Eddie Elli
Ecrit par Farida IB
Eddie…
Je regagne mon appartement très embarrassé, mon frère a vraiment le don de griller la carte aux gens. Et le fait qu’il ait épousé une femme du même acabit que lui n’arrange vraiment pas les choses. Disons qu'avec le temps, ça va de mal en pire.
Je referme la porte de ma chambre et vais m’allonger au beau milieu du lit, au même moment mon téléphone sonne. En parlant du loup.
Moi sec : qu’es-ce que tu veux ?
Bradley : rhhoo petit tu ne vas pas prendre la mouche parce que j’ai essayé de te placer une ou deux cartes auprès de ta go.
Moi : quelles bonnes cartes même ? Tu faisais ton jeu de charme comme d’habitude, à un moment, il faut apprendre à réserver exclusivement tes techniques de séduction à ta femme.
Voix de Tina au fond : dis-lui bien ça mon beau !
Bradley sur un ton de reproche : Tina !!
Tina : l’enfant d’Amah a encore fait quoi ?
Moi fronçant les sourcils : je suis sur haut-parleur là ?
Ils poursuivent la discussion entre eux l'air de rien.
Bradley : tu sais qu’il ne parlera jamais s’il te sait dans les parages.
Tina : mais c’est l’heure du coucher qui est par ricochet l’heure à laquelle je pose ma tête contre ton torse nu et profite de tes caresses sur mon ventre pour pouvoir dormir.
Je hausse les sourcils d'agacement, est-ce que j’ai vraiment besoin de cette information moi ?
Bradley : vient là bébé.
Moi : les gars, je suis toujours là.
Est-ce qu’ils m’écoutent même ?
Tina minaudant : voilà je suis bien comme ça chéri (la voix bâillante) Bonne nuit, plutôt bonne soirée Eddie.
Bradley : je finis avec lui et je te fais ton massage d’accord ?
Moi élevant la voix : Brad !
Bradley : man, je m’occupe de ma femme et je suis à toi.
Click !
Je raccroche à un doigt d’une crise de nerfs, non mais il est sérieux là ?
Je commence à peine à pester contre lui qu’il rappelle. Je n’ai pas trop envie de décrocher, mais le connaissant, il risque de vider la batterie de mon téléphone dans les trente minutes qui suivront. Je prends une grande inspiration avant de décrocher.
Moi brusque : tu m’appelles alors que tu es occupé avec ta femme ?
Bradley : ne t’énerve pas pour si peu, elle est arrivé au moment où je lançais l’appel.
Moi : tu coupes et tu rappelles après.
Bradley : pas moyen, je risque de dormir et de passer à côté de l’essentiel.
Moi : et je peux savoir ce que tu mets dans (détachant les syllabes) essentiel ?
Bradley : te booster cette nuit à révéler la vérité au grand jour. Le produit que moi Elli, j’ai vu là, on ne badine pas avec ça. Tu ferais mieux de lui avouer tes sentiments avant qu’un mec sorti de nulle part vienne te raser.
Je soupire et me passe la main sur le visage.
Moi : tu sais plus que moi ce qui m’empêche de le faire.
Bradley : ça, ce sont les freins que tu t’es mis dans la tête pour ne pas passer à l’action. Dis-lui la vérité sur tes sentiments et peut-être que ça amorcerait une histoire d’amour entre vous.
Moi : une histoire insidieuse oui. En plus, tu semble douter de ce que tu avances toi même comme argument. Si je dois me lancer ce n’est sûrement pas pour me prendre un râteau. La fille m’a toujours vu comme son pote, et depuis peu elle trouve le malin plaisir de me mettre sur le même pied que son frère. Cela suppose qu’elle me prend comme son frère d’une autre mère (sur un ton dérisoire) la bonne nouvelle, c'est qu'au moins j’ai changé de galon.
Bradley : au contraire ça sous-entend que tu as passé le cap de l'ami et que tu n'es plus si loin de celui du petit ami. Enfin, pour que ça puisse arriver, il faudrait que tu te bouges d'abord les fesses.
Moi : ça peut aussi sous-entendre qu’elle ne me verra jamais comme un potentiel amoureux.
Bradley : rhooo Ed, je ne te savais pas si défaitiste. Tu n’en sauras rien si tu ne fonces pas.
Moi : c'est une mauvaise idée bro, tu n’es pas sans ignorer que les conditions ne nous sont pas propices. Son père est très ancré dans leur religion, dès l’instant où il saura que je tourne autour de sa fille, il ne fera qu’une bouchée de moi. Tu as vu toi-même ce qui s’est passé avec son ex.
Bradley : oui et tu m’as aussi dit que c’était un pervers narcissique qui a traumatisé l’enfant des gens, c’est NORMAL pour un père de réagir ainsi. Il a même été gentil de défoncer que le cul à ce mec. Tu fais ça à ma fille, je t’envoie directement six pieds sous terre.
Moi : lol (sérieux) il y a toujours la religion qui se dresse comme le mur de Berlin entre nous.
Bradley : frérot, je te le redis encore une fois. Tout ça, ce sont des excuses, des prétextes pour ne rien faire. Je dirai en tant que frère, mari et avec le peu d'expérience que j'ai, qu’il n’y a pas de conditions parfaites en amour. On se les crée soi-même. Si tu sens que c'est la bonne, lance-toi. Que ça passe où ça casse, tu serais fixé plutôt que de rester là à te morfondre. En plus, je suis certain que vous pouvez braver l’interdit ensemble si votre amour est réciproque.
Moi : ce qui n’est pas du tout le cas !
Bradley ton exaspéré : qu’est-ce que tu en sais ?
Moi : beaucoup plus que tu le penses. Il est plus facile de conseiller à quelqu’un des choses qu’on ne pourrait pas réaliser soi-même en temps réel.
Bradley : lol petit tu me connais, tu sais que je ne suis pas un lâcheur et je ne serai pas là à tenter de t'encourager si ce n'était pas important pour toi. (la voix rauque de colère) C'est toi qui nous gaze ici tout le temps avec cette affaire, maintenant qu'on te propose une porte de sortie, tu trouves à redire. En tout cas, voilà ta seule perspective de libération, libre à toi si tu préfères boire le calice jusqu'à la lie plutôt que de braver tes peurs pour tourner les choses à ton avantage !
Moi : bon, là tu es vénères pourquoi ?
Bradley (soupirant) : ça m'énerve parce que tu es peut-être en train de passer à côté de ta plus belle histoire d'amour en te jouant les lâches. Tu penses que je serai avec la femme de ma vie aujourd'hui si je m'étais longtemps assis en espérant le signe de la providence pour réagir ? En toute chose il faut prendre un risque, la vie elle-même est un risque p'tit frère.
Moi : ok, c'est bon, j'ai compris. Inutile de t'énerver pour ça, je vais prendre mes dispositions.
Bradley : et tu comptes le faire quand exactement ? Ton affaire-là traîne trop, sept ans ? Est-ce que tu es même sûr d’être le fils de mon père ? Pardon comme tu es déjà médecin pense à faire un test d’ADN pour le vérifier.
Moi outrée : Brad ! Pfff, ce n’est pas parce que je suis différent de vous que ça fait moins de moi un Elli.
Bradley : ton comportement donne matière à douter, tu es trop mou pour avoir notre sang qui coule dans tes veines. Tu n’es ni le fils du père, ni le petit frère du grand frère encore moins le grand frère du petit frère (dédicace). Armel a tout ravagé chez toi, actuellement, il gère à lui seul trois meufs à seulement 18 ans imagine s’il atteint ton âge. Si maman n'avait pas mis un veto sur sa maison entre temps ça aurait été bien pire.
Moi : c'est tout à fait normal dans son cas. Armel déjà tout petit, il venait avec des allures. En plus, tu n'es pas sans savoir qu'il a commencé à déshabiller les femmes il y a longtemps. On sait tous qu’il a ça dans le sang.
Bradley cinglant : c’est pour ça qu’on se pose tous des questions à ton sujet.
Moi : Bradley !!!?
Bradley : weh, c’est mon prénom. Bof, je vais demander à papa de s’occuper strictement de l’affaire de ta chérie. Comme ça, son amour pour toi augmentera de plusieurs degrés et si elle ne t’aimait pas, ça va fomenter l'amour dans son cœur forcé. Je crois qu'il faut qu'on commence à mettre notre grain de sable dans cette histoire, s’il faut compter sur toi, on risque d’y passer toute la vie.
Moi : fait comme tu le sens bro, je te fais confiance.
Bradley ton scandalisé : donc tu es sérieux que tu ne prendras même pas la peine d’essayer de lui parler ?
Moi : après le départ de son frère peut-être.
Bradley : rhoo man arrête de procrastiner, la présence de son frère t’empêche en quoi ? Prends ta go, tu l’invites quelque part et tu lui sors le discours, c’est aussi simple que ça.
Moi : facile à dire pour toi qui n’as jamais eu de difficultés à faire tomber les dames.
Bradley : pardon, ça c’était au temps de Simon Templar (Traduction : depuis l’époque mathusalem) ne vient pas me chercher des problèmes inutiles cette nuit.
Moi riant : tu as senti hein !!
Il rit de concert avec moi avant de reprendre un air très sérieux.
Bradley : frérot passe à l’action au lieu de jouer tout le temps au pompier de service. Je ne te le souhaite pas, mais tu es peut-être en train de l’arroser comme une plante pour que quelqu’un d’autre vienne bénéficier de l'usufruit. Déjà que certains cherchent à en abuser.
Je me tais simplement, en fait ça me fait un pincement au cœur de savoir qu’il a raison.
Bradley : bon, il faut que je te laisse, je commence à piquer du nez.
Moi : ok bonne nuit bro, merci pour tes conseils. Love you.
Bradley : va dire ça à la fille d’à côté, tu n’as pas le choix que de m’aimer.
Moi : lol.
Il raccroche et je me laisse choir le long du lit.
Pour ceux qui ont déjà vécu ce que je vis comme situation depuis toutes ces années, vous savez ce que ça fait que d’aimer dans le plus grand des secrets. Pour tout vous dire, Yumna, j’ai succombé à son charme dès le premier jour où je l’ai vu en bas des escaliers menant vers la bibliothèque à l’école. La providence aidant, je l’ai revu le même jour devant la porte des ascenseurs de notre immeuble et c’est de là que tout est parti. Enfin, le fait qu’elle soit belle, intelligente, sympathique et facile à vivre en est également pour beaucoup, je dirai. C’est une fille avec qui on ne s’ennuie jamais, elle a toujours quelque chose qui me fait chavirer. C’est comme cela que de fil en aiguille nous sommes devenus des meilleurs potes, bien évidemment plus pour elle que pour moi. Quoiqu’il ait fallu que mon petit frère m’ouvre les yeux sur la nature des sentiments que j’éprouvais à son égard avant de le réaliser moi-même. Et bien entendu, j’ai refusé de les assumer parce qu’il y a trop de paramètres qui entrent en jeu et le plus probant, sa religion. Je dois dire qu’il m’arrive d’espérer une réciprocité inattendue. Cependant, lorsque je me souviens du caractère intransigeant de son père sur ce côté, je rends les armes. Encore que l’expérience avec son ex n’a fait que confirmer mes appréhensions.
L’histoire avec son ex, je l’ai vécu avec beaucoup de diplomatie. Combien de fois n’ai-je pas rêvé lui défoncer la gueule à ce fils de pute. Toutefois, elle l’aimait, du moins, c’est ce qu’elle pensait au départ avant de déchanter par la suite. De mon côté, je me suis contenté de jouer mon rôle d’ami avec des pincettes tout le temps que ça a duré. Je dois avouer que le fait qu’elle m’ait confié qu’elle était plus avec lui par reconnaissance concourrait à atténuer un tant soit peu le supplice que c’était de les voir ensemble.
Mes frères ont toujours été mis dans la confidence, enfin Armel dès qu’il l’a su avait tout de suite alerté son grand frère et ça fait des années qu’ils me chahutent à ce propos. Des encouragements, j’en ai eu plus qu’il n’en faut. C’est juste le courage qui me manque le moins, si tant que ça me freine toujours dans mes décisions à me jeter à l’eau. La conversation que j’ai eue avec Bradley toute à l’heure a été un peu brusque sur les bords, mais il faut que je le dise, ça me motive quelque peu à me lancer cette fois ci. Néanmoins, j'attendrai le départ de son frère. Le temps pour moi de préparer mes mots, de trouver l’endroit et le moment idéal. Le parfait timing pour mettre toutes les chances de mon côté quoi.
C’est sur cette pensée que je me laisse aller dans un profond sommeil. Le lendemain, je me lève un peu plus tôt pour préparer le petit déj que je leur apporte sur un charriot. Ce n’est pas pour faire genre, c’est ma nature que de m’occuper des gens. Ça me fait plaisir de faire plaisir aux autres, voilà un point sur lequel on s'accorde parfaitement Yumna et moi. Il y a également la même passion que nous avons pour notre métier, le fait que nous soyons nés à la même date à un mois de différence, notre penchant pour les séries médicales. Enfin ça fait cliché oui, mais c'est des signes qui me donnent l’espoir qu'on finira ensemble tous les deux.
Arrivée à sa porte, je range le charriot sur le côté avant d’appuyer sur la sonnette. La porte s'ouvre sur sa splendide silhouette à quelques secondes près.
Yumna tout sourire : hey !
Moi lui souriant : hey boo (enchaînant) tu t’es fait belle ce beau matin, c'est pour aller où ça ?
Yumna : nous sommes de sortie (d'un geste de la main) mais entre ! Depuis quand tu restes prostré au pas de ma porte ? Et pis depuis quand tu appuies sur la sonnette toi ? J’ai pensé un instant que c’était le type qui m’avait sauvé.
Moi : je respecte la présence de ton frère.
Yumna : lol
Elle s’écarte pour me laisser passer, je fais basculer le charriot devant moi avant de me mettre à le pousser. Ses yeux se mettent à pétiller à la vue du contenu des plats.
Moi (pendant qu'elle referme la porte) : tu disais que vous sortiez.
Yumna : yass nous devons passer au commissariat ce matin, j'ai décidé de suivre les conseils de ton frère. Je venais d'ailleurs te dire de te préparer pour qu'on s'y rende ensemble.
Moi agréablement surpris : ah, tu t’es décidée à le faire ? C’est bien ça !!
Ussama (depuis sa chambre) : ça sens les toasts ou ce sont mes sens qui me jouent un mauvais tour ? (émergeant dans le couloir) Yumna maman est là est ou quoi ?
Je coule un regard d’incompréhension à Yumna.
Yumna me souriant : notre mère en fait toujours au petit-déjeuner (à son frère) C'est Eddie qui nous a préparé un petit-déjeuner royal.
Ussama (arrivant à notre niveau) : mec toi je t'aime déjà.
Yumna : lol à cause de la bouffe ?
Ussama : weh, rien que pour ça.
Nous : mdr.
Moi avisant ses vêtements : je ne savais pas qu’on devait sortir sinon j’allais m’apprêter en conséquence. Là, vous allez devoir y aller sans moi. Je risque de vous mettre en retard.
Yumna : t'inquiètes, je l'ai décidé ce matin pendant que je priais. J’attendais en fait ton réveil pour te l’annoncer.
Moi : ah ok, j’étais debout depuis fort longtemps tournant en rond dans la cuisine.
Yumna : arrête de te justifier et file te préparer. En attendant que tu finisses, on sera en train de déguster tes merveilles. (se léchant les lèvres) Je sens que ça va être un régal.
Ussama : je n’attends que ça depuis, vous parlez même trop. Moi, je vais me servir.
Yumna et moi pouffons de rire.
Yumna : non mais quel gourmand !!
Ussama se frottant le menton : la vie vaut vraiment la peine d’être vécu.
Yumna dans un fou rire : à la bien ! Mon frère qui philosophe tout ça, tout ça. Eddie je pense que tu as un nouveau membre dans ton fan-club.
Moi riant : bon, j’y vais. Donnez-moi dix minutes.
Yumna : prends ton temps, ce n’est pas un rendez-vous avec le PR pardon. (je souris.) Ne tarde juste pas au point de laisser ton repas refroidir. Ça n'aura plus le même goût.
Ussama : lol les fausses théories de ta mère.
Yumna (me fixant) : mais c'est vrai anh !
Moi hochant la tête : wep, bon à toute.
Je reviens quinze minutes plus tard, simplement vêtu, barbe et favori bien taillé avec une petite touche de parfum. Je retrouve les frères Ben Zayid dans la bonne humeur, humeur qui nous accompagne jusqu’au poste de police de la ville. Là, Ussama et moi avons préféré l'attendre dehors pour tout le temps que ça lui prendra. Il s'avère qu'il est intimidé par la présence de la police autant que moi, donc nous nous sommes chercher une place de l'autre côté de la route pour attendre Yumna. Quelques minutes plus tard, elle débarque et s'abaisse à ma hauteur.
Moi arquant le sourcil : c’est déjà fait ?
Ussama : c’est rapide dis-donc !
Yumna me fixant : c’est trop difficile à faire sans toi à mes côtés comme d’habitude. Viens avec moi s’il te plaît.
Moi catégorique : NAN !
Yumna : s'il te plaît, je t’assure qu’ils ne mordent pas.
Moi : ils ont quand même ce regard plissé avec lequel ils te fixent qui me terrifie.
Ussama renchérissant : weh comme si tout le monde était un potentiel suspect.
Moi d’accord avec lui : tout à fait, c’est effroyable.
Yumna nous fixant interloquée : les gars vous êtes sérieux là ? (me fixant l’air désespéré) Je ne peux vraiment pas le faire sans toi.
Moi touché : Yumna…
Yumna regard de chien battu : tu n’es plus my Superhero, mon épaule droite ?
Moi : rhhooo le chantage affectif.
Ussama riant : elle est douée pour ça ma sœur.
Elle clignote des yeux en me fixant avec une mine boudeuse.
Moi soupire résigné : c’est bon, on y va. Pas besoin de me charmer pour ça, j’espère seulement que nous n’allons pas trop durer.
Yumna : aucune idée du temps que ça prendra.
Moi stoppant mes gestes : dans ce cas, je reste.
Yumna parlant vite : c’est bon, c’est bon, c’est bon, je vais essayer de résumer.
Moi soupirant : tu tiens vraiment à ce que je vienne avec toi ?
Yumna : oui, s’il te plaît.
Je descends du véhicule malgré moi.
Moi maugréant : toi, tu me fais toujours faire ce que tu veux.
Yumna accrochant son bras au mien en souriant : je suis ta bonne potesse ou non ?
Moi tchipant : weh, c’est ça !
Yumna…
Nous quittons le commissariat une heure et demie plus tard pour la maison. Finalement ce n’était pas si mal que ça, je suis sortie de là très fière d’avoir franchi ce cap et plus déterminée que jamais à voir ce malheureux dans un trou. Sinon, je peux dire avec un peu de réserve que je vais bien parce que ce serait mentir que d'affirmer que cet incident ne me trouble pas un tout petit peu. Je dois dire que le soutien des gars surtout celui d’Eddie est une véritable panacée pour moi. Les mots me manquent pour qualifier ce mec, c’est le parfait exemple d’ami. La femme qui croisera son chemin aura la chance d'épouser l'homme le plus merveilleux du monde et j'espère qu'elle saura également le chérir convenablement. Grâce à eux mes journées sont généralement gais et mes nuits, bien plus que tourmentées. Je revis perpétuellement la scène en rêve et me réveille toujours avec des sueurs froides dans le corps. Je suis consciente que la guérison prendra du temps comme l’avait souligné Ussama, toutefois, je ne compte pas me laisser abattre. J'ai déjà entamé les recherches pour trouver un bon instructeur dans l'art du self défense. Si je ne peux pas éviter d’être leur cible, autant me mettre dans le starting-block pour les affronter comme il se doit. Enfin, en espérant ne plus en croiser sur mon chemin.
On arrive au bas de notre immeuble où il nous laisse pour mettre le cap sur l'école. Il a rendez-vous avec ses amis pour travailler, ce que je serais aussi en train de faire s’ils n’avaient pas tous les deux insisté pour que je reste cloîtrer à la maison au moins pour les deux prochaines semaines. À l’appart, chacun trace à la cuisine pour sortir les restes de nourriture du frigo que nous chauffons puis mangeons assis à même le tapis du salon.
Ussama : finalement, je pense que ma présence ici n’est pas si utile que ça, tu t’en sors plutôt bien avec ton ami.
Moi : j’avoue oui, mais vous m'êtes tous les deux d’un grand soutien. Chacun à sa façon, personne ne saurait substituer l’autre.
Ussama : si tu le dis.
Je fronce les sourcils.
Moi : lol tu es jaloux d’Eddie ?
Ussama : non, quelle idée voyons ? Simplement que je le trouve un peu trop impliqué dans son rôle d’ami. Des amis nous en avons tous, mais de là à devenir l’homme à tout faire de la fille (bousculant la tête) c’est suspect !
Moi perdue : de quoi parles-tu ?
Ussama avec un sourire en coin : ça m’étonne vraiment que tu n’ais rien remarqué, vous vivez ici comme un couple.
Moi : lol arrête, ce n’est pas parce que nous sommes comme cul et chemises que ça fait de nous un couple.
La sonnerie de mon téléphone le fait ravaler sa réponse. Je pose mon plat sur la table basse du salon et vais chercher mon téléphone que j’ai sûrement dû oublier dans le sac à main avant de le ranger. Je le retrouve effectivement dedans et décroche aussitôt. C’est Khalil.
Moi : bonjour big bro !
Khalil directe : princesse que se passe-t-il ? Ça fait une semaine jour pour jour que tu ne me donnes plus signe de vie à l’instar de ton frère.
Moi cherchant une excuse : toi non plus tu n’as pas cherché à prendre de mes nouvelles ces derniers jours. (ton boudeur) tu as oublié ta seconde épouse.
Khalil : ce n’est pas ça, je suis un peu pris dernièrement.
Moi taquine : avoue que tu m’as oublié, ça nous fera gagner du temps.
Je parle en mimant << Khalil >> à Ussama qui a le sourcil arqué dans ma direction pendant que je reprends ma place sur le tapis.
Khalil dans le combiné : je ne peux jamais oublier ma princesse.
Moi : là, tu m’envois rassuré. Alors quoi de neuf frangin ? Dois-je prendre le fait que tu te plaignes de moins en moins comme le signe que tu as fini par aimer ta vie dans ce pays que tu diabolisais tant.
Khalil le ton rieur : il faut dire que certaines choses ont changé depuis peu.
Moi : comme quoi ?
Khalil : on n’en parlera plus tard, je t’ai appelé pour une autre raison.
Moi faussement contrariée : ça m’étonnait déjà que tu m’appelles parce que je t’ai manqué.
Khalil : ça, c’était la première raison, j’ai aussi besoin de toi pour autre chose.
Moi sarcastique : je sais, tu as perdu la main depuis que tu as quitté Abu-Dhabi. Du coup, tu as besoin de mon talent d’entremetteuse pour faire succomber la demoiselle Nahia à ton charme.
Il éclate de rire.
Khalil : toi vraiment ! C’est vrai que ce que j'ai à te dire la concerne, mais pas dans ce sens. En fait, elle est malade comme un chien en ce moment et je me suis proposé d’assurer ses corvées parmi lesquelles il y a un anniversaire d’enfants à organiser. Tu sais bien que ce n'est pas l'apanage de ton frère.
Moi : je vois, elle a quoi ta collègue ?
Khalil : fatigue chronique.
Moi : aouch, je suis désolée pour elle. Si elle est d'accord, je peux lui proposer des séances de rééducation musculaires momentanées qui l’aideront à se détendre. Elle peut le faire toute seule au moins une fois par jour.
Khalil : elle sera d'accord, je lui en parlerai toute à l'heure à la maison. Tu m'envoies ça par messagerie.
Moi : pas de problème grand ! Pour l’annif je peux te trouver quelques idées, mais l’idéal serait de faire appel à un event planner.
Khalil s’exclamant : en voilà une très bonne idée ! Je me demande pourquoi je n’y avais pas pensé plus tôt.
Moi me vantant : parce que je suis la tête pensante de la famille !
Khalil : oui, c’est ça ! Bon, il faut que je te laisse, je dois prendre le volant. Merci encore pour l’idée.
Moi : je t’en prie ! (du tic au tac) C’est moi ou tu as vraiment trouvé tes marques dans cette ville ?
Khalil : yup, c’est le cas, ce n’est pas si mal que ça finalement.
Moi intrigante : hmmm.
Khalil : quoi ?
Moi : rien oh, je n’ai rien dit. Je te laisse à ta conduite.
Khalil ton pressant : attends ! Par hasard est-ce que ton frère t’aurais fait signe de vie ?
Moi : Ussama ?
Celui-ci lève les yeux vers moi et me fait de grands signes de la main.
Moi : euh, non, il est toujours fâché apparemment.
Khalil soupirant : fais-moi signe si tu as de ses nouvelles s’il te plaît, je m'inquiète vraiment pour lui. Il est de nouveau injoignable.
Moi : ok, je ne manquerai pas de le faire.
Il raccroche et je me tourne aussitôt vers Ussama.
Moi : pourquoi tu ne veux toujours pas lui parler ? Il s’inquiète pour toi.
Ussama : peut-être pour les mêmes raisons qui te motivent à ne pas lui parler de ton agression.
Moi farouche : ce n’est pas la même chose, ce n’est pas sa faute ce qui s’est passé. (argumentant) Si tu dois en vouloir à quelqu’un dans cette histoire, ce n’est sûrement pas lui. Je suis la principale instigatrice, il n’a fait que suivre mes folles idées et tu sais bien qu’il ne me dit jamais non.
Ussama haussant l’épaule : peu importe ! Moi, je le tiens pour responsable pour la simple raison qu'il est le grand frère parmi vous deux et par analogie la voix de la raison. Il ne devrait donc pas suivre tes délires sans tenir compte des tenants et des aboutissants.
Moi soupire dépité : c’est bon, nous avons compris notre erreur et je crois que tu l'as assez punis comme ça. Laisse couler maintenant s’il te plaît.
Ussama : j’ai compris, je vais l’appeler plus tard.
Moi : pourquoi plus tard ? Fais-le maintenant !
Ussama : ah, il n’est plus censé ignorer ma présence ici ?
Je soupire débité.
Ussama : bon, c’est toi qui vois inh.
Moi : c’est bon laisse tomber.
Je récupère mon plat dans l’intention de le finir et fus dégoûtée à la première bouchée. Je vais le ranger à la cuisine et reviens pile au moment où le bip d’un message retentit dans la pièce. Je le prends et le vérifie, c’est Eddie qui m’envoie une photo sur laquelle il arbore une moue de canard avec comme légende « la moue que je fais quand tu n’es pas là ». Le fait est qu’il ressemble plus à un goret qu’à un canard, ce qui me fait éclater de rire.
Ussama : qu’est-ce qui te fait rigoler ?
Moi : c’est Eddie, il m’a envoyé une photo de lui avec une moue bizarre.
Ussama : oh, c’est mignon, tu lui manques déjà ?
Moi plissant les yeux : possible, mais pas dans le sens que tu le dis.
Ussama : je l’ai dit dans quel sens selon toi ?
Moi : dans ce sens là, comme s’il s’agissait de mon amoureux.
Ussama : parce qu’il ne l’est pas ?
Moi perplexe : mais c’est quoi ces allusions que tu fais depuis tout à l’heure ? Eddie et moi sommes potes et rien d’autre.
Ussama : il le sait lui ?
Je le regarde complètement perdue.
Ussama : lol Yumna ne me dit pas que tu n’as jamais remarqué la lueur dans ses yeux lorsqu’il te regarde.
Moi : et c’est toi Ussama qui vois une lueur dans les yeux des autres.
Ussama parlant vite : ce n’est pas parce que j’ai peur des femmes que je ne sais rien de l’amour. Ce petit te calcule. C’est toi qui le vois comme un pote, lui il veut plus que ça, il veut être…
Moi l’interrompant : attends répète un peu ce que tu viens de dire.
Ussama : qu’Eddie est…
Moi l’interrompant une nouvelle fois : non avant ça.
Ussama ; que ce n’est pas parce que j’ai peur… Des…
Il se tait sur le coup et me regarde comme s’il venait de commettre la bourde du siècle.