Jour 4: Rencontre inattendue

Ecrit par Owali

JOUR 4


*** Noémie Siar ***


Assise sur le sable, la tête entre les mains je me demande ce qui a bien pu se passer. Comment en suis-je arrivée là ? A quel moment me suis-je fais rouler dans la farine ? Moi qui suis d’habitude si prudente, comment n’ai-je pas eu la présence d’esprit de me dire que ca pouvait être un piège ?


Je lève les yeux vers la mer pour la énième fois espérant que le bateau reviendra avec Miss Elana et le pilote en se confondant en excuses. Mon trolley est posé la, à côté de moi, comme s’il me narguait. Le comble dans tout ça c’est que mon téléphone est resté en charge dans le bateau parce que ma batterie était à plat. Comment les gens vont se rendre compte de mon absence ? Oh mon Dieu je ne veux pas être une Robinson Crusoé ! Y a-t-il même des âmes qui vivent sur cette île? Et si ce sont des cannibales ? 


Ce décor si enchanteur au premier abord commence à être lugubre pour moi, j’en deviens parano...


Je ne sais même pas quoi faire ? Dois-je me déplacer ? Ou rester sur la plage pour qu’on vienne m’y secourir ? La vue de la mer n’a jamais été si fade à mes yeux et l’horizon si vide, aucun bateau, aucune pirogue, rien que des oiseaux qui vont et viennent en poussant leurs cris stridents. Je ne saurais dire combien de temps je suis restée prostrée mais le temps commence à se rafraîchir, le soleil décline au loin et les vagues s’écrasent sur la berge avec un vacarme angoissant. 


Je me lève et je me mets à regarder autour de moi. Il faut que je bouge, il y a peut-être un village ou une cabane pour passer la nuit. Je ne peux pas être perdue dans un néant « junglelistique »


Quand je repense à l'enthousiasme de Patrick quand il a su pour ce voyage. Lui qui voulait que je me repose et que je lâche la bride ...si seulement il savait... Seigneur, c’est quoi ce binz ?!


Le petit encas donné dans l’avion est loin derrière moi, mon ventre commence à grogner de plus en plus et ma gorge devient sèche. Je regarde derrière moi. La forêt. 


Attention, je n’ai pas dit une forêt claire avec des arbres plantés bien alignés mais plutôt une forêt dense et drue avec des arbres collés les uns aux autres. Une volée de chauve-souris tournoie à l’entrée. J’avale difficilement ma salive, lorsque je me rends compte que je n’ai pas d’autres issues que d’y pénétrer. Il n’y a rien sur la plage pour que je puisse envisager m’y abriter. J’avance à pas comptés en direction de la forêt. Je pense à ma famille en avançant vers ce qui semble soudain être un destin inéluctable, si je savais qu’une telle mésaventure m’arriverait j’aurais passé plus de temps avec Patrick et les enfants. 


Si j’arrive à sortir de cette histoire, je promets, non je jure, je prends une année sabbatique pour profiter des miens, leur dire à chaque instant que je les aime. 


« Voix off : Les passagers en destination de Zanzibar sont priés de se présenter à la porte 6 pour embarquement immédiat. Les passagers en destination de Zanzibar sont priés de se présenter à la porte 6 pour embarquement immédiat. »


Si seulement je n’avais pas répondu à cette annonce, si je m’étais rétractée, je serai en ce moment attablée au Country Grill comme chaque vendredi avec mon mari et mes enfants. J’expire un grand coup, les cris d’animaux et le vol des chauves-souris ne me disent rien qui vaille. Je jette un dernier regard en arrière. Des vagues encore plus grandes que tout à l’heure s’échouent  désormais à l’endroit o j’étais assise tout à l’heure. 


Non, je ne peux vraiment pas rester ici. Cette mer qui me sépare du reste du monde m’est devenue trop hostile. 


Je me retourne et je pénètre dans la forêt. 


Merde, mon ressenti était le bon, à peine entrée j’ai l’impression d’étouffer, je ne sais même pas par ou passer même s’il y a un semblant de piste. Heureusement que j’ai abandonné mon trolley à l’orée de la forêt comme pour laisser un indice à quiconque me chercherait.

J’ai juste pris des affaires de première nécessité que j’ai fourrée dans mon sac à main. La lumière du soleil filtre à peine tellement les arbres sont immenses et remplis de feuilles, les lianes s’entrelacent et me font trébucher. Ma pauvre lime à ongle, que j’avais pris à défaut d’avoir un couteau, ne sert à rien.


Combien de temps ai-je marché ? Dieu, tout se ressemble ici, cet arbre sinistre avec les fleurs bleues je l'ai déjà aperçu, cet amas de branchages, ce caillou… Suis-je en train de faire du sur place ???


Je sens que je commence à avoir la poitrine oppressée, j’entends les battements de mon cœur tels des coups de tonnerre.


Faut que je me calme, que je marche en suivant les oiseaux par exemple mais resteront-ils visibles assez longtemps ?  


Une demi-heure plus tard ou une heure -je n’ai plus la notion du temps- après avoir lutté avec des singes qui m’ont pris mes lunettes de soleil, hurlé en voyant des rats palmistes ou des écureuils (honnêtement je ne sais pas faire la différence) et fuis quand les feuilles ont commencé à bouger, je débouche sur une partie de la forêt un peu plus claire.


 Dieu merci car l’air était irrespirable. Je regarde autour de moi en faisant attention à ce qui se trouve à terre, ma plus grande peur est de voir des serpents ou encore des araignées. 

La forêt s'épaissit à nouveau et j'ai du mal à avancer, je suis aux aguets avec une branche morte que j’ai ramassé dans la clairière, c’est idiot mais c'est la seule arme que j'ai pu dénicher.


CRACK !


Une branche craque, j'entends des pas. 


Je me fige prête à bondir ou à détaler ça dépend de ce qui est en face de moi.


Les pas se rapprochent et je me cache pour avoir une longueur d'avance sur la menace, je retiens ma respiration et j'attends.


Ça y est, c'est proche, trop proche, ou viser ? Le cœur ? Les yeux ? La tête ? Je lève la tête et je vois… un homme…un homme ?!? 

Oh mon Dieu !


Je l'observe, il me semble familier, trop même… mais ou est-ce que j’ai bien pu le v…


OH MON DIEU ! Mais c’est…


- Charles ?!?... Charles ! Fais-je en bondissant dans sa direction


- Qui êtes-vous ?  Fait-il en me regardant de haut en bas


- Mais c'est moi ! Noémie ! 


Il me regarde en fronçant les sourcils. 


Ah zut ! Mais bien sur qu’il ne peut pas me reconnaitre. Je retire mon chapeau.


- Noémie ? Mais… Ah ah ah Qu'est-ce que tu fous ici? C’est bien le dernier endroit où j’aurais pensé te croiser…


-Ah la la ! Et moi donc ! C’est toute une histoire ! J’ai été invité pour des vacances et…snif snif… je ne sais pas ce qui s’est passé…tout ce que je sais snif…c’est que mon guide m’a abandonné toute seule ici. Oh la la Charles…snif… j’ai eu si peur ! Je me suis battue avec des animaux et et… snif… je suis si contente de te voir !

Je tombe dans ses bras en sanglotant. Je suis si soulagé qu’il soit la… 


-Apparemment tous nos guides se sont fait la malle. Cette histoire est plutôt étrange, tu as croisé d’autres personnes ?


-Ben non non, tu es la première personne que je rencontre. Attends…tu penses qu’ils y a d’autres qui se sont fait abandonné ici ??? 


-Aucune certitude, ça reste du domaine du possible…


- Oh la la ! Mais qui est derrière tous ca ? C’est quoi le but ? C’est une caméra cachée ou quoi ?


- Ce sont les questions que je me pose depuis que je suis ici. Mais en attendant de trouver les réponses, on a un problème plus urgent à régler. 


-Ah oui ? Lequel ?


- Il nous faut trouver un endroit où passer la nuit. 


Je regarde autour de moi ; en effet, il commence à faire très sombre et bientôt nous n’y verrons plus rien.


Je m’accroche au bras de Charles et avec son canif, il essaie de dégager le chemin. Cette méthode s’avère plutôt efficace. 


Sur la route nous discutons de nous vie. 


Nous nous étions revue il y a environ 1 an au cours d’une reunion mais nous n’avions pas vraiment eu l’opportunité de nous parler comme c’était le cas à une certaine époque. 


J’avais passé tellement de bons moments avec Charles, que je me rappelle de notre première rencontre comme si c'était hier. 


***Flashback***


J'étais en retard et la distribution des salles avait déjà été faite. Ayant honte de me renseigner je suis restée assise sur les bancs jusqu'à ce qu'il vienne m’aborder tel un ange. A ses dires je ressemblais à un petit animal apeuré. Je dois reconnaitre qu’honnêtement je n'étais pas loin de ressembler à cette image avec mes couettes et mes lunettes roses…


A ma grande surprise on s’est retrouvé dans la même classe, il a donc demandé à son voisin de me céder la place et de la tout est parti. On arrivait ensemble, on déjeunait ensemble, on étudiait ensemble…tout comme des jumeaux. Nos parents se sont rencontrés par la suite et sont devenus amis pour notre grand bonheur. Une fois, je lui avais demandé si lorsqu'on embrassait les lèvres diminuaient, et le cours d'anatomie qu'il m'avait fait m'a rendue rouge pivoine. 


***Fin du Flashback***


Je pouffe de rire à la pensé de cette anecdote.


- Oh ! tu ris seule maintenant ? La forêt ta rendue timbrée ?


- Rhhoo mais non, je pensais aux cours d'anatomie que tu me donnais, quand j'y pense je trouve que j'étais vraiment innocente. 


- ahahahaha ! C’est vraie La tête que tu faisais quand j'en parlais. Mais bon, tu n'avais pas le temps de t'intéresser aux garçons c'est normal ! Toi tu étais ma digne jumelle ! Sage et studieuse !


- oui… c’est bien vrai…


Si seulement tu savais…Si tu savais que j’en pinçait pour toi Charles…Si tu savais combien de nuit j’avais passé à imaginer ce que ce serait de t’embrasser…de sentir ta peau contre la mienne…de…


-Ca va ? Me demande t-il en posant un regard bienveillant sur moi. 


Le regard d’un grand frère soucieux du bien être de sa petite sœur. Il n’y a jamais eu doute de son côté. Notre relation n’avait jamais dépassé ce stade, il ne m’en avait jamais laissé entrevoir une quelconque opportunité. Tous mes espoirs s’étaient envolés avec lui quand il a quitté Baby pour poursuivre ses études aux Etats-Unis. 


Patrick est un homme aimant et attentionné. 


En lui j’ai trouvé l’homme qui s’aurai être un bon mari et  père de mes enfants. Mais le spectre de Charles planait toujours au-dessus moi…malgré les années qui passaient, il demeurait dans mes pensées. Et aujourd’hui, il était la devant moi. Sa bouche, ses lèvres n’étaient qu’à quelques centimètres…


-Oui… ça va… lâchai-je dans un souffle avant de baisser la tête.


-Très bien, continuons alors. 


On se remet en marche. Éclairer grâce à la lampe de poche de Charles, on avance prudemment en synchronisant nos pas pour ne pas être surpris par le danger. Les nerfs sont tendus, tous nos sens sont aux aguets. J’ai l’impression d’entendre des pas derrière nous mais quand je me retourne je ne vois rien.


GRGRGRRRGGRRR


On entend des grognements sourds, non des râles. On s’arrête et s’accroupis.  Charles me fait signe avec ses doigts de ne pas bouger et de surveiller les environs pendant qu’il va voir ce qu’il y a. Je hoche ma tête en signe d’approbation. Il s’éloigne à quatre pattes et bientôt je ne le vois plus. Mon cœur bat la chamade. Mince, il est partie avec sa lampe torche, du coup je me retrouve dans le noire. Un hibou hulule, un corbeau croasse. J’ai l’impression qu’on entend les battements de mon cœur  à 5 km à la ronde. 


Non, Non, Non je ne peux pas rester la. 


Je me mets à 4 pattes et vais dans la direction qu’il a empruntée. J’atterris sur une clairière et suis surprise de le voir debout caché derrière un arbre. Je le rejoins et constate qu’il est en train de regarder quelque chose. Je viens me met à son niveau.


-Mais qu’est-ce que tu fais la ?!? 


-Je n’y voyais plus rien et j’avais peur. Qu’est-ce que tu regardes ?


- J’essayais de distinguer ce qu’il y a la-bas. 


Il me pointe du doigt une forme attachée à un arbre à 10 m et des espèces de charognards qui se défoulent dessus.


-Oh ! mais tu vas ou ???


Charles s'avance en braquant sa lampe vers la forme. Je le rejoins et la forme se distingue à mesure que nous nous approchons. 

9 mètres, 8 mètres…je plisse les yeux et constate qu’il s’agit bien de d’animaux qui se battent sur…sur…OH MON DIEU !


-Ne bouge plus, ne regarde pas ca ! Me fait Charles en mettant sa main devant moi pour m’empêcher d’avancer d’avantage.


Trop tard…je suis déjà en train de me vider de mes boyaux...

LE CERCLE