IX

Ecrit par Les petits papiers de M


Quelques années plus tard

Philo

C’est toute joyeuse que je rentre à la maison ce soir. Les dernières semaines n’ont pas été de tout repos avec les préparatifs du cinquième anniversaire des jumeaux. Exceptionnellement leur grand-mère est revenue passer quelques jours à la maison. Après qu’on l’ait démasquée sur l’incident de la gifle, nos rapports sont devenus encore plus froids qu’avant. Elle a tempêté et menacé, mais elle a quand même été bannie de longs mois de chez nous. Mais comme après tout c’est leur mère, ils ont fini par faire la paix. Donc elle fait les tours entre les trois maisons. Stéphane et Sèna ont déménagé et lui ont fait une place chez eux. Ariel et Linette ont dû aménager leur emploi du temps pour lui trouver du temps, d’autant plus qu’ils ont maintenant un enfant.

Je suis descendue pendant que Bella et les enfants descendaient leurs cadeaux du véhicule. Il est encore tôt mais je doute que quelqu’un voudra encore dîner vu comment nous nous sommes empiffrés à la plage. J’ai juste demandé à Bella de leur faire prendre leur douche et de les mettre au lit après un bol de lait et des biscottes. Ils ne devraient pas faire les difficiles pour s’endormir ce soir. Belle-maman ayant décliné mon invitation à prendre une salade avant de se mettre au lit, j’ai juste préparé un plateau léger à mon homme avant de monter le rejoindre dans notre chambre.

Ro : je sais que tu attends avec impatience que je dise que tu avais raison

Moi : (riant) ne te fais donc pas davantage prier monsieur mon mari

-         Oui, tu avais raison. Oui cette event planner était de loin meilleure à celle que j’avais choisie. oui, les enfants ont eu une super fête

 

-         Et ?

-         Un homme marié doit toujours écouter sa femme

 

-         (applaudissant) leçon sue. Vous vivrez très longtemps de cette façon

-         Si c’est toi qui le dis… et si tu me laissais manger maintenant

-         Bien sûr. Mais pendant que tu manges, je voudrais te faire part d’un projet

 

-         J’espère qu’il ne s’agit pas encore d’investissements

-         Et si c’était le cas ?

-         Ce serait non Philo. Un non sans appel

-         Ro…

 

-         Tu me laisses finir s’il te plaît. J’apprécie vraiment à quel point tu es engagée pour notre famille. D’autres à ta place se contenterait de leur boulot et de jouir des biens que papa nous a laissé. Grâce à toi nous sommes peu à peu en train de construire une vraie fortune. Mais le principe du succès dans les affaires, c’est aussi de savoir s’arrêter. Et nous nous étions convenus avant que tu ne te lances que cela n’empièterait pas sur le temps que tu accordes à notre famille. Donc, non tu ne te lanceras dans rien de nouveau

   

-         Ce qui nous conduit tout droit à ce dont je voulais te parler. Je vais arrêter de travailler

 

-         Quoi ? alors que tu viens à peine de finir ton master et de m’obliger à investir dans une clinique ? dis-moi que c’est une blague

   

-         Calme-toi et laisse-moi finir. Je suis plutôt bonne dans mon travail mais ces dernières années m’ont fait découvrir une nouvelle passion pour les affaires. Et c’est à cela que je veux me consacrer. En me concentrant uniquement sur ça j’aurai même plus de temps pour les enfants. Et ce n’est pas comme si je délaissais la clinique. Elle a déjà un administrateur et Isabelle vient d’y faire son entrée. Elle pourra être nos yeux là-bas

 

-         Tu vas laisser l’assurance d’un salaire pour du commerce ? et si un jour tout s’écroulait ?

   

-         J’aurai toujours mon diplôme, mes années d’expérience et ton salaire

 

-         Je suis sérieux Philo

 

-         Et moi aussi. Ce n’est pas comme si mon salaire nous avait jamais nourris. Ce sont des miettes à côté de ce que tu gagnes. Et dans le pire des cas, nous aurons les mensualités dérivées de ton héritage. De toute façon j’aurais démissionné une fois que la clinique aurait pris son envol

   

-         Que puis-je dire encore ? madame a déjà tout prévu.

-         Je compte aussi libérer Bella

 

-         Libérer ? genre la renvoyer au Gabon ?

 

-         Non. Elle est encore jeune. Je pense qu’on devrait la mettre en apprentissage. Histoire que le jour où elle nous quitte, elle puisse faire quelque chose de sa vie en dehors d’être boniche. Les enfants vont maintenant à l’école et puisque j’arrête de travailler elle n’aura plus besoin de rester à la maison et faire la coursière

   

-         Et tu penses l’inscrire dans quoi ? couture, coiffure ?

 

-         Je pensais plus à une école d’esthétique. Mais je vais la laisser en décider si tu n’y vois pas d’inconvénients

   

-         Ça ne me pose pas de problèmes. J’espère juste que tu pourras t’en sortir à la maison si tu ne peux plus compter sur elle du fait de sa formation

 

-         On avisera

 

J’ignorais que cette décision émouvrait Bella au point qu’elle se jette dans mes bras. Ce fut une surprise plutôt agréable, tant de reconnaissance de la part de quelqu’un, et d’elle surtout vu combien elle est réservée. Bella est arrivée chez nous à la naissance des jumeaux lorsque la dragonne est venue s’installer. Ma Jeannette l’avait choisie parmi les nombreuses filles qu’elle gardait chez elle pour nous aider à la maison. Elle n’avait que onze ans mais elle savait déjà faire tellement de choses ! La vie n’a pas été clémente avec elle et c’est pour cela que je veux qu’en nous quittant elle n’ait plus à faire ce travail de domestique pour survivre comme sa mère et sa sœur avant elle.

D’après ma Jeannette, elle n’avait plus de famille. Elle n’avait jamais connu son père et sa mère les avaient abandonnées sa sœur et elle pour aller se chercher avec un blanc  qu’elle aurait rencontré dans une des résidences qu’elle nettoyait. Personne ne sait ce qu’elle est devenue depuis. Bella n’avait que six ans. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la cousine chez qui elle les avait abandonnées avait placé son aînée chez des connaissances contre de l’argent et Bella lui servait de domestique à la maison. A l’âge de six ans ! Ma Jeannette était à la recherche d’une domestique pour l’une de ses filles qui venait de se marier lorsqu’on la lui avait amenée deux ans plus tard. Elle l’avait jugée trop jeune et l’avait gardée chez elle. Peu de temps après, sa tante avait fini en prison pour avoir battu à mort sa sœur qui s’était enfuie pour mauvais traitements, lui coupant ainsi ses revenus. N’étant pas à ses premiers accrochages avec la justice, elle en avait pour un moment.

 

-         Tu n’as pas besoin de me remercier autant Bella. Je vois que ça te fait vraiment plaisir

-         Ya Philo, que Dieu vous bénisse et vous le rende au centuple.

-         Amen. Mais dis-moi déjà quelle formation tu aimerais faire

-         Je ne sais pas. Je connais juste faire la cuisine, les travaux domestiques et garder la boutique. Je peux attendre quelques années et vendre à manger ? des plats de chez moi ?

 

-         Ce n’est pas une mauvaise idée. Mais je voudrais que tu vises un peu plus loin que vendre à manger au coin de la rue. Parce que tu n’as pas encore les moyens d’ouvrir un restaurant

   

-         Je peux faire les massages ? depuis chez ma tante j’ai appris ça et j’aime bien

 

-         Massages ? pourquoi pas. Avec les soins du corps un peu comme dans les centres de beautés ou les hôtels. Tu pourrais très vite te mettre à ton compte. C’est vraiment une super idée. il ne me reste plus qu’à t’inscrire dans un centre de formation

   

-         D’accord. J’aimerais beaucoup faire ça

 

-         Qu’on s’entende bien Bella. Si je te donne cette opportunité, c’est parce que tu t’es bien comportée depuis que tu es chez nous. Tu t’occupes bien tes enfants, tu ne nous as jamais volés ou manqué de respect. Je ne veux pas que tu commences la pagaille une fois que tu auras commencé la formation, que tu te livres aux hommes dehors

   

-         (baissant la tête) Non ya Philo. Je ne ferai jamais ça

 

-         Je l’espère Bella. Parce que tu es ma grande fille. Demain tu seras un exemple pour Daisy. C’est pourquoi je te parle beaucoup. Tu sembles grande mais tu n’as que seize ans. Fais attention avec les hommes. Tout ce qu’ils peuvent te promettre dehors, tu l’as déjà à la maison. Quoi qu’il arrive, viens seulement m’en parler d’accord ?

-         Oui yaya

Il ne me reste plus qu’à mettre la main sur un centre de premier choix pour qu’elle puisse prendre des cours. Elle doit absolument faire quelque chose de bien de sa vie pour que je puisse fermer la bouche de la dragonne. Elle m’a toujours reproché de la traiter comme ma sœur. Pour elle une domestique reste une domestique. Tu lui paies son salaire et c’est tout. Les gestes superflus et la générosité ne font qu’entrainer jalousie et familiarité déplacée. Et pourtant on parle d’une enfant qui n’avait que onze ans. Elle ne m’a d’ailleurs jamais déçue.

     

Romain

Je suis vraiment très contrarié en ce moment. Malgré tout ce que je lui ai dit, elle va se marier. Se marier ! Et moi dans tout ça ? Elle y pense ? Ça fait une heure que j’essaye de la raisonner et elle est là à me regarder comme une mère qui attend que la crise de son enfant passe. Pffffff

-         Tu ferais bien de te calmer pour qu’on puisse en finir. Plus tôt on termine et plus vite je pourrai dégager de ta vue

 

-         Tu as au moins écouté un seul mot de tout ce que je t’ai dit ?

-         Parfaitement. Mais je suis adulte et tu n’as pas à prendre de décision à ma place

-         Ce n’est pas ce que j’essaye de faire. Penses-tu pouvoir devenir la petite femme au foyer bon teint bon genre ? ce n’est pas toi ça

 

-         Et qui suis-je selon toi ? une prostituée qui ne mérite pas de seconde chance ?

-         Tu sais bien que non. Je ne t’ai jamais considéré comme telle

-         Donc, qu’est ce qui te dérange tant dans le fait que je me marie ? tu n’as quand même pas pensé que je serai ton bouche trou toute ma vie ?

 

-         Ne dis pas de telles sottises. Nous avons toujours été partenaires d’affaires et amants. Et je t’ai toujours bien traitée. C’est à toi que je pense quand je te déconseille ce mariage. Tu t’imagines que tu seras heureuse. Mais je te connais tellement que je sais que ce n’est pas fait pour toi. Regardes ce que je vis ! marié depuis bientôt dix ans mais je passe le clair de mon temps libre entre ces quatre murs

-         Parce que tu l’as voulu. Tu as choisis d’épouser une vierge effarouchée. C’est encore toi qui as choisi de ne pas lui apprendre comment tu aimes le sexe alors que tu l’apprends à des centaines de filles ici depuis des années. C’est toi qui n’assumes pas qui tu es, pas moi

 

-         Tu penses que parce qu’il t’a rencontrée ici, vous filerez le parfait amour ? tu n’es pas la femme d’un seul homme Rachel. Si cela a si bien fonctionné entre nous durant toutes ces années c’est parce que tu avais ta liberté, parce que tu te sentais désirée par d’autres et que tu savais que cela me rendait jaloux tout en m’excitant de te savoir avec d’autres. Mais tous les hommes ne sont pas comme moi

   

-         Je le sais bien

 

-         Alors romps ces fiançailles

-         (riant) dans tes rêves mon coco. Je ne fais que suivre tes conseils. C’est bien toi qui m’avait dit de trouver un homme ouvert d’esprit qui m’accepterait entièrement non ? pourquoi tu prends la mouche maintenant que c’est fait ?

-         …..

-         Revenons à nos comptes s’il te plaît. Je ne tiens pas à ce que mon repos soit perturbé par tes incessants appels. Je partirai au minimum trois mois et au plus six

 

-         Rachelle, une absence trop longue nuirait à nos affaires. Tu as vu où ça nous a mené à Lomé

-         C’est pourquoi je t’avais suggéré depuis longtemps de me faire seconder dans la mesure où nous pourrions être indisponibles. Lina travaille pur nous depuis des années. Elle a prouvé qu’elle était digne de confiance mais tu refuses toujours que je l’associe davantage

-         Je t’ai expliqué pourquoi. Je ne tiens pas à ce qu’elle connaisse mon visage. Nos familles se connaissent. J’ai longtemps travaillé avec son père avant qu’il ne se retire de la vie paroissiale. Imagines un peu que cette histoire se sache après tout le mal qu’on s’est donné pour garder la tête hors de l’eau. Je ne veux pas et c’est tout

-         Et comment comptes-tu faire le point avec Serges et elle pendant mon absence ?

-         Serges gère le bar depuis toujours. Il n’aura pas vraiment besoin de moi. Et puisqu’il connait mon visage je les recevrai séparément

-         Tu te fatigues pour rien. C’est toi qui vois. J’ai un avion à prendre tôt demain. Donc s’il te plaît allons à l’essentiel

 

Rachelle

C’est plus de deux heures après que je sors finalement du bureau de Romain. Il n’est pas content certes, mais mon problème est où ? Monsieur prétend ne pas être comblé sexuellement dans son couple mais depuis je n’ai pas encore entendu qu’il a divorcé. Et il ne risque pas de le faire vu que sa part d’héritage est directement connectée à Philo. Romain c’est juste l’homme typique. Mari parfait en dehors, vicieux hors pair en réalité. Je ne dis pas qu’il m’a utilisée puisque j’ai été consentante toutes ces années. Mais oser râler parce que je me marie ? A plus de quarante ans ?

J’ai consacré toute mon énergie au Boulot en particulier lorsqu’on a dû fermer celui de Lomé et que la concurrence est devenue plus rude à Cotonou avec les clubs de wolosso et les bars de strip tease bon marché. Un moment j’ai bien cru qu’on devrait revoir nos tarifs à la baisse. Et c’est là que Lina a eu la géniale idée du massage érotique. On n’y avait jamais pensé tout ce temps. Alors, pour l’anniversaire de notre boîte, nous avons fait appel à un décorateur et fait peau neuve. Absolument tout. Déjà nous avons déménagé dans un complexe discret de la zone de l’aéroport construit et designé par Romain.

Le nouveau complexe comprend un bar et un restaurant pour les consommateurs normaux. Un club VIP où nous organisons nos soirées très très privées et notre harem. Le harem est le nom de code pour nos chambres de passages de luxe avec garage en souterrain directement relié pour assurer un maximum de discrétion. Parmi les filles du harem, nous avons deux masseuses spécialisées si vous voyez ce que je veux dire. Il suffit au client de leur glisser la carte dédiée à cela pour passer au niveau supérieur. Soit avec la masseuse si elle est d’accord ou avec l’une des filles du harem. Il faut être abonné ou recommandé par un de nos abonnés pour y avoir accès. On n’est jamais trop prudents. D’ici qu’on nous accuse d’être des proxénètes. Nous avons également depuis quelques années un service d’escorts girls de luxe souvent utilisé par des hommes d’affaires ou des étrangers. Le moins qu’on puisse dire c’est que c’est un business qui paye et qui garnit agréablement le carnet d’adresses.

C’est d’ailleurs ainsi que j’ai rencontré mon petit pompier Loïc, antillais, cinq ans plus jeune et décorateur à qui nous avions fait  appel pour la décoration des lieux. Cela a tout de suite été le coup de foudre entre nous. Il sait parfaitement ce que je fais puisque bénéficier des avantages de la maison faisait partie de son paiement. La seule condition à notre mariage est que cela reste une union libre. Comme l’a dit Romain, je ne saurai être la femme d’un seul homme tout comme Loïc qui en plus d’être plus jeune m’a clairement avoué qu’il était un homme à femmes. Mais cela, il n’a pas besoin de le savoir pour le moment. Loïc m’a dit vouloir être libre de ses mouvements d’autant plus qu’il voyage énormément pour son travail. Et on ne se fait pas d’illusions sur la fidélité des hommes quand on travaille au Boulot. La seule règle est de ne pas souiller notre maison. Pour le reste chacun se gère. Je continuerai donc de travailler même si je prends une pause de quelques mois pour profiter de ma relation toute neuve.

C’est pourquoi malgré le désaccord de Romain j’ai progressivement fait de Lina mon bras droit. Elle est d’une incroyable discrétion. Il m’a fallu vraiment longtemps avant de percer le secret de sa vie privée. Elle est encore jeune et apporte des idées fraîches à la boîte en plus de diriger le service d’escortes d’une main de maître. Je suis sûre qu’elle saura s’en sortir avec le harem le temps que je revienne.

Histoires de famille