Family therapy

Ecrit par Farida IB


Armel....


Je suis en train de boucler le dossier Cassidy pour rentrer avec elle à Lomé, avec un départ souhaité dans les prochaines 24  h. J'ai décidé de ne pas la lâcher si près du but. Enfin, c'est l'idée de Debbie à laquelle j'ai adhéré. Après tout, je suis venu ici pour ça et mon déplacement n'aurait servi à rien si je rentre bredouille. C'est à cet ainsi que je suis sur le pied de guerre depuis deux jours pour lui obtenir un passeport d'urgence en lieu et place d'un simple laissez-passer et ma requête auprès du consul est sur le point d'être recevable. Elle sort à l'instant de son interview donc nous n'attendons plus que de recevoir l'original du passeport et toute la paperasse nécessaire pour rentrer sur Lomé.


Nous avons patienté quelques heures avant de les recevoir. Entre temps lundi, je me suis rapproché de la section consulaire de l'ambassade, prendre des renseignements pour savoir dans quelle mesure accélérer son rapatriement. Ensuite demander comment cela va se passer. Ils m'ont expliqué que les pièces requises étant au complet, nous devrions attendre maximum trois jours. Mais déjà le lendemain, donc aujourd'hui, j'ai reçu une convocation pour une interview cette soirée étant donné son état de santé. En ce qui concerne son rapatriement, soit elle se fait accompagnée par un médecin ou un personnel infirmier sur un vol de ligne en classe affaire, soit on la rapatrie sur un vol sanitaire c'est-à-dire dans un hélicoptère ou un jet privé médicalisé. J'ai opté pour le premier choix, en plus de prévoir une ambulance au départ et à l'arrivée. 


C'est ce que je lui explique à la sortie de l'enceinte de la section consulaire. Une fois mon monologue terminé, je lui lance un regard appuyé en attendant une réponse ou une réaction de sa part qui ne vient toujours pas. 


Moi : bon je vais y aller.


Elle hoche la tête en regardant droit devant elle et s'en va en direction des hébergements soutenue par une infirmière. Je rejoins Manju dans la voiture en soupirant longuement et nous sommes allés manger avant que je rentre à l'hôtel boucler mes  valises. Pendant ce temps, j'ai le rapport sur l'évolution de la santé de ma mère en temps et en heure via mi amor. Vous la connaissez comme toujours au taquet. C'est elle mes yeux et mes oreilles auprès de ma mère. Je peux dire qu'il y a eu plus de peur de mal. Bon, je ne dirai pas qu'elle est juste tombée en syncope, mais ce n'est pas un infarctus ou un truc grave dans le genre. Ce que je sais jusque-là suffit à me rassurer quoique j'attends de la voir de mes propres yeux pour l'être profondément. Pour le moment, j'évite de rentrer en contact avec elle. Je ne sais sincèrement pas sur quel pied danser avec elle en fait. Déjà que je suis coupable de son état, je ne veux pas prendre le risque de l'empirer. 


Mes valises faites, je suis parti prendre une douche et reviens dans la chambre enfiler un bas de pyjama. Je prends mon téléphone en allant m'asseoir sur le lit, un pied replié sous moi pour faire le point de ma sortie à Debbie quand je tombe d'emblée sur le message d'Eddie.


Eddie : petit appelle-moi dès que tu es en ligne, urgent.


Ce que je fais sur le coup, il décroche à la première tentative.


Eddie : depuis le temps que j'attends ton appel !


Moi : bonsoir,


Je l'entends soupirer.


Eddie : bonjour, comment tu vas ? 


Moi : bien et toi ?


Eddie : ça peut aller, il se passe quoi au bled ? 


Moi : rien, qu'est-ce qui te fait penser qu'il se passe quelque chose ?


Eddie : en ce moment, personne ne me donne des nouvelles. En plus, je me pose des questions depuis hier, je cherche à parler à maman, elle ne décroche pas mes appels encore moins répondre à mes messages alors que d'habitude, c'est elle m'écrit ou m'appelle. J'ai demandé à Bradley qui m'a promis d'aller jeter un coup d'œil à la maison et voir ce qui se passe. Depuis lors, je suis en entente de réponse et dans le même temps ton téléphone ne passe pas. Papa est en mode hibernation. La seule que j'ai sous la main, c'est Marianne et elle ne me dit rien de convaincant. Dis-moi sincèrement, Armel, maman, est-elle décédée ?


Moi m'exclamant : mais non ! Qu'est-ce que tu racontes ? (biaisant) Je ne suis pas à Lomé en ce moment, mais je te tiens informé si j'apprends quelque chose. Mais rassure-toi, as de nouvelles bonnes nouvelles.


Eddie soupirant : il y a quelque chose qui ne va pas, Armel. Je vous trouve tous louche. Et pourquoi ton numéro ne passe pas ? Tu es où ? 


Moi simplement : en mode trip.


Eddie : avec une nana ?


Moi : on peut dire ça.


Eddie : Elli change un peu ! 


Moi (avec un sourire en coin) : j'ai changé, et même que je suis sur le point d'épouser l'amour de ma vie, mais tu ne me croiras pas.


Eddie : bien sûr que je ne te crois pas. Bon je suis saint Thomas.


Moi : ma réputation m'a précédé.


Eddie : tu le dis si bien (pause) désolé frérot si je ne donne pas souvent les nouvelles. Tu sais...


Moi complétant : les réalités au state sont autres, tu n'as pas souvent le temps même pour tirer une caisse.


Eddie avec un rire de gorge : ne me prête pas des mots (parlant sérieusement) je vais me rattraper. 


Moi fronçant les sourcils : qu'est-ce qu'il y a ? Tu vas mourir ?


Eddie : pourquoi tu me demandes ça ?


Moi : tu es en train de confesser tes péchés-là.


Il rigole.


Eddie : en fait, je me suis rendu compte de certaines choses pendant une discussion avec Yumna.


Moi : je vois.


Eddie : j'aurais bien aimé continuer de discuter avec toi, mais je dois me rendre au cours.


Moi : no mind, je suis ouvert 24/24.


Eddie : lol, n'oublie pas de me tenir au courant si tu as des nouvelles. 


Moi : sans souci.


Eddie : à toute frérot, je t'aime.


Moi le charriant : à toute mon amour, je t'aime aussi. Bisou.


Eddie riant : wallah tu es trop con Elli.


Il raccroche en me laissant pensif. D'habitude Bradley le tient informer de tout, s'il ne l'a pas fait, c'est qu'on me cache quelque chose. J'appelle Debbie pour lui demander, ça sonne un moment dans le vide. J'envoie un message auquel elle ne répond pas tout de suite. Elle est sûrement occupée, elle travaille sur un dossier qui lui donne du fil à retordre. Ça n'a pas été possible non plus de joindre Bradley. Je me suis résigné à prendre les nouvelles de mes potes en attendant. Je les ai un peu négligé avec tout ce qui se passe dans ma vie. En dehors de Magnime qui connaît la situation par le biais de Tina, je n'ai rien dit aux autres. De leur côté, il ne se passe rien que je ne sache déjà. Les vieilles choses de Magnime qui se languit de Romeo. Djifa profite de sa vie de couple, Alex à fond dans son love qui va vite à mon goût néanmoins. J'étais en train de répondre à un message de Paterson quand la réponse de Debbie arrive. Elle était occupée par son nouveau dossier. Sur le moment, elle est au chevet de ma mère dont l'état est toujours stable. La même chanson qu'ils me fredonnent depuis qu'elle a été admise à l'hôpital. J'ai attendu qu'elle soit rentrée chez elle pour lui confirmer mon retour imminent. 


Je dors préoccupé cette nuit-là, il y a quelque chose dans sa voix qui m'interpelle. Je sais qu'ils ne me disent pas tout du coup, il faut que j'aille le découvrir par moi-même. J'ai plus que hâte de rentrer. 


Le lendemain, je sors de la chambre que pour régler ma facture d'hôtel ensuite me rendre à l'ambassade pour suivre l'ambulance qui transporte Cassidy à l'aéroport. C'est au cours du trajet que je règle le solde tout compte de Manju, il a reçu un bonus pour ses loyaux services. Les formalités me prennent plus de temps puisque je les effectue doublement.  


.........


Le soleil vient de se lever sur la capitale togolaise lorsque l'avion se pose sur le tarmac. Une ambulance passe récupérer Cassidy sur le tarmac pour une clinique où ses parents l'attendent impatiemment tandis que le temps me semble interminablement long dans la file d'attente devant le guichet de contrôle. Quand je récupère enfin mon passeport, je speede vers la sortie du terminal en espérant que Debbie soit déjà là. Je pousse les battants avec mon charriot, au même moment, je la vois, qui entre dans le hall. On se sourit pendant qu'elle court dans ma direction. Je lâche le charriot pour la réceptionner dans mes bras en la serrant de toutes mes forces. Elle enfonce sa tête dans mon cou et nous restons ainsi pendant de longues minutes.


Moi m'abaissant à son oreille : il faudrait qu'on y aille maintenant.


Debbie : non ! Laisse-moi savourer cet instant.


Je relève son menton du doigt et la regarde dans les yeux avec sourire.


Moi : je suis là, je n'irai plus nulle part sans toi.


Debbie : tu as intérêt.


Je lui fais un bisou sur le front en me détachant puis on se rend sur le parking. Je n'arrête pas de risquer des coups d'œil à la dérobée vers ses traits tirés.


Moi : ça va ?


Debbie (grimaçant un sourire en hochant la tête) : ça ira.


Moi : on a beaucoup à se dire.


Debbie : en effet oui, mais il y a plus urgent qui t'attend.


Je hoche la tête et elle passe devant moi en déverouillant les portières. Elle m'aide à déposer les affaires sur la banquette avant qu'on ne s'installe à l'avant. Je lève les yeux sur elle au moment où elle démarre pour lui donner notre destination et elle se tourne vers moi la bouche entrouverte pour parler. Ce qui fait qu'on parle tous les deux en même temps.


Moi : tu...


Debbie : bé avant....


On se sourit une fois encore et elle coupe le moteur avant de me faire signe de parler.


Debbie : toi d'abord !


Moi : emmène-moi chez mon père.


Debbie me fixant surprise : je pensais que tu passerais d'abord voir ta mère ?


Moi (me passant une main sur le visage) : comment va-t-elle ? Qu'est-ce qu'elle a ? Et tu n'as pas intérêt à me dire qu'elle est stable.


Elle fait un sourire contrit qui laisse place à un visage triste.


Moi inquiet : c'est grave ?


Elle baisse la tête en tortillant ses doigts, je fixe un regard insistant sur elle en attendant qu'elle parle.


Debbie : elle s'est murée dans un silence complet depuis la crise, le médecin parle d'accès à la neurasthénie.


Moi (la regardant les sourcils froncés) : c'est-à-dire ?


Debbie fuyant mon regard : la dépression mentale


Je tique et me redresse.


Moi : qu'est-ce que ça signifie Deborah ?


Debbie soupirant : elle en souffrait depuis bien longtemps. Bon les analyses ont révélé qu'elle était dépressive depuis des années, et son état ne s'est pas arrangé avec l'âge et son récent accouchement. Ses nerfs ont lâché.


Moi plissant le front : mais merde ! Qu'est-ce que tu me racontes ? Ma mère devient folle ?


Debbie : je n'ai pas dit ça, calme-toi et écoute moi. Déjà, dis-toi que c'est une maladie comme toute autre, qu'avec un traitement et beaucoup d'amour ça lui passera. Elle a besoin de toi, de vous, de tous ceux qui l'aiment. Elle a besoin de notre soutien pendant cette période de traitement, surtout pas de tension, pas de cris, de reproches. Il faudrait faire preuve d'écoute et de compréhension. Tu penses pouvoir le faire ?


Je hoche simplement la tête, le regard vague. J'ai direct les maux de tête et la gorge nouée par le choc.


Debbie prenant ma main : hey bé regarde-moi.


Moi le regard toujours vague :....


Debbie voix doucereuse : s'il te plaît.


Je me tourne vers elle et la regarde sans vraiment la voir.


Debbie : elle s'en sortira, ta mère, c'est une amazone. (me caressant la main) Je suis là, on surmontera ça ensemble. 


Je me passe la main sur le visage et m'adosse à mon siège en soupirant.


Moi : je veux la voir.


Elle hoche lentement la tête et redémarre sans plus rien ajouter. Je suis trop bouleversé et désemparé pour pouvoir dire quoi que ce soit. Je reste à secouer la nouvelle dans mes pensées jusqu'à ce qu'elle gare devant une clinique psychiatrique. Je suis ses gestes pendant qu'elle retire sa ceinture de sécurité et remonte les vitres sans pour autant bouger de mon côté.


Debbie : on y va ?


Ce n'est qu'à ce moment que je détache ma ceinture et l'imite dans son geste de descendre du véhicule. Je pose un pied à terre quand elle m'arrête.


Debbie : euh Sé (je la regarde) tu te souviens toute à l'heure, je t'ai dit pas de tensions, pas de cris, de reproches ?


Moi : mmh


Debbie : ton père est ici, enfin depuis dimanche, il ne l'a pas quitté.


Mon corps se crispe et ma mâchoire se contracte. 


Moi : il vient l'achever ?


Debbie : il est là pour soutenir sa femme.


Moi rictus nerveux : fais-moi bien rire Debbie, je...


Debbie (caressant ma main) : pour ta mère.


Je soupire bruyamment alors qu'elle descend et contourne la voiture pour se placer devant moi en me tendant sa main. Je soupire une fois de plus avant de la saisir. Elle me tire vers elle et nous conduit à l'intérieur après avoir refermé la portière et verrouillé l'ensemble. On traverse le hall en silence, je risque un coup d'œil vers certains patients qui semblent "déréglés". C'est ce qui me fait réellement prendre conscience que ma mère a un problème psychologique parce que j'ai beau fait le puzzle de la nouvelle mon cerveau refuse de l'assimiler. En même temps ça explique son comportement envers moi, ses sautes d'humeur, la mélancolie dans ses yeux. Je me demande depuis combien de temps elle en souffre sans que personne ne s'en rende compte. N'eut été cette crise que ça aurait pu être pire. C'est le ton stupéfait de la voix de Bradley dans un couloir qui me sort de mes pensées.


Bradley : Armel ? Depuis quand tu es rentré ?


Moi me rapprochant de lui : je viens d'arriver, bonjour.


Bradley : bonjour,


Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'attire vers lui pour une accolade encore moins qu'il passe ses bras autour de mes épaules pour me rapprocher du coup, je mets quelques secondes pour   répondre à son étreinte. Il se détache par la suite.


Bradley : c'est bon de te voir, j'espère que tu ne fugueras plus.


Moi amusé : je n'ai pas fugué.


Bradley : tant mieux, on a besoin de toi par ici. Tu es peut-être celui qui déliera la langue de maman. Nous avons tout essayé sans toutefois y parvenir. (regardant Debbie) Excuse-moi Deborah, bonjour. Tu t'es un peu reposée.


Deborah : bonjour grand frère Brady, pas vraiment.


Bradley : Deborah de grâce, je suis père de famille. Que mes enfants ne t'attendent pas m'appeler Brady.


On rigole.


Moi : bon, je vais voir maman.


Bradley hochant la tête : dommage que je doive m'en aller (faisant la grimace) le boulot.


Debbie : moi aussi.


Moi la fixant : c'est vrai, vas-y, je gère.


Debbie regard aigu : tu es sûr ?


Moi : ça ira t'inquiète.


Debbie : ok, je vais passer la saluer rapidement.


Bradley : j'y vais moi. Frérot, on s'appelle ?


Moi : d'accord. De toute façon, on pourra se voir à tout moment.


Bradley : c'est bon à entendre.


Il me presse une épaule et s'en va pendant que Debbie poursuit son chemin dans le couloir et s'arrête devant une porte par laquelle elle passe sa tête alors que je suis juste derrière elle.


Debbie : toc toc, maman Eunice, je t'ai amené quelqu'un.


J'hésite un moment avant de faire immersion dans la pièce.


Moi : bonjour,


Ma mère, qui avait le regard plongé dans le vide, se redresse brusquement lorsqu'elle me voit et se met à me dévisager avec intérêt. Son mari se retourne en suivant son regard. J'arrive devant eux au moment, il se lève et me regarde d'un air interloqué pendant que maman me regarde toujours m'approcher d'elle d'un pas hésitant.


Maman : tu es rentré ?


Moi me plantant devant elle : pour de bons maman, je n'irai plus nulle part.


Elle me regarde pendant un moment au bout duquel une larme roule sur sa joue. Je me penche sur elle avec l'intention de l'essuyer quand elle me fait le même plan câlin que Bradley toute à l'heure avant se mettre à pleurer à chaudes larmes en entraînant Debbie avec elle.


Moi regardant derrière : laissez-nous.


Debbie s'exécute et monsieur Elli nous regarde seulement avec les gros yeux. J'attends qu'il se décide à partir pour la consoler.


Moi : maman, je suis désolé de t'avoir blessé.


Maman (secouant vigoureusement la tête) : c'est moi qui suis désolée. Tu n'imagines pas à quel point, je suis navrée pour tout ce que tu as eu à vivre, ce que je t'ai fait vivre.


Moi : je suis costaud, je m'inquiète le plus pour toi. J'aimerais savoir ce que tu ressens, tu veux m'en parler ? 


Elle prend ma main qu'elle ramène sur sa poitrine.


Maman : j'ai mal ici, j'ai l'impression qu'on me le broie. (éclatant en sanglots) J'ai terriblement mal Armel, j'ai mal.


Moi resserrant l'étreinte : tu n'auras plus mal, je suis là pour toi. (relevant la tête pour la fixer) Comme toujours.


Maman hoquetant : j'étais en colère et au lieu de le confronter, je m'en suis prise à toi. Pardonne-moi mon chéri, je t'ai fait vivre l'enfer...


Moi (plaçant un doigt sur sa bouche) : chuut, il est inutile de culpabiliser. Par contre, tu me ferais une grande joie si je retrouve ma mère. Je veux parler de la panthère, la femme forte et gentille qui m'a élevé.


Maman soupire triste : elle... Elle est perdue sous un tas de frustrations.


Moi : on peut la retrouver, ensemble si tel est ton désir.


Elle ne répond pas immédiatement, elle essuie ses larmes avec le bout de son pagne et renifle pour repousser les morves qui menacent de couler avant de le faire.


Maman : ça l'est.


Voix : ça alors quel beau spectacle !


Il y a un monsieur qui se pointe devant nous, je devine par la blouse qu'il porte qu'il doit être le médecin. Monsieur Elli le suivait de près, mais il s'est mis à l'écart pour suivre la conversation.


Docteur : je suppose que tu es Armel ?


Moi haussant les sourcils : oui, c'est moi.


Docteur s'adressant à ma mère : il n'y a plus du tout de raison qu'on te garde ici, enfin une journée ou deux pour voir si ça tout va bien. 


Maman contente : est-ce vrai docteur ?


Docteur sourire en coin :  là, je crois que tout va bien.


Monsieur Elli ton ahuri : comment est-ce possible ?


Docteur : elle réagit à son stimulus, c'est plutôt bon signe.


Moi largué : euh docteur qu'est-ce qui se passe ? 


Docteur : suis-moi dans mon bureau, j'ai besoin de te parler.


Intrigué, je le suis docilement dans le bureau en question. Après m'avoir assigné une chaise en face de son fauteuil sur lequel il s'assit à son tour, il me fait comprendre que je suis le nœud de son problème. Enfin, c'est ce que j'ai compris de son explication, mais ça ce  n'est pas vraiment une information.


Moi soupirant : je le sais trop bien docteur, je lui ai fait des révélations qui l'ont conduit ici.


Docteur : au contraire, ce sont tes révélations qui ont déclenché son processus de guérison.


Je lève un sourcil d'incompréhension, fin plus blasé qu'autre chose.


Moi : je ne comprends pas, on m'a dit qu'elle est...


Docteur : dépressive ? (je fais oui de la tête et il enchaine) Elle déprimait vraiment, en fait ta mère est remplie de colère et de frustrations qu'elle a tu pendant des années. Elle n'était pas heureuse. Elle refusait de le dire, de le reconnaître explicitement et son déni accumulait des frustrations jusqu'à ce qu'elle n'en peuvent plus. Le seul moyen pour elle de s'en libérer était de les transférer sur la personne la plus susceptible de la sauver, la seule personne dont elle est la plus proche. C'est à dire toi.


Moi n'en revenant pas : enfin docteur, je pensais qu'elle... Fin qu'elle ne m'aime pas beaucoup. Quoi que je fasse, elle ne semblait  jamais heureuse et croyez-moi, des insultes, des brimades j'en ai reçu et ce toute ma vie.


Docteur souriant doucement : on a l'habitude de dire qui aime châtie bien. Ta mère t'aime énormément Armel, beaucoup plus que tu ne peux l'imaginer. Tu es omniprésent dans ses pensées, tu compte beaucoup à ses yeux comme elle compte uniquement sur toi pour la sortir de cette spirale infernale. 


Je fronce les sourcils, pantois.


Docteur : elle m'a tout dit, mais tu dois savoir que toutes ces attaques étaient une manière pour elle de t'appeler à l'aide. 


Il s'interrompt le temps de poser ses bras à plats sur la table pour poursuivre ses explications. 


Docteur : s'il y a une chose que tu puisse faire pour elle, c'est de l'aider à reprendre l'équilibre. C'est une lourde tâche que je vais te confier, car ça requiert beaucoup de patience. Elle peut s'en prendre à toi à des moments donnés comme récemment. 


Moi : je fais quoi exactement docteur ?


Docteur : amène-la à s'ouvrir à toi, tu lui feras suivre une thérapie dans laquelle elle reconstituera petit à petit son histoire. La solution à ses problèmes viendra de soi.


Je hoche lentement la tête sans savoir quoi dire.


Docteur : je vais tout de même lui prescrire un traitement qu'elle devra suivre scrupuleusement, je peux compter sur toi pour veiller à cela ?


Moi : oui docteur.


Il prend son calepin et gribouille des choses sur une page qu'il déchire et me tend.


Moi la prenant : elle peut sortir aujourd'hui ?


Docteur : on verra d'ici le soir.


J'acquiesce de la tête. Quand je reviens près d'elle, elle m'accueille avec un sourire bienveillant qui vient meubler le silence de cimetière qui était de mise dans l'habitacle. On reste assis à discuter, toute la journée. À un moment monsieur Elli s'est éclipsé pas avoir montré sa frustration. Est-ce qu'on l'a même calculé ? Le soir comme entendu, le docteur l'autorise à rentrer à la maison.



*** Un mois plus tard ***


Moi riant : tu n'es même pas un peu sérieuse !


Maman : mais puisque je te le dis ! Il était prêt à débourser six milliards pour ma dot.


Moi : si tant ?


Maman : est-ce que tu as vu le produit ? Ma poitrine,ma chute de hanche. Les hommes faisaient la queue devant notre porte.


Moi éclatant de rire : tu étais une star quoi.


Maman : bien plus qu'une star, ton grand-père était le seul à posséder une magnéto. On nous appelait les filles du richard.


Moi hilare : à cause du magnéto ?


Maman : mais bien sûr ! À l'époque il fallait se rendre au Nigeria pour en posséder et ce n'est pas n'importe qui pouvait s'y rendre.


Je ris jusqu'à me tenir le ventre, elle continue son récit l'air de rien. Un mois est passé depuis ma discussion avec le psy et je passe  pratiquement toutes mes soirées à l'écouter me raconter ce genre d'anecdotes hilarantes sur sa jeunesse. C'est une période qui semble avoir beaucoup marqué sa vie parce qu'elle ressasse ces événements tout le temps. On a pris l'habitude de se parler à cœur ouvert tous les deux, on parle comme on ne l'avait jamais fait auparavant. En revanche, elle ne mentionne jamais son mari. Il faut dire que depuis sa crise, sa présence est égale à son absence. Elle est restée fermer à toutes ses tentatives de rapprochement du coup, il s'est résolu à se mettre  dans son coin. Une chose positive dans cette histoire, c'est qu'elle a servi à renforcer nos liens. Nous sommes plus présent l'un pour l'autre et ensemble pour maman. À part ça nous avons tous repris le cours normal de nos vies. J'ai repris le chemin du travail et de l'université entre temps. Même s'il m'a fallu mettre mon projet de noces et professionnels en stand by. 


Maman : j'ai fait le mauvais choix.


Elle le dit avec une forte vibration dans la voix qui me fait émerger.


Maman : j'ai fait le choix du cœur au détriment de la raison, je l'aimais si tant. Je l'ai accepté malgré sa condition. (le regard nostalgique) Je l'ai rencontré quand il était encore un étudiant alors que j'étais déjà une femme indépendante de caractère et qui préférait bâtir sa carrière et garnir son portefeuille avant de songer à s'installer dans une vie de couple. Sauf qu'en le rencontrant, j'ai baissé mes standards et bafoué mes valeurs par la même occasion. Avec mon commerce, je l'ai soutenu dans ses études jusqu'à ce qu'il passe son examen de barreau. Ensuite, j'ai bataillé, remuer ciel et terre pour lui trouver un travail. Lorsqu'il a commencé à voir la lumière, il m'a juré reconnaissance et fidélité. Mais tout ce que j'ai obtenu de lui, c'est du mépris et des humiliations années après années. Je me suis toujours remise en question, je me suis brisée le cœur tant de fois ! J'ai pardonné une fois ensuite je me suis mise à pardonner des erreurs presque impardonnable. Mais cette fois, c'est trop. Je suis à bout Armel, à bout. 


Je plisse les yeux et la regarde.


Moi : qu'est-ce que tu prévois faire ? Tu vas divorcer ? Sache que je te soutiendrai quelque soit la décision que tu prendras tu pourras compter sur nous.


Maman : non, ce sera trop facile. (ton haineux) S'il y a bien une chose dont je suis sûre, c'est que Fulbert va me rendre tout ce qu'il m'a pris. À commencer par ma personnalité.


Moi ouvrant les yeux : heu...


Perplexe, j'attends qu'elle ajoute autre chose. Elle s'allonge juste et me demande de mettre la couverture sur elle.. Ce que je fais sans me faire prier.


Maman : bonne nuit mon chéri.


Moi : dors bien maman.


Je pose un bisou sur sa tempe en sortant de la chambre. Je retrouve Debbie assise dans mon lit avec des documents éparpillés autour d'elle. Je froisse la mine direct.


Moi agressif : hey, il n'y a pas inscrit Diane magazine ici (me faisant une place dans le lit) il y en a qui veulent dormir.


Elle remballe tout pour les poser au chevet du lit avec un sourire moqueur scotché sur les lèvres. Quand j'intercepte les pointes dressées à travers sa robe fluide, je tchipe et m'allonge de mon côté en remontant les couvertures sur mon visage.


Debbie avec un rire de gorge : ça été avec ta mère ?


Moi : mmh.


Elle se met sous les draps et éteint la lampe de chevet avant de s'allonger sur moi.


Moi relevant la tête vers elle : qu'est-ce que tu fais ?


Debbie : bah ça se voit non ? Je me couche !


Moi pouffant : Diapena ne me provoque pas.


Debbie : mais je n'ai rien fait, je me couche simplement.


Je marmonne dans ma barbe pendant qu'elle rit franchement. Elle se couche en me collant ses fesses, je me suis poussé comme si le feu m'avait brûlé. Ce qui la fait rire d'avantage. Je retchipe, elle me vénère votre copine. Ça fait également un mois qu'elle me bloque l'accès au pays bas soit disant pour me punir d'être parti au Koweït. Pourtant, nous sommes allés rendre visite tous les deux à Cassidy, de fois de suite et de son initiative. Elles se font même des causettes et tout comme si je n'étais pas là. Quoi qu'il en soit Cassidy va bien mieux dans la mesure où elle bénéficie du soutien de sa famille. Mais votre copine jure mordicus qu'elle me barre. En tout cas, je l'attends ce week-end. Elle ne le sait pas encore, mais je nous ai organisé une petite escapade amoureuse sur Ouidah (Benin) nous en avons grand besoin de changer d'air. Elle après le mois sous tension qu'elle vient de passer, autant dire que la collaboration avec sa collègue ne se passe pas sans embûche. Quant à moi, j'ai besoin d'un moment de répit pour pouvoir rebondir. Surtout que la frustration veut me tuer. Je laisse pour moi à Dieu.


Ah, j'oubliais ! Elle n'est pas la seule à bouder ce voyage. Le lendemain de mon retour, et même temps la sortie d'hôpital de maman, une grande dispute a éclaté entre monsieur mon père et moi lorsqu'il a appris la raison qui m'a poussé à y aller. Il est parti dans les grandes théories sur la prudence. Comment allais-je m'en sortir si elle était morte dans mes bras... Bref, il en est venu à saisir mon passeport. Donc je suis cloîtré sur terre pour la vie. Ce sont ses mots. 


Je souffle quand Debbie revient à la charge en venant se lover contre moi.


Debbie : bonne nuit mon amour.


Elle le dit en me regardant droit dans les yeux avec son sourire moqueur qui ne la quitte pas. Si ça ce n'est pas de la provoc !


Moi le ton boudeur : gneugneu.


Elle éclate d'un rire ironique.


Moi à moi-même : weh, c'est ça rigole bien.





 
Le Maître du jeu-2