CHAPITRE XX : Le goût du bonheur

Ecrit par dotou

Juste après que leur fillette eut trois mois, Steve se rendit au Canada où il devait suivre un stage de deux semaines portant sur une nouvelle technique de la chirurgie à cœur ouvert.

- Vous me manquerez toutes les deux, avoua Steve en s’engouffrant dans le taxi qui devait l’emmener à l’aéroport.

Deux jours après le départ de son mari, Cora signa un important contrat. Elle devait concevoir des modèles pour un catalogue de renommée internationale. Après avoir vainement essayé de s’en sortir seule, elle s’avoua débordée. Entre les biberons et les couches, elle ne pouvait guère se concentrer sur son travail. Résignée, elle recruta une servante qui a pour prénom Nadia.

Occupée par la réalisation de ses maquettes, la jeune femme ne sentit pas les jours passer. Un vendredi, elle se rendit compte que c’était la veille du retour de son mari. Heureuse, elle apprêta pour l’occasion un somptueux dîner avant d’aller le chercher à l’aéroport le lendemain au soir.

- Oh Trésor, comme tu m’as manqué, s’écria Steve en serrant enfin sa femme dans ses bras. J’avais hâte de te retrouver. Et ma petite princesse ?

- Elle se porte à merveille, sauf qu’elle est maintenant essentiellement au biberon.

- Ah oui ! S’étonna Steve en s’installant sur le siège passager de leur voiture.

- J’ai tout essayé afin de continuer à l’allaiter. Elle est vraiment têtue cette petite. F igure-toi qu’elle m’a même mordu un soir alors que j’insistais un peu. Le lendemain je me suis résignée à l’amener chez le pédiatre de la clinique où tu interviens. Il nous a prescrit un lait infantile.

- Ne t’inquiète pas. Il y a des enfants qui sont très tôt sevrés. Comme sa mère, elle sait ce qu’elle veut.

- Mais elle est vraiment trop exigeante. Dès que tu la laisses seule quelques minutes, elle se met à crier avec la dignité d’une reine offensée.

- Ta mère dit que tu étais exactement pareille. Il paraît que seul Dean avait autorité sur toi.

- ça c’est vrai. Il était mon idole. Il a été pour moi le meilleur des frères. Je l’ai adoré.

-  Et maintenant ?

- Tu sais, certains sentiments s’estompent avec l’âge, répondit la jeune femme évasive en s’arrêtant devant leur domicile.

Aussitôt dans la maison, Steve se débarrassa de ses bagages.

- Veux-tu dîner tout de suite mon amour ? Questionna Cora.

- Oui, j’ai une faim de loup. Je n’ai pas pu manger dans l’avion.

Il était déjà plus de minuit et la servante déjà couchée, ainsi qu’Anna. Cora entreprit alors de servir elle-même son mari.

- N’as-tu pas envie de prendre une douche, demanda son épouse lorsqu’il eut fini.

- Bien sûr, je n’arriverai pas à dormir sans prendre une douche. J’ai vraiment besoin de me relaxer. Ces deux dernières semaines ont été harassantes.

- Mais tu en as retiré quelque chose ?

- Enormément !

- C’est l’essentiel. Je vais te faire couler un bain.

- Tu le prends avec moi ?

- J’en ai bien l’intention, avoua la jeune femme le regard ardent.

Steve qui avait senti le désir de sa femme vint vers elle et l’embrassa fougueusement. Avec ce baiser, il avait l’impression de se désaltérer. Comme à chaque fois qu’il la touchait, il sentit son corps s’embraser et s’étonna une fois encore du désir sans cesse renouvelé qu’il avait d’elle. Le couple tendrement enlacé se dirigea vers la douche attenante à leur chambre.

Steve installa Cora dans la baignoire avant d’y pénétrer à son tour. Celle-ci fit fonctionner le jet et l’eau se mit à ruisseler sur leurs corps. Saisissant le savon, il frotta lentement le corps de sa femme. Cora se délectait de la merveilleuse sensation que lui procuraient les mains sensuelles.

- Tu es tellement sexy.

- Avec ce ventre qui se refuse à partir.

- D’ici quelques temps, il n’y paraîtra plus. Tu as accouché il y a quelques mois seulement.

- N’empêche que je me sente difforme.

- Même si tu as pris légèrement du poids, tu me plais toujours autant.

Les deux mains de Steve massaient les hanches rondes de Cora qui gémit sous la caresse. Doucement, Steve écarta les jambes de sa femme et insinua un doigt dans son intimité. Aussitôt elle se cambra sous cette caresse qui l’avait toujours rendue folle.

- C’est bon, murmura la jeune femme tandis qu’une délicieuse jouissance s’emparait d’elle.

Elle entreprit à son tour de savonner Steve. Elle respira l’odeur de sa peau, un mélange de savon, de sueur et d’eau de toilette et s’en trouva grisée.

- Je t’aime Steve.

- Moi aussi, à en perdre la raison.

Il avait tout à coup envie de se fondre en elle. Après s’être mutuellement débarrassés de la mousse, il la souleva dans ses bras et l’emporta vers la chambre. Au moment de l’installer sur le lit, il parut changer d’avis et la déposa sur le doux tapis qui recouvrait le sol. Bientôt leurs deux corps s’unirent, animés d’un même désir.

Cora termina ses maquettes cinq jours avant le délai qu’elle s’était fixée. Mais si elle en tirait une immense satisfaction, son corps quant à lui protestait de fatigue. De plus, elle n’arrivait pas à s’expliquer ces nausées et vertiges qui la surprenaient à tout instant. Un soir, alors qu’elle transportait une demi-douzaine de plats du salon vers la cuisine, elle chancela. Perdant l’équilibre, elle laissa choir les plats qui s’émiettèrent sur le carrelage. Steve qui sortait en ce moment de la cuisine la considéra avec inquiétude.

- Tu ne te sens toujours pas bien ma chérie ?

- Non et je viens d’avoir un malaise.

- Il vaudrait mieux que tu ailles te faire consulter, suggéra Steve en la faisant asseoir tandis que Nadia se chargeait de réparer les dégâts.

 - J’ai surtout besoin de repos.

- Sans doute Cora, mais cela commence à m’inquiéter. Ces malaises cachent peut-être quelque chose. Fais un tour pour voir le généraliste de la clinique demain.

- Si tu insistes.

A cet instant, Anna se mit à pleurer.

- Je m’en occupe, proposa Steve. Essaie de te reposer un peu.

Le lendemain, Cora se rendit à la clinique où intervenait son mari. Elle fut tout de suite reçue par le médecin généraliste qui lui posa quelques questions d’usage.

- Vous avez déjà sevré votre fille ?

- En fait elle s’y est mise toute seule.

- Installez-vous s’il vous plaît sur ce lit afin que je vous ausculte.

Cora se débarrassa de son chemisier et s’étendit. Le médecin ne décela rien d’anormal.

- Avez-vous déjà fait le retour des couches ?

- Non.

- Etes-vous sous contraceptif ?

- Non, mais j’ai décidé de me faire poser un stérilet dès que j’aurais fait mon retour de couches. Mais docteur pourquoi toutes ces questions ?

- Je ne trouve rien d’anormal. Mais compte tenu de vos malaises, je préfère vous faire subir un test de grossesse. Avec votre accord bien sûr.

- Ma fille n’a que cinq mois et il est improbable que je sois enceinte de nouveau si tôt.

- On ne sait jamais. Le mécanisme du corps est tellement complexe, dit le médecin en la confiant à une infirmière pour un test de grossesse.

 

- C’est une grossesse, annonça Cora à son mari une demi-heure plus tard.

- Le Docteur Dossou en est sûr ?

- Absolument. Je suis enceinte de huit semaines à peu près. Apprête-toi à être père de nouveau.

Les semaines suivantes furent les plus pénibles de son existence. Elle vomissait à longueur de journée et était très irascible. Dès le quatrième mois de grossesse, son col se dilata sans raison et elle dut s’aliter afin de ne pas perdre le bébé. Peu habituée à rester inactive, l’humeur de la jeune femme devint franchement massacrante. De plus, Anna qui commençait à faire ses premiers pas y mettait aussi du sien. Après une échographie au cours du cinquième mois, Cora sut qu’elle attendait des jumeaux. Quelques jours après, une sévère fausse couche la menaça et Cora se trouva obligée d’entrer en clinique afin d’être sous observation permanente.

Ses parents avisés de son état, l’appelaient très souvent. Sa mère lui téléphona un soir et l’avisa de la présence de Dean à ses côtés. Elle éprouva soudain le désir d’entendre sa voix et ne protesta pas lorsque sa mère lui demanda si elle désirait lui parler. Elle prit aussitôt des nouvelles de son neveu Adnane.

- Il doit être un grand garçon maintenant.

- Oui, il pousse comme un champignon.

- Il me manque tellement parfois. J’envisagerai peut-être un voyage sur Cotonou après mon accouchement.

- Si j’arrive à convaincre les parents, on risque de débarquer à Abidjan juste après ton accouchement, proposa Dean pris d’une subite inspiration.

- Oh Dean, s’écria Cora surexcitée, tu es sérieux ?

- Absolument, répondit l’homme ému car son enthousiasme lui rappelait la petite fille qu’elle avait été.

- Ce sera merveilleux. Je serai si heureuse de vous avoir avec moi. Crois-tu que papa voudra faire le déplacement ? Il est si casanier.

- Compte sur moi ; même s’il va falloir que je l’embarque de force.

Elle venait d’entamer le huitième mois de sa grossesse, lorsqu’elle fut un soir prise de violentes contractions. Instinctivement, elle sut que les bébés n’allaient pas tarder à naître. Elle fut aussitôt transférée dans la salle d’accouchement. Après deux heures d’efforts et de douleurs, le médecin décida de procéder à une césarienne.

Longtemps après, lorsqu’elle se réveilla, sa première pensée fut pour sa fille.

- Anna, murmura l’accouchée avant de retrouver toute sa lucidité.

D’un geste lent dû à l’effet de l’anesthésie, elle s’empara de la main de l’infirmière qui remplaçait la bouteille vide de perfusion par une autre.

- Madame, mes garçons ?

- Vous êtes réveillée ? Ne vous inquiétez pas. Ils vont bien tous les deux, la rassura-t-elle.

- Je peux les voir ?

- D’ici quelques heures. Vous êtes encore sous l’effet de l’anesthésie et vous avez besoin de repos. Ne vous inquiétez pas, vous les tiendrez bientôt dans vos bras.

- Ils vont bien tous les deux ? Insista Cora.

- Oui, et ils sont magnifiques.

Rassurée, Cora s’endormit à nouveau pour se réveiller six heures plus tard. Elle trouva Steve à ses côtés.

- Tu te sens mieux ?

- Oui, et les garçons ?

- Ils se portent très bien tous les deux. On te les amènera d’ici un quart d’heure pour la tétée. Et la douleur ?

- Ce n’est pas agréable, mais je supporte.

Comme Steve le lui avait annoncé, deux infirmières escortées du chirurgien qui l’avait opérée pénétrèrent dans sa chambre tenant chacune un bébé. A leur vue, Cora oublia les désagréments, les douleurs de ces derniers mois. Le cœur gonflé de fierté, elle les prit contre elle.

Le Droit d'aimer