Episode 6
Ecrit par Nifêmi
Episode 6
"Les larmes qui coulent sont amères mais plus amères encore sont celles qui ne coulent pas."
Proverbe Gaélique
Deux mois ce sont écoulés sans que mon père ne sache ce qui s’était passé. Man’mi m’a demandé de ne rien dire à papa. Et connaissant papa, il était capable de commettre un meurtre. Je n’avais le choix puisque j’avais honte d’avoir été souillée et aussi, j’aurai du mal à vivre un autre drame. La mort de Banji, le viol et papa enfermé pour meurtre. Mon choix a été unique. Mais contre toute attente… j’étais tombée enceinte !! À quelques semaines de ma prochaine rentrée scolaire ! C’était une torture.
En effet, suite aux fièvres et vomissements maman a vite compris. Elle avait pris soin de ne rien me dire sans informer papa au préalable. J’étais allongée dans mon lit lorsque les deux étaient rentrés dans ma chambre. J’ai compris qu’il y avait un truc qui n’allait pas. J’espérais du plus profond de mon cœur que Banji est revenu et qu’il avait simplement disparu. J’ai prié intensément en quelques secondes juste pour entendre :
- Ma fille, comment tu te sens ? avait demandé papa
- Je vais toujours mal. Quand est-ce que j’irai à l’hôpital. Ce mal dure depuis deux jours
- Oui ma petite, tu iras. Mais je tenais à te dire que ta mère m’a tout raconté !
- Quoi !! ai-je dit, perturbée
- Calme-toi ma fille. Je sais ce qui s’était passé. Je suis si triste qu’il est pu te faire ça. Je condamne ta mère de t’avoir fait garder le silence concernant cet acte abominable. J’aurai dû être informé ce jour-là et il saura qu’on ne touche pas à ma fille.
- …
- Si ta mère m’a informé c’est parce qu’elle soupçonne une maladie sur toi. On ira à l’hôpital et je prendrai la décision dès notre retour. Tout dépend du résultat d’analyses
Et c’était tout, il s’était levé. Man’mi l’avait suivi quelques minutes plus tard. Je regardais le plafond, j’étais malade et j’étais encore plus mal de croire que je sois enceinte. J’ai pleuré quelques minutes, je gardais espoir que je recommencerai la rentrée prochaine enceinte ou pas. Mais malheureusement j’étais enceinte de moins de un mois. Si seulement c’était plus de deux mois je ne serais moins inquiétée.
La décision de papa a été lourde de peine et de chagrin. Cette décision de papa a détruit notre famille. Il a juste fait appel à Afoaka pour l’obliger à me prendre comme épouse sans dot car il le fait malgré lui, juste pour éviter la honte de ce qu’on pourra dire. Et c’est ainsi que j’ai rejoint le foyer de mon violeur. Afoaka vivait avec trois femmes et huit enfants dans une maison qui n’avait même pas de portail. Il vivait dans la maison en brique avec ses trois femmes. Il m’a fait construit une cabane en bois en guise d’habitat, une natte me servait de lit et une lanterne à huile éclairait la cabane. Pendant qu’il vivait la belle vie de l’autre côté. C’était tant mieux car j’avais besoin de calme et de solitude.
On me nourrissait seulement une fois par fois chez lui malgré mon état. La cuisine était fermée à cause de moi. J’avais juste 15ans. La première femme avait 38 ans, la seconde 32 ans et la troisième 25 ans. Les deux premières étaient Ibo comme lui et la troisième du même milieu que moi. Seule la dernière, Inadjoabè, m’apportait à manger. Elle me traitait mieux puisqu’elle avait de la compassion pour moi. Mais moi je ne lui faisais pas confiance.
Pendant les trois premiers chez Afoaka, ma tante m’envoyait des vivres et de la nourriture préparée. Pendant ce temps, papa n’allait plus au boulot car sa santé se dégradait. J’étais à cinq mois de la grossesse quand on m’a annoncé que mon père avait rendu l’âme (RIP). Il était mort de chagrin. Je n’avais pas eu le temps de faire la paix avec lui, je ne lui avais pas pardonné cette décision de me marier à ce violeur. Man’mi était inconsolable. Elle rejoint on époux deux mois après, me laissant seule dans ce monde. Nous étions une famille maudite je pensais. Je savais aussi que j’allais mourir d’ici peu.
J’étais à sept mois de grossesse lorsque je m’étais retournée chez nous pour ranger les effets de mes parents quand les frères de papa m’ont traité de tous les noms et me jetant au dehors. Pour eux je n’étais qu’une bâtarde qui devrait avoir honte de revenir, car j’étais la cause de la mort de mon père et de ma mère. Le ciel m’était tombé sur la tête. En moins d’un an j’ai connu le drame de toute une vie.
Alors je n’avais pas d’autres choix que de revenir chez Afoaka que j’avais vu il y a des mois. La gentillesse d’Inadjoabè m’avait finalement conquise. Elle était devenue une grande sœur et une guide pour ne pas flancher dans cette maison. J’avais pu enfin lui ouvrir mon cœur jusqu’à lui parler de Banjoko. Elle en avait les larmes aux yeux :
- Malgré ce que tu as subi, notre mari n’a même pas eu pitié et il t’a violé.
- Tu le sais comment ? ai-je demandé étonnée
- On le sait toutes ici. Il nous l’a dit. Ayanti et Anigekwu, elles autres te détestent à mort.
- Pourtant je ne leur ai rien fait. Je n’ai pas pris leur mari, c’est lui qui m’a pris de force et m’arracher la vie qui m’était due. Ai-je dit en pleurant
- Ne pleure pas Folakè, tu n’as pas besoin de faire du mal avant que quelqu’un ne te déteste. Au début aussi elles ne m’avaient pas accepté mais maintenant ça va. Elles sont des cousines germaines c’est la raison pour laquelle elles sont soudées.
- Merci infiniment pour ton soutien. Au début j’avais peur…
- Oh, oublie ça. Je t’ai compris.
C’est ainsi qu’une belle complicité s’installa entre elle et moi. Malgré la maltraitance des autres femmes. Elles ne passaient que leur temps à parler leur langue en m’insultant, selon Inadjoabè.
A huit mois de grossesses, j’étais tellement grosse et j’aimais déjà ma grossesse. Je priais que mon enfant soit une fille pour en faire une meilleure amie. Ce matin, à mon réveil, j’ai prié le seigneur de m’accorder son pardon. Ensuite j’ai ouvert la porte de ma cabane. A peine ouvert que l’une des deux premières me versa de l’eau visage et la seconde me roua de coup. Elles m’ont tellement battue sans que je ne sache ce que j’ai fait. Heureusement que Inadjoabè n’était pas loin pour venir me secourir. Elles ont fini par me lâcher en me crachant dessus. J’étais en pleurs et je me tordais de douleurs :
- Qu’est-ce que j’ai fait seigneur ? criai-je en pleure. J’ai fait quoi pour mériter tout ceci ? les dames là, je vous ai fait quoi ? tuez-moi c’est mieux.
- Lâchez cette fille, femmes sans pitié
C’était Afoaka qui venait aussi prendre ma défense. Il a commencé par se chamailler dans leur langue avec ses femmes. Pendant ce temps, Inadjoabè m’aida à retourner dans mon abri de fortune.