Jour 20 : Sous surveillance

Ecrit par Owali

Solène D'Almeida


Jour 20


Jude Jude Jude... Je le regarde d'un œil nouveau. 


Les confidences qu'il m'a faites depuis 2 jours m'ont démontrée que ça fait des années que je fais fausse route le concernant. 


Il est brisé, il vit avec une moitié de lui, l'autre s'est éteinte en même temps que sa sœur, ou du moins, cette partie de lui qui sait être heureuse, qui sait vivre pleinement est emmurée quelque part dans son esprit torturé.


Seigneur, quel fardeau il porte sur son dos depuis 20 ans!


Ses paroles tournent en boucle dans ma tête:


"Je t'aime depuis si longtemps So, mais comment aurais-je pu me permettre de t'approcher si je ne suis pas capable de maîtriser mon esprit dérangé? Je t'ai regardé te marier la mort dans l'âme..."


Je me donne mentalement une claque, ce n’est vraiment pas le moment de se laisser troubler !


Il faut que je continue de surveiller les abords de la « cabane de fornication » comme je l’ai surnommée in petto… En espérant que notre plan fonctionne.


Jude est de l’autre côté et depuis une heure que nous sommes tapis de part et d’autre de ce lieu de « perdition » (je sais, j’exagère), il ne se passe rien. Je commence à ressentir l’ennui, la fatigue et la colère qui m’habite depuis hier reprend du terrain.


Pffff ! Dire que j’étais à deux doigts de me donner à lui !


Mes sentiments, savamment enfouis dans un coin de ma mémoire, avaient subtilement refait surface, surtout depuis que nous étions restés seuls. La promiscuité et l’angoisse m’avaient physiquement rapprochée de lui et mon corps l’avait reconnu…


Je me cachais derrière l’angoisse de la « disparition » de Jude mais la réalité était tout autre : je n’assumais pas d’avoir aussi furieusement, intensément, inconditionnellement, ardemment…envie qu’il me prenne avec toute la vigueur dont il savait si bien faire preuve ! 


Gosh, rien que d’y penser, mes pointes se dressent ! Mais quelle idiote ! Tchuip !


Pourtant, Dieu m’est témoin que ces 20 jours dans cette forêt hostile ont fait de moi une loque, une coquille vide. Je suis devenue l'ombre de moi-même!


Oubliée la Solène dynamique et pleine d'entrain. Enterrée la Solène sure d'elle et si attachée à l'étiquette, aux bonnes manières.

Cette île m'a tout pris!


Mon bon sens. Ma force de caractère. Mes résolutions. Tout!


Mon sommeil n'est jamais profond. Mes repas n'en sont que de nom. Mon hygiène est aléatoire. Mes pensées sont brumeuses.


Mais putain ce que j’ai envie de J.K , ou plus exactement, que j’avais envie de lui…


Ça fait un moment que nous avons compris que quelqu'un joue avec nous. Et qu’il n'est pas question d'un de ces jeux auquel on a plaisir à jouer, non. C'est un jeu dangereux, si ce n'est physiquement, psychologiquement.


Mais jamais, au grand jamais je n’aurais pu penser que Jil pouvais être partie prenante dans le scénario macabre que nous vivons ici.


Il y a 24h encore, quand je me suis mise à le suivre, je n’aurais jamais pensé à le classer dans la case « suspect possible ». J’ai pourtant dû me rendre à l’évidence quand je l’ai vu attendre sur la plage.


Non mais quelle gourde j'ai été d'avoir foi en lui!


A la base, je venais vers lui pour me jeter dans ses bras mais en arrivant, je l’ai vu sortir un téléphone de sa poche, manifestement pour y regarder l’heure, puis reporter son attention vers l'horizon, il était clair qu’il attendait quelqu’un. J’ai donc réfréné mon désir de le rejoindre et je l’ai observé, j’ai très bien fais car à peine 5 min après, alors qu’il semblait revenir vers le camp, une jeune femme est apparue et sans qu’ils n’aient échangé un seul mot, ils se sont jetés l’un sur l’autre.


J’étais estomaquée. Je n’arrivais pas à croire que ce soit le même homme qui la veille encore me donnait du bébé et me regardait comme si j’étais la 8ème merveille du monde.


Ce que j'ai pu être conne d'y croire!


D’un autre côté, c’était tellement son genre de « tourner la page » en une fraction de seconde…


« Mais là les choses sont différentes » m’avait soufflée ma conscience, nous sommes sur une île, nous craignons pour notre vie, chaque jour est susceptible d’être le dernier, son attitude ne peut avoir que deux significations : « il se fout royalement de toi » ou, et c’est de loin la plus plausible, surtout au regard de la présence de cette fille : « il sait exactement tout ce qui se passe ici et se paie votre tête depuis le début ».


J’ai donc décidé de ne pas leurs signaler ma présence et de continuer à les épier. Ainsi, j’ai vu la cabane, je les ai vus dans leurs ébats, ou du moins, j’ai pu apercevoir cette fille transformer la « Prince Vaillant » (oui oui, c’est comme ça qu’il surnomme sa verge) en glace et alors que je faisais demi-tour, toute honte bue, j’ai reconnu l’homme qui s’approchait sur le sentier opposé : Stan.


D’instinct, je me suis faite encore plus invisible qu’avant en priant pour qu’il ne m’ai pas vue car il est clair qu’il n’est pas du bon côté de cette histoire. Mais manifestement, cette zone faisait partie de celles hors caméras si tant est que ce que JK nous a racontés soit vrai…


Alors qu’il était à l’entrée de la cabane, les gémissements de JK cessèrent, à peine 1min après, je vis la fille apparaître.


-Alors ? Lui demanda Stan.


-Tout s’est passé comme prévu. Tu as tout ?


-Oui.


-Ok, allons-y.


Ils pénétrèrent ensemble dans la cabane, il me fallut me rapprocher à nouveau pour espérer entendre quelque chose.


Je repris mon espionnage à travers les mêmes intersites et c’est avec horreur que je réalisai ce qu’ils firent subir à JK.


J’étais pétrifiée, je ne pouvais plus ni respirer, ni bouger. Je n’osais imaginer ce que ces gens étaient capables de me faire si ils torturaient leur propre complice!


Je ne sais pas combien de temps ça a duré mais « heureusement », Jill s’est relativement vite évanouie, je crois que c’est ce qui les a décidés à tout stopper.


Ce n’est que quand je vis cette fille partir sans un regard pour l’homme qu’elle pompait allègrement moins de 2 heures avant qu’un doute s’insinua en moi en même temps que, sans m’en rendre compte, je me pissais dessus tellement mon soulagement de n’avoir pas été repérée était grand.


J’attendis dix min et malgré mes doutes et mon angoisse, je pénétrais la cabane. 


Je mis quelques minutes à regarder l'objet de mon désir. Cet homme qui m'a rendue dingue si longtemps, qui m'a fait jeter aux orties tous mes principes. Lui pour qui j'étais prête à tout abandonné. Ce mec si charismatique, vibrant d'orgueil et de virilité était là tel un pantin désarticulé. Mis k.o par une femme... Encore et toujours une femme!


Pfff!


Ça ne servait à rien que je ressasse tout ça. J.K est ainsi fait...


Bien heureusement, je me baladais toujours avec ma banane « magique », donc je pu désinfecter et panser le plus gros de ses plaies.


Il bougea à peine durant l'opération et au lieu de le réveiller quand j'eus terminé, je choisi de rentrer au camp et de raconter tout ce qui s’était passé à Jude.


Nous décidâmes alors que si à son retour, JK nous parlais de cet épisode, c’est qu’il était du bon côté, dans le cas contraire…


Quand JK rentra, il ne nous dit absolument rien, et bien que sa démarche ai visiblement changé, il nous raconta une histoire à dormir debout sur son corps qui ressentait le manque d’activité physique intense… Pfff !


Aussi nous peaufinâmes notre plan sans l’impliquer et nous voilà, en ce 20ème jour de disette, de drames en tout genre, en train de guetter le passage de Stan ou la fille.


Nous pensons qu’ils viennent régulièrement dans la cabane car hier j’y ai vu une sorte de meuble dans lequel il y avait des choses comme des torches, des piles et autres bric à brac.


Nous avons monté un piège avec l’aide de la corde que nous avons récupéré en détachant Larissa –paix à son âme.


Ca fait des heures que nous sommes là et je commence à croire que nous nous sommes emballés pour rien quand tout à coup je sens une présence à mes côtés et au moment où je veux me lever en criant, un bras me saisit par la taille et une main me bâillonne et alors que je me débats, je reconnais la voix qui me murmure d’une voix ferme :


« Ce n’est que moi, calme toi ! »


Mon soulagement est non fin quand je reconnais la voix de JK.


-Que fais-tu ainsi couchée dans les herbes ?


Alors que j'ouvre ma bouche pour lui répondre, « sa petite salope » apparait dans le sentier, du côté de Jude. Elle a le même paréo que la veille mais a une démarche mal assurée et la tête baissée. Elle semble ivre.


Elle avance tant bien que mal et juste quand je la vois relever la tête, son pied et pris dans le piège et elle se retrouve suspendue tête en bas.


Sans l’avoir prémédité et au mépris de toute prudence, je m’élance vers elle avec un caillou ramassé près de moi et lui assène un, puis deux coups violents à la tête.


Je frappe avec la rage de ses 20 jours. 

Je frappe avec l'angoisse de ses 20 jours. 

Je frappe avec la douleur de ses 20 jours. 


Mais je frappe surtout avec la jalousie de la veille...


Et alors que je reprends l’élan pour un 3ème, JK et Jude viennent de part et d’autre pour m’éloigner et m’arracher le caillou.


JK m'éloigne de quelques pas en me maîtrisant tant bien que mal car je me débats, toute tremblante de rage que je suis.


-Non non non! Pas ça, s'écrit Jude.


JK et moi regardons vers lui, il est en train d'ôter un bâillon à la pute.


Mais pourquoi a-t-elle un bâillon?!?


-Pas quoi? L'interroge JK.


-Ce n'est pas sa copine, c'est... c'est... Seigneur Dieu tout puissant aide nous!


-Tu vas parler oui, crie JK. Il me lâche et va vers Jude.


-Oh merde! Liliane!


-QUOI??? Hurlè-je.

LE CERCLE