DEUIL
Ecrit par Clay story
Déjà plus d’une heure maintenant qu’il marchait et marchait sans pouvoir s’arrêter ; ressassant encore et encore tous les changements intervenus dans sa vie au cours de ces dernières semaines. Tant de projets et de rêves qui ne se réaliseront pas. Il ne pourra plus voir grandir et s’épanouir ses filles et Donan sa femme ; à peine l’avait ‘il retrouvé, qu’il la perdrait à jamais ? Devant cette fatalité, sa vision se brouilla et il commença à couler les larmes. Il essaya de les refouler, mais elles coulèrent de plus belle. Apercevant un arbre non loin, il alla s’asseoir à ses pieds et éclata en sanglot.
Après avoir pleuré tout son saoul, il se calma enfin, plus serein. Il ne se souvenait plus de la dernière fois où il avait pleuré ainsi de toute sa vie d’adulte. Mais il était persuadé que c’était la dernière. Car il savait ce qu’il lui restait à faire. Il le ferait, non pour avoir son dernier mot à dire sur le destin qui s’acharnait sur lui, mais pour Donan et ses filles. Après sa crise d’aujourd’hui, c’était sûr que le dernier virage était amorcé. Alors qu’il meurt aujourd’hui ou dans quelques mois, cela ne changerait rien pour lui ; il mourrait quand même. Mais cela changerait beaucoup de choses pour Donan et ses filles. S’il disparaissait Karl n’aurait plus aucune raison de s’en prendre à elles, car c’est à lui qu’il en voulait. Bien au contraire, il les protégerait parce qu’il était apparemment amoureux de Donan. En arriver à cette logique, n’était pas chose facile pour lui. Mais quand on en arrive au point où il en était, on pouvait se vanter de lucidité. Lucide, il l’était, un peu trop même pour son propre malheur. Il se leva, décidé à en finir. Il ne devait pas perdre plus de temps. Depuis que cette idée d’en finir avait germé dans sa tête, premièrement pour épargner à Donan le spectacle et le stress de longs mois d’agonie, il avait eu le temps de décider de la manière de le faire. Et ce toujours dans le but de la ménager elle, il avait opté pour le poison. C’était propre, et ainsi la vue de son corps ne la traumatiserait pas. Il sourit tristement à cette pensée. Lui qui pendant longtemps n’avait jamais cherché à la ménager de quoi que ce soit, le voilà entrain de d’essayer de la ménager de sa propre mort. L’amour était vraiment incompréhensible. Il reprit sa marche, cette fois-ci dans le sens opposé afin de rentrer chez lui ; pour la dernière fois……
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LE LENDEMAIN
En entrant dans son bureau ce matin, karl était d’une humeur de chacal. Denis, l’un de ses assistants qu’il avait croisé dans le couloir et qui venait d’arriver en avait déjà eu pour ses frais. Il inspecta le bureau à la rechercher du moindre défaut qui lui permettrait de se défouler sur quelqu’un. Il n’avait pas pu fermer l’œil la nuit. Cette femme allait finir par le rendre fou, pensa t’il. Ce n’était pas son genre d’insister ou de supplier une femme ; il n’avait d’ailleurs jusqu’à présent jamais eu à le faire. Son refus ne la rendait encore plus admirable à ses yeux. Comment ne pas admirer une telle loyauté ? Cependant cela ne diminue en rien sa frustration de ne pas pouvoir l’avoir. Elle avait même réussi à briser son assurance de séducteur. Il se sentait tellement démuni et peu sûr de lui devant elle. Sinon comment comprendre qu’il ait pu lui faire pareille proposition ? Il se sentait tellement minable pour cela et encore plus parce qu’elle avait refusé. Dodji devrait être bien meilleure homme que lui pour susciter pareille loyauté. De toute façon, il ne comptait plus insister. Il aimerait cette femme jusqu’à sa mort, mais ce n’était pas son cas à elle. Alors il allait laisser faire les choses avant de devenir plus pathétique qu’il ne l’était déjà.
Fort de cette résolution, il alla s’asseoir pour examiner quelques dossiers en instance quand son regard fut attiré par une enveloppe non cacheté posée sur la table. Il l’examina intrigué et fit venir son assistant pour savoir qui l’avait amené. Après que ce dernier l’eut informé que cela avait été amené par un monsieur de la part d’un autre monsieur Dodji Glanmabou, il ouvrit l’enveloppe plus que curieux d’en connaître le contenu.
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Mon cher grand frère,
J’ai passé plusieurs minutes devant ma feuille blanche à hésiter sur la formule à employer pour t’interpeller. Mr Mensah aurait été trop impersonnel, trop cérémonieux ; Karl aurait été trop amical, ce que nous ne sommes pas. J’ai fini par utiliser « mon cher grand frère » car pour le meilleur ou pour le pire, qu’on le veuille ou non, c’est ce que tu es pour moi : mon grand frère ! J’aurais vraiment aimé te connaître en tant que tel ; j’aurais aimé qu’on ait grandi ensemble, j’aurais aimé pouvoir être compris et protégé par le merveilleux grand frère que je sais que tu peux être, en dépit de tout. J’aurais aimé tellement de choses…mais on n’a pas toujours ce que l’on veut. J’aurais quand même espérer une meilleure relation entre nous, mais malheureusement, je n’en ai plus le temps. En vie je n’aurais pas pu te convaincre de renoncer à nous détruire, j’espère que ma mort le fera pour moi. Ne t‘en veux surtout pas ; je ne le fais pas cause de toi. Je suis de toute façon condamné à cause de ma tumeur cérébrale. J’avais décidé de cet acte il y un moment déjà dans le but d’épargner à ma femme et à toute ma famille, tout ce stress. Je voulais le faire quand je ne serais plus en mesure de cacher les symptômes. Ce délai est arrivé à expiration hier car j’ai eu mon premier épisode d’amnésie…….
Bref, je ne veux pas que tu t’en veuilles. C’est mon choix, pour protéger ma famille, pour protéger ma Donan. Je le lui dois bien pour tout ce que je lui ai fait subir…..
Elle m’a tout raconté de votre rencontre tu sais…. Alors puisque tu l’aimes je sais que tu ne t’acharneras pas sur elle, ni sur nos filles, quand je ne serais plus là. Je sais que tu la protègeras de tout et de toi-même s’il le faut…..
Adieu mon frère
Sans regrets et sans rancune
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Karl resta quelques secondes, sous le choc de ce qu’il venait de lire. Réalisant enfin, l’intention de Dodji, il se leva précipitamment, prit son portable et les clés de sa voiture. Il lança le numéro de Donan tout en se dirigeant vers sa voiture.
-Allo, répondit celle-ci en décrochant.
-Oui Donan ; C’est Karl.
-Oui ? Finit-elle par répondre au bout de quelques secondes.
-Ecoutez, vous devez être au bureau je suppose. Vous devez rentrer chez vous immédiatement. Je m’apprête aussi à venir mais je suis loin de chez vous.
-Mais pourquoi ? De quoi me parlez-vous au juste ?
-Je viens de lire une lettre de Dodji qu’il a envoyé tôt ce matin, à mon bureau. Il a l’intention de se suicider Donan.
-Quoi ?
-Oui Donan, il n’y a pas une minute à perdre. J’espère que ce n’est pas trop tard. Essayez de l’appeler et rentrez immédiatement chez vous, je vous …..
Elle venait de raccrocher.
Il monta dans sa voiture et démarra.
Donan de son côté était dans tous ses états. Dodji ne décrochait pas. Elle sortit en trombe du bureau et appela le gardien tout en se dirigeant vers sa voiture.
-Oui Charles ; rentrez immédiatement dans la maison et passez le téléphone à mon mari.
-ok ; répondit celui-ci en se dirigeant vers la maison. Il toqua à la porte du salon sans réponse….Il ne répond pas madame dit ’il à Donan au téléphone.
Celle –ci avait déjà démarré la voiture et prit la route.
-La porte est fermée ? lui demanda-t-elle.
-Oui madame, c’est bloqué de l’intérieur répondit ce dernier après vérification.
-Défoncez- la ! Toute suite !
-Mais madame……
-Ne discutez pas s’il vous plaît ! Défoncez-la tout de suite ; cherchez-le dans la maison et rappelez-moi. Elle raccrocha et appela le Dr Sèdjro. Quand celui-ci décrocha, elle lança sans préambule.
-Allô Dr, venez à la maison tout de suite s’il vous plaît. C’est urgent. Je suis aussi en route.
-OK, je ne suis pas loin, répondit ce dernier. Elle lui fût reconnaissante de n’avoir pas posé de questions.
Elle n’aurait su quoi lui répondre. Elle n’était plus sûre de rien.
Le gardien la rappela à ce moment et elle décrocha.
-Madame, il dort. Il est couché dans la chambre.
-Vous l’avez touché ? Vous avez essayé de le réveiller ?
-Non madame, comme il dormait, je l’ai laissé et je suis sorti ; répondit le gardien étonné et hésitant.
-Faites-le alors, je ne suis plus loin, dit-elle en raccrochant.
Quand le gardien rappela une minute plus tard, elle ne décrocha pas, par peur de savoir…. Elle accéléra encore plus.
Elle arriva quelques minutes plus tard, au même moment que le Dr Sèdjro. Elle vit le gardien le gardien devant le portail la mine défaite et les mains sur la tête. Elle sut que le pire était arrivé mais ne l’accepta pas. Elle se précipita vers le gardien, le Dr Sèdjro juste derrière elle.
-Charles, vous l’avez réveillé ? Il dormait n’est ce pas ?
-Je… Je…. Il….Madame….
-Mais parlez, bon sang, s’énerva le Dr Sèdjro.
Mais déjà Donan s’élançait vers la maison en courant. Le Dr la suivit sur le même rythme. Il la rattrapa au niveau de la porte d’entrée.
-Laissez-moi passer d’abord Donan, lui dit-il gentiment.
Elle acquiesça en le laissant passer et le suivit avec appréhension.
Arrivée dans la chambre, le Dr Sèdjro ne put constater que le décès. Il n’avait plus rien à faire. Il venait de perdre son ami. Quand il se tourna vers Donan qui était pétrifiée à l’entrée, il vit qu’elle aussi avait compris. Mais quand il voulut remonter le drap sur le corps inerte de Dodji elle sembla enfin sortir de sa stupeur et se précipita vers lui. Elle se jeta sur le corps sans vie de son mari et le secoua de toutes ses forces :
-Non, il ne peut pas être mort. Il ne peut pas me faire ça. Non ! Elle le secoua avec force, le gifla, le griffa ; la colère avait pris le dessus s sur la douleur.
-Tu es un menteur Dodji ; ce n’est pas ce que tu m’as promis. Tu es méchant ! Comment peux- tu nous abandonner ainsi. Elle recommença à le secouer ; mais le Dr Sèdjro essaya de la relever.
-Calmez-vous Donan, calmez-vous.
Mais elle le repoussa violemment et continua à s’acharner sur le corps de son mari. Le Dr Sèdjro faillit perdre l’équilibre et comprit qu’elle était en état de choc. Il fallait impérativement la calmer. Il appela le gardien qui attendait apparemment dans le couloir. Avec son aide ils purent finalement la maitriser, tant elle se débattait avec une force incroyable : l’énergie du désespoir sans doute. Ils l’amenèrent dans la chambre d’ami et l’allongèrent sur le lit tout en la maintenant couché. Le Dr Sèdjro lui administra des calmants et ils la maintinrent ainsi jusqu’à ce qu’elle se calme et sombre enfin dans le sommeil.
Le Dr Sèdjro retourna alors dans la chambre principale, arrangea le corps de son ami et le couvrit. Il se sentait vraiment coupable d’avoir accepté garder son état secret. Certes c’était un secret médical, mais il ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir. En sortant de la chambre, il composa le numéro de sa femme pour lui demander le numéro de la sœur de Donan qui était une amie à elle. Il voulait l’informer de la situation afin qu’elle soit au côté de sa sœur. Quand cela fut fait, il sortit de la maison afin d’aller annoncer aux parents de Dodji la terrible nouvelle.