Mon calvaire: partie 5

Ecrit par Ibtissem

Mon calvaire : partie 5


Lorsque le commandant annonça qu’on survolait la ville de Niamey, un immense sentiment de plénitude m’envahit, m’arrachant des sanglots, l’émotion était si grande, j’allais enfin revoir mes parents et mes amis et aussi Karim.

Dramane vint me chercher en compagnie du petit frère de Dour Faye, en temps normal, il serait lui aussi me chercher à l’aéroport. J’étais dévastée de constater qu’il n’était vraiment plus là. Le chemin vers chez Hafsat fut silencieux, mon cœur battait très fort, comment j’allais trouver hafsat après ce drame.

Dourfaye était si jeune, arraché à la vie très tôt. Il était le pilier de sa famille et aidait beaucoup ses amis démunis.
Je fus accueillie par les enfants de hafsat qui étaient contents de me voir, ils manquèrent de me terrasser, chacun voulant prendre mes valises. Je retrouvais une hafsat méconnaissable, elle avait grossie, noircie et avait perdu cette flamme qu’elle avait dans les yeux.

Elle était fatiguée vue ses traits tirés et souriait timidement à ma vue. Je la saluais chaudement, je ne sais pas quoi lui dire ni comment me tenir devant elle. Elle me lança : tu as vu ce que la vie m’a fait ? il est parti, c’est fini, et elle éclata en sanglots. Je me mis aussi à pleurer à chaudes larmes.

Je m’installais dans ma fameuse chambre et tous les souvenirs bons comme sombres me revinrent à l’esprit. La semaine se passa calmement avec des va et vient des personnes pour les condoléances.

Un jour, il se passa quelque chose de bizarre dans la maison, j’étais en train de faire le ménage dans la chambre de Hafsat.
Tout ce que je touchais se gâtait ou produisait de l’électricité, on n’était pourtant pas en harmattan pour susciter un tel mécanisme.

J’ai cassé le robinet en le lavant, en voulant refermer la porte de la douche, j’ai brisé le poignet, je lâchais les assiettes etc… et c’était ainsi 3 jours durant. Cela commençait à agacer Hafsat qui pensait à la longue que j’étais distraite ou que je le faisais exprès.

Une nuit, j’eus le cauchemar de ma vie, Dourfaye qui revint, nu comme un verre de terre, me demander pardon pour tout, ça avait l’air si réel que je me réveillais en sursaut pour constater que ma porte était ouverte, pourtant je l’avais fermée avant de m’endormir. J’étais pétrifiée à l’idée de m’être connectée à son fantôme.

Dans la semaine, je demandais à aller à la campagne voir ma mère et mes sœurs. L’atmosphère chez Hafsat était lugubre tel dans un film d’horreur, les grincements des portes, les ampoules qui vacillaient, souvent j’avais l’impression de voir des ombres.

J’arrivais enfin à la campagne où je constatais aussi la même atmosphère, ma mère ne s’était pas remise du décès de mon père, elle avait pris subitement de l’âge. Cela tombait à pic, elle devait prendre sa retraite bientôt. Hum ! et mon père qui voulait que je fasse de longues études ! voilà qu’il n’était plus là et que ma mère allait en retraite, alors que mes sœurs étaient encore sous les bancs.

Ma marâtre s’en alla de la maison avec son fils, elle n’avait dorénavant plus rien à faire à la campagne, cette séparation brisa mes sœurs qui se virent se séparer de l’enfant chouchou de notre père.

Mon séjour se passa bien à la campagne, karim vint me voir tous les soirs, on était devenu inséparables, il était mon seul réconfort, pas de père, pas d’image fraternel, je me sentais esseulée. Les parents de Karim m’adoraient, ils disaient qu’avec moi, leur fils était plus posé et se comportait bien, il avait même commencé à prier et à jeûner cette année. On s’était promis de se marier après nos études.

Je passais ainsi deux mois à la campagne avant de regagner Niamey, la rentrée était pour bientôt, ma mère me négocia pour que je retourne finir ma deuxième année. J’étais tellement sidérée par ce que j’avais vécu là-bas, que l’idée d’y retourner me rendait malade.

Mais je n’avais pas le choix, maintenant plus que jamais, je devais mettre les bouchées doubles, finir mes études, trouver un travail et soutenir ma famille. Je demandais ainsi à ma mère de me payer ma dernière année d’études car Hafsat étant affectée et ayant la charge de ses enfants, je ne voulais surtout pas être une surcharge pour elle.

Elle envoya alors directement mes frais d’inscription à ma tante afin qu’elle m’inscrive dans une école plus renommée, et donc plus chère de Lomé. Je n’en parlais pas à Hafsat pour ne pas l’offusquer encore une fois.

Je revins à la capitale, chez hafsat dans le but de repartir à lomé. Elle changea complètement avec moi du jour où je suis revenue. Elle devint aigrie, criant sur moi pour un oui ou pour un non. Je mis cela sous le compte de la perte de Dourfaye, donc je ne lui en voulus pas du tout.

Ses enfants me demandèrent de les amener souvent au cinéma, donc on sortait de temps en temps pour leur permettre d’oublier la perte de leur père. Il me restait 10 jours avant la rentrée, hafsat ne me disait rien et moi non plus, j’attendais voir ce qu’elle allait faire, allait-elle payer mon année ? ou allait elle m’ignorer ? dans tous les cas j’étais déjà préparée au cas où.

Un soir, je fus invitée à une boom par une copine qui venait d’avoir son bac, je demandais à hafsat si je pouvais y aller. Sur le tas, elle ne dit rien puis tchipa en me lançant : c’est ton problème, pas le mien, tu peux dormir au dehors si tu veux.

Je ne comprenais pas pourquoi tant de hargne à mon égard, je décidais quand même de sortir et de ne pas la suivre. Je revins à la maison vers 3h du matin et trouva la porte fermée, elle avait demandé au gardien de ne pas la réveiller à mon arrivée, je passais donc la nuit sur la terrasse jusqu’au matin.

Il avait plu, j’étais gelée et je tremblais comme une feuille quand elle ouvrit enfin la porte, me jetant un regard dédaigneux.

Je me précipitais dans la chambre pour me changer et me mettre au chaud, quand, telle une avalanche, elle entra en trombe dans ma chambre claquant la porte et hurlant :

Hafsat : qu’est-ce que tu crois ? chez moi ce n’est pas un bordel, tu finis de te faire culbuter et tu rentres chez moi te coucher

J’étais choquée par la dureté de ses propos, je commençais à larmoyer, c’était pourtant elle, qui nous disait de sortir nous amuser de temps en temps, pourquoi alors changeait elle ainsi ?

Hafsat : « CHEGUIA », je ne veux plus te voir à mon retour du bureau, quitte ma maison…Elle claqua à nouveau la porte et s’en alla. Les domestiques vinrent pleurer avec moi dans la chambre, ayant suivi le scandale.

Je commençais à préparer mes valises avant qu’elle ne revienne et les déposais chez la voisine d’à côté, qui savait tout ce que je souffrais dans la maison. Je partis ensuite chez une amie lui demander si je pouvais dormir chez elle jusqu’à mon départ à Lomé, car aller chez un autre parent allait encore susciter des remous dans la famille, j’avais besoin de tout sauf de ça.

Je n’en parlais pas non plus à ma mère, ce serait encore lui ajouter un autre souci. J’aménageai ainsi chez Zara, une fille qui me soutenait toujours dans les bons comme les mauvais moments.

Dramane me retrouva là-bas et me sermonna, il voulut me ramener de force chez hafsat, mais je refusais catégoriquement. Après il finit par me laisser en paix et me remis une importante somme d’argent afin que je puisse payer la scolarité. Un de ses amis se rendait comme par hasard jusqu’à Lomé, il me confia à lui et je partis quelques jours après vers mes déboires.

Quand je pense que Cheick m’attendait pour me faire la peau, je fondis en larmes encore et encore tout au long du voyage.
A un moment je commençais à méditer, tous ces problèmes, je les avais pourquoi ? est-ce que toutes les filles souffraient comme moi ou bien j’étais maudite ?

J’arrivais enfin chez les Diaw, j’avais acheté des petits cadeaux à tout le monde, ils étaient heureux de me voir, mon cœur tremblait à l’idée de rencontrer Cheick.

J’étais en train de défaire mes valises quand il fit son entrée dans ma chambre :

Cheick : tient, tient ! te revoilà enfin ? on va pouvoir finir ce qu’on avait commencé

Moi : écoute ! ça ne peut pas continuer ainsi ,ok, là c’est bon quoi ! ce n’est pas parce que je suis sous votre toit que je vais me laisser molester ainsi, ça va …

Cheick : et ben, on dirait que tu as mangé du lion au Niger, j’aime ça, ça m’excite des femmes hystériques. Quoi c’est ton karim qui te rend aigrie ? y’a quoi il t’a trompée ?

Je ne répondis pas à ses provocations. J’avais d’autres préoccupations comme comment finir mes études et dans la paix, si je puis ainsi dire. Je décidais alors d’ouvrir un compte bancaire afin de déposer l’argent que Dramane m’avait donné.

Je me payai un téléphone portable, ça venait de faire son entrée sur le marché. Je pouvais ainsi appeler et être appelée sans avoir à me déplacer dans les cabines téléphoniques.

Je pris mes distances littéralement avec Cheick, j’allais à l’école et y restait tardivement pour apprendre mes leçons et ne rentrer que tard pour manger et dormir. Les garçons de ma nouvelle école avaient peur de moi, je ne souriais quasiment jamais, les conversations que j’avais tournaient toujours autour des études, rien sur ma vie, j‘avais pas d’ami(e)s, j’étais aigrie à souhait.

Mon comportement ne plaisait pas à cheick, alors il monta toute une histoire sur moi , racontant qu’il m’avait pris mon innocence et qu’il avait fait de moi une femme. Je voyais bien comment ses amis qui venaient à la maison me regardaient d’un air médusé, amusé,ils se tapaient des mains ou me sifflaient quand je passais. Je ne comprenais rien jusqu’ au jour où l’une de ses sœurs attira mon attention.

Elle me briefa sur le sujet et voulait savoir si c’était vrai , j’en étais abasourdie, moi Hayat !!! C’était la goutte d’eau qui devait faire déborder le vase, j’avais raconté cela à Ben le frère de Rissalat qui ne put se retenir de faire un scandale.

Il vint à la maison dans le but de casser la gueule à Cheick, le boucan fut tel que les Diaw nous réunirent pour savoir de quoi il retournait. Personne ne pouvait lui dire le fond des choses, je pleurais d’énervement, je me sentais salie. J’annonçais juste que je quittais leur maison à la fin du mois. Je préparais mon examen cette année donc je ne saurai prendre des calomnies en plus des humiliations.

Ben me proposa d’aller vivre chez une de ses copines, une togolaise, qui vivait avec son oncle et sa cousine, Alice et Rebecca toutes les deux étaient étudiantes à la fac de médecine. Il avait déjà tout calé avec elles avant de me le proposer.

Elles en parlèrent à leur oncle qui n’y vit aucun inconvénient. Ben ne voulait surtout pas que je vive seule .
Avec tout ce que j’avais vécu, je ne voulais plus vivre chez quelqu’un, mais il me rassura. Les filles étaient généralement seules car leur oncle était un riche homme d’affaire qui n’était jamais là.

Et c’est ainsi que je déménageai au grand désespoir de Rissalat qui avait tout fait pour me retenir.
J’avais le cœur meurtri, mais ma volonté de finir mes études l’avait emporté et c’est ainsi que je me retrouvais dans le chic quartier de adidogomé, un quartier assez reculé du centre-ville, calme et paisible.

La maison était chic et avait 2 niveaux d’étages. Les filles m’accueillirent en prenant mes bagages ,en me lançant des « yako », on a appris ce que tu vivais chez les Diaw. J’en avais honte, et timidement je répondis, ce n’est rien, c’est la vie.

Il y’avait plusieurs portes, certainement d’autres chambres à la mezzanine, je fus installée dans l’une d’entre elles, celles des filles étaient au rez de chaussée, chacune avait sa chambre. Elles me présentèrent leur cuisinier et lessiveur, un jeune homme sympa qui faisait tout dans la maison jusqu’aux courses des filles.

L’oncle des filles était en voyage et donc je ne l’avais pas rencontré à mon arrivée, elles l’appelèrent juste pour lui dire que j’étais arrivée.

Je décidais alors de m’acheter un scooter, vue que j’habitais assez loin de l’école, j’eus une très bonne occasion avec un ami de classe, qui habitait aussi dans le quartier. Au début c’était lui qui m’y amenait et me ramenait quand il le pouvait.

Ma vie changea, je recommençais à vivre enfin loin des embrouilles des Diaw, je me disais OUF, enfin le calme plat.

C’était ce que je pensais………….



Récit reccueilli et transcrit par Ibtissem.

Mon calvaire