Les bacheliers

Ecrit par Farida IB

**** Un mois et demi plus tard **** 

Nahia…


C’est la débandade au Lycée de Tokoin où a lieu la proclamation des résultats du Bac, l’immense estrade du lycée est rempli d’une foule allant de certains braves élèves comme nous ayant eu le cran de venir entendre par eux-mêmes l’annonce de leurs résultats, de certains parents d’élèves, et même de certains curieux pour le plaisir de se moquer des malheureux candidats. Ça m’étonne souvent que certaines personnes se montrent aussi méchantes envers leurs semblables. 

Encore une heure de stress et de torpeur et les membres du jury nous montrent enfin leur visage suivis des présidents du jury de chacune des deux séries selon le discours que nous sert actuellement l’un d’entre eux. Il donne encore quelques consignes et annonce les hostilités. Tina et moi sommes déçues du fait qu’il commence par la série scientifique. Il notifie d’abord que leur résultat est en régression par rapport à celui des années précédentes et exhorte les candidats malheureux à redoubler d’efforts l’année prochaine.


Tina (piquée au vif) : le vieux arrête nous le discours et donne les résultats, moi, je ne tiens plus. 


Moi : aka Tina tu nous fais carrément une crise de panique là, je t’en prie calme toi. Ils n’ont pas le choix que de nous déclarer admises pas nous seule toute la team d’ailleurs.


Tina : je sais, mais tu sais bien que pour un examen, il ne faut pas se fier uniquement à son travail, il faut que la chance soit également de ton côté.


Un gars derrière nous : mais Chutt les pipelettes 


(nous nous retournons et le regardons genre)


C’est vrai que je bouillonne de l’intérieur, mais j’essaie d’être calme pour ne pas qu’une crise me prenne là au milieu de cette foule. Neuf longs mois de peine et d’ardeur se résument à cette soirée. Ça passe ou ça casse, mais ce que je voudrais, c’est de revoir une lueur d’allégresse dans les yeux de mes parents qui ce sont tant donnés pour moi et surtout pour les évènements de ces dernières semaines. Je peux vous assurer combien ces trente jours d’attentes ont été un vrai supplice, c’est Bil qui me rassure de temps à autres. Moi, je ne crois plus en rien puisque j’ai été indisposé jusqu’à la veille des examens donc là, je m’attends à tout (soupire.).


Le président du jury continue sa torture, j’appelle ça torture parce qu’il y a plus de pleurs et de découragements que de joie pendant qu’il lisait la liste. J’ai quand même entendu quelques noms des potes au lycée et au quartier. Il vient de terminer avec eux et un autre prend le relai.


Je me rends compte en ce moment que l’heure de la vérité a sonné et resserre la main de Tina. 


****


Nos résultats sont quand même mieux par rapport aux séries scientifiques parce que bons nombres se déchaînent partout et beuguent sur d’autres quelques fois. Les réactions de certains sont justes à mourir de rire, mais personne n’a envie de rire surtout nous autres qui ne connaissons pas encore notre sort.


Une trentaine de minutes encore et j’entends de loin dans le micro "avec une mention Bien ADJA Assibi Nahiath".


Tina : avec mention ma fille ça devient intéressant, tu as bien ouvert le bal.


Je ne réagis pas encore sous l'effet de l’émotion, pour dire vrai, je ne savais pas comment réagir, j'étais prise de court. Là, j’attends juste que les autres suivent la cadence pour vraiment jubiler.


Quelques minutes encore et nous paniquons vraiment, le massacre que nous fait le gars-là n’annonce rien de bon. Ils sautent les noms en pagaille, Tina me sert avec une telle pression que je ne sens plus mes doigts. 


Comme si elle lisait en moi, nous nous sommes soulevées à l’entente du nom AMAH Mazalo Martine. Hey ! (on se tape dans les mains.)


Nous deux : vive les étudiantes !


Laissez ! Cette phrase nous l’avons trop répété et rien que la prononcer ça te donne un air important (rire).


Nous attendons jusqu’à la fin, c’était un truc de ouf la ″Winner Team″ (surnom que nous avons donné au groupe pour nous donner la pêche) a fait fort, rien que des mentions.


Nous sommes à présent à l’extérieur du lycée et le papa de Tina est déjà là à l’attendre avec leur petit dernier. Benjamin nous saute dessus lorsqu’il nous aperçoit et nous lui rendons bien son câlin. Le père de Tina nous félicite également et propose de me déposer ce que j’accepte avec plaisir, comme sa Tina et moi feront un peu de lèguèdè (railleries) avant de nous séparer (rire). 


Nous arrivons très vite chez moi, Ma attendais au portail, je l’avais déjà averti au téléphone. Elle est restée à la maison exprès. 


Je ne finis même pas de descendre de la voiture que je veux lui faire une accolade.


Père Tina : descends d’abord et les réjouissances après, là, tu risques de tomber.


Ma : vraiment !


Ils éclatent tous de rire devant ma bouille honteuse, je descends ensuite et Ma me prend dans ses bras. Je suis trop, trop, mais trop contente.


On reste là à commenter un moment sous le regard curieux des voisins du quartier qui nous font des semblants de félicitations en passant puis les AMAH nous faussent compagnie et nous rentrons à la maison.

Ceux-là, ils croyaient trop en notre échec surtout celle de Tina, ah les choses des gens de mon quartier. Qu’elle se joue trop la fille qui ne lave pas son c**l avec ses mains. Tu vis ta vie dans ton coin tranquille, mais ils trouvent toujours le moyen de vouloir te mêler à leur niaiserie, tsuipp !


Ma : félicitation encore ma fille, je suis vraiment fière de toi


Moi : merci, c’est grâce à vous et mon diplôme, je vous le dédie. Je l’ai fait pour vous.


Ma : surtout pour toi-même, tiens (elle me tend un billet de dix mille) achète toi des unités. Les autres s’impatientent, ta tantine n’arrêtait pas de m’appeler. Je voulais que tu les informes toi-même.


Moi (taquine) : la madré, faudrait que je passe le Bac tous les jours. Le billet violet pour moi seule, ah ça Amou aura bien les détails.


Ma : voilà que tu me sors déjà des expressions estudiantines, du jour au lendemain, je deviens la madré (elle secoue la tête.), file avant que je ne te reprenne le billet.


Moi : rohh Ma change un peu.


Je m’achète des unités, mais même pas avec le quart du billet (qui est fou ?), j’appelle d’abord Pa qui rejette et me rappelle. Il me félicite et me promet un cadeau à son retour. J’appelle ensuite tantine et c’est Amou qui décroche au quart de la sonnerie (parce qu’elle n’a même pas laissé sonner rire).


Moi (voix joviale) : dis bonsoir à l’étudiante Sis !


Ma sœur pousse un cri strident qui manque de me casser les tympans, les autres la rejoignent et ça part dans un torrent de félicitations et des promesses de cadeaux par-ci par-là. Tout le monde était content pour moi et j’étais surtout heureuse de leur faire cet honneur.


****

La nuit m’a rattrapé au téléphone, il y a eu toute la famille du côté de Cotonou puis de Lomé et Tina qui m’a fait le rapport de l’ambiance chez elle. Tonton Hamed me promet un téléphone, je crois que je n’aurai pas de place pour mes cadeaux s’ils respectent tous leurs engagements. Pour le moment il y a Ma qui a devancé tout le moment en m’offrant pas un mais trois différentes pièces de pagne, je cite un pagne Vlisco, un Wax Hollandais et mon coup de cœur un Wooding couleur blanc, rose, bleu (mes trois couleurs préférées) avec des motifs super gai. Waaaa, j’étais restée bouche bée avec des étoiles dans les yeux comme si j’avais trouvé le prince charmant. 

En parlant de prince charmant, non… Bil ! Je l’ai carrément zappé de la soirée, je n’ai pas attendu pour le féliciter ni même l’appeler après et son silence me dit qu’il doit être là à bouder (je maîtrise mon type). Je me saisis du téléphone et l’appelle immédiatement.


Bil (à la troisième sonnerie) : alors on se rappelle de l’autre ?


Moi (me confondant en excuse) : B de moi, tu ne peux pas imaginer, j’ai eu toute la famille des quatre recoins du monde sur le dos.


Bil : je sais bien et c’est pour ça que je ne voulais pas déranger encore que je voudrais te féliciter, mais de vive voix avec les gestes qui vont avec.


Moi : aaouhh, c’est touchant mon coco, Tina m’a parlé d’une teuf prévue par la team samedi, une idée de Brady ça te dit ?


Bil : et comment ? Nous avons fait le programme ensemble, en gros, on se fait « une journée victoire », ça démarre à six heures par un foot entre mecs et l’apothéose en boîte.


Moi : ekieee, boîte carrément. Mes parents-là vont me donner la permission, tu crois ?


Bil : tu es bien une étudiante maintenant voyons ! Et puis c’est pour fêter notre réussite.


Moi : je saurai me montrer convaincante, je passe te confirmer la veille.


Bil : ok ! 


Nous discutons encore quelques minutes et je me couche le sourire aux lèvres.

My pathetic love sto...