DT - 7
Ecrit par Nobody
* Point de vue Ericka*
Une joie sans nom me parcourut lorsque j'appuyais sur envoyer.
Je me sentais d'abord étrange, une bouffée d'excitation, puis une légère satisfaction. C’était comme une petite victoire, une sensation douce-amère d'avoir pris le contrôle. Le bruit du clic de la souris résonna dans la pièce calme.
J'étais dans le bureau de Michael en attendant que celui-ci vienne me recevoir. Les murs étaient ornés de quelques tableaux abstraits et d’étagères bien ordonnées, remplies de dossiers et de livres, donnant à l'ensemble un air trop poli, presque clinique. Je voulais demander comment les recherches avançaient de son côté. Faut pas croire que ça m'intéresse, c'est juste pour faire bonne impression devant mon père. C'était une manière de paraître impliquée, mais je n'avais aucune intention de m'y attarder réellement.
Donc, j'étais dans le bureau de Michael quand un message est rentré. Je n'avais pas vu le moment où il était apparu sur l'écran, mais il m’avait frappée instantanément. En plus, l'écran était légèrement tourné de mon côté, presque comme un défi, comme s’il m’invitait à jeter un coup d'œil. Et comment résister à cette invitation ? Je ne pouvais pas.
Tiens. C'est un SOS de Sarah. Cette perfide là. Je savais qu'elle ne s’était pas fait kidnapper, sinon comment pouvait-elle encore envoyer un message ? Mais c'était tellement agréable de la voir dans cette position, vulnérable et désespérée. J'étais heureuse d'être tombée sur ça. La tentation était irrésistible.
Je m'assis devant l'écran, mon cœur battant légèrement plus fort. Je jetai un coup d’œil furtif autour de moi. C'est bon, personne en vue. Je souriais déjà, savourant le plaisir anticipé d’une vengeance légère. Je pianotai un instant sur le clavier, chaque touche qui s'enfonçait dans l'ordinateur semblait une petite victoire. Puis, je l'envoyai. Ma main trembla légèrement, non de peur, mais d'excitation, presque de jouissance. Je rigolais doucement en effaçant le message. Ça de fait, je me remis à ma place, un petit rire s'échappant de mes lèvres comme une brise légère.
– Je peux savoir ce qui te fait rire dans mon bureau, Ericka ?
Mon rire s'éteignit en même temps que le supposé patron de Sarah rentrait dans son bureau. Cinq secondes de plus et je me faisais chopper. L’adrénaline monta, mais je pris un air faussement calme, comme si rien n’était.
– Non, je rigolais pour un truc là. Alors comment ça se passe les recherches de ton côté ?
Je lui adressai un sourire poli, tout en essayant de calmer les battements de mon cœur qui se faisaient de plus en plus insistants. Il me regarda avec suspicion, ses yeux perçants scrutant mon visage, avant de prendre position derrière son bureau. Il semblait avoir senti quelque chose, mais il n'en dit rien.
* Point de vue Sarah*
Je m'habillais en vitesse. Le stress commençait à me ronger, mais je n'avais pas le choix. Je n'avais pas une minute à perdre. La robe était très simple mais avait des textiles qui lui donnaient fière allure. Elle m'épousait parfaitement, épousant chaque courbe de mon corps, ce qui me faisait sentir à la fois vulnérable et puissante. Elle était dénudée au niveau de l’épaule et se terminait au-dessus de mes genoux. Oh la la, je l'adore. Un petit sourire satisfait se dessina sur mes lèvres. Je soupire puis je sors de la salle de bain, le miroir reflétant une version de moi qui semblait prête à tout.
Je n'ai aucune envie de passer du temps avec lui, mais je me garde de le lui dire. Chaque seconde passée à ses côtés, chaque sourire forcé me donnait envie de tout faire exploser. Il me bat et après, je devrais dîner avec lui comme si de rien n'était ? Pourquoi ne pas me demander en mariage pendant qu'il y est ? L’ironie de la situation me rongeait.
Quand Ahmed me vit, un étrange sentiment de fierté m'envahit. C'était une petite victoire personnelle. Il appréciait ce qu’il voyait, ce qui voulait dire que j’étais jolie. C’était le seul point positif de cette journée. Je me dirigeais vers lui, mon regard acéré, et je saisis un pan de mon drap. Je lui essuyai les coins des lèvres et le menton. Je suis déterminée à jouer mon rôle à la perfection.
– Voilà, t'avais la bave qui dégoulinait, quoi.
Un rire inattendu sortit de sa gorge, léger mais profond. C’est la première fois que je l’entends rire et, comment dire… j’étais hypnotisée. C’était comme si quelque chose en moi s’était figé. Un moment suspendu, hors du temps. Avec un effort surhumain, je m’arrachai à sa contemplation, m’éloignant vers la coiffeuse. Je sortis mes outils qui ne quittaient jamais mon sac. C'était une vieille habitude, comme un rituel silencieux que je m’étais imposée. Ahmed s'assit à mes côtés, observant chaque geste avec une attention particulière.
– Laisse-moi le faire pour toi.
– Oui, bien sûr. Je ne suis pas un croquis. Regarde et prends des notes.
– Non, c'est mort, explique-moi s'il te plaît. Après, je fais.
Il était têtu, mais quelque chose dans son regard me fit hésiter. Cet air de chien battu, presque pitoyable, avait quelque chose de… attendrissant. Je ne pouvais m’empêcher de ressentir une sorte de tendresse pour lui, un sentiment étrange et contradictoire.
– Vas-y.
Je soupirai fort pour lui faire comprendre que ce n'était guère par plaisir.
32 minutes plus tard, le résultat était plus que satisfaisant. C'était parfait, même.
– Sortez les contrats, putain, vos grands-mères les folles.
Je rigolais devant sa jubilation. C’était étrange, cette manière de se réjouir. Mais je n’allais pas gâcher ce moment.
– T'es malade Ahmed.
– Attends, je te snap, zeubi.
– Non, j'aime pas.
– S'il te plaît.
– Vas-y.
– Ferme les yeux aussi, Inh. Et ai l'air un peu heureuse, non ? Ah, y’a quoi ?
Nous avions pris au moins 30 photos avant qu'il ne soit satisfait. Je n’étais même plus sûre de la raison pour laquelle on faisait tout cela. Mais ça ne m'importait plus.
– J'ai trouvé THE PICTURE. Regarde.
Je pris son téléphone, le cœur un peu plus léger. Et là, en voyant ma photo, je me vis sous un autre angle. J’étais subjuguée, envoûtée par l’image de moi-même.
– Put... waoh, j'adore. Attends, on fait une autre. Prends la tablette des fards avec un pinceau et fais comme si tu arrangeais, et je prends à travers le miroir.
– Vas-y.
Quelques instants plus tard, je vis la nouvelle photo et une chaleur me parcourut, comme si la beauté venait soudain de se révéler dans un éclat brut.
– Tiens, regarde.
– Putain, c'est trop réussi. Azy, tape-la, t’as assuré.
On se tcheka, puis je rassemblai mes longs cheveux en chignon, une dernière touche, un dernier mouvement de ma part.
– C'est quoi ton snap, me demanda Ahmed.
– Psycho 13.
– Pourquoi ça m'étonne pas, Sarah ?
– MDR, je n'en sais rien moi.
Je pris mon téléphone et lus mes notifications. Elles étaient nombreuses, comme un torrent d’alertes qui semblaient refléter une vie bien plus animée que la mienne. Oh oui la nouvelle contradiction, monsieur Ahmed avait tenu à me rendre mon téléphone, maintenant persuadé que je ne contacterai personne. A l'évidence l'épisode de cet après midi l'a suffisamment rassuré sur le fait que je ne chercherai pas d'aide vu que la personne pour qui je me suis mise en danger n'en avait que faire de ma poire. Et comme pour affirmer ses pensées, je ne tentais rien pour l'instant? Je ne contactai personne, comme si sans me l'avouer j'avais envie que cet instant dure encore un peu.
Addict vous a ajouté.
Je l'ajoutai en retour et il m’envoya les deux photos.
– Elles sont trop réussies.
– Si si. Quand je posterai la photo sur laquelle t'es seule là, je mettrai en légende "le boulot" et sur la nôtre "makeup by Ahmedy". D'accord ?
– Pas de problème, lui répondis-je. Bon, c’est pas tout, mais faudrait peut-être qu'on y aille.
Il me tenait la porte et nous descendîmes. Kaïna était assise au salon, et déjà, je pouvais sentir la tension. Je n'avais pas envie de traîner dans cette maison plus longtemps. Je pris ma décision rapidement.
Je me demande comment on pouvait être aussi cons ! Il se laissait facilement berner, un peu trop facilement à mon goût. Mais je dois rester vigilante, il ne faudrait pas que je me prenne à mon propre jeu. Cet homme m'avait attiré dès le premier jour de notre rencontre.
Quelques instants après, il me rejoignit et nous partîmes.
*Point de vue Kaina*
C'est pas possible. La rage montait en moi, prête à tout emporter. Je détestais tellement cette fille, c’était devenu une obsession. Je courus dans les escaliers, et d’un coup, je poussai ma porte avec une telle force qu’elle claqua contre le mur.
Je m’écroulai sur mon lit puis je me mis à pleurer.
– Bah Kaina, qu'est-ce que t'as toi ?
C'était Karim. Je ne pris pas la peine de me tourner vers lui. Alors que j'allais continuer à l'ignorer, une idée me traversa l'esprit. Et si je me rapprochais de Karim ? Ainsi, Ahmed nous verra et il sera jaloux. Et quand on est jaloux, généralement, c'est qu'on est amoureux.
– Je sors. Azy, tout à l'heure la.
– Attends Karim, je m’écriai avant qu'il ne referme la porte.
Je couru dans ses bras et je passai mes mains autour de sa taille. Jusqu'à là, il ne m’avait pas touchée en retour, mais j'avais confiance en mes pouvoirs de femme.
Alors que je reniflais, je passai mes mains sur son dos, ce qui lui provoqua une raideur. Je levai ma tête, puis sans crier gare, je l’embrassai.
– Mais t'es complètement malade, Kaina. Ça va pas ? Non, non, je voudrais savoir, t'es folle ou t’es sur le point de le devenir là ?
Il a quoi, lui à s'emporter de la sorte ? Il ne me plaîsait même pas.
– Mais tu me dégoûtes, Kaina. Plus jamais tu refais ça, d’accord ? Plus jamais !
Il me toisa de haut en bas, puis se détourna de moi.
La porte d'entrée qui claqua en bas me fit réagir. Je retournai sur mon lit, alors que mon regard se dirigeait sur ma garde-robe. Tout le monde est sorti, qui c’est qui disait que moi j’en avais pas le droit, déjà ?
J’enfilai rapidement ma petite robe de la dernière fois et je sors avec ma pochette et mon téléphone. Je ne prends même pas la peine de fermer la maison à clé. Là, maintenant, une haine m’habitait envers tout le monde. Surtout cette Sarah de mes reins et bien sûr Ahmed, Ahmed parce qu’il me voit pas. Mais cela allait changer.
Retour point de vue Sarah
Je regardais Ahmed du coin de l'œil. J'aimais beaucoup son côté là. Il était tellement attachiant. Si si, attachiant.
– Qu'est-ce que t'as, zeubi ? T'as perdu ta langue ?
– Yin yin, je réfléchissais, c'est tout.
– À quoi ?
Il prit la gauche à un tournant et, faisant plus attention à la voie, je me rendis compte d'où on se rendait.
– Ahmed, t’es complètement cinglé. On part à l'Ambassadeur là.
– Bah ouais, y'a quoi ?
Je le regardais discrètement. Pourquoi ce ton sec ?
– Mais Ahmed, c’est l’Ambassadeur. Tu peux pas m’y emmener.
– Moi, je suis un pd pour ne pas avoir les moyens d’amener une fille à l'Ambassadeur ? rire nerveux
– Ahmed, sois raisonnable.
– Ferme ta gueule Sarah, s’il te plaît ferme-la.
J'ouvris la bouche, mais aucun son n’en sortit.
Quand nous arrivons devant l’établissement, la tension était au summum. Je n’attendis pas qu’il vienne m’ouvrir la portière que j'étais déjà dehors.
Je le suivis en maudissant son arrogance quand je me cognai à quelque chose, enfin à quelqu’un.
– Qu'est-ce que tu fais ?
– Euh ?
Moi, je ne le comprenais plus.
– Je dis, qu'est-ce que tu fais ? Retourne dans la voiture.
– Ahmed…
– TOUTE DE SUITE.
– Mais arrête, arrête. Laisse-moi au moins m'expliquer.
– Retourne dans la voiture. Je vais décommander. Si on mange ici, je suis un bâtard alors économise ta salive.
Je le vis rentrer dans l'établissement avec sa démarche de félin et son visage fermé. Bon, qu’il fasse comme bon lui semble. Toute façon, j’avais même pas faim. Un grognement assez audible me répondit. Bon, il me fallait bien le reconnaitre j'avais un peu faim. Je me ferai un truc à manger une fois rentrée pensai-je.
C’est sur cette pensée que je tombai dans un grand trou noir.