Les cauris

Ecrit par Les Chroniques de Naty

Chapitre  6

 

(Khadîdja Sy Savané)

 

Plus de 25 ans que je suis mariée et ma vie de couple n’a pas toujours été rose ; mais je ne me suis jamais plains car je comptais que mes enfants pour apaiser ma douleur.

Malheureusement Ayana a décidé d’en ajouter sur ma souffrance. Cette petite finira par me tuer, je pensais que son attitude changerais avec le temps mais rien n’y faire. Il faut que je trouve une solution, sinon ma réputation et celle de ma famille sera salie. Au grand maux les grands remèdes ! Je vais devoir faire un tour chez M’bomba la jeteuse de cauris.

C’est grâce à elle que le mariage de Mina a pu se fait sans problème, c’est décider je retourne voir la vieille pour qu’elle puisse m’aider avant que cette jeune écervelée ne gâche sa vie et la nôtre avec.

C’est l’heure de la sieste, je peux donc y aller sans éveiller les soupçons de N’fa, car si jamais il sait que j’ai recours aux aides de M’bomba, je peux dire adieu à mon foyer.

En tant que mère et femme que ne ferrai-t-on pas pour le bonheur de sa progéniture ? Je n’ai pas eu la chance d’avoir des garçons, néanmoins je remercie le bon Dieu de m’avoir donné quatre magnifiques filles ; elles font ma fierté et mon bonheur. Je dois veiller à ce qu’elles soient heureuses. Et si ce bonheur passe par le fait que je fasse entorse à mes principes et convictions je le ferai sans aucune hésitation. Elles sont ma seule richesse, et ce même si ma cadette me fait des misères ces derniers temps.

J’arrive assez vite chez la vieille, il Ya très peu de monde à cette heure de la journée ; ça me permettra de ne pas trop tarder. Car mon mari ne doit pas remarquer mon absence.

Je la trouve comme d’habitude assise sur sa petite natte, les pieds replier scrutant ses cauris comme si elle leur parlait.

—Salam Aleicoum Mah !

—Waleicoum Salam Savané. Comment vas-tu ma fille ?

—Je vais bien Mah et chez toi ça va ?

—Eh mon enfant ce sont mes articulations qui me fatigue comme toujours ; tu sais avec l’âge il devient difficile pour moi de rester assise longtemps. Mais grâce à Allah on se maintient. Dis-moi que me vaut l’honneur de ta visite ?

—Eh ma visite n’a rien d’une visite de courtoisie ; en plus je dois doit faire vite pour rentrer car ton gendre ne sais pas que je suis là. En fait il s’agit de ta petite fille Ayana, tu as appris qu’elle doit se marier au fils d’Abdoul Diakité, mais elle refuse catégoriquement ; pourtant tu connais bien comment est son père il ne reviendra jamais sur sa décision. Donc actuellement c’est la guerre à la maison. Je t’en prie aide moi, je ne sais plus où donner de la tête. Implorais-je.

La vieille secoua longuement la tête avant de prendre la parole.

—Oui je comprends ta préoccupation. Tu te rappelles que lors du mariage de ta première fille Mina je t’ai dit de faire faire un bain de lait de vache à toutes tes filles non ? Mais Ayana a refusé et tu n’as pas insisté disant qu’il Ya une bonne raison si elle refuse et que tu le referas une prochaine fois ; en effet c’était pour éviter cette situation que je t’avais demandé ça. Rien n’est fortuit dans la vie mon enfant.

Oui je me rappelle bien de cette histoire. Comme à son habitude Ayana a carrément refuser en disant que ce sont des bêtises de vieille femme et qu’elle n’en fera rien, elle m’a même menacée d’en parler à son père si jamais je la forçais à faire ce bain car elle savait très bien que je me cachais de ce dernier. Mon mari a raison, j’ai trop gâtée cette enfant et maintenant j’en paye les frais ; je lui passais tous ses caprices.

—Que puis-je faire maintenant Mah pour y remédier ? Demandais-je désespérée. Il faut vraiment que tu me viennes en aide, mon mariage en dépend. Si elle refuse le sien je serai répudier et je ne peux permettre que cela arrive.

—Que veux-tu que je fasse au juste ?

—Je veux qu’on fasse comme on pour Mina. Une petite poudre dans son plat et elle tombe amoureuse de son fiancé.

—Un filtre d’amour alors ?

—Oui oui Mah un filtre d’amour. Acquiesçais-je. Et même s’il Ya plus efficace je prendrai. Parce qu’Amina est de nature soumise donc le filtre a marché sans problème. Mais en ce qui concerne Ayana c’est tout autre chose, elle est rebelle et revêche par conséquent je veux quelque chose qui la rendra calme et sans histoire.

Elle commença alors la consultation. Elle me tendit un cauris sur lequel je devais dire tout ce que j’ai sur le cœur et tous les problèmes auxquels je suis confrontée. Chose que je fis.

Lorsque je le lui remis, elle le mélangeait avec les autres cauris ; les lança, les rattrapa et poussais ; elle parlait et remuais la tête d’un air triste ; là je prends peur. Que disent les cauris ?

—Mah que disent les cauris ?

Elle me fit signe de patienter et continua son manège qui dura un bon moment. Et lorsqu’elle finit, elle souffla dessus et me regarda d’un œil pathétique.

—Tu as beaucoup souffert dans ce foyer, car tu as épousé Savané contre ton gré. Mais tu l’as fait pour éviter la honte et le déshonneur à ta famille. Tu as leur bénédiction vue que tu as respecté leur décision. Tu as honorée et respecter leur volonté ! Sois toujours bénie Khadîdja. Mais mon enfant chaque âme a sa propre croix qu’elle doit porter et accomplir son destin avant de mourir. Chacune de tes filles a une destinée différente de celles des autres. Regardes ces trois cauris ensemble, ce sont Mina et les jumelles, elles sont ensemble car elle te ressemble et l’autre cauris à coté c’est toi. Elles ont pris leur sagesse et leur soumission chez toi ; c’est ton trait de caractère que tu leur as transmis.

Je souris, heureuse pour mes trois filles, je ne m’inquiète pas trop pour elles car je sais qu’elles seront de grandes dames un jour, elles ont bon cœur.

—Mais et Ayana Mah? Pourquoi n’est-elle pas avec ses sœurs.

—Tu connais déjà la réponse à ta question. dit-elle. La cauris au loin représente Ayana et celui juste à côté c’est ton mari. Ces deux-là se ressemblent ; ta fille a un cœur d’homme. Elle n’a pas de pitié et n’est en aucun cas soumise. Elle est faite pour diriger et commander. Son destin s’accomplira mais au prix de grande douleur. Elle sera heureuse, mais contrairement aux autres elle n’est pas prédestinée au bonheur, elle devra le chercher, le trouver et le bâtir. Son mariage se fera certes n’ait aucune crainte.

Je soupire soulagée par cette bonne nouvelle, mais la suite me fit redescendre vite de mon nuage.

—Cependant elle fera souffrir ceux qui l’aiment, elle sèmera la désolation. Prie beaucoup pour elle et fais des sacrifices car elle en aura besoin. Ce mariage ferra son bonheur, seulement qu’elle sera son propre bourreau en gâchant ce bonheur. Je ne peux pas te remettre de filtre pour Ayana ma fille, avouât-telle finalement.

—Mais pourquoi Mah ? Criais-je au bord des larmes. Tu m’as dit que tu pourras m’aider. J’ai besoin de toi aide moi s’il te plait !

—Mon enfant moi je ne suis qu’une simple messagère entre les cauris et vous autres qui leur demander de l’aide. Je ne dis que ce que je vois ; et je ne peux rien changer. Tu es croyante donc pris beaucoup.

Mes larmes coulaient de plus belle, je ne veux pas que ma fille souffre jusqu'à ce point. Mon bonheur ne sera jamais complet si l’une d’entre elles est malheureuse. Je veux la même chose pour les quatre. Et je suis prête a même y laisser ma fortune s’il le faut ! Rien que pour voir mes enfants sourires je suis capable de tout faire.

Comme si elle lisait dans mes pensée, M’bomba me donna des conseils.

—Je sais que c’est dur à accepter, mais c’est la volonté de Dieu et tu n’y peux rien contre ça. Tu ne peux que prier pour elle. Pour ce qui est du mariage de Mina, son mari prendra une seconde épouse dans les prochains mois.

—Quoi ? Comment est-ce possible ? Pourquoi Isaac ferra-t-il cela ?

Ma pauvre enfant ! Cette nouvelle l’anéantira. Déjà qu’elle n’arrive pas à avoir d’enfant depuis, si à cela vient s’ajouter une coépouse ; cela l’achèvera.

—Ce n’est pas la faute d’Isaac, sa mère veut des petits enfants et elle ne porte pas beaucoup ta fille dans son cœur. Mina devra s’armer de courage et de patiente. Qu’elle ne s’y oppose surtout pas ! Rien ne peut aller empêcher une destinée de s’accomplir, et nul ne peut aller contre ce que Dieu a décidé.

—Ne pouvons-nous rien faire Mah ? Je ne veux pas que mes filles souffrent, dis-je suppliante.

Elle secoua la tête pour dire non.

—RIEN ; à part prier bien sûr. Et pour terminer je te remettrai des plantes avec lesquelles elle se lavera pour chasser le mauvais œil. Son mari l’aime alors qu’elle patiente. La patiente, la soumission et la tolérance doivent être ses mots clés. Et la foi l’arme qu’elle utilisera pour se protéger contre les coups qu’elle recevra.

—Mais aura-t-elle des enfants ? Je voulais savoir si elle aura la chance d’être mère.

—S’il plait au bon Dieu.  Va mon enfant avant que mon gendre ne remarque ton absence et que Le Tout-Puissant t’aide. Tu peux venir me voir quand tu veux, je serai une oreille compatissante et une épaule généreuse.

—Merci Mah pour tes bons conseils.

Je lui remis de l’argent qu’elle ne voulut pas prendre, mais j’insistais. Elle m’a rendu un service et par conséquent elle doit être payée.

Je sortis de chez M’bomba le cœur en morceau. Je ne suis pas plus rassurer que lorsque je venais ; en venant j’étais dans l’ignorant et pleine d’espoir de trouver des solutions, et maintenant en partant je sais ce qui se passe ou mieux ce qui se passera mais que je ne peux rien faire pour empêcher tout ce qui arrivera à mes enfants.

Oh mon Dieu ! Aide-moi ! Ma fille se marie dans quelques jours et ne sera pas heureuse pour autant. Une autre aura bientôt une coépouse et qui dit polygamie dit conflit.

Mais je m’en remets à toi Seigneur…

Esclave de mon cœur