Episode 9

Ecrit par Annabelle Sara


Trouver une moto-taxi à l’intendance relevait du miracle, c’était donc un miracle qu’en plein midi je tombe sur une moto qui accepte de me déposer derrière l’Ambassade du Nigéria, devant le domicile de Mr Kamgaing (le Baham).

Il y avait une foule qui assistait à la scène la plus grossière qu’avait provoquée Charlotte de tout son parcours de Ndjomba. Ma copine était devant la maison que dis-je le portail de son sponsor, un bidon de ce qui ressemblait à de l’essence dans une main un briquet dans l’autre main.

Mon cœur failli s’arrêter de battre, en partant du boulot j’avais embarqué Alfred avec moi, c’est lui qui s’occupa de la course de la moto-taxi tandis que je courais vers mon amie. Un homme dans la foule m’attrapa avant que je n’arrive à son niveau.

Le Type : Madame vous allez où ? Elle a versé l’essence sur elle…

C’est à ce moment que j’ai remarqué que ma copine était mouillée, le Bidon à moitié vide. Des gens lui criaient de se calmer de ne pas allumer le briquet, de penser à sa famille.

Nyango voulait mettre un terme à sa vie ! Le choc me fit réagir.

Moi : CHARLOTTE !

J’avais crié tellement fort que tous les regards se sont brusquement braqués sur moi. Mais ce qui m’intéressait c’était la folle fille qui était devenue mon amie à la période la plus noire de ma vie.

Moi : Charlotte… Ma puce qu’est-ce que tu fais ?

Je ne reconnaissais plus Nyango, elle portait un Kabas délavé, sa brésilienne n’était pas peignée et le pétrole qu’elle s’était versée dessus collait les mèches sur son visage.

Nyango : Kiki je préfère mourir… Je veux mourir… C’est mieux…

Moi : Pourquoi ma puce ? Mieux pour qui ?

Ses yeux étaient lointains mais je cherchais à prendre contact avec elle je devais prendre contact avec son regard parce qu’elle me regardait sans me voir.

Nyango : Kiki… Il s’est remarié !

De quoi elle parle ? J’ai rapidement jeté un coup d’œil sur la foule à la recherche de Pat parce que je ne comprenais pas ce qui avait mis ma copine dans cet état.

Nyango : Kamgaing s’est remarié avec sa femme… Hier !

Moi : Je ne comprends pas ma chérie…

Pat apparut à mes côtés avec Alfred et murmura à mon oreille que le Baham avait épousé sa femme une seconde fois avec le même régime monogamique.

Nyango : Il m’a menti, il a encore épousé sa femme, après m’avoir promis la terre, la lune et les étoiles…

Les pleurs de ma copine me touchèrent profondément, nous n’avions pas vu venir ce scénario, personne n’aurait pu prédire que le Baham fasse un coup pareil à Charlotte.

Moi : Chérie Je suis vraiment désolée d’entendre ça, c’est un salopard comme beaucoup d’homme…

Nyango : TOUS LES HOMMES !

Elle avait crié en agitant le bras qui tenait le bidon de pétrole, effrayant la foule qui recula sous cette menace, moi je n’ai pas bougé même si Alfred et Pat essayait de me retenir en me tirant par les bras.

Moi : Oui Nyango, ce sont tous des salopards, qui mieux que nous deux le sait ? Nous l’avons expérimenté et avons enduré les mensonges, les infidélités, les humiliations et les coups de ces hommes qui s’imaginent au-dessus de tout !

Nyango : Je te jure ! Des idiots qui pensent qu’ils sont les ROIS du monde…

Elle se mit à rire de frustration, rire qui se transforma en pleurs.

Une voix de femme : Quelqu’un t’avait envoyé ? Tchiza…

La réponse violente de Charlotte me fit peur à moi aussi, la voir hurler ainsi à la mort en se versant un produit inflammable sur elle-même me fit paniquer, mais je ne pouvais pas reculer, je ne voulais pas reculer alors j’ai échappé à Alfred et je me suis rapprochée de Charlotte en mettant mes pieds sur la flaque d’essence qui entourait mon amie. Alfred et Pat criaient derrière moi.

Moi : Nyango si tu allumes le briquet je vais bruler avec toi…

Elle se retourna et remarqua ma présence, je ne reconnaissais pas mon amie, ma sœur.

Nyango : Pourquoi tu fais ça ?

Moi : Pourquoi toi tu fais ça ? Tu veux mourir pour un idiot qui n’a pas pu reconnaitre la femme de valeur que tu es ?

Nyango : Je ne peux pas supporter ça Kiki, ça fait trop mal…

Moi : Je sais ma puce je suis passée par là mais regarde-moi aujourd’hui je continue d’avancer et tu sais comment j’y arrive ?

Elle secoua la tête.

Moi : Parce qu’à chaque fois que j’en ai eu besoin tu étais là pour moi… Tu étais toujours là… À Chaque fois ! Laisses moi être là aujourd’hui ma sœur…

Ma voix tremblait, mais je m’efforçais de ne pas le montrer, je regardais son doigt sur le briquet prêt à le déclencher et je me suis dit s’il m’arrive quelque chose là maintenant que va-t-il se passer pour ma petite sœur.

Moi : Tu as pensé à Ma’a Hortense ? On va l’appeler au village pour lui dire que sa fille s’est brulée ? Tu veux que la pauvre femme là s’éteigne à petit feu parce que sa Nyango est partie ?

Nyango : Non…

Moi : Tu veux que Pat reste se chamailler avec qui si tu pars…

Pat fondit en larme dans mon dos.

Pat : Nyango pardon lâches le briquet là…

Nyango : Seigneur !

Moi : Ma copine je ne vais pas te mentir… Dieu n’est pas fou ! S’il te fait vivre cette situation aujourd’hui c’est parce qu’il sait que tu peux supporter ça, il t’a faites avec une étoffe spéciale, tu apprends la leçon de la façon la plus rude mais tu peux le supporter. Et nous sommes là pour toi… Tu n’es pas seule !

Elle me regardait et l’espace d’une seconde je vis sa main se desserrer sur le briquet, avant que je n’ai eu le temps de réagir deux gros bras m’ont rattrapé pour m’éloigner de Charlotte pendant que des hommes en vêtement de pompier l’encerclaient pour la débarrasser de son bidon et du briquet qu’elle tenait.

Voir ma copine s’affaler sur le goudron devant cet immense portail fut ce qui me m’acheva. Je criais son nom voyant qu’elle était évanouie, les gens criaient et la police essayait de les disperser pour permettre aux pompiers de s’occuper de Nyango. Je me débattais avec hargne pour échapper aux mains qui me retenaient fermement.

Moi : CHARLOTTE ! Lâchez-moi !

Une voix d’homme : Calmes toi, ils vont s’occuper d’elle…

Je connais cette voix ! En me retournant c’était lui : Gérôme !

Moi : Gérôme ?

Gérôme : Ne t’inquiète pas pour Nyango… Ils vont bien s’occuper d’elle !

Moi : Gérôme… C’est toi ?

Gérôme : Oui Kiki c’est moi !

Il me tenait fermement, je me souvenais qu’il avait toujours eu cette façon particulière de me serrer contre lui, contre son cœur, ce cœur que j’ai piétiné.

Moi : D’où…

Gérôme : C’est mon secteur !

Des éléments des sapeurs-pompiers passèrent devant nous avec Charlotte allongée dans une civière, trempée d’essence, elle était inconsciente. Il desserra son emprise sur mes hanches et me lâcha.

Gérôme : Tu veux allez avec elle ?

Moi : Oui… Bien sûr !

Gérôme : Ok, mais tu vas devoir m’attendre à l’hôpital je dois te parler !

Il ne me donna aucune autre explication avant de se retourner et aller vers ses collègues qui étaient tous réunis avec les gens qui avaient assistés à la scène. Les pompiers m’ont autorisé à entrer dans le véhicule qui leur servait d’ambulance pour accompagner ma copine pendant que Pat nous suivait en taxi et qu’Alfred retournait au boulot pour expliquer où j’étais passée.

À l’hôpital j’ai contacté, le grand frère de Charlotte qui n’a pas hésité à nous rejoindre, on a interdit les visites disant qu’elle devait d’abord rencontrer des psychiatres comme elle avait tenté de se suicider, et rencontrer la famille ou les amies risquerait de plus la fragiliser.

 Nous étions assises dans les couloirs de l’hôpital central lorsque Gérôme était arrivé, il a discuté avec un docteur avant de demander à me parler en privé.

Une fois à l’abri des regards il explosa.

Gérôme : Tu peux m’expliquer à quoi tu pensais ?

J’étais surprise qu’il me gronde de cette façon. On ne s’est pas vu depuis deux ans et la première fois qu’il pose ses yeux sur moi c’est pour me hurler dessus ?

Moi : Ekié qu’est que …

Gérôme : Si je ne me retenais pas je te donnerais une bonne gifle !

Moi : Et pour qu’elle raison ?

Gérôme : Tu te prends pour superwoman ? Allez te placer sur une flaque d’essence pendant que l’autre folle qui te sert d’ami tiens un briquet ?

Moi : Je ne te permets pas de la traiter de folle !

Gérôme : Son comportement d’aujourd’hui c’était quoi ? Imagine une seconde qu’elle allumait son briquet… Même par erreur !

J’y avais pensé mais pas avant d’avoir posé les pieds sur la flaque d’essence.

Gérôme : Je t’ai toujours dit que cette fille allait te causer des problèmes…

Moi : Et alors ? Je devais regarder ma copine s’immoler sans agir ?

Gérôme : Te mettre en danger n’était pas la solution non plus…

Là j’étais furieuse il n’avait aucun compte à me demander !

Moi : Je devais vous attendre ? Vous qui arrivez toujours cinq minutes trop tard ? Avec les excuses bidon comme il n’y a pas d’essence dans les véhicules, tous les véhicules sont dehors… Elle aurait allumé le feu sur elle mais même l’eau vous n’auriez pas eu !

Gérôme : Donc maintenant c’est de notre faute ?

Moi : C’est à cause d’un homme comme toi que ma copine a voulu se bruler vive au milieu de la route…

Gérôme : J’aime la façon dont ça devient tout à coup ma faute… Je te rappelle qu’elle sortait avec un homme marié et qu’elle a bien failli briser son foyer… Ta copine est une Tchiza folle furieuse !

La gifle était partie avant que je ne m’en rende compte et je l’avais frappé fort, la lueur noire dans son regard lorsqu’il se toucha sa joue me fit reculer d’un pas. Avant que je ne m’en rende compte il m’avait rattrapée, une fois de plus par les hanche, mais cette fois la pression de ses doigts avait une autre intensité, il ne voulait plus me sauver de la mort, mais il voulait m’infliger une punition.

Et quelle punition !

L’invasion de la bouche fine de Gérôme contre mes lèvres pulpeuses était comme une vielle habitude, un goût que vous avez bien enfoui et que vous reconnaissez au moindre contact. Je n’avais pas oublié l’effet de cet homme sur moi, sur mes sens, lui et moi c’était le feu et le sang, la chaleur qui pli le verre et le façonne. Sans que je ne m’en rende compte j’étais agrippée aux grandes épaules larges de mon sauveur, les jambes encerclant ses hanches étroites, le dos contre mur que je n’avais pas remarqué avant, acceptant la punition que m’infligeaient ces lèvres et ses mains qui avaient toujours en mémoire mon goût, ma chaleur, mes angles…

Gérôme : Quand je t’ai vu placée au milieu de ce liquide inflammable mon cœur… Ce cœur que tu as brisé s’est mis à battre !

Moi : Gérôme...

Gérôme : Non…

Il me fit glisser contre le mur, le long de son corps.

Gérôme : Vas au chevet de ton amie !


KIKI DU 237