Crever l'abcès

Ecrit par Farida IB



Ussama…


Eh merde, c’est sorti tout seul. Depuis que je me le suis avoué, j’apprends à l’accepter, sauf que je ne voulais strictement pas les mêler là-dedans. Je voulais gérer ça tout seul. D’autant plus qu’ils se sont concertés pour m’humilier devant une parfaite inconnue. C’est comme ça que je l’ai vécu, comme une grande humiliation. D’abord au regard du trouble que cette fille a fomenté en moi, ensuite pour la réaction que cela a suscité. Qu’à cela ne tienne, je n’ai pas du tout apprécié qu’ils me fassent un pareil coup dans mon dos. Ça m’a fait l’effet d’une douche froide, un coup dur qui m’a tout de suite ramené à ma réalité. J’ai compris par là que je traîne un problème plus handicapant que je le pensais et j’ai également pris le temps de réfléchir à une éventuelle solution. Il se fait que mon statut d’homme d’affaires  et la place que j’occupe dans mon pays ne me permettent pas de traîner un tel handicap qui peut se révéler discréditant à des moments donnés.


C’est pour cela que j’ai pris la décision de consulter un psy. J’étais sur le point de le faire lorsque l’incident de Yumna a surgi. Là, elle ne fera que m’embarrasser encore plus avec sa grande gueule qui se mêle de tout sans réserve. (soupir) Je ne peux que subir, de toute façon, j’ai déjà lâché le mot et deux fois de suite.

Depuis que j’ai parlé elle ne dit rien, elle affiche un air pas surpris du tout qui me surprend en retour. Je sais déjà qu’elle va me faire passer un interrogatoire pour m’enfoncer encore plus donc c'est mieux on crève l’abcès maintenant.


Moi : tu ne dis rien ?


Yumna : j’attends que tu parles, c’est toi qui as un problème ici pas moi.


Moi sur la défensive : ok, le débat n’aura pas lieu. Je préfère ne pas étendre dessus.


Yumna : tu m’as toi-même dit que parler de son traumatisme était un grand pas vers la guérison. Ça me réjouit déjà que tu sois conscient de ton problème, il ne reste plus qu’à trouver une solution pour palier à cela. En ce qui me concerne, je peux te venir en aide dans la limite du possible. Enfin, si tant est-il que tu le veuilles. Je ne vais pas t’obliger à faire quoi que ce soit.


J’ouvre mes yeux et la regarde étonné, je ne m’attendais pas du tout, mais pas du tout à une telle réponse de sa part. Encore moins au regard plein de compassion avec lequel elle me fixe en ce moment, ça a bizarrement le don de calmer mes ardeurs. Je prends une grande inspiration avant de parler.


Moi (sur le ton de la confidence) : je ne sais pas comment l’expliquer, je sais juste que je suis pétrifié lorsqu’une femme me montre de l’intérêt. J’ai peur d’interagir avec elle et ça me fait encore plus flipper quand elle prend le devant. J’ai… J’ai peur en fait que la fille découvre que je suis en émoi face à elle et qu’elle me juge ensuite. Ou pire, que ça s’ébruite. (levant les yeux vers elle) Je ne sais pas si tu peux comprendre à quelle point c’est honteux pour quelqu’un comme moi d’avoir ce genre de réaction devant une canon. 


Elle hoche lentement la tête.


Moi (dans ma lancée) : c’est pour cela que je préfère me tenir loin d’elles, voir cette fille dans ma chambre l’autre fois m’a fait l’effet d’une mauvaise surprise. C’était comme si mes fantômes m’avaient poursuivi jusque dans mon intimité. J’aurais préféré être mis dans la confidence, peut-être que j’allais me préparer psychologiquement à l’affronter.


Yumna : je vois, je suis désolée si ça t’a fait cet effet-là. On ne s’attendait pas non plus à ce que tu aies ce genre de réaction parce que nous autres n’étions pas au courant de ton problème. Si tu nous en avais parlé, à moi tout au moins nous n’aurions jamais pu envisager te faire un pareil coup. Pour moi, tu ne t’intéressais juste pas aux femmes donc il fallait te faire voir le bon côté de la chose.


Moi : je vois, mais tu sais bien que ce n’est pas facile à révéler ce genre de choses. Il faut aussi dire que j'ai eu le courage de me l'admettre que très  récemment. J'ai toujours vécu dans l’ombre tu le sais, les femmes, c'était le cadet de mes soucis. Mais depuis que j'ai embrasé   le monde professionnel, j'ai l'impression de les attirer comme le miel attire les mouches et…


Yumna m’interrompant : mais c’est normal ! Est-ce que tu t’es vu ? Permets-moi de reprendre tes mots encore une fois, tu es simplement victime de ta grande beauté.


Moi : lol, tu ne vas pas utiliser mes propres mots contre moi tout le temps que va durer cette discussion.


Yumna : s’il le faut oui, je veux que tu suives tes propres conseils.


Je soupire débité.


Moi : c’est plus facile à dire qu’à faire.


Yumna : lol, je suppose que si tu arrives à négocier des contrats colossaux et de plusieurs millions par mois c'est que tu as assez de ressources pour venir à bout d'une femme. Commence d’abord par te dire que c’est naturel pour une femme de s’intéresser à un homme et vice-versa. Le seul truc qu'il te restera à faire, c'est d'affronter ta peur.


Moi arquant le sourcil : tu veux que je les laisse me tripoter n’importe comment ?


Yumna : pourquoi pas aller  vers elles toi-même ? Sama tu n’as pas besoin de faire de gros efforts pour avoir la plus belle au monde avec le potentiel physique que tu as. Il te suffirait de trouver les bons mots pour les mettre à tes pieds.


Moi sceptique : hmmm.


Yumna : bon dis moi une chose,  est-ce que ça te dit souvent d'avoir une femme ? De fonder une famille ?


Moi : mouais, j’ai toujours rêvé avoir trois enfants. Deux garçons une fille comme nous.


Yumna : c’est faisable, si et seulement si tu essaies de passer outre ton handicap. Là, tu n’as que 26 ans, ce n’est pas encore trop tard pour toi de rectifier le tir. 


Moi : je vais essayer.


Yumna : je vais t'obliger à le faire, laisse-moi finir avec mon examen et je m’occupe personnellement de ton cas.


Moi faussement désapprobateur : tu ne peux pas t’empêcher de t’ingérer dans la vie des autres inh ?


Yumna haussant l’épaule : je suis née pour ça, pour aider les autres à harmoniser leur vie. 


Moi : alors il faut aussi voir le cas de ton (articulant) AMI.


Yumna levant les yeux au ciel : arrête avec cette histoire, sérieux ne viens pas chercher des poux sur la tête d’un chauve. Eddie et toi avez le même problème, à lui aussi j'ai présenté une fille, et quelle fille !  Mais il a ostentatoirement repoussé la fille.


Moi : parce que c’est toi qu’il veut.


Yumna farouche : même, pas, il me l’aurait avoué. D’ailleurs, il sait lui-même que c’est un amour impossible d’avance. Ce n’est pas ton père qui me laisserait me marier à un mécréant comme il le dit si souvent. 


Je tourne subitement mon regard vers la porte en fronçant la mine.


Yumna arquant le sourcil : qu’est-ce qu’il y a ?


Moi : tu n’as pas entendu comme un bruit ?


Yumna : nop (se levant) bon je vais faire un petit somme, ma nuit a été plus qu’agité.


Moi : et moi je fais quoi pendant ce temps ? 


Yumna : il y a le pc, la télévision, ton téléphone… Tiens, tu peux aussi appeler ton frère pour tuer le temps.


Moi : pas envie ! 


Yumna : mais pourquoi ?


Moi : tu sais bien pourquoi ! Il ne m'appelles sûrement pas pour s'excuser, mais pour remuer le couteau dans la plaie. 


Yumna : il a changé Khalil, parles lui et tu verras qu’il s’est radouci.


Moi pince-sans-rire : lol, tu veux me faire croire qu’en un mois le Khalil que moi je connais serait devenu docile ? Tu penses que la vie, c’est de la physiothérapie ou quoi ? Quelqu’un l’aurait rééduqué là-bas, c’est ça ? (oui de la tête) Lol genre une piètre personne aurait réussi à faire ce que ses propres parents n’ont pas pu faire durant trente longues années.


Yumna : tu auras tout le temps de le constater toi même, bon j’y vais.


Elle s’en va et je ris franchement, Khalil, docile ? Le monde à l’envers oui !!!

 

Khalil…


C’est aujourd’hui que se matérialise la première semaine que j’assure l’intérim de Nahia, enfin demain, c’est le long week-end de la fête de pâques donc ma semaine prend fin ce soir et je dois avouer que j’ai hâte d’être à ce soir. Substituer Nahia n’est vraiment pas de tout repos, je me rends compte que je l’ai jugé beaucoup trop vite. Tout compte fait, j’ai raison sur certains plans. Elle a réellement besoin de réorganiser sa structure et doit surtout apprendre à répartir les tâches au sein de son équipe. Ils ne sont pas si nuls que ça, ils avaient juste besoin d’un peu de discipline vu qu’il a fallu que le recruteur qu'Annie m’a trouvé intervienne pour qu’ils se mettent tous au pas. Enfin, sauf la zélée de l’agence. J’ai nommé mademoiselle Apdoh ou quoi qu’en soit nom. 


Voix de Nahia : attention Ben Zayid tu es en train de devenir moi là.


Je lève machinalement mes yeux pour m’assurer que je n’avais pas des élucubrations. Elle était effectivement nonchalamment adossée à l’encadrement de la porte.


Moi sourire ravi en me levant : que fais-tu là ?


Nahia narquoise : rassure-moi, tu ne veux pas m’arracher mon agence hein ?


Moi : il se pourrait que oui, viens, entre ! Pourquoi restes-tu prostrée à la porte ?


Nahia bougeant : ça m’amusait de te voir en pleine méditation. Tu n’as même pas remarqué ma présence alors que je suis là depuis des minutes. Dois-je en déduire qu’assurer mon intérim te malmène déjà ?


Moi me grattant la tête : j’avoue oui.


Elle vient prendre place non pas dans son fauteuil, mais face à moi. Je me rassois après elle.


Moi : tu as très bonne mine ce soir, tu vois que j’avais raison de t’imposer ce repos.


Nahia l’air ravie : ah ouais, tu trouves ? En tout cas, je me sens d’attaque et ça je te le dois. Même si tu as été un peu trop brusque sur les bords !


Moi riant doucement : ça a marché c’est ça qui compte finalement.


Nahia : oui, je suis d’accord. Bon, on dit quoi ici ?


Moi : ça va comme tu peux le constater, par contre toi dis moi ce que tu fais là. Tu n’es pas censée venir ici avant la fin de la semaine prochaine.


Nahia : je m’ennuyais toute seule à la maison.


Moi arquant le sourcil : et mamie ?


Nahia : ma sœur est venue la chercher pour l’embarquer dans leur trip. Ils passent le long week-end à l’intérieur du pays.


Moi : ah ok.


Flottement.


Nahia : dis-moi, que s’est-il passé avec tes gens ? J’ai retrouvé tout le monde concentré sur son poste.


Moi évasif : une petite mise au point.


Nahia sarcastique : au moins ça a marché avec eux autres.


Moi : toi non plus tu n’as pas été épargné.


Nahia sur un ton de défi : même pas. Ta chance, c’est que j’étais vraiment mal en point ce jour-là, sinon tes aboiements m’intimident le moins du monde !


Je fronce la mine et prends un ton grave.


Moi : tu veux dire que je suis un chien ?


Nahia sursautant : euh… Je… Non…


J’éclate de rire.


Moi : au moins là, c’est bien clair pour nous deux que j’ai trouvé le moyen pour que tu la ramènes moins maintenant.


Nahia le ton boudeur : Go casse Ben Zayid !


Moi plissant les yeux : depuis quand tu emploies ce genre d’expressions toi ?


Nahia haussant l’épaule : j’ai dû entendre ça quelque part.


Moi rire de gorge : lol ce n’est pas quelque part, c’est ici même dans ce bureau. Je le dis souvent à mon pote.


Nahia (geste évasif de la main) : peu importe, ça fait un plus dans mon vocabulaire. (passant du coq à l’âne) Tu prévois toujours de licencier mes employés ?


Moi : pour le moment, il n’y a qu’une seule en tête de liste. La designeuse.


Nahia : tu me soulagerais d’un lourd fardeau, il y a longtemps que je pense à le faire. Je manque souvent de courage à chaque fois que je me décide.


Moi plissant le front : tu as peur de licencier ton employée ? (oui de la tête) J’hallucine ou quoi, si elle ne t’arrange pas et que tu as des motifs palpables, tu la vires, c’est tout. On n’a pas besoin de passer par quatre-chemins pour ça.


Nahia : c’est-à-dire qu’elle va perdre son boulot.


Moi : et puis quoi ? Tu es là pour faire dans le social ou faire avancer ton entreprise ? D’ailleurs, je viens de décider que c’est toi qui le feras.


Nahia : genre maintenant, tu décides et moi, je m’exécute juste.


Moi simplement : oui.


Elle soupire.


Nahia : ok, tu as l’intention de sortir à quelle heure ?


Moi : à 17 h naturellement.


Nahia : tu peux abréger nan ? Je dois passer voir Nabil avant que son père ne vienne le chercher pour le week-end. Il me boude un peu depuis la dernière fois.


Moi : et il a raison de le faire.


Nahia sur la défensive : en quoi ?


Moi : bon, on parle plus tard. (la taquinant) Mais pourquoi dois-je raccourcir mes heures de travail madame ? C’est contre vos règlements intérieurs et je ne veux pas risquer mon poste, même si nous n’avons toujours pas parlé de mon salaire.


Nahia riant : Chère Monsieur je vous ai payé d’avance, ou est-ce que vous oubliez que vous me devez de l’argent ?


Moi : ce n’est pas fair-play.


Nahia : tout chemin mène au pape ! (sérieuse) En fait, je suis venue à Zem, j'avais trop la flemme de conduire.


Moi : tu t’es assise sur cet engin ?


Nahia : bah oui.


Moi : ne viens pas te plaindre de courbature après.


Nahia : krkrkr ça t’a marqué inh !! C’est notre chose, nous sommes habitués nous autres.


Moi me confiant : le malheureux m’a fait tomber en plein carrefour en prétextant que je m’étais mal positionné sur la moto.


Nahia se tordant de rire : et tu n’as pas filmé la scène ? Kiakiakiakiakia, j’aurais trop aimé être là.


Moi : pffff.


Nahia : kiakiakiakia…


Je remets de l’ordre dans les affaires sur le bureau en l’ignorant carrément.


Nahia essayant de se calmer : rhhooo tu ne vas pas te fâcher pour si peu.


Moi me levant : on y va !


Nahia : Khalil…


Moi (tenant le poignée de la porte) : tu ne rentres plus ?


Elle se lève et me rejoint en essayant toujours de bloquer son rire.en vain. J’attends qu’on soit installé dans la voiture et de démarrer pour ramener le sujet de son fils sur le tapis. Là, elle sera plus réceptive vu qu’elle est si enjouée.


Moi maugréant : c’est bon maintenant rooohh.


Nahia : krkrkr ce n’est pas moi, c’est le fait de t’imaginer en train de tomber qui est trop marrant.


Moi : bon ok j’ai compris, par contre je n’arrive toujours pas à comprendre ta réaction quand ton fils a voulu s’asseoir à mes côtés l’autre fois.


Elle se tait d’un coup.


Nahia : tu ne vas pas revenir sur ce sujet, moi je ne vois pas du tout où se pose le problème.


Moi : il le faut bien, je trouve que cet enfant est souvent mis à l’écart.


Nahia fronçant les sourcils : par rapport à qui ou par rapport à quoi ? Tu n’es pas sans savoir que je n’ai jamais été d’accord pour les jumelles non plus.


Moi : là n’est pas la question, à aucun moment, tu lui montres de l’affection à ton fils. Je vous fréquente il n’y a pas si longtemps que ça, mais c’est assez pour constater que tu as plus d’affinité avec tes nièces, tes sœurs que ton propre fils. (elle me regarde choquée) Si si et je pèse bien mes  mots, c’était la première fois que je l’ai entendu émettre une telle volonté et tu l’as directement envoyé paître.


Elle me regarde toujours choquée, comme si mes propos l’avaient blessé.


Nahia : je ne priorise personne, je ne suis seulement pas de nature à faire du favoritisme.


Je cherche un coin pour me garer, très stupéfait par ce qu’elle vient de dire.


Moi : en quoi privilégier ton propre enfant serait du favoritisme ? Tu es sa maman, Nahia, sa mère aujourd’hui et pour l’éternité, logiquement, il doit jouir entièrement de toi. 


Elle baisse la tête honteuse.


Moi posément : je ne t’accuse de rien, tu sais ? Je trouve simplement que tu es un peu trop dure avec lui.


Nahia : oui, je le suis parce que… (soupir) Enfin bref ! Ça me blesse vraiment de t’entendre dire que je n’aime pas mon fils et que je lui montre peu d’affection, je peux t’assurer que mon fils, je l’aime plus que tout au monde. 


Moi : je sais que tu l’aimes, mais pas assez pour l’emmener avec toi quand tu déménageais de chez tes parents.


Nahia : je crois bien t’avoir donné la raison et ce n’est pas la seule d’ailleurs. 


Moi : que je trouve totalement absurde ! Excuse-moi de m’immiscer comme ça dans ta vie privée, mais si c’est pour le bien de ton fils, je préfère te donner mon point de vue. (lancé) Je ne sais pas ce qui s’est entre temps passé avec son père pour que vous vous sépariez et ça ne m’intéresse pas de le savoir, toutefois votre fils n’a pas à payer les frais.


Elle fronce les sourcils.


Moi (dans ma lancée) : oui, vous lui faites subir votre séparation inconsciemment. Considérons que ton ex et toi formez deux points de repère, votre fils ne se retrouve nulle part entre ces points alors qu’il est censé être la ligne matérielle entre vous. Je m’explique, toi, tu es là sans vraiment être là parce que dans une journée, on peut compter le nombre d’heures que tu passes avec lui. Son père, je n’ai jamais croisé son ombre et vraisemblablement, il n’a pas son temps. Est-ce que tu te demandes souvent comment il se sent en présence des autres enfants et leurs parents ? Surtout le soir, lorsque tu le quittes pour rentrer chez toi ?


Nahia : si tu veux faire allusion à ma sœur et sa famille, ils ne sont là-bas que provisoirement. Encore que depuis qu’ils y sont, je le sens plus épanoui avec les autres enfants autour de lui. Il est de moins en moins agité.


Moi : oui, mais il serait bien mieux avec sa mère à défaut d’avoir ses deux parents à ses côtés. Nahia tu es vivante, dans la fleur de l’âge, en bonne santé même si elle est défaillante en ce moment, tu n’es pas riche comme crésus, mais tu as quand même de quoi t’occuper de ton fils. Donc avec tout ce potentiel, je ne comprends pas pourquoi tu veux, du moins vous voulez le rendre orphelin avant l’heure. Ton fils ne sera épanoui qu’en étant près de toi. Et je peux t’assurer qu’il n’est pas agité, c’est sa manière à lui d’attirer de l’attention sur sa personne. Etant donné que les seules fois où vous lui accorder du temps c’est lorsqu’il fait une bêtise. C’est bientôt l’adolescence, tu as encore le temps de corriger le tir parce que dans deux ans, tout au plus, il va commencer à se rebeller. Et je tiens déjà à te prévenir que tu n’as pas le cœur pour gérer ce type de personnalité.  


Elle ne dit rien et pousse un long soupire en jetant son regard vers la vitre. Je redémarre sans rien ajouter non plus, c’est elle qui finit par briser le silence.


Nahia : tu sais, il a toujours vécu avec mes parents, il a passé le clair de sa vie entre mes parents et son père. J’ai toujours été là que par intermittence. Ce qui fait qu’en quittant le domicile familial, j’ai trouvé gauche de l’arracher à mes parents. Surtout que je ne suis jamais sur place.


Moi : c’est tout à fait compréhensible, sauf qu’actuellement tu es sur place donc essaies de trouver un compromis pour être un peu plus présente dans sa vie. Vous pouvez passer des moments rien que vous deux, entre mère et fils pour qu’il fasse le plein de ressource de ta chaleur sans que les autres enfants soient dans le portrait.


Nahia sourire contrit : tu as raison sur ce point.


Moi : j’ai entièrement raison.


Nahia : mouais, c’est vrai.


 On ne dit plus rien jusqu’à la devanture de ses parents où elle se tourne vers moi pendant que je manœuvre pour garer. Elle a attendu que je coupe le moteur pour parler.


Nahia : merci.


Aussi simple que ça, mais ça sonne tel un merci proustien de chez Proust, quoique je pense n’avoir rien fait d’extraordinaire.


Moi : pas de quoi princesse, attends moi, je viens.


Nahia : j’espère que ce n’est pas pour me porter.


Moi : je le ferai s’il s’avère nécessaire de le faire.


Je descends et fais le tour pour lui ouvrir la portière.


Moi : c’est ici que mademoiselle descend.


Nahia : lol je vais finir par croire que tu es gentil.


Moi : et je le suis.


Nahia ton se voulant dubitatif : ouais, tu essaies de l’être par moment. (grimace de doute) Mouais, c’est sûr, même s’il y a encore du progrès à faire. Enfin, tu vas devoir…


Moi sur un ton de reproche : Nahia !!


Elle éclate de rire pendant qu’on traverse la cour. C’est vrai que je ne vous l’ai pas dit, mais il y a peu, je lui ai découvert ce côté humoristique et enfantin. Qui aurait cru que la miss peut être amusante parfois ? En gros, elle est de plus en plus détendue et fait ressortir de moins en moins le côté d’elle qui m’énerve souvent. 


Dès que nous pénétrons le salon, Nabil se lève prestement devant l’écran et court pour se jeter dans les bras de sa mère qui l’accueille avec la même vivacité. Je les regarde et ça me fait quelque chose, enfin, je ne sais pas quoi exactement. Ça m’émeut en fait.


Nabil : mammmaaannn.


Nahia : oulala mon loulou, comme tu m’as manqué.


Nabil euphorique : tu m’as manqué aussi maman.


Elle ouvre les yeux et le regarde surprise.


Nahia : je pensais que tu m’en voulais, tu n’es pas venu me voir avec les autres hier.


Nabil : hier, c’était mercredi et j’avais judo, et je devais passer un test de niveau. 


Nahia : c’est un test pour quelle ceinture ?


Nabil : marron, et je l’ai eu en un coup K.O.


Nahia amusée : félicitations ! (du tic au tac) Ton téléphone à lui aussi a passé ce test, je suppose. Je t’ai laissé plein plein de messages et je t’ai appelé, je ne sais quel nombre de fois.


Je m’asoir contre au canapé près de Nabil.


Nabil (avec une pointe d’hésitation dans la voix) : euh… En fait…


Nahia : let me guess, ils te l’ont confisqué à l’école.


Nabil la petite voix : ouiiii


Nahia : c’est même mieux, tu te concentreras mieux sur tes cahiers.


Moi me raclant la gorge : je suis là aussi hein, je ne sais pas si je suis devenu invisible tout à coup.


Nabil me fixant un sourire aux lèvres : bonsoir tonton Lil.


Moi lui ébouriffant les cheveux : ça va bonhomme ? Tes cheveux ça pousse hein.


Nabil : ouais ça va, yeah, je veux laisser mes cheveux pousser comme les siens. Les filles de la maison aiment ça et je suis sûr que je vais me faire une cote d’enfer avec ce look.


Nahia : ieeeiiisshh !!! Pardon, de ne pas me rendre grande mère avant l’âge. Attend que je te seconde, ne donne pas raison à mamie.


J’éclate de rire.


Nabil : mais maman tu traînes trop, à cette allure mes petits frères vont devoir m’appeler oncle comme Zeina nous exige de l’appeler tante.


Nahia : Zeina a tout à fait raison de vous l’exiger, c’est votre tante.


Nabil ripostant : je la dépasse en taille !


Nahia : ça ne veut rien dire, c’est ta tante point. 


Nabil dans un soupir : oookkk. (la serrant très fort d’un coup) Je suis trop content de te voir maman.


Nahia (lui posant un baiser sur le front) : moi aussi fiston.


Mère Nahia (arrivant en ce moment) : ah, c’est vous ? 


Nahia : oui Ma’a, nous venons d’arriver. Je ne savais pas tu étais déjà rentrée (plissant le front) il y a un souci ?


Mère Nahia : non tout va bien (à moi) bonsoir monsieur.


Nabil : grand maman, c’est tonton Lil, tout le monde l’appelle tonton Lil.


Elle me lance un regard comme pour avoir confirmation, je hoche lentement la tête.


Moi : bonsoir madame.


Mère Nahia me souriant : appelez-moi Ma’a, madame ça fait vieillotte.


Nous : lol.


Mère Nahia (désignant le canapé) : assois-toi mon fils, mets toi à l’aise.


Moi : ça ira, merci.


Mère Nahia : ok (se tournant vers Nahia) tu as bonne mine aujourd’hui, tu nous as vraiment fait peur l’autre fois.


Nahia : vous vous êtes alarmé pour rien.


Mère Nahia : je vois que tu n’as pas idée de la tête de mourante que tu traînais.


On se lance un regard en biais, je souris simplement.


 Nahia : ma’a je vais bien maintenant. Tu ne m’as toujours pas dit ce que tu fais à la maison à une pareille heure.


Mère Nahia : aahhh (elle parle en langue.) je ne peux plus rentrer chez moi quand je veux ?


Nahia : mais je demande ! C’est si rare de te voir à la maison à cette heure de la journée.


Mère Nahia : c’est pour tenir compagnie à ton fils, son père a appelé pour m’informer qu’il ne peut plus venir le chercher. Il doit se rendre dans le village de sa femme qui vient de perdre sa mère. 


Nahia : ohh je ne le savais pas.


Mère Nahia : que tu l’aurais su comment ?


Nahia (levant la main en signe de paix) : pardon de me déposer.


Mère Nahia : tchhrrrr ! 


Nahia : euhh ça te dérange si je le prends avec moi quelques jours ?


Mère Nahia : au contraire, ça nous fera du repos ton père et moi.


Nahia : lol, je pensais que c’était ton petit mari.


Mère Nahia (tirant les oreilles de Nabil) : il l’est toujours, mais des jours sans le bruit des enfants (sourire ravi) c’est un cadeau du ciel que vous faites ta sœur et toi ce week-end.


Nahia : on a compris, on va vous laisser seuls ton vieux mari et toi.


Mère Nahia : merci de vite me libérer le plancher.


Nabil content : alors on va chez toi maman ?


Elle hoche la tête.


Nabil : superrrrr.


Nahia : va préparer un petit sac, tu vas rester avec moi quelques jours. 


Il s’exécute sans se le faire répéter.


Nahia : bon, je vais rendre une visite éclaire à votre cuisine. Je suis sûr que mamie vous a laissé de bonnes choses dans le frigo.


Mère Nahia maugréant : ne touche à rien jeune fille, va faire la cuisine chez toi.


Nahia depuis la cuisine : c’est chez moi ici.


Mère Nahia la suivant : tu as un chez toi maintenant.


Nahia : en tout cas, j’ai trouvé une quiche lorraine (criant) Khalil ça te dit des quiches pour le dîner ?


Mère Nahia la grondant : arrête de crier dans mes oreilles !!!


Moi élevant la voix pour me faire entendre : oui, oui, j’aimerais bien.


Nabil arrive avec un petit sac et se met à chuchoter.


Nabil : et si on partait la laisser avec sa mère ? (sur le ton de la confidence) Elle va y passer toute sa vie, attend de voir.


Nahia (arrivant à son tour) : essayez seulement de bouger de ce salon si vous avez envie que je vous torde le cou tous les deux.


Je pouffe de rire pendant que Nabil se gratte la tête penaud.


Nabil : je m’amusais maman, on y va ?


Nahia : oui, on y va ! (criant) Ma’a, nous sommes partis.


Mère Nahia (dans le vestibule de la porte de la cuisine) : tonton Lil rentre bien (à Nabil) mon chéri tu vas me manquer.


Nabil sur un ton dubitatif : mouais, c’est sûr, je te crois oui.


On se regarde Nahia et moi en riant doucement. 


Le tournant décisif