Mesures Drastiques

Ecrit par Farida IB



Khalil…


Je suis dans mon rôle d'aide-soignant depuis quatre jours déjà. Une nouvelle semaine s'annonce aujourd’hui et c’est aujourd’hui que j’irai mettre de l’ordre à Famous Communication. Nahia, j’en fais mon affaire dès à présent. J'ai fini par comprendre que c'est le genre de personne qui s’occupe de tout le monde et s’oublie soi-même. C'est tout à fait inacceptable pour moi parce que je ne peux pas comprendre que l’on se néglige autant pour asservir les autres, et même dans sa propre entreprise. Ce genre de foutaise ne passe pas avec moi, pas tant que je serai dans ce pays. 


Je refais un tour devant le miroir pour vérifier si tout est parfait comme je le veux avant de sortir de mon appart pour me rendre dans le sien. Une odeur agréable de café et de gaufres m’accueille dès que je passe la porte. Je me rends dans la cuisine et la trouve en tenue de ville, dressant la table pour le petit déjeuner.


Nahia me souriant : bonjour,


Moi prenant sur moi : bonjour, comment tu vas ?


Nahia avec enthousiasme : mieux qu’hier et je suis certaine que ce sera davantage demain.


Moi : c’est bien, tu vas où ?


Elle détourne son regard du mien pour les poser sur les couverts qu'elle a pris le soin d'agencer comme s'il s'agissait d'un dîner solennel.


Moi : j’ai posé une question.


Nahia : bah au taf.


Moi (circulant mon regard entre les différents plateaux sur la table) : si tu fais tout ça pour me convaincre que tu te portes assez bien pour reprendre le boulot, c’est rater d’avance. Il y a mamie qui vient me remplacer ce matin, j’espère qu’elle viendra te trouver à la maison. 


Nahia : rhhoo tu es même sérieux là ? Et c’est à mamie que tu fais appel, grand Dieu ! Un autre gendarme !


Moi fronçant la mine : que veux-tu insinuer par là ?


Nahia (faisant mine de s’intéresser à présent au plat d’omelettes) : rien.


Moi : bien, par contre, je veux bien prendre une tasse de ton café et un peu de tes gaufres. Si tu as du jus d’orange pressé ça fera également l’affaire.


Elle marmonne quelque chose dans sa barbe, je ne calcule pas et m'assois juste à table. Elle me sert le petit-déjeuner et prend place en face de moi en faisant des grimaces par moment. Je me compose un visage neutre et m’occupe rien que de mon assiette.


Nahia craquant au bout d’un moment : je ne suis pas habituée à glander, en réalité, j'ai horreur de ça.


Moi buvant une gorgée de mon café : apprends donc à le faire.


Elle soupire de rage, je souris intérieurement.


Nahia : tu parles, est-ce que tu peux suivre mon emploi du temps ?


Moi : j’apprendrai à le faire.


Sa mine en ce moment, on dirait presque qu’elle va exploser d’un moment à l’autre. Je pose ma tasse et me passe la main dans les cheveux.


Moi : je fais ça pour t’aider.


Nahia : je ne doute pas de tes bonnes intentions, mais je ne pense pas que tu puisses t’en sortir sans moi.


Moi posément : Nahia, je sais que tu es du genre à ne pas faire confiance aux autres pour un travail bien fait, je sais aussi que tu ne sais pas déléguer et d’autres tas de choses auxquelles tu dois penser à remédier. Sauf que là, tu n’as vraiment pas le choix, tu vas peut-être mieux comme tu le dis, mais tu es toujours aussi blanche qu'un cachet d'aspirine.


Nahia faisant la moue : c’est très gentil de ta part.


Moi : je crois bien qu’il y a des miroirs dans cette maison, bref ! Laisse-moi te prouver que je peux gérer le temps que tu te rétablisses, je ne sais pas mais teste-moi et tu évalueras plus tard. S’il y a des corrections à faire, tu le feras. Mais avant toute chose, je t'informe que j’avais moi aussi mon agence avant d’être contraint de le fermer pour être ici. Il faut comprendre par là que je ne suis pas un profane dans le métier.


Elle me regarde surpris un bref moment avant de parler.


Nahia : inutile de t’évaluer sur le plan professionnel, je sais déjà que tu assures. (je lui retourne son regard surpris.) Ne me regarde pas comme ça, tu n’es pas le seul à faire des observations ici. (je souris.) Bon mon souci, ce sont mes autres responsabilités.


Moi : lesquelles ?


Nahia : les prospections 


Moi : confère staff.


Nahia : les rendez-vous extérieurs.


Moi : Annie et moi pouvons les assurer.


Nahia : les cours parallèles de Nabil.


Moi : ta sœur a promis s’occuper de lui et ce sur tous les plans.


Nahia soupir rageur : tu as réponse à tout inh ?


Moi ton égal : comme tu le constates, autre chose ?


Nahia : je suis chargée d’organiser l’anniversaire de mes nièces.


Ça me donne à réfléchir, mais bon ! Il n'y a rien d'ingérable dans la vie.


Moi : je verrai quoi faire.


Nahia : le thème de l'anniversaire c'est la reine des neiges.


Moi me voulant rassurant : j’ai dit que j’allais m’en charger.


Nahia sur un ton défi : c’est dans deux semaines.


Je lève les yeux vers elle ahuri.


Nahia (sourire en coin en hochant la tête) : si si


Moi : ça le fera ! 


Nahia regard insistant : hmmm ? (oui de la tête) Et pour le staff, comment penses-tu t’organiser ?


Moi : pour le moment, je ne sais pas, j'aviserai une fois sur place.


Nahia quasi-stériques : mais je vais faire quoi ici pendant deux longues semaines ?


Moi haussant les épaules : à toi de voir ! Toutefois, je peux de manière suggestive te dire d’aller au spa, sortir avec tes copines, voyager. Oui, l’idéal serait d’aller te ressourcer.


Nahia ton las : mes copines sont toutes occupées, voyager non. Je l’ai trop fait l’année dernière.


Moi haussant l'épaule : ok, dors alors.


Nahia : pfff.


Je finis de prendre le petit-déjeuner impassible devant sa mine boudeuse. Je ne bouge de la maison que lorsque mamie passe le pas de sa porte. 


J'arrive au bureau et sans transition, j'entreprends l'identification de tous les problèmes qui minent l'agence avant de me mettre à cogiter sur les mesures à prendre pour chaque cas de figure. En conclusion, je peux m’en sortir à tous les niveaux sauf pour l’histoire d’anniversaire là. Je suis certes doué pour organiser des fêtes, mais des fêtes d’enfants ce n'est évidemment pas mon domaine par excellence.


Annie entrant en ce moment : monsieur, j’ai des documents à faire signer. Je me demandais s’il serait possible que vous le fassiez à la place de mademoiselle Nahia.


Moi : ce sont des documents de quoi ?


Annie : le rapport de l’audit interne du mois surpassé.


Moi plissant les yeux : et c’est maintenant que ça vient ?


Annie : euh, non, je les ai retrouvés ce matin dans un lot de prospectus d’un client de la boîte.


J'hallucine !


Moi éberlué : ah bon ?


Annie : oui monsieur.


Moi simplement : ok, fais voir.


Ce qu’elle fait.


Moi : autre chose ?


Annie : non monsieur.


Moi : tu peux disposer.


J'attends qu'elle arrive devant la porte pour la rappeler.


Annie : oui monsieur


Moi : trouve-moi un chasseur de têtes en communication et je veux une suite favorable d’ici la fin de cette journée. (elle hoche la tête) Je tiens également à te prévenir qu’il aura des remaniements dans la boîte dans les prochains jours, notamment dans son organigramme et plus implicitement dans son organisation et son fonctionnement. Je vais procéder par des tests de niveaux et de compétences susceptibles d’aboutir à des formations ou d’éventuels licenciements. Fais passer le mot à tes collègues femmes de préférence.


Elle me fixe pantoise pendant quelques secondes.


Annie s'éclaircissant la voix : je voudrais savoir si je suis concernée par ces réformes ?


Moi : tu fais partie des employés de l’agence ou non ?


Annie : euhh oui oui !


Moi : tu n’auras rien à craindre si tu sais en tout âme et conscience que tu merite pour ton poste. 


Annie : tout à fait monsieur.


Elle sort du bureau en refermant délicatement la porte. Bon voilà un de réglé.


C’est après son départ que j’ouvre notre dossier et me plonge dedans jusqu’à l’heure du déjeuner où je prends une pause pour manger. Ensuite, je passe un coup de fil à Nahia et mamie dans l'optique de prendre de ses nouvelles. Je discute une vingtaine de minutes avec elles avant de raccrocher pour lancer un autre appel vers le numéro d’Ussama. Cette fois en lieu et place de la colère, je ressens une pointe d’inquiétude à cause de sa soudaine  disparition du monde virtuel. 


Je passe encore environ trois heures à travailler, c’est l’arrivée de la fille au service design qui me ralentit dans mon élan. 


Elle : monsieur, pourriez-vous m’accorder quelques minutes de votre temps ?


Moi : si ce que tu as à dire à trait au travail oui, dans le cas contraire, tu vas devoir attendre l’heure de sortie.


Elle : bien sûr que ça concerne le travail (désignant la chaise) je peux ?


Je lui indique d’un geste bref le siège en face de moi. Elle prend place et croise ses jambes, ce qui dévoile subtilement une partie de la peau claire de sa cuisse. Elle fait deux minutes sans broncher, ensuite elle ôte ses verres et commence à faire une mimique avec ses sourcils. Puis décroise ses pieds pour les recroiser dans le sens contraire. Je suis ses gestes du coin de l'œil l'air de rien, à un moment ça m'irrite au plus haut point.


Moi fronçant les sourcils : je pensais que tu avais quelque chose à dire.


Elle minaudant qu'autre chose : oui, euh, je voulais vous demander s’il serait possible pour vous de venir visualiser le nouveau design que j’ai créé pour le site web de l’agence.


Je lui jette un coup d’œil.


Elle : en fait mademoiselle Nahia approuve toujours avant que je ne puisse valider.


Moi : ok, envoie-moi ça par Outlook.


Elle : ce n'est pas possible monsieur, vous devez forcément vous déplacer.


Moi : tu as dit thème, c'est-à-dire que, tu as simplement changé le fond d'écran du site avec une image.


Elle : euh oui.


Moi me répétant : envoie donc l'image par Outlook sur mon poste. 


Elle (avec petit soupir de résignation) : ok.


Elle s’éternise encore sur la chaise, ce qui finit par susciter une fois de plus mon indignation.


Moi : tu as terminé ta liste de tâches de la journée ?


Elle fièrement : oui monsieur


Moi bourru : ok, si tu n’as rien d’autres à faire, va apprendre à tracer tes sourcils. Il y a des tutoriels gratuits sur YouTube.


Elle se touche instinctivement le front la mine stupéfaite.


Moi : tu fermes la porte en sortant. (pendant qu'elle se lève la mine attachée) C'est quoi ton nom déjà ? 


Elle la voix à peine audible : Nina.


Moi : ton nom, j'ai dit.


Elle : Apedoh.


Moi ton sec : ok, tu peux y aller.


Elle sort en manquant de claquer la porte. Je me ferai une joie de licencier celle-ci. Ça sent la coquille vide qui compte uniquement sur ses atouts pour arriver à ses fins. Madame change le thème d'un site web et se prend déjà pour l'employée du mois. Avec son maquillage surchargé comme si elle assimilait l'agence  à un carnaval de Rio. Et c'est ça que Nahia tolère ici tous les jours, ce n'est même pas avec moi.


Je recadre mes idées et ramène mon regard sur l’écran de l’ordinateur que j’éteins deux heures plus tard pour me rendre directement à la maison. Là, je fonce dans mon appartement et trace à la douche laissant leur intimité à Nahia et mamie qui semblent être en grande discussion. Lorsque je finis, je m’habille devant l’armoire et sans le vouloir leurs échanges me parviennent à l'oreille.


Voix de Mamie : les hommes aiment quand la maison est propre et que leur femme s’est faite belle pour les attendre.


Voix de Nahia : ouais !!! Toi, tu vois déjà mon mariage dans cette histoire.


Je plisse les yeux.


Voix de Mamie : tu as déjà vu où qu’on prend soin de la femme d’autrui ? Le jeune homme embellit sa chose.


Voix de Nahia dans un soupir : je préfère ne même plus te répondre, tu m’as saoulé toute la journée avec cette histoire. Tu rentres même à quelle heure ?


Voix de Mamie : la semaine prochaine.


Nahia criant : quoi ?


Voix de Mamie : c'est ce que ton mari a décidé.


Voix lasse de Nahia : mamie ce n'est pas mon mari.


Voix de Mamie : tu m'en diras tant !! Ma fille, on n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace. Moi, j’ai déjà vu la fin de cette histoire de collaboration et je me ferai un plaisir de te faire un dessin.


Ça devient intéressant.


Voix de Nahia : tu n’y es pas du tout, il a juste été gentil.


Voix de Mamie : ne parle pas de ce que tu ignores. Je suis assez patiente pour voir le dénouement de l'affaire. Enfin tant que j'aurai le souffle de vie.


Voix de Nahia : pffff !!! 


Je souris doucement.


Il est vrai qu’en dehors de son impertinence elle a un charme envoûtant qui ne me laisse pas indifférent. C’est le genre de filles sur qui j’aime garder l’œil, sauf qu’elle, je n’ai pas l’intention de la courtiser. De toute façon, c'est cailloux d'avance. Il est clair et net que je lui suis totalement indifférent. Vous savez tous ici combien elle aime son type, l'autre fois, il a fallu faire intervenir le mari de sa sœur pour que son chagrin s’attenue un tant soi peu. Vous n’êtes pas sans savoir non plus que j’ai une prédilection pour les plans culs, de ce fait, je ne peux même pas m’aventurer sur ce terrain. Enfin, j’ai cru comprendre que sa vie amoureuse a été plus qu’un désastre. Du coup, je ne me fais pas confiance pour être celui qui viendra effacer toutes les  peines de son passé. Ça, ça dépasse largement mes compétences. Je pense d’ailleurs que cela requerrait un tour de magie. Et comme je n'ai jamais eu un penchant pour l'illusionnisme, mieux je me contente d’être son ami pour tout le temps que je ferai ici, mieux je me porte.


C’est sur cette conclusion que je sors de chez moi pour les rejoindre. 


 

Ussama…


C’est quatre jours plus tard que je débarque à l’aéroport de New York JFK et récupère à temps une ligne AirTrain pour Brooklyn. Au fait, le cheikh m’a impérativement envoyé à Helsinki pour un colloque sur la gestion des multinationales pétrolières le même jour où Yumna m’avait fait part de son agression. J’ai dû me plier à ses exigences pour éviter tout soupçon, enfin vous savez ce que c’est. Autant dire que je n’ai rien retenu de ce colloque, j'étais trop inquiet pour ma petite chipie adorée qui doit être mal en point en ce moment. 


Quand je descends du métro après une quarantaine de minutes, Yumna et son pote étaient déjà présents. Dès qu'elle me repère, elle court et vient se jeter dans mes bras en hurlant comme une folle.


Yumna : mon frrrèèèèèèrrreeee.


Son pote : Yumna comporte toi bien s’il te plaît, les gens nous regardent.


Moi : vraiment.


Yumna levant les yeux au ciel : ils nous regardent et puis quoi ? J’ai quand même le droit de me réjouir de voir mon frère.


À ces mots, elle se met à sautiller comme une petite fille dans mes bras. Son pote et moi, nous regardons en souriant. C’est lorsqu’elle me libère que je me tourne vers ce dernier. On se fait une accolade pour se dire bonjour. 


Yumna qui fait les présentations : Ussama, je te présente Eddie (souriant) mon frère de New York (il répond à son sourire.) Eddie voici ton autre toi.


Nous deux à la fois : Yumna ne commence pas !


Elle nous fixe tour à tour avec un rictus narquois au coin des lèvres.


Yumna : dois-je vous faire un dessin ou vous êtes suffisamment convaincus ?


Nous parlons encore en même temps : pff laisse tomber !


Elle éclate de rire.


Yumna : cette fois, je ne  parle même plus.


Elle nous devance en riant, Eddie et moi, nous regardons puis secouons la tête avant de la suivre. Il veut prendre ma valise, mais je refuse et la traîne jusqu’à sa voiture. Là, il m’aide à la ranger dans le coffre arrière. Nous attendons qu’il revienne pour monter tous les deux à l’arrière pendant qu’il prend place derrière le volant. Je ne finis pas de  boucler ma ceinture que Yumna pose sa tête contre mon épaule avant de m'étreindre à l’étouffement.


Yumna : je suis trop contente que tu sois là.


Moi respirant avec peine : je suis aussi content d’être là, mais attends au moins qu’on arrive chez toi avant de m’ôter la vie.


Elle me relâche brusquement.


Yumna : ohhh pardon !


Je lui souris puis la fixe intensément.


Moi : je pense que je me faisais du souci pour rien, tu as l’air de tenir le coup et j’aime ça.


Yumna tapotant l’épaule d’Eddie : c’est grâce à my Superhero ici.


Eddie (nous jetant un coup d’œil à travers le rétro) : non, c’est grâce à ta force mentale.


Yumna à moi : ne l’écoute pas, il fait son modeste. Il me traite depuis comme de la porcelaine en veillant au grain et en me couvant plus qu’il n'en faut.


Moi : merci bien mon gars, je te revaudrai cela.


Eddie un autre coup d’œil : tu ne me dois rien du tout, je l’ai fait pour ma bonne potesse. Elle n’a que moi ici d'ailleurs.


Moi : oui, mais n’importe qui ne ferait pas ce que tu as fait et continue de faire pour elle.


Yumna (se nichant à nouveau contre moi) : il a toujours joué ce rôle hein, il m’a pris sous ses ailes et je dois dire que c’est grâce à lui que ma vie ici est moins ennuyeuse.


Moi : je n’en doute pas une seconde.


Flottement.


Moi : et si tu me racontais maintenant l'incident dans les détails ? Tu as revu le type ?


Yumna soupirant : est-ce que ça t’ennuierait si je n’en parle pas ? Je préfère ranger ça dans un coin de mon passé. Ce serait comme remuer dans la plaie, déjà que j’en fais des cauchemars la nuit.


Moi la fixant avec compassion : pas du tout, j’imagine le traumatisme que ça a dû être pour toi. Toutefois en parler est le premier grand pas vers la guérison. Plus tu voudras le dénier, plus tu en feras des cauchemars. Dans tous les cas, ça reste enfoui dans un coin de ton subconscient et ça peut te détruire à tout moment


Yumna dans un souffle : ookk


Moi (lui pressant l’épaule) : tu  me parleras quand tu seras prête. Le plus urgent, c’est de faire coffrer cet imbécile. Je veux le voir en taule et plus vite ce sera, plus vite je serai soulagé. J'espère que vous savez où le trouver ?


Eddie qui répond : c’est faisable si et seulement si, il n'a pas pris la clé des champs. 


Moi : nous allons le retrouver peu importe s’il migre sur une autre planète. (Fixant Yumna) Je le retrouverai, je t'en donne ma parole.


Yumna hochant la tête : assurément, mais est-ce que vous pouvez au moins attendre qu’on soit rentré pour parler des choses tristes ? (boudant) Moi, je veux que tu me parles de ma maman et mon papa.


Eddie riant : non mais quel bébé !!


Elle lui tire la langue et je ris à mon tour.


Moi : tes parents vont bien si tu veux tout savoir. 


Yumna : ce n’est pas tout ce que je veux savoir, raconte-moi ce qu’ils ont fait depuis que je suis revenue à Utica.


Moi la fixant genre : tu es sérieuse là ?


Yumna moue d’enfant gâté : s’il te plaît….


Moi : lol.


On se met à casser du sucre sur le dos des parents jusqu’à la maison. Après mon installation, Eddie nous régale avec des nouilles chinoises au poulet accompagnés de cocktails sans alcool fait maison. Le délice était tel qu’après un bon bain chaud, je me suis affalé sur le lit et j’ai fait un roupillon de je ne sais combien d’heures. Quand j’ouvre mes yeux, Yumna était assise dans le fauteuil en face à m’observer intensément. Je me rends compte en plongeant mon regard dans le sien qu'elle était là sans être vraiment là. Au fond de ses yeux, je peux lire les milliers de questions qui lui taraudent l’esprit ainsi que son désarroi en ce moment . Elle tente surtout de se rassurer de ma présence dans cette chambre. 


Elle retrouve finalement ses esprits et tente de dissimuler son cri de cœur derrière le faux sourire qu’elle affiche actuellement.


Yumna : hey.


Moi : hey princesse.


Yumna : je t’ai réveillé ?


Moi (remuant la tête) : non, il fait quelle heure ?


Yumna : à peine midi.


Moi : les nouilles de ton pote m’ont assommé.


Yumna me souriant : j’ai vu ça.


Moi (tapotant la place libre à côté de moi) : viens là.


Ce qu’elle fait.


Moi regard appuyé : ça va toi ?


Elle hoche la tête.


Moi : tu peux tout me dire, tu sais ? C’est tout à fait normal ce que tu ressens et je suis là pour ça, pour t’écouter et t’aider à surpasser ce malheureux incident. Ça va peut-être prendre du temps, mais je refuse que tu te terres dans un mutisme ok ?  


Elle se mord la lèvre inférieure en hochant la tête.


Yumna se triturant les doigts : je… Je me dis que c’est ma faute s’il a voulu abusé de moi. Je… Je l’ai provoqué la première…


Moi posant l’index au milieu de sa bouche : chhuuuttt, ne dis pas ça. C’est un pervers, il a prémédité son plan avant même de l’exécuter selon les informations que tu m’as données. Il t’a agressé aussi bien verbalement que de visu pour finalement passer à l’acte lorsqu'il en a eu l'occasion, donc tu n’en es pour rien absolument pas. 


Yumna : comment ça se fait que je sois toujours visée par ce genre d'énergumènes ?


Moi : ton immense beauté frangine, voilà ce qui les attire. Tu n'as pas à te sentir coupable parce que tu n'as pas demandé à être belle. Je vais de ce pas t'inscrire à des cours d'autodéfense, non, je vais plutôt te prendre un instructeur personnel qui viendra t'apprendre des techniques d’autodéfense. Il ne faut pas qu’on se voile la face, tu n’en es qu’au deuxième.


Elle secoue la tête positivement, Eddie entre en ce moment en grande discussion au téléphone.


Eddie (dans l’appareil) : oui, je suis avec eux, je crois qu’une vidéo conférence serait plus appropriée. (…) Ok, connecte-toi sur Skype (…) à toute alors.


Il raccroche et se tourne vers nous.


Eddie : c’est mon frère, il veut qu’on statue sur la procédure à suivre.


Moi : très bien, je voulais justement aborder le sujet.


Eddie à Yumna : ton ordinateur est dans la chambre ? Nous allons l'utiliser pour nous connecter. 


Yumna : oui oui, sur ma table d’étude.


Eddie : ok, bouge pas, je vais le chercher.


Moi dès qu’il s’en va : tu dis que c’est ton pote, c’est ça ?


Yumna : bien sûr que oui.


Moi : hmmm.


Yumna arquant le sourcil : quoi ? 


Bruit bizarre dans le couloir.


Moi : on en parlera plus tard.


Yumna impatiente : mais parle non ?


Moi catégorique : on en parlera plus tard, j’ai dit.


Yumna claquant la langue : en tout cas !


Eddie entre en traînant une chaise qu’il vient placer devant nous, il repart et revient avec deux gros livres qu’il superpose avant de poser l’ordinateur portable dessus. Il actionne ensuite le démarrage et ne vient s’asseoir qu’une fois l’appel Skype lancé. Ça sonne un moment puis un mec que je suppose qu'il est le frère apparaît allongé sur le dos, une jolie petite fille couchée sur son torse, le pouce dans la bouche.


Lui : bonsoir à tous.


Nous en chœur : bonsoir le grand.


Eddie s’adressant à nous : lui c’est mon grand frère Bradley (fixant l’écran) Brad, les frères Ben Zayid.


Bradley : ah, d’accord, c’est Yumma ?


Yumna lui souriant : Yumna, oui, c’est moi.


Bradley sourire contrit : oops,autant pour moi (se tournant vers son frère) petit, tu caches les bonnes choses au State là-bas quoi, Yumna permet-moi de te dire que tu es belle, d’une beauté renversante. 


Je regarde Yumna qui a l’air gêné.


Eddie sur un ton de reproche : Brady !!! (à nous) Je vous présente mon frère dans toute sa splendeur. 


Bradley : lol, moi je dis simplement la vérité.


Yumna sourire ravie : merci grand frère, je te retourne le compliment.


Bradley : awww je suis si flatté qu'une déesse me trouve beau.


Yumna se cache le visage, je bouscule la tête en souriant.


Eddie l’air nerveux : bon, on peut maintenant passer à l’essentiel ?


Bradley se redressant : excusez-moi deux secondes.


Moi/Yumna : ok.


Nous le voyons bouger ensuite, il hausse le ton, je crois pour se faire entendre. 


Bradley : bebou, bébé ?


Voix de femme : dans la chambre des jumeaux.


Bradley : viens prendre Léana, je dois travailler.


On entend le bruit d’une porte qui s’ouvre puis des pleurs. 


Voix de femme plus proche : tu penses que moi-même, je te voulais ? Vilaine comme mes fesses prrrrr !!!


La petite pleure davantage.


Bradley : Tina tu es sur écoute, et puis ne me brutalise pas l’enfant.


La dénommée Tina : oops, je n’ai rien dit ohhh. (ajoutant) N’empêche que toi, tu es vilaine, comme ton papa.


Bradley : babe don’t worry, je vais te faire payer ça toute à l’heure !


Drôle de couple !


Eddie garde son air horrifié jusqu'à ce qu'il réapparaisse à l’écran.


Bradley : vous n’avez rien entendu, j’espère.


Yumna qui répond : rien du tout.


Bradley : je t'aime bien petite (sans transition) bon  dans le cas d’espèce la première chose à faire, c’est de déposer une plainte contre l'abuseur et dans le plus bref délai. J’espère que vous pouvez le retrouver facilement.


Eddie : pour le moment, on ignore s’il a pris la fuite ou pas.


Bradley : la police se chargera de ça, s'il le faut vous ferez intervenir un enquêteur. Il faudra également rassembler des preuves pour le contraindre à répondre à son acte parce que dans la majorité des cas, ces imbéciles n'admettent pas leur responsabilité. Ils nient même totalement les faits. (fixant Yumna) Ce serait bien si tu pouvais faire des examens spécifiques.


Yumna : euh je vais bien, à part une gifle, il n'a rien pu me faire d'autres. 


Bradley : dans ce cas, tu iras voir un psychologue. Si tu pouvais retrouver ton sauveur, ça nous donnera une longueur d'avance. Il aurait été un excellent témoin lorsque tu devras te retrouver devant le juge. 


Moi arquant le sourcil : je vais devoir me présenter devant une cour ?


Bradley : malheureusement oui, mais ne t'inquiètes pas, je serai là pour te guider.


Yumna la petite voix : merci.


Bradley : je t'en prie beauté.


Eddie intervenant : le problème, c'est qu'on a une chance sur mille pour le retrouver..


Yumna : il faut peut-être que je retourne sur le lieu de l’incident.


Moi brusque : surtout pas ! N'y penses même pas.


Bradley : il y a sûrement des cameras de surveillance dans cette ruelle, les enregistrements doivent être à la disposition de la police locale. Le plus urgent serait de vous rendre à la police pour porter plainte ensuite saisir un avocat pour vous aider. Je peux vous suggérer un collègue d'antan qui vit maintenant en Californie. Il est assez compétent pour ce genre de cas. 


Eddie : l’autre problème, c’est qu’il fait parti d’un gang et tu sais bien que ceux-là sont souvent de mèche avec les autorités.


Bradley : on fait donc appel à papa, il saura le frapper d’estoc et de taille. Déjà qu’elle est étrangère là-bas ce n’était pas parti pour être une sinécure donc il faut directement passer par la manière forte. J’en parle à notre père et je vous reviens pour la suite.


Moi hochant la tête : ok, nous sommes à l’écoute.


Bradley : ma belle n’hésite surtout pas à porter plainte, fais-le dans le plus bref délai.


Yumna : d’accord.


Bradley : ok, je dois vous laisser, les femmes de ma vie me réclament. Frangin, on se rappelle plus tard.


Eddie : ok, salue-moi Tina et les enfants.


Tina : bonsoir à toi aussi mon vrai chéri.


Bradley : rhoo bébé tu m’épiais ? 


Tina : on ne sait jamais avec vous les hommes, avec tous les muscles que tu te fais dans la salle…


Click !


Eddie tend la main pour raccrocher l’appel et se tourne vers nous penaud.


Yumna : j’adore le couple que forment ton frère et sa femme !


Eddie : pffff !!


Nous pouffant de rire : kiakiakiakia…



Le tournant décisif