Des explications
Ecrit par lpbk
J-7 avant le mariage d’Olivia.
Je décompte les jours avant de le revoir.
Je n’ai aucune nouvelle de sa part. Pas
même un message pour mon anniversaire. Mais après tout, je n’en attendais pas
donc… passons.
Ce soir a lieu l’enterrement de vie de
jeune fille de ma cliente et, étant invitée, je ne peux pas me défiler.
Pour l’occasion, Tessa et Hailey ont
absolument tout prévu. Nous devons juste emmener un sac avec des vêtements de
rechange, une trousse de toilette et une robe « trop sexy », dixit
Hailey.
J’ai dû faire appel à Coralie pour m’aider
dans cette dernière tâche. Elle a réussi à me fournir une robe ultra courte en
lycra. La coupe met mes formes en valeur, la forme asymétrique couleur marron
au niveau de la poitrine est juste renversante tout comme l’est le dos nu, en fine
dentelle crochetée noire. Coralie m’a conseillée d’y associer des bas, ceux
dont le haut est orné d’un bracelet de dentelle chic mais terriblement sexy et
qu’un fin liseré noir vient compléter de hauts en bas, se terminant par un
nœud, très rétro. Une paire de talons noirs compètera le tout.
Alors que je termine de préparer mon sac,
la sonnette de mon appartement retentit.
Le signal ne se faisant pas entendre, je
sais que ce ne sont pas les filles. Je consulte l’heure sur mon smartphone mais
non, je ne suis pas en retard. Il me reste presque deux heures avant que nous
ne partions pour ce week-end.
Je ne vois vraiment pas qui cela pourrait
être. Sans réfléchir, ni me poser plus de questions, je me dirige vers la porte
d’entrée de mon appartement que j’ouvre sans vérifier l’identité de mon
visiteur. Qui s’avère être… André !
Etant donné nos « rapports »
tendus actuellement, c’est bien la dernière personne à qui j’aurais pensé.
— Salut. Je peux entrer ? me demande-t-il, avec
courtoisie.
Je m’esquive pour le laisser passer et
referme la porte, sur laquelle je m’adosse, attendant qu’il se retourne pour me
faire face.
— Que me vaut l’honneur de ta visite ? dis-je
lorsqu’il le fit.
— Bel appartement, réplique-t-il, sans répondre à ma
question.
— Je ne pense pas que tu sois venu ici pour me dire que
tu trouves mon appartement sympa. Que veux-tu ? M’insulter une nouvelle
fois ? pestai-je.
— Ton appartement te ressemble vraiment, continue-t-il
sur le ton de la conversation.
Je ne prends pas la peine de lui répondre.
Il a l’air de prendre un malin plaisir à m’exaspérer et je ne veux pas entrer
dans son jeu. J’attends donc patiemment qu’il passe à table.
— Tu pars en voyage ? m’interroge-t-il en montrant
mon sac du doigt.
— De toute évidence… lâchai-je, blasée.
— Suis-je bête, s’esclaffe-t-il. Olivia m’a pourtant dit
que c’était ce week-end son enterrement de vie de jeune fille.
Je continue de le fixer, sans piper mot.
Quand va-t-il se lasser de jouer à ce petit jeu ?
Il poursuit son monologue de remarques sur
l’orientation idéale de mon logement qui donne plein sud donc est toujours
ensoleillé ; sur la décoration qui me ressemble beaucoup ; avant de
passer au temps particulièrement clément. Mon manque de loquacité ne semble pas
l’ennuyer.
— Ecoute, je suis contente que mon appartement te plaise
et si j’envisage de le quitter un jour, je t’en ferais part. pour le moment, je
suis occupé donc si tu veux bien me laisser… dis-je en attrapant la poignée de
la porte pour lui signifier qu’il est temps pour lui de partir.
— Je suis désolée, Mélanie.
Je sens mon cœur se serrer.
— J’ai été le plus parfait des crétins, des idiots, des
imbéciles… de tout ce que tu veux.
— Des cons ? proposai-je.
— Aussi, approuve-t-il. Je l’étais il y a douze ans et
je le suis toujours. J’ai tellement à me faire pardonner.
Je croise les bras sur ma poitrine et
attends la suite de sa tirade.
— J’avoue que je ne sais par où commencer.
— Par le début, ce serait bien, l’encourageai-je.
— Bien sûr… murmure-t-il pour lui-même.
Il prend alors une profonde inspiration,
se redresse de toute sa hauteur et carre les épaules, prêt à m’affronter.
— Dès l’instant où je t’ai vue, il y a dix-sept ans,
j’ai su que je t’aimais. Ta mère venait d’être embauchée chez mes parents en
qualité de femme de ménage et je me souviens, elle avait dû aller te récupérer
à l’école car tu étais malade. Tu faisais peine à voir ce jour-là, pourtant je
t’ai trouvé incroyablement belle.
— Tu n’étais même pas là, répliquai-je après un effort
de mémoire pour évoquer ce jour. Il n’y avait que…
— Mon père et moi. Ma mère visitait l’une de ses œuvres
de charité. Mon travaillait dans son bureau et moi, j’avais réussi à échapper à
mon répétiteur. J’étais caché dans la cuisine quand vous êtes arrivés.
— Ma mère m’a dit de ne toucher à rien et d’être la plus
discrète possible, me remémorai-je avec un sourire nostalgique. J’avais quoi…
douze ou treize ans, à peine.
— Douze ans, me confirme-t-il. Et je n’ai pas osé me
montrer ce jour-là, pourtant je mourrais d’envie de faire ta connaissance.
— Tu ne me remarquais jamais ! Lorsque je venais
aider, lors des réceptions que donnaient tes parents, tu ne me regardais pas.
— Tu ne le voyais pas mais je t’observais à la dérobée.
Je faisais en sorte que tu ne t’en aperçoives jamais. Tu hantais déjà mes
nuits. Tu m’obsédais.
— Tu ne…
— J’avais quinze ans. J’étais au lycée et toi… eh bien,
tu…
— Je n’étais qu’une gamine.
— Pas à mes yeux mais à ceux de mes amis. Et tu sais ce
que c’est…
Il prend un air contrit et je ne peux
m’empêcher de sourire, conciliante.
Oui, je pense comprendre ce que c’est que
d’être le garçon le plus populaire du lycée, le plus beau, le plus recherché
par tous. Il avait une sorte de réputation à conserver. Et flirter avec une
fille de mon genre n’était certainement pas une bonne idée.
— Je ne t’ai toutefois jamais perdu de vue. Je savais
qui tu fréquentais, ce qu’il t’arrivait. Je me renseignais principalement
auprès de ta mère. Elle ne tarit jamais d’éloges lorsqu’il s’agit de toi.
— C’est réciproque dans ce cas… lâchai-je, bêtement.
Heureusement pour moi, il ne relève pas ma
remarque et continue :
— J’ai eu des petites-amies, bien sûr, mais je les
comparais toutes à toi. Tu étais tellement… plus ! Et puis, tu as grandi
et même mes amis ont commencé à te remarquer. Tu étais déjà toutes en courbes,
naturellement belle. Tu captais les regards de tous les garçons…
— Mais je ne voyais que toi, achevai-je pour lui.
— Je ne m’en étais pas rendu compte jusqu’à ce que
Matthieu m’en fasse la remarque.
— Matthieu…, soupirai-je, tristement.
— Enfin, me repris-je. Je ne pense pas que tu sois venu
me parler du passé. Tout ça est derrière nous, depuis longtemps.
— Vraiment ? me questionne mon amour de jeunesse,
en s’approchant de quelques pas. Cette attirance entre nous est toujours
présente, comme autrefois. Tu ne peux pas le nier. Ce baiser dans l’ascenseur,
ce n’était pas…
— C’était une erreur, André. Tu l’as dit toi-même, la
dernière fois.
— Ce que j’ai dit, c’était sur le coup de la colère.
— Tu dis beaucoup de choses sur le coup de la colère,
André, et généralement, c’est dans ces moments-là qu’on est le plus honnête,
n’est-ce pas ?
— Ou le plus idiot, me contre-t-il. Je ne pensais pas le
dixième de ce que je t’ai dit lorsque… enfin, je tiens à m’excuser pour mes
propos. Je ne sais pas ce qui m’a pris…
— Un excès d’honnêteté, peut-être, l’interrompai-je.
Ecoute, continuai-je en le stoppant d’un geste alors qu’il s’apprête à
répliquer, tu avais probablement raison. J’aurais dû être honnête avec toi.
Désormais, grâce à toi, c’est chose faite. Maintenant, je vais être tout à fait
franche avec toi. Ethan et moi…
— Je sais, c’est du vent. Il n’y a rien entre vous…
— C’est vrai, nous sommes plus amis qu’amusants. Mais je
revois Franck et…
— Le type qui t’a peloté au Mandarin ?
s’insurge-t-il, s’avançant à nouveau au point de ne laisser que quelques
centimètres entre nous.
— Nous étions ivres, le défendai-je. Mais oui, c’est
bien lui.
— Tu es amoureuse ? s’enquit-il doucement.
— Nous apprenons à nous connaitre, prétendai-je,
prudemment.
— Tu ne réponds pas à ma question, là, me coupe-t-il.
Es-tu amoureuse de ce type ?
— Non, mais je…
— Pourquoi ne m’as-tu rien dit, il y a douze ans ?
me demande-t-il à brûle-pourpoint.
— Eh bien, je… balbutai-je, désarçonnée par ce
changement brutal de sujet.
— Tu n’avais rien à te reprocher et je t’ai balancé
toutes ses horreurs à la figure. Tu n’as rien dit alors que vous n’aviez rien
fait, s’enflamme-t-il. Tu aurais dû tout m’expliquer. Tout aurait été
différent, à l’époque mais aussi aujourd’hui !
— M’aurais-tu seulement écouté ? rispostai-je. Tu pensais
avoir tout compris, mais tu ne savais rien, crachai-je en pointant un index
accusateur contre son torse. Et d’ailleurs, tu n’as jamais cherché à
comprendre.
— C’est ce que tu crois ! s’emporte-t-il, en
attaquant mon poignet. Je t’aimais comme un fou et j’ai essayé de comprendre,
de te pardonner. Lorsque j’ai su que… enfin, lorsque Matthieu m’a tout avoué…
— Quoi ? Matthieu t’a tout raconté et tu as eu le
culot de… bégayai-je, furieuse. Oh… ce n’est pas vrai ! Tu savais depuis
tout ce temps et tu…
La colère me fait perdre mes moyens, ce
qui m’irrite d’autant plus. Il savait ! Aussi incroyable que cela puisse
paraitre, Matthieu lui avait avoué son secret mais…
— Pourquoi n’as-tu pas cherché à me revoir, dans ce cas ?
lançai-je. Tu devais savoir que ce n’était pas fini pour moi. que je t’aurai
ouvert grand les bras.
— Non, je ne le savais pas. Et lorsque j’ai pris mon
courage à deux mains, tu étais en colocation avec Coralie et Astride. Tu avais
refait ta vie. Tu as commencé à sortir avec elles. Je ne voulais pas m’interposer.
Il interrompt ses explications et me fixe
intensément, me clouant sur place. Son regard vibre de colère et de désir, de rancœur
et de passion.
— Tu as raison sur un point, reprend-il. Ce n’était pas
fini. Et ça ne l’est toujours pas !
Sur ces paroles, il me plaque contre la
porte d’entrée, attrape mon visage entre ses mains et m’embrasse comme si sa
vie en dépendait.