Confessions intimes

Ecrit par Kossilate

Chapitre 15 : Confessions intimes 


Si la découverte du décès de la mère de Zayn jeta un froid à notre conversation, l'arrivée de nos commandes ne tarda pas à nous rendre le sourire et à nous relancer sur des sujets plus joyeux. C'était aussi sans compter la présence de Pedro qui venait à chaque moment libre nous raconter de petites anecdotes sur les vacances de Zayn en Italie il y a trois ans. J’appris ainsi qu'il était du genre drôle mais assez renfermée avec les filles, et qu'il savait cuisiner. J'étais d'après Pedro la première fille qu'il voyait à son bras en dehors de ses cousines. Pour équilibrer l'échange, de mon côté, je fis part à Zayn de mes péripéties étant enfant lorsque j'allais au marché avec ma mère. Et je dois l'avouer, avant ce soir-là, je ne m'étais jamais rendue compte à quel point ces aventures étaient amusantes. 


Nous finîmes de dîner aux alentours de 22h et il nous fallut près de trente minutes supplémentaires pour dire au revoir à Pedro et aux différents cousins de Zayn qui m’invitèrent à revenir au plus tôt. Selon eux, c'était un compliment pour les cuisiniers de voir une assiette revenir en cuisine aussi vide que la mienne. Selon moi, ça voulait dire que j'avais mangé comme une personne affamée depuis des années et mon ami ne se gêna pour gentiment me chambrer sur ce point. 


À notre retour, Zayn gara son véhicule devant chez lui et m'invita à le suivre à l'intérieur. Si au départ mon esprit s'emballa et que je faillis crier « Non ! Je ne suis pas prête pour cela », l’attitude calme de mon partenaire et je ne sais pas exactement quoi d'autre, finirent par me convaincre que je faisais fausse route et que je n'avais donc aucune crainte à avoir en le suivant. Lorsque nous arrivâmes dans l'appartement, Zayn m'installa sur le balcon et alla prendre une bouteille de moelleux blanc dans son réfrigérateur. Après nous avoir servi, il s'assit  près de moi et laissa son regard se perdre dans le ciel étoilée de Seattle. Je ne tardai pas à faire pareil, emporter par le contraste entre le calme qui régnait sur le balcon, et l'agitation qu'on notait dans les rues à une heure aussi indue de la nuit. Même si l'expression n'a pas originellement été créé pour elle, voir Seattle du haut de ce balcon, me faisait dire qu'elle faisait partir de ces « city that Nevers sleeps 1». En effet, la nuit était illuminée par la lune, les étoiles mais aussi par les lumières des grattes ciels, des magasins encore ouverts, des voitures encore en circulation, des lumières provenant de diverses activités humaines.


- Amadeo est un nom qui me vient de ma mère car elle a eu beaucoup de mal à m'avoir. Entre les problèmes liés aux origines de mon père, au rang de mes grands-parents maternels et à la maladie de ma mère, cette dernière n'avait pas…..le cœur assez libre pour avoir un enfant, déclara Zayn en me faisant sortir de ma douce torpeur.


- Hey ! Autant tu respectes mon désir de ne pas vouloir m'étaler sur mon passé, autant je ne souhaite pas que tu me racontes cette histoire si elle te fait autant mal, dis je précipitamment en voyant le visage de Zayn sans expression.



Depuis que j'avais abordé le sujet de sa mère au restaurant de Pedro, je l'avais senti se tendre mais cette impression avait vite disparue quand nous avions commencé à parler de nos enfances respectives. Certes, il avait un regard vague dès que la conversation s'aventurait sur des épisodes avec sa mère mais je pensais que c'était dû au fait de l'avoir perdue. J'étais loin de m'imaginer que ce que ma question avait éveillé en lui était aussi poignant qu'il m'en reparlerai des heures plus tard.

- Phoebe…..même si la douleur n'est plus comparable à celle d’il y a quelques années, cette histoire me fera toujours mal….je te tends la main là alors attrape là pour que je n'ai pas à le regretter.


- Zayn……



- Je ne pensais pas te raconter cette histoire ce soir….je la trouvais bien trop…triste, pas assez enjouée pour un premier rendez vous. Mais après ta question je me suis dit pourquoi pas. Aujourd'hui ou dans quatre ans, je ressentirai toujours le même vide en la racontant. Alors je préfère en parler maintenant plutôt que de me tourmenter en repoussant l'échéance. 


Cette dernière phrase, jusqu'à aujourd'hui, j'ai comme l'impression qu'elle m'était plus adressée qu'à lui-même. 


- Mes grands parents étaient de pauvres siciliens spécialisés dans les voyages en gondoles. Un fait assez courant dans la classe pauvre de cette petite île d'Italie. Ils ont donc misés beaucoup sur leurs deux enfants et ont investi toutes leurs économies dans leur éducation. Tu sais en Italie, la famille est très importante. Ma mère plus ce que son frère, a été élevée avec cette idée que la famille passait avant tout.  Étant la fille, on comptait plus sur elle que sur mon oncle qui était une tête brûlée depuis son enfance, commença  Zayn un petit sourire flottant sur ses lèvres.


- ……..



- Tandis que mon oncle préféra directement travailler après son Bepc, ma mère persévéra dans son travail scolaire et à l'aide des bourses, parvint à poursuivre ses études jusqu'à l'université où elle poursuivit en architecture paysagiste. Lors de sa dernière année, elle fit un sage dans une société d'architecte et elle y rencontra l'amour. Il s'était dissimulé sous les traits d'un jeune congolais travaillant dans ladite société : Marius M’BENG, mon père.


Je ne fus pas très surprise d'apprendre que le père de Zayn n'était pas béninois. M’BENG n'était pas vraiment le genre de nom de famille que l'on rencontrait au Benin. Une petite pression sur ma main me ramena dans la conversation. Je ne m'étais même pas rendue compte que nos doigts étaient aussi enchevêtrés que des lianes au fin fond d'une forêt amazonienne. À première vue, je me demandais même si on pourra un jour libérer nos doigts mais je ne pus m'attarder sur cette question car Zayn reprit son histoire.


- Ayant fait bonne impression à son stage, maman reçu une offre de travaille à la fin de l'université et une idylle avec Marius ne tarde pas à pointer son nez. Mes grands parents ne virent pas cette relation d'un bon œil. Depuis leur Sicile profonde, ils étaient assez féodaux et avaient déjà prévu le mariage de maman avec l'un de ses cousins germains. Même si ma grossesse entrava se projet un moment, maman nous fut arrachée alors que je n'avais que trois ans et mort de chagrin mon père préféra rentrer à Cotonou près de son frère, la seule famille qui lui restait.


- Zayn….je ne sais pas quoi dire……, balbutia je.



- Eh bien ! Ne dit rien, répondit-il un sourire crispé sur le visage.


Zayn parlait avec détachement et froideur. Comme si ce n'était pas son histoire mais celle d'un autre. Pourtant, je sentais……non, je ressentais sa douleur comme mienne et autant je ne pouvais la supporter autant je ne voulais plus qu'il la supporte. Sans plus réfléchir, je me rapprochai de Zayn et lui demandant la permission du regard, je me blottis dans ses bras.


- Tu n'es pas obligé de continuer tu sais, lui murmurai je à l'oreille tandis que ma main s'attardait sur sa nuque.


- Je sais……mais j'aime finir ce que je commence.



- ……



- J'ai grandi avec Mia, ses frères et tante Grâce a toujours été un amour avec moi. Mais je sentais comme un vide. Il y a trois ans, j'ai réussi à convaincre mon père de me laisser repartir en Italie pour rencontrer ma mère…. mais je suis venue cinq ans trop tard, finis Zayn dans un souffle.


- ……


-J'ai néanmoins réussi à rencontrer mon oncle….Pedro. C'est lui d'ailleurs qui m'a raconté toute cette histoire.


- Et tes grands parents ?? Tu as pu les rencontrer ??


- J'aurai pu mais je n’ai pas voulu. S’ils n'ont pas accepté mon père, ils n'avaient aucune raison de m'accepter moi, ajouta Zayn le nez logé dans mon cou.



- Tu n'as pas à te justifier……


- …….


- ……



- Je ne me justifie pas….je veux juste que tu comprennes. Cette histoire m’a donné une assez mauvaise image de l'amour. C'est la raison, pour laquelle je suis restée loin de tout sentiment amoureux depuis près de trois ans. 


Lentement je me détachai de l'étreinte de Zayn mais je ne m'éloignai pas de lui pour autant. J'avais envie de lui crier « pourquoi moi ? ». La douleur qui commençait à poindre dans sa voix prouvait qu'il n'avait pas pour habitude de parler de cette histoire. Il devait donc me faire vraiment confiance pour me confier cela et dès notre premier rendez vous en plus. D'un autre côté, je comprends pourquoi Mia disait qu'il ne s'était ouvert à aucune fille avant moi. Ayant vu son père dévasté par un amour impossible, il ne voulait pas finir ainsi. Il avait donc garder une certaine avec les femmes depuis qu'il a découvert toute l'histoire de ses parents. Une fois de plus je me demandais encore « pourquoi moi ? ». Comme s'il lisait dans mes pensées, Zayn plongea son regard dans le mien et reprit la parole.


- Avec toi, je n'ai pas pu faire comme d'habitude. Tu as cette sensibilité et cette force liées qui m'attirent inlassablement vers toi. Tu es comme un mystère que j'ai besoin de comprendre mais que je sais ne jamais pouvoir totalement résoudre.


- ……….

- Tu m'as fait prisonnier et je suis consentant.


- Zayn……



- Ne dit rien, je ne veux pas te presser, on ira à ton rythme. Mais je ne veux pas non plus te cacher ce que je ressens vraiment. Peu importe où tout ceci nous mènera, je préfère qu'on commence en sachant chacun à quoi s'attendre….je ne veux pas reproduire l'erreur de mes parents.


       Les mots de Zayn me touchèrent tant par leur sincérité que par les sentiments enfouis qu'ils représentaient. Effectivement, nous devions être honnête l'un envers l'autre dès le départ et aplanir les zones rocheuses de nos passés respectifs si nous ne voulions pas je notre futur commun aille se casser la gueule. Dans cette optique, j'avais l'impression de faire de la rétention d'information en ne racontant pas toute mon histoire.


- Ma mère est morte car mon père a préféré miser nos économies dans le jeu plutôt que de payer les médicaments nécessaires. J'ai ensuite été vendue par mon père pour payer l'une de ses dettes de jeu. L'année qui a suivit cela, je l'ai passé dans un « club de danse exotique ». J'y ai rencontré Kira et si au départ j'essayais de relativiser, le viol que j'ai subit, m’a fait remettre ma vie en cause. Surtout que ce viol m'a rendu enceinte de la lumière qui éclaire aujourd'hui ma vie…..


- Yelen…..



- …….oui….j'ai ensuite fait la rencontre de personne merveilleuses qui m'ont aidée à reconstituer ma famille. Mais certaines nuits, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a dans ce monde des personnes assez mauvaises pour vendre et acheter la virginité d'une pauvre fille qui n'a jamais rien demandé.


J'avais tout dit d'une traite pour ne pas avoir à revenir sur ma décision. Zayn avait fait du chemin en me parlant de son histoire et je devais faire pareil. Autant pour lui que pour moi.  Sans crier garde Zayn me reprit dans ses bras et lorsque nous nous séparions à nouveau, c'est tout naturellement que sa bouche descendit sur la mienne. Elle était légère et à la fois pulpeuse. C'était la première fois qu'on m'embrassait mais mon corps, mon cœur, mon cerveau ou je ne sais quel partie de mon être, sembla reconnaître cet acte et je me surpris à répondre au baiser de Zayn. J'étais soumise à une myriade d'émotions nouvelles, anciennes, inconnues ou pas. Je n'arrivais plus à savoir où commençait mon corps et où finissait le sien. Je ne ressentais plus l'environnement extérieur et étais focalisée sur la plénitude et le plaisir du moment. Ce qui semblait être un simple baiser au départ, se transforma en une exploration voluptueuse et sensuelle. Je ne sais pas combien de temps nous nous sommes embrassés mais quand nos lèvres se séparèrent, j’eus l'impression que cela faisait une éternité mais qu’elle  s'était écoulée aussi vite qu'une seconde. Je sais que cela paraît bizarre à dire mais c'est ce que je ressentais. Je levai timidement le regard vers Zayn et même si je ne savais pas « lire dans le regard » comme on dit, je n'avais pas besoin de manuel pour comprendre que c'était le désir qui déforme les traits de Zayn.


- Je…..je pense qu'on devrait rentrer, sinon je risque de lâcher prise si tu continues à me regarder ainsi balbuta Zayn.


- Euh !!.....oui !



- …….


- Oh !? Il est déjà 01h du matin, murmurai-je quand mon regard tomba sur l'horloge murale du salon.



- Notre petite séance de confession a duré bien plus ce qu'il n'y parait, dit Zayn en refermant la porte fenêtre menant au balcon.


- Ouais……


- Je voudrais bien te raccompagner mais il trop tard et même si Seattle semble toujours éveillée, il vaut mieux ne pas s'y promener à certaines heures.



- Tu m'as invité à manger, pas à dormir, déclarai-je avec un sourire ironique.


- C'est vrai mais j'ai bien trop peu qu'il ne t'arrive malheur.



- Avoue que c'est plus pour me voir dormir ici, répondis-je en me m’asseyant sur le canapé du salon.


- Bon je vais te préparer la chambre d'ami.



Au mépris de vous décevoir, rien ne se passa entre Zayn et moi cette nuit mais entre mes confessions et ce baiser, je dormis mieux cette nuit là. J'avais comme un poids en moins et mon horizon semblait de plus en plus heureux. Le lendemain, je me réveillai avant Zayn et j'en profitai pour préparer notre petit déjeuner en musique.


- Je payerai cher pour te voir encore me préparer mon petit déjeuner de cette façon, lança Zayn en venant me rejoindre à la cuisine


- Bonjour toi…..


- Bonjour. Bien dormi ???



- Oui comme un loir. 


- Hahaha



- Au fait de quelle façon je prépare ???


- Eh bien !? Tu es habillée avec mes survêtements et tu te trémousses en battant mes œufs. J'ai trouvé le bonheur, répondit Zayn en me lançant son sourire colgate.



- Tu es vraiment minimaliste en matière de bonheur.


- Que vouloir de plus lorsqu'on a une déesse de la cuisine comme femme ?



- Comme femme ????demandai-je tandis que je remplissais les assiettes qu'il avait disposées sur la table


- Oui comme femme. Apres ce que je t'ai raconté hier, je dois soit t’épouser soit te tuer. Et je pense que dans le second cas de figure, la terre m'en voudra l'avoir priver de ta beauté.



- Hahahaha. Si tu penses qu’avec tes belles phrases tu pourrais avoir plus de ration d’œufs brouillés, tu te trompes.


- Oh non ! Et si je fais ma mine de chien battu ??



- Ça ne marchera pas non plus.


- Et si je t'embrasse comme hier



- Arrête de te lamenter et mange, dis-je en sentant le rouge me monter aux joues.


C’est dans cette atmosphère bon enfant que nous déjeunions avant de nous préparer pour retourner à l'appartement de Mia. Zayn me supplia pour que je le laisse me frotter le dos sous douche mais je ne pensais pas que c'était une bonne idée. Du moins pour ma tranquillité d'esprit. Deux ans jour pour jour après ce diner, Zayn me demanda en mariage.



- Waow. Je ne m'attendais pas à une histoire pareille.


- Hahahaha……

- Vous ne seriez pas celle qui me raconte cette histoire, que je n'y croirai pas. C'est juste magnifique et beau. Tellement différent de toutes ces histoires de couples qu'on entend et qui nous démoralise, affirma Shadé qui était assise sur un transat près de moi.


- Je vous mentirai en disant que nous n'avons pas eu de problème Zayn et moi.  Mais nous avions toujours su nous asseoir et en discuter. À notre ère, l’amour n'est plus prioritaire ou il n'est plus assez fort pour endurer la moindre petite dispute, répondais-je en me levant.



- Où allez-vous ? Demanda Shadé en faisant de même.


- Toutes ces remémorations m'ont épuisée. Je voudrais allez me reposer un instant.



- Oh !!! Dit Shadé d'un air triste.


- Mais je pourrai répondre à certaines de vos questions. Si vous m'accompagnez jusqu'à mon bungalow.



- Oh oui !! Je vous suis.


- Hahahaha !! 



- En parlant de questions, quel métier exerçait Kira ???


- Avec l'argent qu’elle avait dérobé à sa mère, elle s'est payée des cours de langues et à postuler pour un poste d'interprète dans une société d'import export qui avait ouvert l'année de mon départ de cotonou. Cela n'a pas été facile car elle n'avait pas de vrai diplôme d'interprétariat mais ces attestions de maîtrises de langues étant nombreuses, elle a obtenue  le poste. 



- Et les jumelles ??


- J'avais souvent de leur nouvelles et d'après Kira, elles se débrouillaient très bien en classe. Toujours en compétition l'une avec l'autre pour être la meilleure.



- Si j'ai bien suivi, vous deviez être dans votre vingt quatrième année quand Zayn vous à demander en mariage, mais pourtant vous avez attendu près de dix ans pour vous marier.


- Je vois que vous avez fait des recherches.



- Oui !!


- Eh bien ! Désolé de vous décevoir mais nous venons d'arriver à mon bungalow. Vous aurez votre réponse à mon réveil. 



- Oh !!!


- Dites à la réception que vous venez de ma part, ils vous conduiront à votre chambre.

- D'accord…, répondit la jeune journaliste déçue de ne pas avoir obtenue la réponse qu’elle voulait.


En m’allongeant sur mon lit, je laissai mes pensées dérivées vers la question que m'avait posée Shadé. Comme je le disais, la vie est une vrai garce et quand tu sembles entrevoir le bonheur, elle se débrouille pour te ramener au plus bas. Ce retard de mariage en est un exemple.


Cher destin