
<< La voie à suivre >> Chapitre 17
Ecrit par Le Kpetoulogue
Chapitre 17
Dans l’après-midi, Leila, Luqman et Yohan traînaient dans la salle d’attente, près des bureaux du personnel enseignant. Ils guettaient le bon moment, oscillant entre nervosité et impatience. Soudain, ils virent M. Koua accompagné de deux collègues se diriger vers le bureau de M. Bathily.
Leila : « C’est le moment. On a besoin de quelqu’un pour faire le guet et nous prévenir. Tu t’en occupes, Yohan ? »
Yohan : « Genre, c’est moi le kpakpato du groupe ? »
Leila exaspérée : « YOHAAAN ???!!! »
Yohan en levant les mains en signe de reddition : « Eeeh, c’est bon, j’ai compris ! Je vous avertirai… Mais comment vous comptez entrer dans son bureau ? Je parie qu’il a fermé à clé. »
Leila : « Eeeh, merde… »
Luqman : « Ce n’est pas un souci. Tu as une épingle à cheveux, Leila ? »
Leila : « Euh, oui, voilà. »
Luqman : « Ça suffira. »
Comme Yohan l’avait dit, le bureau de M. Koua était effectivement fermé à clé. Mais Luqman n’eut aucun mal à le crocheter avec l’épingle à cheveux de Leila, au grand étonnement de cette dernière. Elle posa sur lui un regard très accusateur.
Luqman : « Quoi ? »
Leila : « Hum, rien. Entrons. »
Une fois à l’intérieur, ils virent sur le bureau de M. Koua l’écran d’un ordinateur fixe. C’était un ordinateur de bureau, alors que Grace avait parlé d’un ordinateur portable. Pendant que Leila cherchait ce fameux ordinateur, Luqman fouilla dans les fichiers de l’ordinateur de bureau, mais tout était clean. Il n’y avait pas le moindre dossier caché, pas la moindre vidéo compromettante. Il aida ensuite Leila à fouiller dans les tiroirs à la recherche du fameux ordinateur portable, mais ils ne le trouvèrent nulle part et finirent par sortir bredouilles du bureau de M. Koua.
Yohan, en les voyant revenir l’air contrarié, comprit qu’ils n’avaient rien trouvé.
Yohan : « Vous êtes sûrs que vous avez bien cherché ? »
Leila : « On a fouillé partout où on pourrait cacher un ordinateur portable, mais rien. »
Luqman : « Je ne pense pas qu’il se soit ramené avec ça aujourd’hui. »
Yohan : « Donc on fait quoi ? On retente notre chance demain ? »
Luqman : « Peut-être. On verra bien. »
Leila : « Mais comment est-ce qu’on protège Grace d’ici là ? »
Luqman : « J’ai peut-être une solution. »
Luqman alla ensuite s’entretenir avec M. Bathily pour lui demander de surveiller M. Koua. Il partagea avec lui l’information selon laquelle tous ses rapports avec Grace avaient eu lieu au sein même de l’établissement, très certainement dans des endroits qui ne sont pas couverts par les caméras de sécurité.
M. Bathily : « Et par conséquent ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse exactement ? »
Luqman : « Selon Grâce, c’est toujours à la fin des cours que M. Koua cherche à la voir. Je voudrais que vous restiez un peu plus longtemps ici pour l’empêcher d’être seul avec elle jusqu’à ce qu’on trouve des preuves. »
M. Bathily : « D’accord, je peux faire ça. »
Pendant deux jours, Luqman, Leila et Yohan s’étaient introduits à plusieurs reprises dans le bureau de M. Koua, mais impossible de mettre la main sur l’ordinateur. Une fois, ils avaient trouvé son smartphone, mais, à leur grande surprise, il n’était même pas verrouillé… et pourtant, il ne contenait strictement rien de compromettant. Les preuves devaient forcément être sur son ordinateur portable. Chaque matin, M. Koua arrivait avec une sacoche qui semblait pouvoir contenir un ordinateur. Pourtant, lorsque Luqman fouillait discrètement à l’intérieur dans son bureau, il n’y trouvait rien. Leila avait même réussi à le bousculer » accidentellement » un matin en arrivant à l’université, faisant tomber la sacoche au sol. Mais toujours aucun ordinateur.
Il était jeudi. M. Koua était d’humeur impatiente. Il avait envie de sa » petite gâterie » avec Grâce. Il lui avait déjà donné rendez-vous après les cours et l’attendait avec excitation, imaginant déjà ce qu’il allait lui faire.
Quand on toqua à la porte, il sourit en coin, persuadé que c’était elle.
M. Koua : « Entre ! »
Mais lorsqu’il vit qui se tenait à la porte, son sourire disparut aussitôt.
M. Koua : « M. Bathily ??? »
M. Bathily : « Bonsoir, M. Koua. J’avais besoin de vous parler de quelque chose. J’espère que je ne vous dérange pas. »
M. Koua en prenant sur lui : « Euh… Non… »
M. Bathily entama alors une discussion sur un sujet important : l’élection prochaine du président du conseil des étudiants. Vu que M. Koua en était responsable, Bathily avait quelques recommandations à lui faire.
Alors qu’ils discutaient, quelqu’un toqua à nouveau à la porte.
M. Bathily : « Vous attendez quelqu’un ? »
M. Koua visiblement tendu : « Euh… Pas spécialement. »
On toqua une nouvelle fois.
Un frisson d’angoisse parcourut M. Koua. Il savait qu’il était dans le viseur de Bathily. Si ce dernier le surprenait seul à une heure aussi tardive avec une étudiante, il pourrait facilement s’imaginer des choses… et cette fois, il ne pourrait pas se défendre sans preuve.
M. Bathily le fixa : « Vous êtes sûr ? On toque encore. Vous n’ouvrez pas ? »
M. Koua en tentant de garder son calme : « Ça doit être une erreur. Restez assis, je vais voir. »
Il se leva précipitamment et sortit, refermant la porte derrière lui avant que Bathily ne puisse voir quoi que ce soit. Dans le couloir, Grâce se tenait là, hésitante. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais il lui plaqua immédiatement une main sur la bouche, jetant un regard inquiet autour de lui.
M. Koua en murmurant avec un ton furieux : « Chut ! Pas un mot. »
Il l’attrapa par le bras et la tira plus loin du bureau.
Grâce : « Mais monsieur… Vous m’avez demandé de venir… »
M. Koua : « Je sais… Mais ce connard de Bathily, je ne sais pas ce qu’il me veut. Écoute, rentre chez toi. Je te contacterai un autre jour. »
Grâce resta figée un instant, indécise.
M. Koua impatient : « Qu’est-ce que tu attends ?? Dépêche-toi ! »
Grâce : « D’accord monsieur »
Lorsque Grâce quitta l’université, Leila l’attendait déjà à l’entrée pour la raccompagner chez elle.
Dès que M. Koua lui avait fait signe de le rejoindre dans son bureau, Grâce avait immédiatement averti Leila, qui, à son tour, avait prévenu M. Bathily afin de faire échouer le plan du professeur. À côté de Leila, Grâce se sentait en sécurité. C’était un sentiment qu’elle n’avait jamais vraiment connu, même pas avec ses parents ou ses propres frères et sœurs. Avec Leila, elle savait qu’elle pouvait parler librement, sans crainte d’être jugée. Cette confiance inébranlable était nouvelle pour elle… et étrangement réconfortante.
Quelques minutes plus tard, à l’université, Après le départ de Grâce, M. Koua retourna dans son bureau, où M. Bathily l’attendait toujours, imperturbable. La conversation entre les deux hommes dura encore plusieurs minutes. Et quand M. Bathily se leva enfin pour partir, la nuit était déjà bien tombée. M. Koua le regarda quitter la pièce avec un faux sourire vissé sur le visage. À l’intérieur, il bouillonnait. Il était frustré. Agacé. Il ne pouvait plus rappeler Grâce maintenant. Et selon son emploi du temps, il ne pourrait pas lui donner rendez-vous dans son bureau avant vendredi prochain. En rage, il sortit du bâtiment, grimpa dans sa voiture et démarra. Ce qu’il ignorait, c’était qu’à quelques mètres derrière lui, dissimulé dans l’ombre, Luqman enfourchait sa moto.
Luqman avait une idée en tête : s’ils n’avaient rien trouvé dans son bureau après plusieurs jours de fouille, alors son ordinateur devait forcément être chez lui. Il n’avait donc qu’un objectif : suivre M. Koua et découvrir où il habitait. Mais ce qu’il vit ensuite le prit totalement par surprise. Luqman gardait une distance raisonnable pour ne pas éveiller les soupçons. Il vit la voiture de M. Koua tourner dans une rue menant à une cité résidentielle. Mais alors qu’il s’apprêtait à passer devant l’entrée, il aperçut une scène troublante. La voiture de M. Koua venait d’être stoppée par plusieurs hommes. Ils l’encerclaient, menaçants. Luqman ralentit, gara discrètement sa moto sur le côté et s’approcha suffisament pour suivre la scène sans se faire voir. Il n’eut même pas besoin de tendre l’oreille. Les hommes hurlaient si fort que leurs voix résonnaient dans toute la rue.
Assaillant A : « OUVRE LA PORTIÈRE !! DEPUIS ON TE PARLE, TU CROIS QU’ON JOUE ??? SI TU N’OUVRES PAS, ON VA TE BLESSER ICI ! »
Terrifié, M. Koua s’exécuta. Aussitôt, l’un des hommes le saisit et le tira violemment hors de la voiture avant de le plaquer contre la portière.
Assaillant B : « Tu joues à quoi, gros babiere là ?? Tu crois que tu peux prendre notre crédit et te crou (te cacher)?! »
Assaillant C : « Orrh, faut le sogor (le poignarder) on va quiter ici, il va jamais payer. »
M. Koua, complètement paniqué : « Attendez, attendez !!! S’il vous plaît, calmez-vous ! Dites à votre boss que je vais le rembourser… Mon frère doit me donner de l’argent bientôt… Je vais vous payer, je vous le promets ! »
Assaillant B : « Ça fait 3 semaines que tu dis ça !! tu prends qui pour ton enfant ici ? »
L’assaillant C ne perdit pas de temps. Il balança un premier coup de poing en plein ventre, suivi d’un autre en pleine face. M. Koua s’effondra à genoux sous la douleur. Les coups continuèrent. Les assaillants ne plaisantaient pas. M. Koua, la lèvre en sang, les supplia d’arrêter.
Assaillant A : « Boss Tariq dit de te prévenir : t’as DEUX SEMAINES pour rembourser. Sinon… c’est sur écran géant à l’université qu’on affichera toutes tes saletés tu fais dans école là. »
Assaillant B : « Tu es gros, tu es vilain et c’est toi qui tourne porno »
En entendant ces mots, l’angoisse de M. Koua se décupla soudainement. Il semblerait que ces mots avaient eu sur lui beaucoup plus d’impact que les coups et les menaces qu’il venait de recevoir. Il attrapa la jambe de l’assaillant pour le supplier d’empêcher son boss de faire cela, allant jusqu’à promettre d’ajouter un bonus à ce qu’il leur devait, mais leur boss ne devait surtout pas mettre à exécution cette menace.
Assaillant C : « Ooorh, laisse mon pied, vieux con ! »
Le voisinage commençant à être alerté, les assaillants montèrent rapidement dans leur voiture pour s’en aller, menaçant encore une fois M. Koua de payer ses dettes avant deux semaines.
Après qu’ils se soient éloignés, M. Koua, assis par terre, adossé à sa voiture, était tellement contrarié qu’il se mit à taper le sol.
M. Koua : « MEEEEERRDDDDE ! MERDE ! MEEEEERDEEEEE ! »
Non loin de là, Luqman observait. Ce qu’il venait de voir changeait tout. Son plan initial était de suivre M. Koua jusqu’à son domicile, mais cette altercation venait de lui offrir une nouvelle piste. Ces hommes… leur boss… ce fameux "Tariq"…
Si M. Koua avait peur de lui au point de supplier, alors il y avait peut-être quelque chose d’intéressant à creuser. Sans hésiter, Luqman enfourcha sa moto et prit en filature les assaillants. Ceux-ci le menèrent jusqu’en Zone 4. Ils garèrent leur voiture à côté de ce qui semblait être en apparence un simple restaurant, avant de sortir du véhicule et de prendre une allée menant derrière le bâtiment.
Luqman descendit de sa moto et les suivit. Il se retrouva dans une toute petite allée où pouvaient à peine passer deux adultes. Juste devant lui se trouvaient les trois assaillants qu’il avait suivis. Ceux-ci l’ayant remarqué, l’un d’entre eux s’adressa à ses compères :
— » Souley, Ladji, c’est qui ce petit-là ? »
Souley : « Eh, petit ? Tu fais quoi ici ?? »
Luqman : « Je voudrais parler à votre boss. »
Ladji : « Tu as rendez-vous avec lui ?? »
Luqman : « Non, mais j’aimerais lui parler, si possible, s’il vous plaît. »
Ladji : « Oorrh, c’est qui ça encore ? John, fais-le bouger. »
Ladji : « Ahii ?? Mogor là se tremou tremou (Ce type bouge comme un serpent) on dirait serpent facon la »
John : « Attend c’est parceque on veut faire doni doni (doucement) que tu te fous de nous ?? »
Face à leur flagrant manque de compétences, Luqman esquissa un léger sourire. Il gardait une posture détendue, mais son corps était en alerte, prêt à réagir au moindre mouvement. Ses yeux perçaient ses adversaires, analysant chaque geste, chaque hésitation. La frustration grandissait chez eux, particulièrement chez John, qui semblait du genre à perdre facilement son sang-froid.
Pris d’un accès de rage, ce dernier tenta de lui asséner un violent coup de pied en pleine course. Mais Luqman, vif comme l’éclair, saisit son pied et utilisa son propre élan contre lui, le projetant brutalement en avant.
*** FRAAAAAA ***
John : « TCHIiiiiII !!! »
Un craquement sinistre résonna dans la ruelle. L’entrejambe du jean de John venait de se déchirer en grand, exposant son intimité au regard moqueur de ses compères. La douleur fulgurante lui arracha un cri étranglé. Peu flexible, il avait l’impression que ses ligaments venaient de céder sous la tension du grand écart forcé. Il se tordit de douleur, recroquevillé sur lui-même, la tête contre le sol et le bassin levé.
Souley : « Tchai, c’est quel vilain cui noir ça là ?? Tu te djika (lave) avec charbon ou bien ? »
Ladji : « Viens m’aider à siri (attraper) ce petit bâtard au lieu de t’occuper du cui de ton ami ! »
Souley, un brin hésitant, finit par rejoindre Ladji pour tenter de maîtriser Luqman. D’un pas léger, ce dernier esquiva d’abord le coup de poing de Ladji, mais Souley, plus imposant, réussit à l’attraper et à l’immobiliser brièvement. Voyant une ouverture, Ladji revint en force pour tenter de lui décocher un coup au visage.
Mais Luqman, anticipant son attaque, s’élança dans les airs et repoussa violemment Ladji avec le bas de ses pieds. L’impact fut si puissant que Ladji recula de plusieurs mètres avant de s’effondrer à genoux, le souffle coupé. Dans le même temps, le déséquilibre fit perdre pied à Souley, qui s’écrasa sur le dos, libérant Luqman de son emprise.
Ladji, une main sur la poitrine, tenta de se redresser en grommelant
Ladji : « TCHAII, y a tassouma (feu) dans ton pied ou bien ?? Tchi tchii tchiiii ! »
John, qui avait eu le malheur de se redresser trop vite, reçut en plein sternum un coup de coude sec et précis. Suffoquant sous l’impact, il se pencha instinctivement en avant… exactement comme Luqman l’avait prévu. Un uppercut fulgurant l’atteignit en plein nez.
John : « AARRGGHH, QUI A ALLUMÉ SOLEIL LA NUIT LÀ ?? MON NEEEZ !!! »
Ses yeux s’écarquillèrent alors qu’une vive douleur lui traversait le crâne. Il tituba, voyant des éclairs blancs danser devant lui.
À l’intérieur du bâtiment qu’ils surveillaient, leur boss observait la scène sur des écrans de surveillance. Il n’en croyait pas ses yeux. Ses hommes, censés être des durs, se faisaient démolir par un gamin encore vêtu de sa tenue d’étudiant. Exaspéré, il se leva brusquement et sortit voir ce qui se passait.
Le boss : « OH, ARRÊTEZ-MOI TOUT ÇA !!! »
Souley : « Boss… »
Le silence tomba immédiatement.
A Suivre …