Le début de la fin
Ecrit par Kossilate
Chapitre onze : Le début de la fin
La vie est faite de rencontres et de relations. Certaines sont positives et vous ouvrent de nouveaux horizons, tandis que d'autres sont négatives et font ressortir et amplifier le pire en vous. Mais il y a une chose qui est immuable, ces relations et rencontres ne vous laissent jamais indifférents, elles ne sont jamais sans impact et cela est vrai même pour la plus insignifiante d'entre elles. Grâce m’a redonné confiance en l'être humain, Tati Joss m’a apporté l'hospitalité, le soutien, les conseils, et Kira m’a apporté une famille… Famille qui s'est d'ailleurs agrandie après la rencontre avec Mia, la fille de Grâce.
Mia est l'exacte opposée de sa mère mais il y a certains points, comme la générosité, sur lesquels elles sont pareilles. J'ai vu une photo de Mia avant de prendre l'avion donc il n'a pas été difficile pour moi de la reconnaître à l'aéroport de Seattle. La retrouver par contre a été une tout autre affaire. Entre la foule en déplacement permanent, les contrôles de sécurité poussés à la limite de la paranoïa et Yelen qui avait décidé de ne pas me faciliter la tâche, il m'avait fallu deux heures à tout cassé pour retrouver Mia.
- Hi……Mia ?? Demandai-je en anglais.
- Phoebe, cria t-elle lorsqu'elle se retourna et me vu.
- Coucou….
- Waow, chérie tu es trop belle. Ooooh, c'est qui ça, dit-elle en s'accroupissant près de Mia.
Si je m'attendais à cet accueil….. Pendant mon voyage, j'avais passé des heures à me demander comment allait se dérouler la rencontre avec Mia. Sa mère m'avait dit que c'était une fille ultra extravertie qui adorait la compagnie, raison pour laquelle elle avait d'ailleurs accepté la cohabitation. Malgré quelques doutes j'avais réussi à me calmer par rapport à cette rencontre mais si je n'avais ne serait-ce que imaginer un tel accueil, j'aurai autant dormi que Yelen.
- Elle est trop mignonne, ajouta t-elle en prenant Yelen qui lui tendait déjà les bras.
- ……
- J'espère je ne te mets pas trop mal à l'aise avec mon enthousiasme. Depuis quatre ans, que je la supplie ce n'est que maintenant que maman accepte de me laisser avoir une colocataire, donc je suis juste « en feu »
- Désolée, c'est moi qui ne suis pas très loquace….je ne m'attendais pas à un accueil aussi……
- Enthousiaste….proposa-t-elle en me faisant un clin d'œil
- Oui, dis-je avant que nous nous mimes à rire.
Lorsque nous eûmes finis de charger toutes les valises dans la voiture de Mia, nous allâmes à l'appartement. C'était un joli immeuble ancien à deux pas du pioneer square. Je me rappelle avoir souri en pensant que je pourrai venir m'y balader avec ma fille. Seattle était une ville très étonnante, tellement le contraste vieux et nouveau s'y mélangeait. Vous savez, nous étions en 2017, la technologie et la modernité n'avaient pas encore réussi à abattre tous les vestiges du passé. Ce n'est pas comme maintenant cinquante ans plus tard où nous nous retrouvons avec des tours de verres à n'en pas finir à tous les coins de rues. Pour en revenir à ce que je disais, Seattle malgré son avancée dans la modernisation, respirait l'histoire à travers les vestiges de son passé comme ce square et cet immeuble en brique rouge dans lequel ma fille et moi allions habitée.
- Il est beau n'est-ce pas ?? Demanda Mia en nous rejoignant Yelen et moi de l'autre côté de la voiture.
- Laisse-moi deviner…Je devais sourire comme une idiote en descendant de la voiture.
- Je ne dirais pas comme une idiote mais plutôt comme un millionnaire devant son yacht
- Hein…..
- T'en fais pas tu vas t'habituer à mes blagues vaseuses.
- Krkrkr. J'espère
- C'est maman qui a choisi l'immeuble et l'appartement mais il est juste magnifique. Comme je savais aussi que tu viendrais avec ta fille, j'ai pris les devants et j'ai meublé et décoré l'appartement. J'espère qu'il sera à ta convenance. En plus, j'ai préparé juste avant de venir vous cherchez et sans me vanter vous allez vous régaler. Et ……
- Mia, dis-je en lui touchant le bras
- Oui….
- Respire
- Mdr. Désolée, j'adore parler.
- J'ai remarqué, dis-je avant de lui sourire.
Ce jour-là je passais mon temps à m’extasier devant là décor pour faire plaisir à Mia mais le seul truc qui m'importait, c'était de manger et de dormir. Ma colocataire sembla le comprendre quand je mis à piquer du nez dans mon assiette de spaghetti. Après tout je venais de passer plus d'une journée dans un avion avec pour tout et en tout deux escales, l'une à Paris et l'autre à Chicago.
La semaine qui suivie, je sortis souvent pour finaliser ma venue avec tout ce qui était démarches administratives pour la Green card d'une part, et pour l'inscription à l'université d'autre part. J’arrivai à Seattle en début de mois de juin. Cela me laissait donc un peu moins de deux mois pour faire ces courses administratives mais je voulais en finir au plutôt pour pouvoir mieux connaître la ville afin de ne pas trop emmerder Mia lorsque les cours débuteront en septembre. Il fallait aussi que je trouve un daycare pour Yelen, il était bien entendu exclu qu'elle m'accompagne.
- Mia, criais-je depuis le salon.
- Hmm…..
- Dépêche-toi on va être à la bourre.
- J'arrive.
- Maman, quescequelle fait tata Mia, demanda Yelen la main sous le menton.
- Elle…..
- Se maquillait ma choupinette d’amour, répondit Mia en me déboulant au salon.
Cela faisait un mois que nous avions commencé les cours, Mia et moi, et petit à petit nous avons établi une routine bien à nous. Le matin on se levait et on faisait le petit déjeuner, on déposait ensuite Yelen au « Child care ressources » puis toutes les deux on allait au campus. Mia et moi, nous étions devenues comme les deux doigts de la main mais je n'avais pas encore trouvé la force de lui raconter en intégralité tout ce qui m'est arrivé. Elle ne sait de moi que ce sa mère a bien voulu lui dire et quelques d'informations sans grande importance que je lui ai dite, soit, que j'avais trois sœurs dont j'ai souvent été séparée et que c'était pour nous donner une chance d'avenir prospère que j'étais venue étudier ici. D'ailleurs, elle s'entendait aussi super bien avec Kira et les jumelles, et ne manquait jamais avec l'aide de Yelen, de monopoliser mon ordinateur lorsque je les appelais sur Skype.
On ne tarda pas à arriver au campus et à se séparer car on ne suivait les mêmes cours.
- Au faite, Phoebe, j'ai parlé à mon amie et elle a dit qu'il recherchait une serveuse. Elle m'en dira plus tout à l'heure, lança Mia lorsqu'elle fut à deux mètres de moi.
- Oh yes…. !! Je t'ai déjà que je t'aimais ?
- Tu n'as pas besoin de le faire. Qui peut ne pas m'aimer ?? Ajouta la jeune fille en prenant un faux air suffisant.
- Vas-y ce soir je te prépare une surprise.
- Hmmmmm !!
Ce jour-là c'est le cœur plus léger que je me rendis aux cours. La vie aux States est tellement onéreuse que s'en ai désespérant. Juste l'université et le daycare de Yelen, suffisaient à me pomper toutes les ressources financière du mois. Heureusement, je vivais avec Mia et je n'avais donc pas trop à m'en faire pour la nourriture et le confort domestique. Mais à force je commençais à me sentir à la charge de Grâce qui envoyait plein de trucs à sa filleule, de Mia qui m'hébergeait gratuitement chez elle et même de Kira qui ne cessaient jamais de m'envoyer de l'argent pour mes études. J'avais donc décidé de me trouver un travail afin de participer aux ravitaillements de la maison et d'économiser pour l'année à venir.
Cela était possible car étant en première année de licence j'avais plus des « prerequisite courses » qu'autre chose. Ce sont des cours préalables à suivre lors des deux premières de licence avant la spécialisation proprement dite en troisième avec le choix du « major » notre matière principale.
Je m’arrachai à mes réflexions et hâtai le pas pour me rendre en cours. J'avais littérature ce matin et on devait lire « Les Hauts de Hurlevent » de Emily Brontë, pour la séance. L'une des particularités du système éducatif américain que j'ai adoré, est cette façon de faire les cours sous formes de débat au cours duquel on énonçait chacun nos idées qu'on soutenait d'argument et le livre de Emily Brontë était de ceux qui pouvait faire naître plusieurs opinions toutes plus en contradictions les unes que les autres. En somme, je sentais que j'allais m'amuser.
- Bonjour, dit le professeur Newby en entrant dans l'amphithéâtre.
- Bonjour.
- J'espère que vous avez lu le livre car je pense utiliser toutes les séances de cette semaine pour le décortiquer.
- .......
- Eh bien ! Commençons par…..
La porte de l’amphi venait de s'ouvrir laissant entrer un jeune homme métis avec un « dreads locks bum » à en faire pâlir, les nappes les plus engagées. J'étais assise juste dans les premiers rangs, il m'était donc impossible de voir clairement ses yeux mais il avait un regard perçant et un menton volontaire. Ses lèvres pleines étaient mise en valeur par sa barbe qui appelait incessamment au toucher tandis que son corps semblait sculpté dans le marbre tant son polo était tendu sur ses pectoraux. En une expression, il était beau et même mes hormones étaient d'accord. Depuis le jeune homme marié du boudoir, je n'avais plus eu ce genre de regard sur un homme et le fait que presque tous mes malheurs ont été induits par des hommes, me faisait, plus les fuir que rechercher leur compagnie.
- Zayn….
- Désolé monsieur pour le retard... Un empêchement de dernière minute.
- Je vois. Mais de toute façon nous venons à peine de commencer. Installe-toi.
J'étais choquée de la facilité avec laquelle monsieur Newby parlait avec ….Zayn. Ce professeur était du genre collet monté sur les règles et n'acceptait aucun écart à moins que vous ne fassiez paraître du cercle très fermé de ses élèves préférés.
- Chers élèves, je vous présente Zayn M’BENG. Il est en préparation de sa thèse de maîtrise sur « Les Hauts du Hurlevent » et il participera tout au long de cette semaine au divers débats pour étoffer l'écriture de thèse, affirma le professeur tandis que Zayn s'asseyait dans la dernière rangée de bancs prêts de la porte.
- M’BENG… fis je estomaquée.
- Mademoiselle AMARACHI ??
- Oh ! Désolée monsieur Newby ……je réfléchissais tout haut, répondis-je avant de m'enfoncer dans ma chaise.
J'essayai de calmer mon esprit qui tournait en régime industriel tant j'étais choquée par ce que je venais d'entendre. Ce garçon aurait t-il des liens de familles avec Mia ??
- Alors qui peut nous dire ce qu'il a pensé de l'œuvre d’Emily Brontë ??
- Il s'agit de l'un des derniers ouvrages majeurs du romantisme européen en littérature, énonça un garçon assis deux rangées au dessus de moi.
- Monsieur Lanister, je vous parle de vos opinions personnelles sur l'œuvre. Pas de ce que Wikipédia vous dicte de penser.
Cette phrase du professeur fit rire toute l'assemblée et eu pour effet de me dérider et de me ramener à la tâche du jour.
- Qui d'autre veut s'essayer ?? Et je vous en prie, épargner moi les absurdités écrites sur le net.
- …….
- Ce livre est un pur mélange de contradictions dis-je.
- Mademoiselle AMARACHI……continuez
- Eh bien, je pense que l'auteur charge tous ces personnages d'un caractère cruel pour faire ressortir leur humanité. Tous plus cruels les uns que les autres, la cruauté est érigée en norme et alors seuls les caractères primaires des acteurs sont alors remarqué. Comme l'amour de Heathcliff pour Catherine.
- Qu'en pensez-vous ???
- ………
- ……...
- Pourtant Hindley est une personne foncièrement mauvaise et peut être considéré comme l'instigateur de tous les malheurs de Catherine et Heathcliff, affirma Zayn devant le silence de toute la salle.
- Je suis d'accord avec vous, Hindley est mauvais et cela ne fait aucun doute. Mais il n'est pas cruel. Il est juste jaloux. Jaloux de la concurrence masculine qu'il voit en Heathcliff, jaloux de l'amour paternel qu'il pense devoir disputer à Heathcliff. Et par rapport à son rôle d'instigateur, je pense qu'il n'est pas plus coupable que Linton qui a juste fait l'erreur d'être le fils de la mauvaise personne. Chacun des personnages reste le propre instigateur de ses malheurs car trop primaires dans leurs émotions. Mais si vous cherchez un coupable, selon moi il s'agit du père de Catherine qui a laissé Heathcliff dans l'ignorance et n'a pas réagi devant la jalousie de Hindley.
- …….
- ……
- Il n'y a pourtant rien de primaire dans la vengeance de Heathcliff. Il s'agit là d'un plan mûri, travaillé et perfectionné depuis le jour de la confession de Catherine, ajouta Zayn dès que j'eus fini.
- Le plan de vengeance de Heathcliff est vraiment travaillé, mais sa vengeance en elle-même est primaire. Il n'a entendu que la première partie de la confession de Catherine car il s'est laissé emporter par la colère et n'a pas voulu en entendre plus.
- …….
Pendant l'heure qui suivie, les autres commencèrent peu à peu à participer, si bien qu'au bout de trois heures, nous ressortions de l'amphithéâtre avec des idées plus ébranlées et plus contradictoires les unes que les autres. Le reste de la journée fut tout aussi mouvementée et lorsque je finis par m'asseoir sur le siège de la voiture de Mia, j'étais si fatiguée qu'il ne me vint même pas à l'esprit de lui demander si elle connaissait un certain Zayn M’BENG.
Le lendemain pendant le cours de littérature, de nouvelles idées furent évoquées mais ce qui me marqua le plus, fut l'insistance du regard de Zayn sur moi. Son regard était tellement perçant que j'avais même l'impression qu'il me brûlait la nuque et ce n'était pas pour déplaire à mes hormones qui étaient comme déchaînées après tout ce temps d'abstinence mentale, physique et émotionnelle par rapport aux hommes. À la fin du cours, il descendit parler à monsieur Newby et au passage accrocha mon regard. Je ne fais pas partie de ces personnes qui savent lire dans le regard, je ne suis d'ailleurs toujours demandé comment ils s'y prenaient. Mais par contre, j'avais appris à comprendre les mots mais aussi les silences et le langage corporel de ceux qui m'entouraient, et le langage corporel de Zayn criait qu'il s'intéressait à ma personne. Restait à savoir sur quel plan.
- Coucou Yelen, dis-je en prenant mon bébé.
Ce jour-là, nous avions fini avant la classe de Mia. Je décidai donc d'aller chercher ma fille à la crèche. De plus, je voulais en profiter pour préparer sa surprise à Mia. Puisqu'elle aimait mes plats, je prévoyais lui faire du garda ivoirien, un mets que j'ai connu au Bénin. Yelen m'aidait à préparer en me détendant avec ces histoires et chansons apprises à la garderie. Le langage était encore haché comme pour tout enfant de son âge mais c'était un plaisir de l'entendre parler. Je finissais de ranger la cuisine lorsque j'entendis la clé tournée dans la serrure.
- Tata Mia, cria Yelen en allant à la rencontre de Mia.
- Coucou mon bébé, ça va toi ???
- Oui, tata. Amené quoi ?? Demanda Yelen.
- Yelen arrête de harceler ta tata, dis-je en sortant de la cuisine.
- Hey Phoebe…..
- Ça va belle gosse
- La belle gosse est éreintée, entendis-je dire une voix dans l'embrasure de la porte que Mia avait laissée ouverte.
-
Je me retournais vivement pour tomber sur Zayn qui entrait dans le salon en tirant une valise derrière lui.