Episode 19

Ecrit par Annabelle Sara


   

Alfred : Attends tu dis que Jules Abeng a cuisiné pour toi ? Il ne t’a pas touché… enfin juste pour un simple câlin sur le canapé ?

Pourquoi j’avais raconté ma soirée à cette commère encore ?

Moi : Al…

Alfred : Ce n’est pas le Jules Abeng que je connais ça… le chaud lapin qui… bref ! S’il se comporte bien avec toi c’est l’essentiel !

Moi : Tu entends quoi par chaud lapin ?

Il avait piqué ma curiosité.

Moi : Alfred parles !

Alfred : Rien de spécial ! Mon ami était un coureur qui jouait bien la vie et il était réputé pour sa capacité à allonger les filles très rapidement ! On l’appelait 2 jours sort…

Moi : Et c’est ce genre de mec que tu voulais me donner ?

Alfred : Chérie mon but était que tu baises ! Un bon coup ne t’aurais pas fait de mal ! Mais apparemment tu l’as piqué là où il fallait !

Moi : Alfred tu n’es pas sérieux ! En tout cas je te connais avec ta longue bouche donc gardes ça pour toi !

Alfred : Euille, je n’ai pas l’intention de parler de ça à quelqu’un hein… en même temps si tu sais que je bavarde trop pourquoi tu viens me raconter ?

C’est quoi ces hommes du 21ème siècle qui font le kongossa plus que les femmes comme ça.

Alfred : Le plus important c’est que tu as aujourd’hui quelqu’un qui peut te soutenir d’une autre façon que les filles et moi…

Alfred et ses insinuations, il me gagne vraiment souvent mais je dois avouer que la présence de Jules durant ces deux dernières semaines a été vraiment bénéfique.

Moi : Il m’a aidé je l’avoue ! Mais…

Alfred : Tu as beaucoup de choses que tu dois gérer seule je sais ! J’ai vraiment été choqué par le décès de ta sœur, mais le traitement que vous a réservé la famille de ton père c’était juste inhumain !

Moi : Alfred s’il te plait ne me parles pas de ces gens s’il te plait !

Je ne voulais pas me rappeler de mauvais souvenir sachant que je n’avais pas encore fini avec l’enquête sur le décès de ma sœur. Gérôme avait dit qu’on discuterait à mon retour des obsèques de ma sœur, en plus de tout cela il y’avait le travail. J’y pensais parce qu’à mon arrivé ce matin Tony m’avait rappelé mes obligations vis-à-vis de la boite. Donc pour voir ma mère je lui avais demandé de décaler son voyage pour demain matin, ainsi nous aurions le temps de discuter toutes les deux durant la nuit.

Alfred : Je t’ai vu discuter avec Tony ce matin ! Il voulait quoi ?

Comment ce gars fait souvent pour ne rater aucunes infos croustillantes, j’ai d’abord bu une gorgée de mon eau minérale.

Moi : Il voulait savoir si je suis d’attaque pour retourner en formation. Tu sais que c’est le dernier mois, durant une semaine je me suis excusée et il m’a remis les cours que j’ai ratés…

Alfred : Hum ! Ce gars t’aime bien hein !

Moi : Pourquoi tu dis ça ?

Alfred : Avec un autre employé il aurait tout simplement mis un terme à sa formation et l’aurait observé pendant une ou deux années avant de le recommander encore !

Il avait raison, Tony me faisait beaucoup trop de fleur et depuis que je lui avais demandé de ne plus s’approcher de moi, ce qu’il avait fait, je m’attendais à de l’animosité de sa part mais c’était tout le contraire.

Moi : Il sait que je mérite cette promotion !

Alfred : Moi je crois qu’il a vraiment un faible pour toi ma fille !

Moi : Alfred, il a une copine ! Le jour où il m’a accompagné en formation je l’ai entendu ! Et pour faire genre il m’a sortie le modèle du gars qu’une fille harcèle ! Je n’ai pas 15 ans hein !

Alfred éclata de rire.

Alfred : Je ne sais pas s’il a une go, mais je sais qu’il n’est pas marié et puis il s’intéresse à toi…

Moi : Je te rappelle que tu m’as macqué avec ton ami…

Alfred : Et vous n’êtes pas encore mariés ! La seule relation dans laquelle tu es tenu à la fidélité c’est celle où tu as juré devant Dieu et devant les hommes, les autres là c’est le « cherchement »… on ne connait pas le caillou qui tue l’oiseau !

Il est sérieux en me demandant de jouer sur deux tableaux ? Bon ce n’est pas comme si je ne sais pas jongler entre deux hommes mais, je doute d’avoir encore les réflexes là ! Et puis je n’ai vraiment pas le temps pour ce genre de chose.

Je ne voulais pas me lancer dans une discussion sur la fidélité dans une relation avec Alfred, alors j’ai laissé couler. Oui je trouvais Tony flexible avec moi, mais je pense que c’est principalement parce que mon travail est incontestable, en même temps j’avais tout de même justifiée mon absence durant cette période difficile. Le soir à mon arrivée en formation, c’est avec surprise que j’ai reçu les vœux de condoléances de Christina. Avec le temps cette fille avait comprit que pour le bon déroulement de notre formation nous avions intérêt à nous entendre donc elle avait commencé à laisser son masque hautain là dehors avant de venir en formation.

C’est très tard dans la nuit que je suis allée chez ma mère pour passer la nuit avec elle. Elle avait les traits tirés, la fatigue de ses deux dernières semaines commençait à peser sur ses épaules. Lorsque je suis arrivée elle discutait au téléphone avec une des femmes de son association, apparemment les femmes voulaient organiser une prière pour Magon, et maman lui expliquait qu’elle devait aller à Bafia pendant quelques jours pour s’occuper de ma grand-mère.

Pendant qu’elle discutait j’en ai profité pour aller me servir à manger dans sa cuisine. Bien évidemment, il n’y avait rien à manger. Je pari même qu’elle avait passé la journée le ventre vide, j’en ai donc profité pour sortir pour aller acheter un poisson braisé chez une dame qui vendait au bord de la route, celle-ci passa son temps à me demander des nouvelles de ma mère et de me donner des conseils pour la soutenir.

La vendeuse : Tu es sa seule fille maintenant, tu dois t’assurer que ta mère va bien… Prends des nouvelles d’elle de temps en temps, quand tu peux tu viens rester avec elle…

Moi : Ok j’ai compris  la mère !

C’était drôle la façon dont certains s’imaginent qu’ils doivent me dire comment prendre soin de ma mère. C’est la seule famille qui me reste, il est hors de question que je l’abandonne à elle-même. Je connais mon devoir envers elle !

En revenant  à la maison, mon plateau de poisson chaud dans la main, avec pour idée de le remettre pendant 5 min dans le four, mon cœur se fendit en tombant sur ma mère en larme à même le sol cimenté de son salon, les photos de Magon éparpillées devant elle.

Moi : Mama…

J’ai balancé le plateau sur le premier meuble que j’ai traversé.

Moi : Mama tche kère bi zii zey ? (Mama que fais tu à même le sol ?)

Ma mère : Mekeng a’a tsèb kè le ! Magon ari fé ? (Mekeng ce n’est pas une vie ça ! Magon est où ?)

Moi : Mama lèves toi s’il te plait…

Ma mère : Me lever ? Qui va me soutenir ? J’ai accouché mes deux enfants, pour que si je tombe deux paires de mains me soutiennent, toi à droite et ta sœur à droite… Tu vas me relever seule ? Tu vas me supporter seule ? Ma fille tu n’as même pas encore fait ta propre vie…

Moi : Je suis ta fille je serais toujours là pour te soutenir, même s’il faut que je fabrique une autre paire de bras pour te soutenir je le ferais !

Je l’ai prise par les dessous des bras et je l’ai relevé du sol ! Elle a le droit de pleure sa fille mais n’a pas intérêt à me lâcher, nous sommes encore là moi et ma grand-mère et nous comptons sur elle. Une fois assise sur son canapé je me suis installée avec elle.

Moi : Mama, nous ne pouvons pas faiblir maintenant…

Ma mère : Comment veux tu que je ne faiblisse pas, le toit de ma maison s’est envolée en dévoilant mes toilettes au fou qui passe !

Moi : Mama… Nous sommes nombreux qui avons besoin de toi ! Ma’a est au village tu crois qu’elle a envie de perdre sa deuxième fille ? Et moi ? Tu as pensé à moi ?

Ma mère : Je sais !

Moi : Mama l’enquête de la police n’est pas finie ! Nous ne sommes pas encore à l’abri…

Ma mère : Comment ça ? Je croyais que comme ta tante est en prison tout est fini noooo ?

C’est vrai que ma mère ne connait pas tous les détails de la situation dans laquelle sa sœur et la mienne nous ont mis.

Moi : Mama… Ta sœur vendait des enfants à une loge avec un réseau qui va jusqu’au Gabon… Gérôme m’a dit qu’il ne sait pas encore jusqu’où ça va, si nous autres sommes à l’abri ou pas, s’il y aura les représailles ou pas !

Ma mère : Kiki quand tu me racontes quelque chose soit explicite ! Depuis tu me parle de cette histoire je n’ai pas encore compris qu’est-ce que les femmes là faisaient exactement.

J’ai alors raconté à ma mère ce qu’elle ne savait pas de sa sœur. Son réseau de fille porteuse de grossesses, de son lien avec une loge ésotérique, les sacrifices d’enfant, les bébés prématurés et leur importance.

Moi : Magon est morte parce que son organisme n’avait pas supporté qu’on provoque son accouchement, elle a perdu beaucoup de sang pendant la césarienne et sa tension était extrêmement élevée…

Les yeux de ma mère perdaient leur brillance comme lorsqu’on lève le voile sur une mauvaise farce.

Ma mère : Et son bébé ?

J’ai pris un moment de réflexion avant de répondre.

Moi : Je ne sais pas mais la police n’a pas trouvé de bébé là-bas !


KIKI DU 237