Coup de rage
Ecrit par lpbk
Lors de notre premier rencard, je me
souviens qu’il m’avait avoué que l’un de ses pires défauts était de toujours
laissé la fenêtre qui donne sur l’escalier de secours légèrement ouverte. Je
n’ai donc qu’à me glisser chez lui en attendant le départ d’André et tant pis
si Ethan me voit dans cette affreuse tenue.
La sonnette de mon appartement retentit toujours.
Mon visiteur ne se décourage pas facilement.
Je prends une grande inspiration, enjambe
le rebord de la fenêtre, évitant de jeter un regard en contrebas. Je réussi à
me réceptionner sur une passerelle et descends la volée de marches qui mène à
l’appartement du dessous. Ethan n’avait pas menti. La fenêtre est très
légèrement béante ; je m’empresse de l’ouvrir totalement et de la
franchir, avant que quelqu’un qui aurait la brillante idée de lever les yeux ne
me voit entrer chez mon voisin.
A peine réceptionnée, je pousse un cri de
stupeur et me détourne.
— Merde !
— Désolée !
Ethan est entièrement nu ! Pas même
une serviette ne lui ceint la taille.
Je n’ai pas eu le temps de voir
grand-chose car Ethan a eu le réflexe de se cacher les parties intimes. Mais je
dois avouer que le petit aperçu que j’ai eu est très intéressant. Un torse
musclé mais pas trop, une fine toison qui court jusqu’à son entrejambe, des
jambes bien galbées elles aussi.
Notre amitié nouvelle ne m’empêche pas
d’apprécier le bel homme qu’il est.
— Qu’est-ce que tu fais ici ? bougonne-t-il. Et
pourquoi es-tu passée par la fenêtre ?
— André ! chuchotai-je, comme si mon ex pouvait
m’entendre d’ici. Il est chez moi, continuai-je en montrant le plafond.
— Et donc ? Tu peux te retourner, au fait.
Il a passé un boxer, qui le moule
incroyablement et un maillot blanc, qui lui colle à la peau. Très érotique
comme spectacle. Dommage que je ne sois pas attirée plus que ça par Ethan car
c’est un très beau spécimen de la gente masculine, croyez-moi.
— Nous sommes censés être ensemble, je te rappelle.
— Et donc ? répète-t-il, ce qui commence à être
agaçant.
— Eh bien, je… Il faut que nous soyons plus crédibles.
Il ne croit pas à notre histoire et…
— Tu devrais peut-être mettre les points sur
« i » avec lui, tout simplement. Arrête de te cacher derrière notre
fausse relation, Mélanie. Dis-lui ce que tu penses. Pourquoi faut-il que les
filles compliquent toujours tout, sérieux ?
Visiblement, il est contrarié. Et je ne
pense pas que ce soit par le fait que je sois arrivée inopinément ni que je
l’ai vu dans le plus simple appareil.
Il continue de ronchonner, tout en
m’entrainant doucement vers la porte d’entrée.
— Désolée, dis-je bêtement alors qu’il ne semble pas me
prêter la moindre attention, marmonnant dans ses dents à propos des filles, de
leurs lubies, du fait qu’elles soient folles et compliquées, impossible à
suivre… Bref, plein de gentillesses à l’égard de la gente féminine.
Il ouvre la porte et semble sur le point
de dire quelque chose mais voyant André descendre l’escalier, lui aussi de
méchante humeur, je me mets sur la pointe des pieds et gratifie Ethan d’un
baiser langoureux. J’y mets tout mon cœur, cela va sans dire. Pour être
crédible, bien sûr.
D’ailleurs, fait étonnant, Ethan ne me
repousse pas. La surprise sans doute.
— A tout à l’heure mon chéri, minaudai-je, en effleurant
les lèvres d’Ethan du bout du doigt.
Je me sens ridicule mais j’essaie de
donner le change.
— Euh… A tout à l’heure, me répond-il, complètement
paumé, le pauvre.
Je me retourne alors et feint d’être
étonnée par la présence d’André.
— André ! Que fais-tu…
— J’étais passé te voir, mais visiblement les hommes
sont toujours interchangeables avec toi, me crache-t-il, furieux.
— De quoi parles-tu ? fais-je mine de ne pas
comprendre même si je sens la colère monter doucement en moi car je sais ce à
quoi il pense.
— Tu ne lui as pas dit, n’est-ce pas ? me
questionne-t-il.
— Que devrais-je lui dure exactement ?
— Ne joue pas les innocentes ! tonne-t-il. Elle ne
t’a rien dit pour notre baiser, n’est-ce pas ? demande-t-il à Ethan qui
semble de plus en plis perdu.
— Votre baiser ? s’étonne-t-il.
— Evidemment, qu’elle ne t’a rien dit. Ne t’attache pas
trop à elle. Elle aime le changement et elle ne risque pas de te garder très
longtemps. Dans quelques semaines, lorsqu’elle se sera lassée de toi, elle te
remplace…
Sans que je ne le vois venir et lui non
plus d’ailleurs, ma main s’abat violemment contre sa joue. Il ne bronche
toutefois pas mais cela a le mérite de le faire taire.
— Salop ! éructai-je, les larmes aux yeux. Pour qui
me prends-tu ?
— Pour ce que tu es Mélanie, me répond-il, fielleux. Une
fille qui passe d’un mec à un autre, sans aucun remord. A peine avais-je le dos
tourné, que tu étais dans les bras d’un autre. Apparemment, les années ne t’ont
pas fait changer sur ce point-là.
Je ne sais que répondre face à tant de
reproches, à cette haine qui semble déborder de tous les pores de son corps. Je
sens les larmes me brûler cruellement les joues pendant que je le regarde,
impuissante.
— Je pense que tu ferais mieux de partir, intervient
alors Ethan en s’adressant à celui que j’ai cru être un jour l’homme de ma vie.
Le moment et le lieu ne sont peut-être pas les plus propices à ce genre de
conversation, continue-t-il en me ramenant à l’intérieur de son appartement.
André me jette un dernier regard furieux
et se détourne, rageusement. Ethan referme la porte doucement derrière lui.
— Tu vas bien ? me questionne-t-il, radouci.
Je ne réponds rien et m’effondre. Je
pleure contre son épaule, mouillant un peu son maillot en coton. Je renifle,
peu gracieusement et me remet à couiner comme une gamine.
Je ne comprends pas pourquoi ses propos,
ses reproches me touchent encore tellement.
— Je suis désolée, m’excusai-je. Je n’aurais jamais dû
t’entrainer dans…
— Chut ! m’interrompt Ethan. Tu n’as pas à t’excuser.
Tu veux quelque chose à boire ? me propose-t-il après m’avoir tenu une
boite de mouchoirs.
Je hoche la tête affirmativement, et
profite qu’il me laisse seule quelques instants pour me moucher, toujours
gracieusement bien sûr.
Lorsqu’il revient, je l’attends, installée
sur le canapé où nous avions dégusté un repas lors de son installation. J’ai
l’impression que cette soirée remonte à une éternité.
— Tiens, me dit-il en me tendant une tasse de chocolat
chaud dans lequel flottent quelques mini-marshmallows.
Je ris face à cette attention et il me
sourit, en me faisant un clin d’œil.
— Je regarde beaucoup de comédies romantiques, me
confie-t-il. Généralement les filles tristes boivent toujours du lait
chocolaté. Les marshmallows, c’est pour la gourmandise.
Je m’esclaffe à nouveau et nous dégustons
nos boissons en silence.
— Merci, soufflai-je.
— Je t’en prie.
Nous nous en tenons là, et reprenons notre
muette dégustation.
Les paroles d’André tournent dans ma tête
comme une ritournelle. « Ne
t’attache pas trop à elle. Elle aime le changement et elle ne risque pas de te
garder très longtemps. »
Je me suis attachée André ! Crois-le
ou non, je t’aimais tellement ! Tu étais le seul pour moi. Je ne voyais
que toi. Mais tu ne l’as jamais remarquée.
Je t’épiais toujours lorsque tu étais avec
tes amis. Je savais qui tu fréquentais, laquelle de ses filles que tu ramenais
en meute était ta petite-amie. J’en ai vu défiler une pléthore avant qu’enfin,
tu ne me remarques.
Et puis, tu es parti à l’université. Et je
suis restée. Seule.
Matthieu était là. Il m’a simplement
réconfortée. Ce soir-là, nous avons parlé de tout. De lui. De nous. Nous nous
sommes endormis, chastement. Le lendemain, à notre réveil, tu étais là. Nous
fusillant du regard. Tu m’as jeté dehors, comme une moins-que-rien. Comme de la
vermine.
Tu avais ce même regard qu’aujourd’hui.
Cette même haine qui dégoulinait. Ce même dégoût qui déformait ton si beau
visage.
J’ai mis les voiles. Je suis partie, moi
aussi. Je me suis reconstruite. Sans toi. Loin de toi.
— Tu vas mieux ? m’interroge une voix, me tirant de
mes pensées nostalgiques.
— Oui, désolée, j’étais ailleurs, m’excusai-je encore.
— Je sais que votre histoire ne me regarde pas, mais je
pense que vous devriez vous parlez. Je pense qu’il y a des non-dits qui devraient…
— Il ne m’écoutera pas, ni ne me croira de toute façon,
m’esclaffai-je, amèrement.
— C’est si terrible ? m’interroge Ethan.
— Pour lui, oui. Je n’aurais rien pu faire de pire à ses
yeux.
— Mais tu n’avais rien à te reprocher, n’est-ce
pas ?
— Absolument rien, murmurai-je, tristement.
Je sens la main d’Ethan se poser
délicatement sur mon dos et commencer de lents va-et-vient, de haut en bas. Ce
geste de réconfort m’arrache un faible sourire.
— Vous devriez vraiment avoir cette conversation. Poser
les choses à plat vous aiderait sûrement à avancer.
— Il n’y a rien à dire ! L’histoire est terminée.
Il n’est qu’un client parmi tant d’autres. Et même s’il ne souhaite plus que
nous fassions affaire ensemble, j’ai reçu d’autres demandes ce matin. Je ne
compte pas sur lui. Il peut chercher ailleurs si ça lui chante.
— Si tu le dis… acquiesce Ethan, apparemment peu
convaincu.
— Je vais te laisser, dis-je en me levant. Je suis
désolée de t’avoir dérangé. Enfin pour tout, je veux dire.
— Encore une fois, tu n’as pas à être désolée de quoi
que ce soit. Je suis ton ami, enfin je l’espère et les amis sont là pour s’épauler
dans les bons comme dans les mauvais moments. Ma porte te sera toujours
ouverte.
— Merci Ethan, répondis-je, reconnaissante. Tu es bien
un ami, un très bon ami même.
— Mais la prochaine fois, évite de passer par la fenêtre
pour échapper à tes soupirants, me taquine-t-il.
— Je ne sais pas, dis-je, badine, ce que j’ai aperçu n’était
pas déplaisant, loin de là.
Le voyant rougir et bégayer, je glousse d’amusement
et me hisse sur la pointe des pieds pour l’embrasser sur la joue.
— Encore merci. Pour tout.
Le plantant là, je m’éclipse et referme
doucement la porte derrière moi. Mais à peine sur le pallier, je m’aperçois d’un
petit problème auquel je n’avais pas pensé en quittant mon appartement.
Je sonne donc à l’appartement de mon cher
voisin.
— Oui ?
— Je n’ai pas de clé pour rentrer chez moi. il faut que
je repasse par la fenêtre, lui expliquai-je, prenant une moue contrariée et
contrite.
— Tu es une voisine et une amie vraiment incroyable
dit-il en me laissant passer.
Je lui souris et le précède.
— Tu es un amour, tu sais. La fille qui saura capturer
ton cœur aura de la chance, crois-moi.
— Bah bien sûr ! Flatte-moi maintenant.
Je pouffe mais ne réponds rien. Je repars
alors comme je suis venue.
Merci l’escalier de secours !