Chapitre XXXI

Ecrit par Tiya_Mfoukama

Message Guislain:

C’est vraiment pas une bonne idée et je te le déconseille fortement.


Ça ne m’étonne pas. Et je n’ai pas encore envie de m’expliquer auprès de lui. Je pense l’avoir assez fait, puis on est plus à l’heure des explications mais aux actes concrets. Je lui réponds un simple “d’accord, j’en prends note”.


-C’est encore dans longtemps papa ?


Je jette un oeil vers Salomé, qui trépigne d’impatience sur son siège. Aujourd’hui on doit lui retirer son plâtre et pour la faire venir sans user trop de stratégie, je lui ai promis qu’on irait manger chez Raym’s juste après.


-Hein papa ?

-Non.


Mon téléphone se met à vibrer dans mes mains. Je baisse les yeux vers lui et constate qu’il s’agit d’un autre message de Guislain.


Message de Guislain:

Tu dois penser que je suis insistant mais comprends moi, c’est ma petite soeur et je tiens à elle.


Une petite soeur pour qui il avait des sentiments, il n’y a pas si longtemps que ça. Mais je vais éviter d’écrire ce rappel, ça pourrait être mal interprété. Ça le sera forcément.


-Et maintenant papa ?

-Non Salomé, toujours pas.


Message de Guislain:

Elle est importante pour moi, son équilibre est important….


Je ne lis pas la suite de son message, je me contente de sortir de l’application. Il a pas besoin de me rappeler à quel point j’ai tout foiré, je le sais déjà et j’ai ce moment qui remonte à un peu plus d’un mois, gravé dans ma tête et qui me le rappelle que trop bien.

Il ne faut pas plus que cette pensée pour me le remémorer.


Je me revois accroupi, près d’elle, impuissant devant la tristesse de ses traits. Sa respiration lente, régulièrement secouée par un hoquet, un reniflement ou les deux. Ses yeux rougis à force d’avoir trop pleuré, me plonge dans l’océan de souffrance que j’ai crée en elle. Il me suffit de la regarder pour prendre pleinement conscience de tout le mal que je lui ai fait.

A ce moment là, je me suis dit qu’elle avait besoin d’une seule chose, de moi loin d’elle. Et j’étais prêt à enfin la laisser comme elle me le demandait.


Nous sommes restés silencieux, je n’avais rien à dire, correction, j’avais des choses à lui dire mais je ne savais pas comment le faire.

Après je ne sais combien de minutes, elle s’est levée, en refusant la main que je lui tendais, puis elle est partie récupérer des affaires pour Salomé et elle.

Je l’ai raccompagnée chez ses parents et je suis rentré, encore plus las que les derniers jours, me remémorant des propos tenus par mon père.


Il me disait toujours que dans la vie, il y a deux types d’apprentissage. Il y a l’apprentissage par les conseils et l’apprentissage par  les conséquences. Moi j’appartenais à la seconde catégorie, celle de l’apprentissage par les conséquences, quand les actes sont déjà posés, les graines semées, et que la récolte apparaît. Il aimait à me le rappeler en me racontant l’histoire de l’agriculteur et ses trois fils, une de ses analogies préférée. Il me comparaît souvent au troisième fils.

Un agriculteur souhaitant partir à la retraite, mit ses trois fils à l’épreuve, pour savoir s’ils étaient prêts à gérer son exploitation. il la leur laissa, après l’avoir divisé en trois parts égales. De plus, il leur donna à chacun un enseignement sur la meilleure façon selon lui d’obtenir une bonne récolte. Son premier fils utilisa tous les enseignements de son père, optant pour la sécurité, le second et le troisième plus téméraires, décidèrent de faire autrement. Le jour de la récolte arriva, le premier obtint une très bonne récolte, tandis que le second et le troisième se retrouvèrent avec une mauvaise récolte. L’agriculteur félicita son premier fils puis demande à son second fils, ce qu’il avait retenu de sa premier récolte. Il lui répondit qu’il avait pu voir où étaient ses erreurs et qu’il les éviterait la prochaine fois. Il posa la même question à son troisième fils qui accusa les graines d’être de mauvaises qualités, et la terre de ne pas être assez fertile.

L’agriculteur réunit ses trois fils puis annonça aux deux premiers fils qu’ils étaient prêts mais pas le troisième.  


Son analogie s’arrêtait là, et moi je ne comprenais pas pourquoi l’agriculteur estimait son second fils prêt.

Il répondait, mon père, que  la seconde catégorie éduquait le mieux, parce qu’elle obligeait à faire face à ses erreurs. Libre à chacun de les assumer ou pas. “Assumer c’est grandir, et tôt ou tard, on finit tous par grandir”.


Aujourd’hui c’est avec une acuité dont je ne disposais pas il y a encore quelques années que je comprends son analogie, et cette ressemblance qu’il trouvait entre le troisième fils et moi. Je la perçois maintenant. C’est ce qui me lasse.


Je reconnais que j’ai longtemps eu l’attitude du troisième fils, mais actuellement, c’est celle du second que je suis prêt à avoir. Pas pour moi, mais surtout pour elle, Mayéla.

Je l’ai fait souffrir, alors qu’elle ne le méritait pas, je vais pas chercher à me justifier parce qu’il n’y a rien qui justifie ce que j’ai fait, si ce n’est mon égoïsme et ma bêtise. Et ce n’est pas de justificatifs dont elle a besoin,

Je lui ai montré le pire de moi, je dois lui montrer l’autre partie, la meilleure, celle qu’elle aurait du découvrir.


“Bzzzzz”

Je prends même pas la peine de lire le message, je me contente de ranger mon téléphone, un peu plus irrité.


-Papa, c’est bon ?


Je finis par refouler mon irritation sur Salomé.


-Non ce n’est pas bon. Tu as vu le médecin là ?

-....

-Continue et non seulement on ira pas chez Raym’s, mais en plus tu auras des légumes en plat principal et une sale de fruits en  dessert !

-Oh non papa ! Crie-t-elle les yeux très vite larmoyants.


Je me retiens d’éclater de rire face à la mine qu’elle prend. Honnêtement, je ne sais pas de qui elle a pris ce côté. Okay j’aime manger mais Salomé, son niveau me dépasse.


Ses petites lèvres se mettent à trembler, mais elle retient, ce qui pourrait ressembler à un sanglot, en se pinçant la lèvre inférieure avant de baisser la tête.


Des bruits de talons arrivant vers nous me poussent à lever la mienne. Chemisier rentré dans un jean sur une paire de talons qui rend sa démarche plus sensuelle. C’est Mayéla. La nouvelle version d’elle-même. Beaucoup plus femme, plus sexuelle, plus sûre d’elle.


-Bonjour, je suis désolée d’arriver aussi tard. Je devais finir un dossier.

-Pas de souci.

-Vous n’avez pas encore vu le docteur ?

-Non, pas encore.

-Oh, d’accord. Mewani qu’est-ce qu’il y a ?


Salomé lève sa tête, dévoilant ses yeux embués de larmes, regarde sa mère avant de me regarder puis de baisser les yeux, en marmonnant quelque chose que ressemble à “rien”.

Mayéla m’interroge du regard, et je feins de ne pas comprendre. Elle n’a pas le temps de poser plus de question, puisque le docteur finit par arriver.


Quarante-cinq minutes plus tard, nous quittons le service, Salomé sans son plâtre, et nous prenons la direction de chez Raym’s, bien que Salomé et son air totalement dévasté pense qu’elle va rentrer.


-Wani ? Mais qu’est-ce qu’il y a ? L’interroge de nouveau Mayéla.

-Rien maman. Murmure-t-elle, des trémolos dans la voix.

-Mais tu es toute silencieuse !

-....

-Shomari ?


Je souris, hausse les épaules sans pour autant dire quoi que ce soit.

Lorsque nous arrivons devant le stand rouge, je peux voir son sourire illuminé son visage sans même me retourner vers elle. Un coup d’oeil au rétroviseur me le confirme.

Quand je descends de la voiture, je l’entends m’implorer en pensée pour qu’elle puisse venir avec moi. Je la fais un peu languir mais je finis par ouvrir la portière arrière et la faire descendre.


-Je veux la cuisse là là. Demande-t-elle en pointant du doigt la-dite cuisse de poulet. Avec beaucoup d’oignons et la mayonnaise.

-Tu vas manger tout ça ?

-Oui papa !


Je commande ensuite pour Mayéla et moi même puis on reprend la route.


-Faut vraiment qu’on arrête de succomber à tous ses caprices niveau alimentation. C’est un bébé et regarde comment elle mange. Me dit Mayéla alors que je dépose les sachets de repas dans la cuisine.

-Un bébé, elle va avoir trois ans dans quelques semaines.

-Ouais bah justement.... pffff c’est vrai qu’elle va avoir trois ans. Ça passe super vite. C’est dingue.

-Tu m’étonnes. On devrait faire une petite fête. T’en penses quoi ?

-Oui, pourquoi pas. On a encore le temps d’y penser. Non ?

-Oui.

-....


Je l’observe s’afférer en cuisine, découper des bananes en lamelles qu’elle veut faire frire pour accompagner le poulet. La tête légèrement penchée sur les côtés, elle coupe de façon technique, mais assurée. Elle se mort discrètement la lèvre, tout en fronçant des sourcils. Je constate que ses mimiques n’ont pas changé.

On dirait pas comme ça mais c’est la première discussion que nous avons depuis la nuit où elle m’a dit tout ce qu’elle avait sur le coeur. Elle passait son temps à m’éviter et je ne faisais rien pour changer la situation, j’essaie d’agir sans trop la brusquer.


-Tu…. Tu restes là ? Je veux dire, pour manger ? Me demande-t-elle en levant ses yeux vers moi.

-C’est une invitation ?

-Non… Enfin… Euh…. fais comme tu veux.


Elle détourne son regard, puis se remet à découper les bananes.

Il y  une petite variation dans ses gestes, ils se font plus lents, avec moins d’aisance.


-Arrête.

-Quoi ?

-.....


Elle lève les yeux vers moi, soupire, puis détourne de nouveau le regard avant de poser son couteau.

Elle se gratte le haut de la lèvre avec son index, puis replace une mèche derrière son oreille.


-Je suis pas certaine que ce soit finalement une bonne idée que tu dînes ici.

-...

-Shomari ….

-Faudrait peut-être qu’on discute ?

-De…?


Son regard est toujours fuyant et l’atmosphère vient de changer. Il est plus pesant, à l’image de la discussion que l’on doit avoir et qu’on repousse toujours.


-Je vais aller voir si Wani a fini de ranger ses jouets. Annonce-t-elle en se dirigeant vers la porte.


Je la ferme juste avant qu’elle l’atteigne puis me place devant pour l’empêcher de sortir.


-Shomari arrête. Souffle-t-elle la tête baissée.

-......Je suis sincèrement désolé d’être aussi con, de pas m’être rendu compte de la chance que j’avais de t’avoir à mes côtés, de t’avoir fait autant souffrir.

-Shomari s’il te plaît.

-Tu méritais rien de tout ça. Continué-je. Je sais que mes excuses ne changeront rien, mais je devais commencer par te les présenter.

-Okay, j’accepte tes excuses, maintenant que c’est réglé, tu peux te pousser s’il te plait ?

-Mwana…

-Ne m’appelle pas comme ça!

-Avec toi j’ai déconné, j’aurai dû te demander pardon plus tôt, par…

-Je viens d’accepter tes excuses Shomari, c’est bon maintenant !


Les bras croisés elle semble excédée. Comme un trop plein de moi et tout ce que je suis.

Je suis conscient d’avoir trop tiré sur la corde mais je peux pas me résoudre à laisser tomber…


-parce que j’ai laissé mon orgueil dicter ma conduite. J’ai refusé de reconnaître les conséquences de mes actes. Mais ça va changer. Je referai pas une seconde fois la même erreur.

-Quoi ? M’arrête-t-elle.


Souriante, elle s’appuie d’une main sur le plan de travail, et laisse la seconde reposer sur sa hanche, et me dit :


- Attends, attends, tu viens de dire que ça allait changer, que tu ne referas plus les mêmes erreurs. C’est bien ça ? T’es en train de me dire que tu veux essayer de nouveau ?

-.....

-Tu dis que tu ne referas plus les mêmes erreurs, mais qu’est-ce qui te dis que moi j’ai envie de refaire mes erreurs. Tu me trouves toujours aussi stupide, toujours aussi puérile pour me laisser te persuader de reprendre une quelconque relation avec toi ?


A cet instant, je pourrais lui sortir tout un speech, d’ailleurs j’en ai bossé un tout au long des semaines qui viennent de s’écouler, mais ce serait encore et toujours des mots. Bien qu’impactant, ils auraient besoin d’actes concrets pour leur donner du sens, et surtout du poids.


Au début de notre relation, elle s’exprimait énormément à travers des silences, des gestes, des regards que, j’ai appris à interpréter. Je sais toujours le faire, et c’est parce que tout son corps me dit le contraire de ce qu’elle veut me faire croire, que je m’empare de ses lèvres.

J’avoue en profiter pour répondre à une envie qui me suit depuis plusieurs mois. Je retrouve leur texture, leur goût, pulpeuse et gourmand à souhait, avec délectation un court instant, jusqu’à ce qu’elle se rappelle que c’est moi, le grand salopard qui a sûrement dû la faire pleurer des nuits entiers, et tente de me repousser. Je la retiens par la taille, puis la fais pivoter de sorte qu’elle se retrouve contre le coin du mur.

Je vais pas la laisser, elle ne le veut pas et moi encore moins. Elle résiste encore quelques secondes avant de capituler. Ses mains restent sur mon abdomen, alors que les miennes s’empressent de se remémorer puis de caresser chaque endroit accentuant son désir.


Malgré le tissu de son soutien gorge, je peux sentir son mamelon s’ériger sous les arabesques que je dessine de mon pouce. Sa respiration se fait doucement haletante et bientôt je perçois de petits halètements s’échapper de sa bouche. Ce sont des sons que j’aimais entendre, et que je souhaite écouter de nouveau. Ils avaient sur moi un effet galvanisant. Et j’ai la méthode pour les faire augmenter.

Tous ses moments d’intimité partagés avec elle refond surface et amplifie les sensations que je ressens, le besoin que j’ai de la faire vibrer.

Je fais glisser une de mes mains vers son bas ventre et m’attaque au bouton ainsi qu’à la fermeture éclair de son jean. Je pourrais la stimuler à travers le tissu de son sous-vêtement, mais j’ai besoin d’être en contact avec sa peau, de sentir la chaleur et la moiteur de son sexe sous mes doigts.

Je veux l’entendre gémir.

Et j'y parviens lorsque de mon majeur, j’exerce des rotations suivies de petites pressions sur son clitoris. Elle est complètement humide et ondule sous mes doigts, ce qui finit par m’arracher un grognement.

Putain que c’est bon de l’entendre et la sentir toujours aussi réceptive.

Sa respiration devient rapide, ses halètements plus rythmés, elle va jouir.


-Maman, c’est rangé. On peut manger ?

-Haaaaaaaaan!


Merde !

J’ai encore ma main entre ses jambes quand de l’autre je bloque la porte pour éviter à Salomé d’entrer.


-Maman, on mange quand ? La porte elle est coincée !

-Salomé, attends deux minutes s’il te plaît. Dis-je sur un ton légèrement ferme.


Mayéla est parcourue de spasmes et est dans l’incapacité de pouvoir faire quoi que ce soit. Je retire ma main de son entre-jambe, et lorsqu’elle l'aperçois dégoulinante, elle marmonne un “oh c’est pas vrai”, avant de soupirer.


-Ca va aller?Lui demandé-je.


Pour toute réponse, elle reporte son attention sur les boutons de son chemisier qu’elle reboutonne avant d’en faire autant avec son jean.

J’ai juste le temps de prendre quelques mouchoirs avant que Salomé fasse son entrée.


-C’est bon maman, on va manger ?

-Non ma puce, laisse-moi encore quelques minutes, je n’ai pas fait les bananes. Mais tu peux rester là avec moi. S’empresse-t-elle de rajouter.

-Ouais !


Tout comme elle, j’agis comme si rien ne venait de se passer. Mais il va bien falloir qu’on s’explique.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine, je suis plus déterminé que jamais à rien laisser. Pourquoi, parce que je l’ai sentie, cette petite étincelle qui m’a fait prendre mes jambes à mon cou. J’ai eu l’impression qu’elle n’était jamais partie, qu’elle était restée là tout ce temps, tapis dans le noir en attendant que j’arrête mes conneries. C’est chose faite.


-Toc, toc, toc, y’a quelqu’un ?

-Titi de Wani !


La seconde d’après Salomé s’élance en dehors de la cuisine en courant presque. Mayéla se retourne vivement, et me lance un regard de supplication.

Non, t’inquiète pas, je compte pas lui dire que je viens de te faire jouir.


-Tu vas bien princesse ?

-Ouiiii, regarde, Titi, j’ai plus rien !

-Hey c’est cool, on pourra aller à la piscine.


Sa voix devient de plus en plus présente, jusqu’à ce qu’il apparaît enfin dans la cuisine.

Je me suis adossé contre le mur, ce qui  ne le permet pas de me voir mais me permets de le regarder s’approcher de Mayéla et tenter de l’enlacer.


-Bonsoir bébé, ça va pas ?


Je n’entends pas ce qu’elle lui murmure, toujours est-il qu’il se retourne pour me faire face.

Le rictus qui déforme son sourire m’indique qu’il n’est pas très heureux de me voir.

Sur ce coup là, on est deux.

L’atmosphère devient instantanément électrique. A croire que le ciel va finir par se zébrer juste au dessus de nos têtes.


- Shomari.

-Thierry.

-On va manger du poulet et des bananes ! Annonce Salomé en dansant presque entre nous.


Elle ne sent rien du malaise qui s'est subitement installé.


-Et où est ma part ? Demande Thierry.

-Oh….


Salomé se rappelle qu’on a pris à manger pour trois et confuse, elle se met à mordiller son index, un peu comme si elle cherchait une solution.


-Tu prends la part de papa. Dit-elle fièrement, ce qui semble réjouir Thierry, jusqu’à ce qu’elle rajoute. Maman, tu vas partager avec papa et moi.


Pas encore trois ans et elle fait déjà ma fierté.


-Salomé, tu vas allez te laver les mains. Intervient Mayéla et Shomari….


la suite, je la lis dans ses yeux. Elle veut que je parte. Ce que je fais, en lui rappelant qu’il faut qu’on discute et qu’on termine ce qu’il a été commencé.


KULA