Confuse
Ecrit par Farida IB
Debbie…
Je suis debout devant le miroir au-dessus de la vasque du lavabo. Je soupire en voyant mes cernes qui refusent de coopérer malgré la tonne de maquillage que je viens d’appliquer. Et pourtant je ne me maquille que lorsque les circonstances l’imposent et le plus sobrement possible. Mais là, je suis bien obligée. J’ai les cernes jusqu’à la tempe, un peu normal avec la mauvaise nuit que j’ai passée. Une très très très mauvaise nuit, je dois dire. Je l’ai passé à faire le puzzle de la situation actuelle. J’ai beau réfléchir cependant, je n’arrive pas à prendre une décision. Je crois vous avoir parlé de mon indécision chronique. Là encore, c’est pire étant donné que ça implique mes sentiments ; mes sacrifices ; toute l’énergie dépensée, au-delà même de la dépense de base pour arriver à ce stade de la relation ; le temps, surtout ça et par-dessus tout, je ne me vois toujours pas vivre sans lui. (soupir) Je ne peux juste pas balayer cette relation d’un revers de main. (soupire dépité) Concomitamment, j’en ai vraiment marre de devoir tout le temps menacer, tempêter, pleurer. Encore que c’est moi qui ai amorcé ce pacte de libertinage amoureuse. (pont de soupirs)
Je retourne m’asseoir devant ma coiffeuse. J’ai appliqué un voile de blush corail partant de l’arcade sourcilière à la tempe et trouve que j’en jette. Le résultat est trop parfait. Je passe un coup de brush sur ma perruque lace wig frontal et pour terminer, du baume à lèvre sur mes lèvres. Bon ce n'est pas comme si ça s’appliquait sur le corps non plus.
J’étais à deux doigts de me lever pour aller chercher la veste de l’uniforme scolaire lorsque ma mère apparaît derrière moi.
Dada : Deborah ça va ?
Moi : oui, bonjour dada.
Elle répond pendant que je me tourne face à elle et Etiam qui tend ses petits bras vers moi. Je vais attraper ses grosses joues et lui fait un gros bisou sonore.
Moi : qu’il est beau mon ange (il sourit et je lui pince le nez) mais je ne peux pas te prendre, tu vas me salir mon chemisier blanc avec ta couche pas jolie jolie.
Dada : mais il veut tellement que tu le prennes, je vais le nettoyer ton corsage après.
Moi : lol pas besoin. Là il faut que j’aille au cours.
Dada : quel espèce de cours pendant que les autres sont en vacances ?
Moi : plus qu’une petite semaine, c’est le dernier cours de l’année.
Dada : ah d’accord.
Je me dirige vers le porte-cintre en bois, elle me suit telle une téléguidée. Ce qui fait que je tourne un regard interrogateur vers elle à un moment.
Moi : il y a un problème ?
Dada l’air d’hésiter : je voulais, en fait le gaz est fini et…
Moi la coupant net : je n’ai même pas cinq francs, pikini (en faisant le geste qui va avec) à donner à quelqu’un ce matin. Je te l’ai dit, je dois payer ma dernière tranche pour pouvoir composer à la fin de l’UE.
Elle fait une petite mine.
Dada dans un souffle : d’accord.
Je prends la veste et l’enlève sur le cintre.
Moi les yeux plissés : mais oh qu’est-ce que tu as fait des sous que je t’ai remis il y a deux semaines à peine et l’enveloppe d’Armel d’ailleurs ?
Dada : j’ai refait nos gardes robes, les enfants n’avaient plus pratiquement rien de potables dans leurs valises.
Moi l’enfilant : j’ai fait du shopping pour tout le monde il y a deux mois.
Dada (balayant l’air de la main) : oui, mais ça ne gâte rien à la sauce non ? J’ai également approvisionné la cuisine pour trois mois au moins et j’ai pris deux ou trois appareils électroménagers.
Moi : tu as le goût du luxe hein ?
Dada souriant : il faut bien qu’on s’adapte à notre ère.
Moi : je suis d’accord, mais il faut aussi gagner de l’argent pour pouvoir maintenir le rythme.
Dada : je compte le faire, je vais ouvrir un commerce.
Je lève subitement mes yeux grands ouverts sur elle.
Moi : hein ?
Dada : c’est comme je viens de dire, j’ai réfléchi et j’ai décidé de reprendre mon commerce de produits vivriers. Seulement cette fois, je vais plus miser sur les épices. Ça coule bien sur le marché.
Moi (surprise, mais agréablement) : ah mais ça, c’est une excellente nouvelle !!! Ce genre de nouvelles qui illumine ta journée, ma maman qui veut reprendre sa vie en main.
Elle sourit de toute sa denture.
Moi : franchement, tu m’en vois ravie ! Il faut voir Noémie pour établir le budget et je te remets le solde à la fin du mois.
Dada : c’est comme si c’était fait ! Merci ma fille chérie, qu’est-ce que nous serions sans toi ?
Moi parlant vite : rien du tout !
Dada : rire* prétentieuse va !
Nous rions.
Dada : vient, j’ai fait le petit déjeuné. Je t’ai fait un thé au lait, je voulais faire des omelettes quand le gaz a pris son apogée.
Moi (entre deux rires) : ce n’est pas grave, avec le pain ça ira.
Dada : d’accord.
Elle marche vers la véranda donc je la suis. À la table du petit-déjeuner, c’est elle qui s’occupe de sucrer le thé et de tartiner mon pain avec de la mayonnaise. Ensuite, elle s’assoit pour me regarder manger. Maintenant que j’en parle, j’ai remarqué un changement radical dans son comportement depuis notre petite mise au point. Elle est aux petits soins, elle s’inquiète quand je rentre tard et on se prend de moins en moins la tête. Et cette décision qu’elle vient de prendre, c’est juste la nouvelle de la semaine pour ne pas dire de l’année. C’est de ça que je lui parle en ce moment.
Moi : dada sincèrement, tu as refait ma journée avec la résolution que tu as prise.
Dada souriant : je suis heureuse que ça te fasse cet effet (suivant le mouvement de la cuillère que je porte à ma bouche) fait attention, tu vas te salir.
Elle prend un torchon qu’elle enfourne dans l’échancrure de mon chemisier.
Dada se redressant : voilà, comme ça tu ne risques plus de te salir.
Moi taquine : mais quelle délicate attention !
Dada : tu le mérites bien.
Moi : j’ai quand même un peu de réserve parce que je te connais, ça sent l'arnaque !
Dada avec un rire de gorge : peut-être que j’essaie de déjouer ton attention pour que tu nous recharges le gaz.
Moi : umh humm nous y voilà !
Dada : je plaisante voyons, disons que j’apprends à réassumer mon rôle de mère.
Moi (la regardant doucement) : ça, c’est très bien !
Dada plaintive : même si ça me ferait plaisir d’utiliser le gaz, les charbons du sac que j’ai ouvert dernièrement sont trop durs. Ça ne prend pas vite feu et ça s’éteint en milieu de cuisson.
Moi : bah débrouillez-vous avec ça pour le moment. Vous pouvez mixer avec du charbon léger.
Dada : hmm tu ne veux pas céder hein ?
Moi catégorique : non.
Dada : fais-le pour Etiam, regarde le (je le fais) il est tout triste parce que ses biberons n’ont pas pu être chauffés.
Moi : rire* il est mignon, mais ça ne marchera pas ce chantage.
Dada faisant la moue : si c’était Junior, tu allais le faire sans te faire prier.
Moi (haussant l’épaule avec nonchalance) : tu veux quoi ? Junior, c’est la prunelle de mes yeux, mon premier fils ne soyez pas jaloux. Il est le preums, c’est tout.
Soit dit en passant, il va mieux. Il ne se plaint plus de ses douleurs anales. Ça me fait penser que je dois le ramener à la clinique pour son examen proctologique. Je suis comme ça dans mes pensées, mais je peux voir du coin de l’œil le regard que ma mère fixe sur moi depuis des minutes déjà.
Moi arquant le sourcil : quoi ? Pourquoi tu me regardes ainsi ?
Dada : rien, enfin je trouve que tu es devenue une très belle jeune fille. Tu devrais te maquiller très souvent, ça te va à merveille.
Moi (ravie et flattée à la fois) : awww mercii dada ! Avec ce que tu viens de dire, tu l’auras ton gaz.
Elle se lève et exécute un tour de danse joviale, je pars dans un rire bruyant. Je finis de manger dans la même ambiance et retourne dans ma chambre où je chausse des espadrilles et récupère mes affaires ainsi que ma clé de moto. (j’insiste sur la précision, rires…) Je passe de routine dans les chambres de mes cadets pour les effusions matinales. Forcé, j’ai commencé par Junior qui est resté accrocher à mes jambes pendant la tournée. Miss Noémie comme ces derniers temps était captivée par son téléphone. J’ai reçu une tonne de compliments de Sophie notre tata la joie. Celle qui m’inquiète par contre, c’est Caroline. Elle se renferme de plus en plus sur elle-même. Je ressors du bâtiment pour le garage en me faisant la promesse de me pencher sur son cas plus tard.
Dans le garage, je nettoie délicatement la moto sur laquelle je dépose Junior avant de nous diriger vers l’extérieur. Sophie nous rejoint à quelques pas du portail et c’est elle qui l’ouvre puis entreprends de me faire la courbette.
Sophie : faites, je vous en prie madame.
Je secoue la tête amusée.
Moi : toi vraiment !
Sophie : c’est comme ça qu’on fait à une reine.
Je lui fais un large sourire, sourire qui se fige lorsque j’aperçois votre type (oui oui, c’est le vôtre aujourd’hui) qui rabat les portes de leur garage. Si seulement vous pouvez voir comment il est trop mims dans l’un de ces costumes sur-mesure de grande marque.♥️???? Va savoir où il est rendu stylé comme ça. On s’échange un regard admirateur au moment où il regagne sa voiture. Pour la peine, je démarre mon engin avec empressement et fonce malgré les pleurs déchirant de Junior.
Je passe une demi-journée normale d’étude à ISICA. Pour ceux que ça intéresse, je suis en licence 2 information-communication option journalisme et presse. Le but, c’était de finir rédactrice d’un journal ou d’une presse écrite. Mais actuellement, je me vois plus rédactrice de mode qu’autre chose avec mon job chez Tina’sGlam. C’est tout de même en cours de réflexion, j’ai une longue année encore pour décider. Là j’ai juste hâte qu’on finisse avec celle-ci pour espérer flemmarder un peu sur le lit les matins. Je pense comme ça que je me souviens que je dois me trouver un stage académique, c’est l’école qui l’exige ainsi. J'avoue que ce n’est pas une idée qui me plaît vraiment parce que de 1 - il faut trimer pour en trouver et de 2 - ça met en péril mes jobs, ce qui m’amène à préciser que c’est non rémunéré. Or vous savez combien c’est vital pour moi de gagner de l’argent.
À treize heures, je rentre à la maison dans l’intention de déjeuner et faire une petite sieste. Je trouve une délicieuse pâte accompagnée d’une sauce gluante à base de corètes potagères (Adémé, Nin-nouwi, kplala, Fakoye) truffée de poissons, de crabes et d’akpama (peau de bœuf) ou kplô comme le dit l’Ivoirienne avec qui je travaille à la cave. Je dévore tout ça dans le vrai sens du terme. Il n’y a rien à dire, ma mère est une excellente cuisinière. Je mange au point où je tombe dans un lourd sommeil, ne serait-ce les zézaiements et les babillages de Junior que je sombrais dans le coma. Je sursaute lorsque je m’aperçois que j’ai seulement trente minutes pour arriver au magasin de Tina où j’ai repris hier en passant, et je crois qu’il serait inutile de vous dire avec quelle tête. Je prends donc une douche rapide et porte les premiers vêtements qui me tombent sous la main. Autant dire que j’ai zappé sur le maquillage. J’ai quand même mis du baume sur mes lèvres et je me suis poudrée un peu le visage histoire de l’unifier puis je suis sortie de la maison comme une fugitive.
Devinez sur qui je tombe, je devais dire ENCORE ! En même temps, on habite l’un en face de l’autre. Mais bon, ce n’est pas une raison de m’envahir avec sa présence. D’autant plus qu’il est encore plus craquant dans un autre style que celui de la matinée. ????C’est sans l’ombre d’un doute qu’il a été sélectionné pour un défilé de mode.
Je me surprends à le regarder outre mesure. À un moment donné je crois qu’il l’a pris pour une invite vu que je le vois qui s’avance vers moi. J’écarquille bien les yeux en remuant la tête, il se passe la main sur la tête et soupire bruyamment avant de retourner à son véhicule qu’il démarre sur des chapeaux de roues. Je mets le contact pour démarrer à mon tour quand la voix de Noémie vient ralentir mon élan.
Noémie : vous vous êtes disputés encore ?
Je suis la provenance de sa voix pour la voir assise devant son étalage avec le même jeune homme du jour où j’ai ramené la moto à la maison.
Moi : en bref ! Tu ferais mieux de t’occuper de ton client.
Elle le regarde et sourit avant de faire un geste évasif de la main.
Noémie : lui, rire* c’est un ami.
Elle le dit avec un visage souriant jusqu’aux oreilles et les yeux pétillants.
Moi suspicieuse : un ami hein ?
Le jeune homme aussi : bonsoir grande sœur.
Dans ma tête : Tsuiipp, quel bonsoir grand sœur ? ???? Ne vient pas me mélanger la tête à la petite, c’est ma future ingénieure.
Je vois déjà vos gros yeux depuis ici, mais laissez ! Je suis un cas à part. Je lui réponds avec une pointe d’ironie.
Moi : bonsoir notre ami, ça va ?
Le jeune homme : ça va grande sœur.
Moi : ok bien, j’y vais. Passez un bel après-midi, salut l’ami.
C’est au loin que je reçois leurs réponses. Au magasin, je tombe sur le quatuor que forment Tina et sa bande d’amies en allant la saluer dans son bureau. Je les salue avec tous les honneurs en adéquation avec la classe qu’elles reflètent. Ces jeunes femmes me foutent trop le complexe, tellement on a l’impression que leur vie est parfaite. Comme d’habitude, elles se sont mises à me charrier gentiment.
Tata Murielle : la Debbios, toujours belle !
Moi sourire gênée : tata, vous vous moquez de moi là.
Tata Murielle : toi tu n’aimes pas qu’on te dise la vérité, tu es belle et classe ma petite. Et j’adore ce que tu portes, c’est ici que tu l’as acheté ?
J’ai soudainement un tigre du Bengale dans la gorge tellement je suis intimidée.
Moi : euh, non, c’est de l’ABC (Abloni Bien Choisi, la friperie quoi).
Tata Nahia (avec un sourire entendu) : c’est là-bas même qu’on fait des trouvailles ex-tra-or-di-naire.
Tata Zaï : ça, tu l’as dit ! (s’adressant à tata Murielle) Tu vois ma robe dorée avec strass et une petite fente qui montre mes jambes ?
Tata Murielle hochant la tête : oui oui, celle que je voulais coûte que coûte.
Tata Zaï : exactement ! C’est dans la frip que j’ai chopé cette merveille.
Tata Murielle : nannnn ???
Tata Zaï : et siiii.
Tata Nahia : ahah les filles vous pensez la même chose que moi ?
Tata Murielle : ne dit rien, rendez-vous lundi matin à Hedjranawoé. Tina désolée inh, mais on a trouvé mieux ailleurs.
Tata Tina (à moi) : donc toi, tu es venue cet après-midi pour saboter mon marché quoi ?
Moi : désolée tata, je…
Tata Zaï intervenant : laisse la petite tranquille ! On adore ta collection, surtout la dernière. Mais la frip, c’est la base.
Tata Tina : rire* je le sais mieux que vous. C’est pour ça que lundi, je serai calée à Hedjranawoé avant tout le monde.
Elles s’esclaffent de rire et moi je ris juste sous capte. Je m’éclipse un temps et vais me réfugier dans le rayon enfant.
17 h 30
Je viens de terminer mon compte journalier et avec une collègue nous nous sommes occupés de rambarder les lieux. Par la suite, je l’ai déposé à son domicile et j’ai foncé directement à la cave.
Ça me prend moins de dix minutes pour me mettre dans la cadence. Je tourne ci et là pour prendre les commandes avant de retourner au labo (c’est comme ça que nous appelons le bar) pour les chercher. Je vais servir du vin à un couple à la table N° 6.
Moi : voilà pour vous monsieur, un Bourgogne soixante ans d’âge. Et pour madame, un Bordeaux 50 (leur souriant) bonne dégustation à vous !
Je quitte cette table et me rends derrière le comptoir pour préparer un cocktail à la demoiselle de la table N° 15 qui aspire fort fort dans un tube à chicha et dont le visage m’a l’air familier. Je ne sais pas où ni comment, mais j’ai l’impression de l’avoir déjà rencontré. Enfin, elle doit probablement être une habituée des lieux.
C’est sur cette conclusion que j’ai sorti un jus d’orange et de l’eau pétillante du frigo. J’ai pris du sirop de grenadine, un thermos et du colorant dans un petit placard en haut. J’ai sorti le shaker, des verres et des coupelles puis j’ai commencé mes mélanges avec des gestes précis. Bref, j’étais dans mon élément quand je vois Diana (l’Ivoirienne) qui revient de sa tournée. Elle me regarde terminer mon glaçage sur les bords du verre à cocktail que je garnis ensuite pour le poser sur le plateau de table en verre qu’elle vient de laisser sur le comptoir avant de parler.
Diana : c’est pour qui ?
Moi : table 15.
Diana : ok, laisse-moi m’en occuper. On te cherche dehors.
Moi : ah bon ? Qui ça ?
Diana : un livreur de restaurant.
Moi (secouant la tête) : ce n’est pas moi, je n’ai rien commandé.
Diana : va voir quand même orhh !!
Moi : ok ok, j’y vais. Pas besoin de me hurler dessus.
Je vais trouver effectivement le livreur qui attend sur sa moto.
Le livreur (lorsque j’arrive à sa hauteur) : c’est vous Deborah Diapena ?
Moi les yeux plissés : oui, c’est bien moi.
Il me tend un sac de traiteur.
Le livreur (pendant que je prends le sac) : de la part d'Armel Elli.
Moi : je vois, merci.
Le livreur : je t’en prie, passe une bonne soirée charmante demoiselle.
Moi : merci, bonne soirée à toi aussi.
Je retourne à mes occupations après avoir fourré le paquet dans mon sac à main sans même lorgner le contenu. C’est une fois que je commence à sentir la faim que je le sors de sa cachette pour découvrir un plat de gésiers aux épices vert du restaurant Leana’s Cooking. Je le pose sur une table avec le dessert qui l’accompagne. Je prends place pour manger, mais au lieu de ça, je me retrouve plonger dans mes pensées. Il faut dire que toutes ces petites attentions ne jouent pas en la faveur de mon indécision.
Diana (me sortant de mes pensées) : tu comptes manger ce plat ce soir ? Parce qu’il y en a qui ont faim ici oh.
Moi amusée : viens, sers-toi. Je n’ai pas tellement faim.
Elle ne se le fait pas répéter deux fois avant de s’attabler pour manger comme un otage qu’on vient de libérer.
Diana mastiquant bruyamment : tu es sûre que tu ne veux pas manger ?
Je fais non de la tête.
Diana : tu ne sais pas ce que tu rates, ça change du pinon à l’oncle sam (viande de porc et sa pâte de gari) de maman Magalie.
Moi : lol.
Je n’ajoute plus rien et elle aussi jusqu’à ce qu’elle finisse le menu complet. Elle lâche ensuite un long rot en caressant son ventre en l'air.
Moi mine dégoûtée : Dieu que tu es dégoutante Diana ! Aucune bonne manière dans ton corps.
Diana : c’est pour aller où avec bonne manière là tchrrrrr.
Je souris débitée.
Diana (du tic au tac) : bon maintenant dis-moi ce que tu as depuis hier, tu en fais une tête !
Moi évasive : rien qu’on ne puisse gérer.
Je dis ça avant de me décider à m’ouvrir à elle d’une manière voilée.
Moi : sinon toi dis-moi, tu quitterais ton gars si tu venais à découvrir qu’il te trompe (précisant) avec plusieurs autres femmes.
Diana : quitter un homme à cause de son infidélité, tu veux dire ?
Moi hochant la tête : c’est un peu ça.
Elle ne répond pas tout de suite, elle émet quelques secondes de réflexion avant de se prononcer.
Diana : en tout cas, ça dépend.
Moi arquant le sourcil : de quoi ?
Diana : beh de l’homme en question. S’il est beau, riche et de surcroît attentionné, on n’appelle pas ça de l’infidélité, mais un égarement momentané involontaire. C’est sans conséquence. Par contre s’il est vilain en plus moisi, on lui fait la faveur de sortir avec lui et il se permet de tromper encore. Fhoum ! Ça, c’est de l’infidélité préméditée avec sanction immédiate.
Je la regarde les yeux plissés un moment avant d’éclater de rire. J’ai tellement rit, imaginez juste l’accent pur ivoirien.
Moi hilare : toi, tu es trop bête.
Diana me prenant de court : c’est du tien qu’il s’agit n’est-ce pas ?
Moi : euh oui, oui c’est lui.
Diana : tu vas laisser ce beau bouquet à qui ? Il t’a payé une moto de cinq cent mille Deborah.
Je prends une grosse inspiration.
Diana : un beau spécimen, à l’écoute, charismatique, romantique à souhait, un attentionné né, le genre à dire des « mi amor » et grâce auquel tu connais tous les endroits huppés de cette ville. Je pourrais continuer la liste si tu veux et je suis prête à parier que c’est lui qui t’a envoyé ce succulent repas à l’instar de tous les autres. Tu veux laisser ça à qui maaaaaa une sœur ?
Moi soufflant : mais qui me fait voir des vertes et des pas mûrs aussi.
Diana : ok ! File-moi seulement son numéro avant de l’envoyer paître.
Moi fronçant les sourcils : tu veux faire quoi avec son numéro ?
Diana : je vais te montrer ce qu’on fait avec ce genre de mec.
Je pousse un long juron et elle rigole.
Diana : mais plus sérieusement, tu as supporté le mec toutes ces années et c’est maintenant que les bonnes choses veulent commencer que tu veux plaquer. Pour faire quoi ou pour aller où ? Il pleut partout ma chérie, toi au moins tu connais ta place. Et nous, on n’est même pas sûres d’être la titulaire, la deuxième tchiza ou même la découagirl (sex-friend) là tu vas dire quoi ?
Moi : hmmm.
Diana (dans sa lancée) : tout ce que tu peux faire, c’est de t’arranger pour ne pas attraper une maladie en bizarre et amasser le plus de djai (argent) possible pendant qu’il est encore temps. Si vous finissez ensemble tant mieux, sinon tu auras de quoi construire ta petite vie tranquille. Parce que inh ma chérie, il vaut mieux vivre son goumin(chagrin d’amour) dans l’opulence que dans la galère. Sinon walaye que (insistant sur les mots) goumin+galère, je le souhaite vraiment à mon pire ennemi.
Je me contente de sourire discrètement.
Diana concluant : vous venez de loin Debbie et vous êtes encore très jeunes tous les deux. Tu ne peux juste pas lui imposer une vie de papi et mami. Même s’il est très concret pour son âge, même s’il ne fait pas dans le détail, c’est encore un gamin dans sa tête. Et puis à vingt ans on n’essaye pas de faire marcher une relation, on le vit pleinement en s’attendant à tout.
Je hoche lentement la tête en prenant la mesure de ses dires.
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Zou !!!!