Chapitre VII

Ecrit par imalado

------Amir Amokhi------

Cette journée fut épuisante, mais je suis tout de même heureux d’avoir validé quelques projets qui, je l’espère apportera beaucoup à l’entreprise, surtout si Athan, à son retour les approuve.

Je défais ma cravate face au miroir quand je remarque la tache de café sur la chemise et le visage de cette jeune demoiselle me vient à l’esprit. Je ne sais pas pourquoi je me mets à sourire. J’avoue que c’est une belle jeune femme tout de même. Moi qui d’ordinaire ne regarde pas vraiment les femmes. Mais rassurez-vous : je ne suis pas gai, seulement, j’ai si peu de temps à m’accorder que tout ceci passe au second plan. Je n’ai pas vraiment d’amis et je suis quelques fois bien solitaire… Je ne sais pas, si je n’avais peut-être pas fait le sérieux, je lui aurais soutiré son prénom ou même un numéro de téléphone.

Je me dépêche de me dévêtir pour passer à la salle de gym. Mon éternel passe-temps. Mais je surprends un dispute dans le couloir et entend la voix de ma mère et celle de Josué ! Ce petit-là va m’entendre. Sous le coup d’un réflexe, je sors torse nue :

-         Je peux savoir ce qui se passe ici ?

-         Mon fils, vois-tu comment ton jeune frère élève la voix avec moi ?

-         Vous n’êtes pas ma mère à ce que je sache.

-         Mais tu lui dois tout de même du respect Josué !

-         Je ne vois pas à quel moment je lui ai manqué de respect, bon sang !

-         Commence d’abord par baisser d’un ton.

-         Je ne vois pas qui pourrait me dicter ma conduite dans la maison de mon père !

-         Tu serais bien sûr très surpris que je te dise quoi faire, mais en ce qui concerne cette femme, Josué, j’exige que tu contrôles ton langage.

-         Ou sinon quoi… ?

-         Arrête Amir, ça ne sert à rien. (Dis ma mère en me tenant par le bras) va donc faire ton sport.

J’obéis tranquillement mais au fond de moi j’étais en ébullition. Josué dépassait les bornes et ça ne se règle pas avec l’âge. Si je passais sous ce nouvel affront je crains de perdre mon sang froid, mais je m’en fous. Je me retourne subitement avant de le saisir par le haut de son t-shirt :

-         Ecoute-moi petit insolent. Je me fous qu’ici soit chez ton père ou même chez le Pape, si jamais tu t’avises une seule fois de plus de manquer de respect à ma mère, j’oublierais assez vite toutes ces années où je te considérais encore comme un petit-frère. On est d’accord ?

Il acquiesça de la tête avant que je ne le lâche complètement, et s’en alla en cognant le mur avec sa main droite. Le pauvre, ça a sûrement dû lui faire mal, il est tout frêle. Je me retourne sur le visage serré de ma mère :

-         Tu n’aurais pas dû Amir, son père…

-         Maman ?! Quoi son père ? Les chiens ne font pas des chats !

-         Je t’interdis de parler ainsi de ton beau-père Amir, mais qu’est-ce qui t’arrive ?

-         Qu’est-ce qui m’arrive maman ? Cet homme se fout complètement de toi, ou même de moi, je ne sais pas ce qu’on fait sous ce toit, Dieu sait qu’on n’est pas pauvre !

-         Si je ne pensais pas à ce que tu viens de faire, je t’aurais fait revenir sur terre d’une gifle, ne t’avises plus jamais de parler comme cela !

Ok. J’y suis peut-être allé un peu fort. Mais c’est ma maman et je l’aime trop cette femme pour la voir souffrir ainsi. Mais ne dit-on pas que l’amour rend aveugle ? Et puis, je ne sais pas ce qu’elle lui trouve sincèrement…

------Belinda Oyoko------

J’ai dormi comme un bébé. Je me lève en m’étirant longuement avant d’éteindre le réveil qui se la jouait trop. Mardi. Mon premier jour à Green Goal. Et ce n’est pas en drap que j’y vais. Je cours prendre ma douche et m’apprêter. Et j’opte pour un style à la Zari avec un tailleur en jupe plaquée là où il le faut et assez pour n’être pas perçue comme « osée ». Je défais mes cheveux dont j’avais pris soin de refaire les boucles le lendemain soir avant de dormir et je les adore ainsi. Il ne me reste plus qu’à me mettre dans la peau de la « Belinda Ottawi » de cette aventure.

Je trouve Anaïs dans le séjour comme je m’y attendais, une tasse de café à la main.

-         Tu es prête ?

-         Ce n’est pas le premier jour d’école Anaïs…

-         Désolée de m’inquiéter mais avoue que ce n’est pas rassurant cette situation.

-         Je sais. Mais pour l’instant, il est absent.

-         Hum. D’accord. Bon ben passes une excellente journée ma petite fleur.

Si l’on pouvait tester le niveau de stress d’une personne celle d’Anaïs aurait atteint le degré de nuance la plus foncée. La pauvre ! Moi qui au fond, je ne déborde que d’énergie, mais étrange…

Je gare ma voiture dans le parking et prend le temps de regarder l’immeuble de la société, la façade… Et un sentiment étrange m’assaille : comme cet instant avant le dernier pénalty d’un tir aux buts. C’est décisif… Le jeu était lancé.

Mais mon cœur passe de milles tours par seconde quand je vois un vieil homme m’appeler Naya. Le vigile. Qui s’est mon Dieu ?

-         Je vous demande pardon ?

-         Naya… Naya Oyoko… Si vous n’étiez pas si jeune mademoiselle, j’aurais mis ma main au feu que vous êtes Naya.

-         Je ne vois pas de qui vous parler…

-         C’est sûr jeune dame, elle est sûrement assez âgée là, excusez-moi encore. Je suis vigile ici ça fait près de 30 ans maintenant, vous me rappelez une femme qui...

-         Je suis bien heureuse pour vous monsieur. Mais mon nom est Belinda. S’il vous plait auriez-vous l’amabilité de me montrer le bureau de Josué ?

-         Bien-sûr mademoiselle. Suivez-moi et si vous êtes nouvelle, appelez-moi Martin.

-         Enchantée Martin.

J’ai l’impression que ma respiration prenait fin. Comment ai-je pu penser que ce serait si simple ? Cette société regorge sûrement d’anciens travailleurs. Et sans compter cette ressemblance frappante qui me lie à ma mère ? Il faut que je me calme, une seule erreur de ma part et tout mon plan serait foutu. Et ça, j’avoue je n’y entendais pas du tout.

-         Vous ? Ici ?

Amir ! Ne me demandez pas pourquoi je me surprends à lui rendre son sourire comme si je venais de croiser un vieil ami. Comme Jonathan par exemple!

-         Encore heureux que vous n’ayez pas de café ce matin.

-         Votre chemise aurait encore payé les frais.

-         Seulement celle-là je l’aime plutôt bien, je veux la garder.

Encore un instant sourire ! Eh oh, Belinda redescend sur terre.

-         Martin, merci je vais la raccompagner.

Oh non, pitié pas ça. Essayer d’imaginer les traits de cet homme, mes dames et vous pourrez comprendre qu’il me trouble. Et j’ignore pourquoi, je ne m’intéresse pas aux hommes d’habitudes…

-         Je veux bien porter la première rencontre sous le coup du hasard, mais là ? Vous me suivez ?

-         Je crois que j’ai égaré un stylo GPS sur votre chemise la dernière fois.

-         Je me le disais bien. (En riant). Amir Amokhi. (en me tendant la main)

-         Belinda Ottawi.

-         Enchanté Belinda, si je peux me le permettre ?

-         Pourquoi pas ?

-         Alors Belinda, que fais-tu dans nos locaux ?

-         Je te cherchais, le GPS faut bien que ça serve à quelque chose ?

Là c’est un rire que je lui soutire. Et il ria de plus belle, laissant apparaître ses fossiles.

-         J’avoue oui. Et bien ne me perd pas de nouveau. (clin d’œil)

-         Je vais essayer. Tu veux bien me montrer le bureau de Josué ?

-         Josué ?

-         Oui. Josué Akué.

-         Tu vois le bureau là au fond, la porte en bois ciré ?

-         Oui ?

-         C’est là-bas.

-         Merci encore, c’est vraiment gentil.

-         Mais de rien Belinda.

Un dernier sourire avant de disparaître. A-t-il seulement compris que ça jouait sur moi s’il persiste à le faire ? Je n’ai pas compris. Mais je me dirige quand même vers le bureau qu’il m’indiqua et frappe à la porte. Et en grand donneur de théâtre :

-         Oh voilà que cette journée s’annonce bien ! Belinda ?

-         Bonjour Josué.

-         Bonjour. Je suis heureux de te voir. Assieds-toi, j’ai une bonne nouvelle à t’annoncer.  

-         Une bonne nouvelle ? Tu m’envoies ravie.

-         Vois-tu ce matin j’ai eu la surprise de recevoir la démission d’un de nos proches collaborateurs pour raison familiale. Même si je ne t’avais promis qu’un stage, te voilà qui par chance trouve un poste.

-         Tu es au sérieux ?

-         Josué Akué ne rigole jamais. Et comme je t’apprécie particulièrement, j’ai demandé à mon père de me faire cette faveur. Et donc si tu veux, je me ferais un plaisir de t’exposer les tâches liées à ton travail et surtout de te faire visiter nos locaux.

-         J’en serais ravie Josué. Je ne sais pas comment te remercier…

-         Disons que j’ai ma petite idée, mais bon passons ma belle.

Quel toupet ce jeune garçon, si seulement il savait que j’étais sa sœur pour se permettre des réflexes pareilles ! Mais j’encaisse le coup, Josué s’avère être le portrait craché de son père en matière de femme.

Mon travail pour ce boulot consiste à évaluer les projets pouvant être considérés par la société à travers une étude de faisabilité surtout et des touches d’améliorations. Ce qui me va entièrement, ainsi je saurais exactement par quoi la société passe. Ce n’est pas mal pour un début.

Accompagnée de Josué, je fais la visite des locaux. Bien-sûr il n’hésite pas, à travers quelques réflexions, à montrer à ces autres mâles de la jungle, que la femelle que je suis, est déjà la proie du mâle dominant. Un petit arrogant comme ce que je disais exactement. Mon ennui se dissipa quand nous atteignons le bureau d’Amir, qui affiche cette expression de surprise.

-         Bonjour Amir. Je suis venue te présenter cette jeune demoiselle qui va se joindre à l’équipe de Green Goal. Elle s’appelle…

-         Belinda Ottawi, on s’est croisé à l’entrée ce matin.

-         Ah oui ? Eh bien, c’est notre nouvelle collaboratrice.

Quand Josué se lançait dans les présentations, et que je tentais de regarder ailleurs que le visage d’Amir, je sentais son regard transpercer le tailleur que j’avais sur le corps. Fixe.

-         Là on va devoir se passer de ce GPS.

Ok. Je souris malgré moi, ou pas. Mais j’essaye tout de même de garder cet air non perturbé sur mon visage.

-         Je n’ai pas compris ?

Lui lança, incrédule Josué. Dont le visage affichait : nargué en gros caractères.

-         Tu étais pourtant très bavarde ce matin ?

-         Je n’ai pas perdu ma langue si c’est ce que tu penses.

-         Ça alors vous avez fait vite connaissance tous les deux…

Je décide d’écourter cette discussion afin de retrouver « mon bureau ». Un petit espace, mais tout de même privé, dans lequel Josué me laisse, le temps de me présenter son oncle Noel Anju, le vice-président du conseil d’administration, et ami de longue date d’Athan Akué.

Les larmes des liens