce veut « ma copine officielle », déboule dans le parking de la société me donnant en spectacle devant Belinda, qu’elle n’a pas tout aussi loupé. Je devrais bien trouver d’autres façons de m’excuser auprès d’elle, un autre déjeuner qui sait ? Mais mieux, je vais demander à Neissa de lui livrer des fleurs, les filles y sont sensibles.

Mais non, celle-là, elle m’a montré dès le départ qu’elle est bien différente. Je vais donc m’excuser personnellement à son bureau. Et lui présenterais un dossier de quoi lui donner envie de rester dans la société.

Depuis la dispute avec Amir, je n’ai pas vraiment passé l’éponge. Il se croit où celui-là ? Au retour de mon père, j’exigerais qu’il mette les points sur les « i », il n’est pas mon frère et je ne le reconnais pas comme tel. Mais avant, il faut que je prévienne mon oncle Noel pour cette décision. D’ailleurs je ne l’ai pas entendu ce matin en arrivant.

-         Pour la toute première fois que je ne frappe pas avant d’entrer, et je te retrouve seul mon oncle !

-         Ne dis pas de sottise. Je te cherchais. Assieds-toi.

-         Qu’est ce qui ne va pas ?

-         Je veux que tu voies avec les agents de la sécurité l’accès à nos locaux et ce depuis le parking.

-         Ta femme t’a surpris ? Elle ne risque pas de débouler ici au moins ? Ou non, tu parles d’Iris ? Je vais m’en occuper, je lui ai déjà parlé.

-         Non, non. Disons qu’on n’est jamais trop prudent. Ton père arrive demain et je ne veux pas qu’il ait quoique ce soit à nous reprocher…

-         Je vois. Je pensais remettre à Belinda, le dossier de Siby.

-         Tu rigoles ? Nous sommes dans le rouge depuis que le gouvernement nous a retiré son contrat de Bamako, on a besoin de l’accord pour Siby et on doit présenter un dossier solide.

-         Je sais, je sais tout ça. Mais je suis sure qu’elle est à la hauteur, je vais la superviser.

-         Je sais que tu en es capable, mais je préfère qu’elle voit ça avec Amir, il est mieux qualifié pour ça.

Malgré mes relations avec mon oncle, je n’ai pas su l’amadouer pour qu’il me laisse ce dossier. En voulant trop bien faire, on finit par se faire mal. Je ne veux pas voir Amir avec elle. Déjà qu’ils ont l’air de se connaître. Mais bon, elle ne fera pas la difficile si elle veut ce boulot. Mon lit d’abord et le boulot après.

------Belinda Ottawi------

Ce matin j’ai pris le temps de passer voir Maître Ayo avant d’aller à Green Goal. Avec l’aide de Mira, j’ai su qu’il était en vie même s’il n’exerce plus. Cet homme pourrait m’aider sur bien de choses. Car d’après ma mère, il était l’avocat de la famille et en sait beaucoup sur la société de grand-père Robéri.

Je gare ma voiture à l’entrée de sa villa, avant de patienter le temps que la gouvernante ne m’annonce. Elle m’installe dans un somptueux séjour tout en me servant un verre de limonade.

-         Par le miracle de la vie ! Belinda Ottawi Oyoko. (Me tendant la main les deux mains). Vous êtes son portrait craché jeune fille.

-         Vous m’envoyez ravie Maître.

-         Asseyez-vous je vous prie. Je savais que son combat n’avait pas pris fin, le jour-où au cimetière j’ai posé les yeux sur vous encore toute jeune. Vous avez ses yeux et la même flamme qui les animait.

-         Je suppose que vous savez pourquoi je suis là…

-         Je sais jeune fille. Je vous attendais depuis ce jour-là.

-         Etes-vous prêt à m’aider Maître ?

-         Ne regardez pas ces cheveux blancs Belinda, le bonhomme que je suis a plus d’un tour dans son sac.

-         J’ai intégré la société, je veux l’avoir de pleine face.

-         A l’instant où il posera les yeux sur vous, il saura.

-         Je nierais par tous les moyens. Je veux savoir comment contrer ses actions dans la société. Je sais qu’à lui seul il détient une majorité de 30%, Noel qui a 15% pour l’avoir aidé dans sa combine, ce qui donne à Josué et Amir 10% chacun. Les 35 restants sont pour les autres membres du conseil d’administration.

-         Exactement cela est dû qu’au départ, ils n’ont pas pu gérer la société, ils ont dû vendre des parts pour se resituer dans le marché. Et pour avoir une quelconque influence dans la société, il faut avoir des actions. Renseignes-toi sur les autres, et tiens-moi informer. Cela pourrait être important.

-    Je le ferais Maître. Là il faut que j’y aille.

Je le remercie pour son accueil et pris le chemin de Green Goal. Si Maître Ayo est vieux, il a quand même remarqué, il y’a une chose qui me fait défaut : cette ressemblance avec ma mère. Il faut que je trouve une solution, Athan rentre demain. Je pourrais toujours l’éviter, mais pas indéfiniment.

Sur la route je rappelle Sofiane pour confirmer le déjeuner d’aujourd’hui. Je parie que Mira lui a touché un mot à propos de cette histoire, car depuis hier il a tenté de me joindre.

------Amir Amokhi------

J’ai pris le temps de voir clair en cette mascarade de Josué : Belinda. Cette jeune femme ne ressemble en rien à celles qu’il fréquente et je ne comprends pas le fait de l’engager aussitôt sans même voir si elle est assez compétente dans ce domaine. Mais bon j’avoue que son rencontre et sa présence dans ces locaux donnent une bouffée d’air frais à ma vie.

Je sors de mes illusions quand j’attends frapper à ma porte avant d’apercevoir Josué au pas. Mine de rien, on s’était pas parlé depuis l’incident de l’autre nuit et orgueilleux comme il est, il n’a pas présenté ses excuses et moi non plus. Je suis fatigué de tout ce jeu-là.

-         Que puis-je faire pour toi Josué ?

-         Voici le dossier de Siby, oncle Noel voudrait que tu le supervises avec Belinda.

-         Je ne comprends pas. C’est pourtant toi qui l’as engagé non ? Et puis c’est toi qui avais demandé de reprendre les rênes de ce dossier.

-         Je sais. Mais mon oncle voudrait que ce soit toi. Je suis sûr que tu feras du bon boulot.

-         Et Belinda ?

-         Je vais l’en informer à son arrivée.

Ce dossier est celui qu’on nomme « à risque ». La pente raide. Si on arrive à avoir ce marché, on récupère des millions pour éviter à cette société d’avoir des dettes pour la première fois de son histoire. Quelle idée que de mettre une toute nouvelle collaboratrice là-dessus. J’aurais été plus rapide s’il m’avait donné un ancien, mais bon, qui sait ? Elle est peut-être compétente. Ou sinon chercherait-il tout simplement une excuse pour me faire partir d’ici, si jamais je foire ?

Et puis, ça m’est bien égal. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Je fous complètement de cette société.

------Belinda Ottawi------

Je gare ma voiture quand Martin le vieux vigile vient m’ouvrir la portière. Se gardant bien de me refaire la scène d’hier. Même si à son regard je vois toujours qu’il y pense. Je le remercie et rejoins les locaux. J’ai ramené un petit pot d’eucalyptus pour le bureau, qu’Anaïs m’a offert, comme quoi ça porte chance. Anaïs quand elle s’y met.

Je retrouve sans grande surprise Josué dans mon bureau, à côté de lui un énorme carton posé sur la chaise. J’avais prétexté une visite médicale pour excuser mon retard.

-         Belinda, ça va mieux j’espère ?

-         Rien de bien méchant. Une fatigue passagère. Que fais-tu là ?

-         Je suis venu m’excuser pour le déjeuner d’hier que j’ai dû annuler, ce n’était pas vraiment galant de ma part. Et aussi te donner cette petite sculpture qui représente chez le peuple dogon la chance, je crois pour te souhaiter la bienvenue dans la société.

-         Oh ! ça alors, merci c’est gentil. Je vais le ranger après. Merci.

-         Il y’a aussi du boulot pour toi. Tu verras avec Amir, c’est avec lui que tu dois travailler. Et il faut que tu saches que ce dossier est vraiment important pour la société.

-         D’accord. Je ferais tout ce qu’il faut. Merci encore Josué.

-         Mais de rien ma belle. Quand tu auras fini avec Amir, tu pourrais passer dans mon bureau un instant ?

-         Bien-sûr.

Je déballe le carton et y trouve une sculpture en bois, de la chance, j’avoue j’en aurais besoin pour tout qui va se passer.

Je dépose mes affaires et sort dans l’allé quand j’aperçois au bout le bureau du « Boss » Ethan, mais je n’ose pas m’en approcher. C’est le même bureau qu’occupait ma mère auparavant. Quel culot, celui-là !

-         Je te cherchais.

Amir. Habillé d’une simple chemise grise, dont il avait légèrement relevé les manches vient de faire son entrée. Il prend l’habitude d’apparaitre subitement.

-         Tu ne sembles pas matinale. Je t’ai attendu ce matin.

-         Désolée je suis passée à la clinique pour quelques examens.

-         Tu es malade ?

-         Non, non ça va. Tu me cherchais ?

-         Oui, Josué t’a parlé du dossier ?

-         Oui, à l’instant.

-         Je te laisse le temps de le parcourir et après tu me retrouves à mon bureau.

-         D’accord.

-         Et je te garde un café.

Je me contente de sourire alors qu’il s’éloignait. Et je me surprends à admirer chaque détail de son corps. Cet homme est tout simplement bien bâti ! Assez rêver, je dois voir ce que ce dossier comporte.

------Adilé Akué------

Vous devez sans doute vous demander ce qu’une femme peut bien faire avec un homme comme le mien ? J’avoue je ne suis pas bien fière de mon passé, même si je le suis aujourd’hui pour avoir mis au monde un fils comme Amir.

J’ai grandi à Ségou. Une des régions du pays. Mes parents n’étaient pas vraiment riches, et on vivait avec le peu qu’ils gagnaient. A l’âge de 18 ans je tombe enceinte d’un jeune garçon de la région qui à cette époque, ignorait tout du sens de la responsabilité. A cause de cette grossesse j’abandonne l’école et me retrouve à aider ma mère avec sa boutique.

Quand Amir vint au monde, j’aurais pu me ranger mais non. Je trouvais injuste de vivre dans la pauvreté surtout que mon père nous avait quittés suite à une maladie grave. Consciente de ma beauté, j’entrepris alors de prendre la voie du déshonneur : la prostitution. Je n’en suis pas fière.

C’est ainsi qu’un jour mon chemin croisa celui d’Athan Akué. Un jeune homme riche à la tête d’une entreprise qui prospère. Il aimait les femmes. Que dis-je, il aime les femmes. Le voilà fou de moi, malgré son mariage et son jeune fils. Je décide alors de me saisir de ça, jusqu’au jour où il me proposa le mariage, et que j’acceptai.

Mais ne vous m’éprenez pas. A cette époque, quand je fis sa connaissance, je m’étais mise sous le droit chemin. Finis les hommes. La boutique de ma mère avait prospéré et on gagnait bien. Mais on ne se lave jamais de son passé.

Et Athan ne cesse de me le rappeler : « Si tu ne veux pas que ton fils sache quel genre de femme tu es, tiens-toi bien Adilé ! Tu sais de quoi je suis capable» Car même s’il n’est pas fidèle, Athan s’est attaché à moi, je ne saurais vous l’expliquer.

Pourquoi ces menaces ? Un jour qu’il était au téléphone, je surprends une de ses conversations : Athan trempe dans des affaires louches. Ce qui pourrait mettre la vie de mon fils et le mien en danger. La société seule ne le permet pas de gagner tout cet argent car il n’arrive pas à bien la gérer. Et je sais bien toute l’histoire qui se cache derrière : toute l’année pour le voleur et un jour pour le propriétaire.

Athan est un trafiquant de drogue et pas seulement, il est à la tête d’un réseau de prostitution dans lequel il voulait m’entrainer et que par chance, j’évitai par un refus catégorique.

Ma vie importe peu à présent face à celle de mon fils. Si cet homme a besoin de moi à ses côtés, je reste. Si c’est la punition de mon passé, je l’accepte, seulement, Amir mérite mieux.

Et demain qu’Athan rentre, je ne veux pas qu’il trouve une dispute entre les deux. Même s’il n’a jamais renié Amir, il n’a jamais pris parti pour lui face à Josué. Je prie qu’il ne s’emporte pas. Et je prie que vienne le jour où toute cette mascarade va prendre fin.

Les larmes des liens