Le bonheur à trois
Ecrit par Nadia.K
Paul était euphorique. Après tant d’années d’attente, il n’y
croyait plus.
Après avoir récupérer l’ordonnance de sa femme et écouter
les conseils du médecin, il prit sa voiture, pressé d’aller annoncer cette
belle nouvelle à Béné. Il passa 2 ou 3 fois au feu rouge et s’arrêta même chez
le fleuriste prendre un bouquet de roses.
C’est quatre à quatre qu’il grimpa les escaliers pour
rejoindre la chambre avec son bouquet de fleur et un sourire un peu idiot aux
lèvres. Mais Bénédicte n’était nulle part, ni dans la chambre ni ailleurs dans
la maison. Quinze minutes après son départ, elle avait pris un petit sac et sa
voiture puis était sortie sans son chauffeur et sans préciser sa destination.
Paul devint fou en moins de temps qu’il ne faut pour le dire
lorsqu’il se rendit compte que son téléphone était éteint. « Où est ce que
cette conne a bien pu passer avec mon enfant dans le ventre ?! » se
répétait -il. Les hommes de main d’un de ses proches amis appartenant aux
services de renseignement mirent longtemps à la retrouver. Il avait déjà donner
une bonne dizaine de coup de poing dans le mur et avait jeté les roses lorsqu’à
23H, il reçut de l’un d’entre eux la position de sa femme: elle allait bien et
se trouvait dans la maison de campagne d’une de ses cousines à Bonoua.
Rassuré, il décida de ne s’y rendre que demain lui annoncé
la nouvelle : son enfant était en sécurité c’était le plus important. Il
allait fêter la nouvelle à sa façon cette nuit. C’est effectivement ce qu’il
fit, gémissant entre les cuisses d’une de ses maitresses. Cette nuit passée
avec une autre femme, dans le lit conjugal eu le don de le calmer
définitivement. Le médecin avait précisé qu’il fallait éviter les émotions
fortes tout au long de la grossesse et en particulier lors des premiers mois.
Il n’allait pas lui crier dessus ou la violenter, juste lui annoncer qu’ils
allaient être parents et la ramener chez eux.
De bonne heuer, il a donc foutu Carmela ou Carlotta (il n’en
avait que faire de son prénom) dehors en lui jetant une liasse de billet au
visage. La jeune fille était furieuse, mais connaissait également les colères
de son Sugar Daddy. Elle partit donc sans faire d’esclandre après avoir ramassé
l’argent : sa seule compensation dans cette histoire.
Paul prit une douche, se fit beau et se mit en route pour
Bonoua après avoir laissé des consignes claires à la maison pour le nettoyage
de la chambre. Il n’avait même pas à s’inquiéter que quelqu’un parle de son
aventure à Bénédicte ; ce n’était pas la première fois qu’il couchait une
autre femme sur son lit conjugal. Ses employés savaient la fermer et se
contenter de faire leur boulot.
*
***
Bénédicte –
Je viens de me réveiller avec une migraine atroce. Normal,
je n’ai dormi que 3 heures cette nuit. Je n’ai fait que pleurer depuis mon
arrivée à Bonoua. J’ai dit à Pierre que je ne croyais pas à cette histoire de
grossesse mais ces 2 mois de retard ont fait naître en mois un petit espoir
d’avoir une chance d’enfanter. Cet espoir a été vite balayer quand j’ai
constaté au départ de Pierre, du sang dans mon dessous. Illusions ! Tout
ceci n’était qu’illusion donc ?! J’avais mal et surtout peur de sa
réaction à lui quand il se rendrait compte que les résultats sont négatifs. Je
n’avais pas la force aujourd’hui, je n’avais pas le cran de rester et de
l’attendre afin qu’il déverse sur moi sa frustration et sa rage. Non pas
aujourd’hui.
J’ai fourré des vêtements dans un sac direction Bonoua à la
maison de Charlotte ma cousine. Il n’allait pas faire 3 heures de route pour
m’insulter, il allait juste tranquillement retourner en voyage avec une de ses
femmes de joie qu’il veut mettre enceinte. Il pense que je ne sais pas qu’il
les « auditionne » pour lui faire un enfant. Je sais tout dans les
moindres détails, tout sur chacune de ces femmes mais à qui pourrais-je me
plaindre ? Je me suis juste contentée d’éteindre mon téléphone et d’aller
loin de lui pleurer mon cœur brisé.
C’est donc ce que j’ai fait toute la nuit d’hier : Pleurer
jusqu’à 6 heures.
En plus de la migraine que je ressens ce matin, une violente
nausée m’a prise par les tripes au point de me précipiter aux toilettes vomir
quinze bonnes minutes la tête dans la cuvette. Je vais devoir voir un médecin
ou le paludisme va me tuer.
Harassée d’avoir vomi autant sans avoir diner la veille, je
me suis trainée vers le lavabo me brosser les dents puis couler un bain chaud
avec de la mousse où je pourrais me ressourcer.
Je m’endormis dans le bain tellement il détendait mes
muscles. Mon esprit me menait à un rêve peu catholique, je gémissais même tellement
ces caresses qu’on m’y appliquait étaient bonnes. Puis je me réveillai en
sursautant ce n’était pas un rêve : ces caresses étaient bien réelles.
Quelqu’un, non, Paul plutôt se tenait dans l’immense baignoire avec moi, nu
comme un ver et le sourire aux lèvres ses mains faisaient des merveilles sur
mon corps. Je ne comprenais pas ce qu’il faisait là, je ne comprenais pas
pourquoi il n’était pas en colère ni pourquoi il était là nu avec moi dans mon bain.
Je n’eus pas le temps de réfléchir plus que le plaisir me montait à la tête quelques
secondes plus tard. Je ne saignais plus, en silence il me sortit du bain et me
fit l’amour avec passion et amour.
Me serrant dans ses bras, il brisa le silence après qu’on
ait atteint la jouissance :
-
Merci de faire de moi, l’homme le plus heureux
de la terre. Dans 7 mois on aura un petit garçon ou une petite fille
-
…
-
On va être parent et je ne veux vivre cette
expérience qu’avec toi et avec aucune autre
Je n’y croyais toujours pas : les résultats étaient
donc positifs? Après tout ce temps mon Dieu, enfin j’allais être mère…
J’éclatai en sanglot et Paul me rassura en embrassant
chacune de mes larmes.
*
***
Paul était redevenu
charmant, avenant, disponible, doux. Je rayonnais et je me décidais même à me
réconcilier avec mon père. Je ne souffrais plus, je n’avais donc plus besoin de
le punir.
Jamais je n’ai ressenti plus grand bonheur que durant cette
grossesse; quand j’ai su que j’attendais une fille j’ai eu peur que Paul soit
déçu mais il accueillit la nouvelle avec tellement de joie que tous mes doutes
furent balayés.
A 8 mois et 3 semaines, après une grossesse épanouie et
hautement surveillée par les médecins, je mis au monde mon ange, mon enfant, ma
fille : Ayabba ; Par césarienne à cause de complications, cet enfant
m’aura coûtée 20 heures de travail et une trompe sectionnée. J’ai mis Aya au
monde dans la douleur, les larmes et le sang mettant ma propre vie en danger,
mais au premier regard j’ai compris que tous ces sacrifices en valaient la
peine.
Cet enfant, moi tout comme Paul l’avons cherché et désiré et
aujourd’hui elle est là nous regardant de ces petits yeux émerveillés.
Je ne suis plus un ventre vide, une bonne à rien. Mon mari
m’aime à nouveau, ne me trompe plus et ne me bat plus. Je peux enfin vivre ma
part de bonheur.
*
***
Bénédicte, pensait réellement que son calvaire était
terminé, mais c’était sans compter la nature de son Mari.
Elle l’avait découvert le jour du 3ème
anniversaire de sa fille lorsqu’une godiche sans classe ni éducation vint lui
déballer sa relation avec son mari et l’enfant qu’elle attendait de lui, un
garçon avait-elle dit, afin qu’il transmette son nom.
Bénédicte était tombée de haut ce jour mais elle se retint
de parler. Elle laissa cette fille lui rire au nez et s’en aller sans qu’elle
ne dise mot. Elle était en colère, blessée mais hors de question de s’ouvrir
les veines pour Paul une seconde fois : elle avait maintenant sa fille.
C’était ces petites putes qui voulaient briser son mariage qu’elle allait
corriger. Comme elles ne savaient pas dire non à un homme marié, elles allaient
apprendre à leurs dépens.
Cette décision, Bénédicte l’a prise immédiatement et l’a
appliqué dans le secret. Aucun esclandre, aucune dispute avec son mari, elle
préservait son foyer. Toutefois, agressions, enlèvements, maraboutage,
disparitions étaient le lot des maitresses de Paul. Elle n’avait aucun souci
avec le fait de salir ses mains de sang, de faire avorter ses femmes au besoin,
de les rouer de coups ou les faire violer. Elle le faisait pour préserver sa
famille. Son mari pouvait se vider les couilles quand il le voulait, sa
priorité n’était plus son amour démesuré pour lui mais sa fille. Qu’aucune de
ces catins ne s’approche trop près de sa famille ou ne pense qu’un batard
viendra profiter de ce qu’est devenu l’homme que son père à fabriquer. Cela elle
ne l’accepterait jamais et elle y veillait scrupuleusement.
Paul voyait bien que sa femme sévissait chez ses maitresses
toutefois il s’en foutait largement : il n’en aimait aucune, elles étaient
là pour l’argent alors qu’elles assument le risque. Il continuait son
vagabondage sexuel faisant l’aveugle aux victimes de sa femme et elle en retour
faisait l’épouse aimante, muette face à son attitude tant qu’il continuait
d’être un « bon mari » et surtout un bon père pou Aya. Paul était en
effet un bon père au sens de Béné. Ce dernier aimait d’un amour profond
presqu’obsessionnel sa fille et l’éduquait comme il le fallait. Leur famille
était pour Paul et Bénédicte parfaite, ils ne comptaient pas briser cet
équilibre pour le sort de quelques filles faciles.
Ayabba grandit donc dans une atmosphère paisible, choyée par
son père, sa mère et son grand père. Elle avait les plus beaux vêtements, les
meilleurs professeurs, avait des bijoux d’une valeur indécente pour une enfant,
voyageait partout dans le monde. Elle était capricieuse et son père lui passait
tous ces caprices car en plus d’être belle, elle était brillante et ambitieuse.
Son père l’aimait sincèrement de tout son cœur, à rendre jalouse quelque fois
sa mère.
Bénédicte l’avait sa famille parfaite et était satisfaite de
la vie que le ciel avait fini par lui donner. Elle déplorait parfois, le
comportement d’Aya qui était plutôt difficile à vivre et exigeante mais elle se
ressaisissait toujours quand son « bébé » la mettait dans une colère
noire. Elle se souvenait alors de combien elle avait trimé pour l’avoir et lui
pardonnait ses crises d’enfant gâtée.
Toutefois, ce beau tableau de la famille AKA se fissura pour
Bénédicte un soir, en pleines vacances scolaires ; Aya avait alors 13 ans.