Mon calvaire : partie 6
Ecrit par Ibtissem
Mon calvaire : PARTIE 6
Ma vie reprenait des couleurs, la vie chez les Takouyandi était juste ce qu’il me fallait. Les filles allaient au campus du lundi au vendredi, on se voyait à partir du vendredi soir. J’étais quasiment seule en semaine.
Il m’avait fallu un mois pour enfin rencontrer le propriétaire des lieux. Il était âgé d’environ 55 ans, tempes grisonnantes, air grincheux, grand de taille. Il avait divorcé semble-t-il et ne s’était plus remarié depuis ; il me dévisageait pendant les présentations, je baissais mes yeux en guise de respect.
Il voulut savoir dans les détails les problèmes qu’il y’avait eus chez les Diaw . J’expliquai l’acharnement de Cheick contre moi difficilement, tellement j’avais honte.
M. Takouyandi me fixa des règles en présence de ses nièces :
M. Takouyandi : je n’ai aucun problème à ce que tu habites avec mes nièces, mais j’ai des règles strictes que je ne veux pas qu’on franchisse…
Moi : oui tonton
M. Takouyandi : pas de garçon, ni de cochonnerie chez moi et les escaliers du balcon arrière me sont entièrement réservés pour sortir de la maison sans passer par le salon. Personne ne s’aventure dans mes appartements à l’étage…Est-ce que tu penses que tu peux respecter cela ?
Moi : oui tonton…
La conversation prit fin et il se dirigea à la mezzanine pour regagner ses appartements .
Je relâchais mon souffle, ce qui fit rire Rebecca et Alice qui m’annoncèrent que leur oncle était très dur de visage, il ne riait quasiment jamais mais il avait bon cœur. A la bonheur, me disais-je, il n’y’avait plus de Cheick dans les environs, c’était l’essentiel.
M. Takouyandi faisait des enveloppes chaque semaine aux filles y compris moi afin qu’on ne manque de rien et surtout afin qu’on évite de suivre les hommes. Il avait été formel là-dessus, pas de garçons dans sa maison.
Moi , de l’argent de poche , toutes les semaines ? ça alors…je pris l’enveloppe des mains de Rebecca et partit dans ma chambre pour y découvrir 50.000F !!! chacune de nous recevait ce montant toutes les semaines. J’en étais étonnée et heureuse quand même.
J’étais enfin en paix, je ne manquais de rien. Ma mère commençait à même s’inquiéter du fait que je ne la dérangeais pas lorsque mettait du temps avant de m’envoyer mon argent de poche. Je ne lui avais pas dit que j’avais dû quitter chez Rissalat, je ne voulais pas qu’elle s’inquiète, je lui faisais toujours croire que tout allait bien.
Néanmoins,Je souffrais côté études, il fallait se réveiller à 5 h du matin, parcourir une vingtaine de kilomètres avant d’arriver à l’école.
Cette école était renommée pour son sérieux , rien à voir avec l’ancienne, les cours débutaient à 7h pile et pour peu qu’on soit en retard de 5 minutes, il fallait attendre au dehors jusqu’à la récréation à 10h pour y rentrer.
J’avais cours de 7h à 22H avec seulement 1h de pause à partir de 13h et 1 pause de 15 minutes à 16h, et ce, même les samedis. J’avais du mal à suivre ce rythme avec toute la volonté de fer que j’avais. J’étais tout le temps malade.
On était au mois de Mars quand je décidais quand même de changer de branche, j’allais donc voir le Directeur d’études, qui en était abasourdi, comment pouvais-je changer de branche à 3 mois de la fin de l’année ? Comme j’insistais, il accepta de me laisser quitter la comptabilité pour le marketing.
Je composais le mois qui suivait mon changement et arriva en 3 e position au grand mécontentement du directeur d’études envers ceux qui étaient là depuis le début de l’année. Les horaires étaient vraiment lestes, il y’avait des jours où il n’y’avait pas cours du tout et j’avais tout au plus 5h de cours par jour.
Là j’étais comblée, ça allait financièrement et à l’école,que demander de plus ? je rentrais un jour de l’école trouver un boucan monstre entre Alice et son oncle. Elle avait amené un homme jusque dans sa chambre, elle n’avait même pas pris la peine de fermer la porte à clé, puisque logiquement M. Takouyandi était censé être en voyage pour 2 semaines. Il avait dû revenir pour une affaire urgente et la prit la main dans le sac.
Il ordonna à Alice de quitter les lieux , Rebecca pleurait , elle avait tout fait pour calmer leur oncle mais rien n’y fit. Je ne savais pas quoi faire moi, j’étais là plantée, je n’aimais pas les cris et Dieu sait que Tonton Takouyandi ( que j’appelle TT) hurlait d’une de ses manières.
Alice prit ses bagages et partit au campus, TT nous interdit de le négocier pour quoi que ce soit la concernant et lança à notre encontre : celle qui osera faire la même chose va me sentir, il avait une ceinture à la main, visiblement il avait chicoté Alice qui était devenue rouge pivoine.
Ce jour-là, on était toutes tristes, tout ce qu’on pouvait faire, c’était aller rendre visite à Alice au campus ou lui envoyer des trucs par l’intermédiaire du boy.
Les jours passaient et la vie reprit son cours normal. Rebecca reçut la visite tardive d’un jeune de sa classe, qu'elle raccompagnait tranquillement, TT qui se trouvait à la terrasse de l’étage observait la scène.
Dès qu’elle revint, il lui sauta au cou, elle dut se plier en quatre pour expliquer que c’était son voisin de classe et qu’il était venu lui apporter un cahier. Décidément cette histoire de garçon le mettait dans un tel état, il était méconnaissable dans ces instants.
Un jour, alors que je me retrouvais seule à la maison, Rebecca étant au campus et TT en voyage, je mis la musique à fond et dansais comme si le monde m’appartenait, j’étais au salon. Je ne sais pas depuis combien de temps des yeux m’observaient, mais quand les miens les rencontra, je faillis m’étrangler tellement je fus surprise.
TT était là entrain de m’observer depuis la rambarde de la mezzanine ; j’éteignis la chaîne et courus dans la chambre de Rebecca, effrayée. J’étais sûre qu’il allait me gronder, je faisais quand même du bruit et beaucoup.
Il me fit effectivement appeler par le boy, je sentis le sol se dérober de mes pieds, mon ventre tourna, j’eus la chiasse en même temps avant de répondre à l’appel. J’avançais vers lui difficilement et traînant des pas :
Moi : oui tonton, vous m’avez appelée
TT : oui je t’ai appelée, il avait le visage grave et moi je tremblais. tu sais danser ? je ne le savais pas .Il souriait pour la 1ere fois depuis que je l’ai connu.
Il continua : c’était ma passion quand j’étais jeune, mais de nos jours les enfants ne savent rien faire, mais je constate que ce n’est pas ton cas
Moi : merci tonton...
TT : tu sais, je m’attendais à ce que ce soit toi qui déconne parmi les filles, pour tout te dire, je n’ai pas avalé la version de l’histoire sur Cheick que tu m’avais racontée. Il y’a quelque chose en toi qui te donne l’allure d’une allumeuse petite.
Je reçus cette affirmation comme une gifle, moi une allumeuse…Eh Dieu… qu’ai-je bien pu faire pour mériter ce genre de situation ? je baissais la tête honteuse devant une telle accusation.
TT : mais je pense que je me suis trompé sur ton compte, tu peux partir
Je lançais un Ouf intérieurement et filais sans demander mon reste. Depuis ce jour TT devint moins agressif avec moi, il savait que j’avais une peur bleue de lui, donc il essaya d’éviter de me brusquer. Une nuit j’avais une de ces faims, je descendis à la cuisine me faire des omelettes, j’étais attablée quand il descendit aussi, le pain me passa de travers et je m’étouffais lorsqu'il se précipita pour me tapoter dans le dos et me donna de l’eau.
TT : doucement ! pourquoi diable, sursautes-tu ainsi à chaque fois que tu me vois ? j’ai déjà tué quelqu’un t’a-t-on dit ?
Je secouais la tête vigoureusement, les yeux rougis par les quintes de toux. Quand je pus enfin me calmer, il éclata de rire devant mon air désespéré. Il s’assit et me demanda de lui faire une omelette aussi.
Là c’était gâté, je me levais sans rien dire et me mis à l’œuvre. Je revins avec l’assiette et la déposa devant lui. Il m’invita à continuer à manger.
J’avais découvert une autre version de TT ce jour, il me raconta sa vie, ses échecs, ainsi que sa déception envers les femmes. Arrivé à ce chapitre, il s’assombrit de nouveau et se leva pour regagner ses appartements.
Je poussais un soupir de soulagement et me posais beaucoup de questions au sujet de TT, serait-il déçu à ce point des femmes ? j’appris par après par le boy qu’il avait surpris sa femme au lit avec un jeune homme à l’époque, et que sa femme était extrêmement belle et jeune aussi.
Il restait quatre mois avant la fin de l’année scolaire, la pression montait plus à l’école .Puis vint un jour où il me trouva sur la terrasse et s’assit pour entamer la causette.
TT : je peux te poser une question ? ne te vexe surtout pas
Moi : oui tonton, je sirotais un jus de fruit avec une pipette
TT : es tu vierge ?Je m’étranglais à nouveau en toussant comme un diable .
TT : je vois, c’est ce que je pensais, tu l’es sinon tu n’allais pas avoir cette réaction, c’est bien, continue comme ça …et il se leva
Ce type de questions commençaient à me faire peur, si je ne l’étais pas quoi alors ? Bref, je préférais encore la version monstre de TT plutôt que son côté sucre miel avec moi.
Rebecca et Alice finirent leur cycle bien avant moi et partirent retrouver leurs parents en côte d’ivoire, je me retrouvais seule dans cette gigantesque maison.
Le boy disparaissait souvent pour ne revenir que 2 jours plus tard, surtout quand TT était en voyage. Bientôt les examens, j’avais hâte d’en finir.
Piquée un jour par la curiosité alors que je rentrais de l’école, au lieu d’aller dans ma chambre, quelque chose de plus fort que moi m’attira vers les appartements de TT. Je pris les escaliers en tremblant et me retrouvais avec 3 portes, toutes fermées sauf une, qui s’ouvrit après insistance, elle avait été mal fermée ;elle débouchait dans une chambre qui visiblement était celle de TT.
Tout était luxueux des meubles jusqu’aux draps de lit, la chambre sentait son parfum, tout était impeccablement rangé et tout blanc. Mais qui faisait le ménage, car même le boy n’avait pas le droit de s’aventurer.
J’ouvris une sorte d’armoire qui avait une porte qui débouchait dans une autre pièce, c’était la chambre d’à côté. Mon cœur fit un bon devant le spectacle qui s’offrait à mes yeux.
Sur des tables étaient alignés des armes, de la farine (c’était ce que je pensais en tout cas), des bijoux .. TT était un trafiquant…
Pire, je vis une sorte de totem en pierre sur lequel il y’avait de la farine, et de l’huile rouge, TT était dévoué au vodou….
Je sortis en courant de la chambre et regagnais ma chambre terrifiée.Je n’aurai jamais dû m’y aventurer, voilà que ma trouille pour lui décupla, comment allais-je me tenir devant lui maintenant ? je n’en savais rien.
Les examens étaient programmés pour le début de la semaine, je priais Dieu de les passer dans la paix. Ils durèrent 3 jours .Les épreuves étaient tellement faciles que j’étais déjà sûre que j’allais passer haut les mains; je n'eus pas tort !!!
J’étais libre comme de l’air et étais contente à l’idée de rentrer à la maison, il fallait trouver un stage, et préparer mon mémoire. Ma mère me conseilla de rester finir une bonne fois pour toute plutôt que de devoir repartir. Donc je demandais au directeur d’études s’il pouvait m’aider. Ce qu’il fit et me trouva un stage sur place.
TT rentra la semaine d’après, j’angoissais déjà , j’attendais avec impatience qu’il redescende afin d’évaluer « son body language ». Je ne vis aucun changement de sa part, je lâchais un Ouf intérieurement.
Le soir, il toqua à ma porte et m’invita à venir dans ses appartements, il souriait et moi je blêmissais. Comme je mis du temps à répondre et reculais, il me saisit par le poignet et me traîna jusque dans sa chambre.
TT : je ne savais pas qu’en plus de savoir danser, tu aimais aussi jouer à Dora l’exploratrice, ben on va faire la visite des lieux ensemble chérie
Moi : mais tonton, de quoi vous parlez, je ne comprends rien….
TT : ohh tu vas comprendre tout de suite
Il me lâcha une fois dans la chambre et me montra dans du papier lotus des cheveux, et lança :
TT : je suis extrêmement propre ma fille, et tu es la seule fille de la maison , tu peux me dire ce que tes cheveux faisait dans ma chambre ?
J’étais béate, je ne savais pas quoi dire, c’était mes cheveux, je ne pouvais pas le nier, je commençais à m’étouffer, j’imaginais déjà la ceinture qu’il allait utilisée pour me punir. Mais non, il avait d’autres projets. Il me saisit , me balança sur le lit et me bloqua :
TT : tu n’es pas une femme de paroles ma fille, je retire alors toute la confiance que j’avais mise en toi . Je me disais que tu étais vierge, donc sérieuse, mais je vais le vérifier tout de suite. Je t’avais déjà dit que tu avais quelque chose en toi qui appelait…qui provoquait…
Et il se mit à l’œuvre, il arracha le pagne que j’avais et fit voler aussi mon caleçon. Je résistais comme je pouvais, mais à un moment donné, je lâchais prise, J’étais tout simplement fatiguée de me battre pour préserver ma dignité. Alors advienne que pourra !!!
J’arrêtais de gigoter et le fixa ,Il voulut me posséder, mais fut bloqué, il essaya à plusieurs reprises sans y arriver ; ce qui l’intrigua et il arrêta ses assauts.
Au lieu de pleurer, je criais comme une hystérique : finissons-en ! vous êtes tous les mêmes, tous des salauds…
Là il me libéra et me questionna : que veux-tu dire par là ? je ne répondis pas
J’étais dans une colère noire, je n’en pouvais plus, pourquoi tous les hommes voulaient tous la même chose de moi ? n’avais je rien d’autres à apporter si ce n’est mon corps.
Il me balança mon pagne et mon caleçon et me demanda de dégager de sa chambre avant qu’il ne change d’avis .
Je sortis nonchalamment et c’est à cet instant que je mis à pleurer, à crier de désespoir. Je restais toute la journée cloîtrée dans ma chambre, yeux rougis et visage bouffi.
TT toqua et rentra , je n’avais pas fermé la porte de toute façon. Il était quelque peu confus et voulut comprendre ma réaction. Je lui dis juste que j’étais fatiguée d’être constamment la proie des hommes.
Il s’excusa de la manière cavalière avec laquelle il m’avait traitée et me confia un truc : hayat ! tu as quelque chose qui appellerait le pape lui-même, tout en toi donne envie à un homme de te posséder ; ce n’est pas naturel, tu devais au retour à la maison aller consulter vos marabouts pour qu’on t’en défasse..et il sortit de la chambre.
Il a dit le pape ? moi ? possédée ? je me posais mille et une questions sur ce qu’il venait de me dire.
Je pus poursuivre mon stage en toute quiétude, fit mon mémoire et soutenais avec mention.
Ce jour-là, je rendis visite à Rissalat et M. Diaw pour les remercier pour tout ce qu’ils avaient fait pour moi et lui annonça que je rentrais définitivement à Niamey. Je fis pareil avec ma tante. J’eus le cœur léger.
Je fis des achats, vida mon compte bancaire et fit mes bagages, j’envoyais une bonne partie par bus et pris mon billet d’avion.
La veille de mon départ, TT m’invita à la pizzeria pour discuter une dernière fois avec moi. Il m’offrit des bijoux en or blanc/diamant et me dit : si tu n’étais pas aussi jeune, je t’aurai épousé sans réfléchir.
Ces bijoux ne sont rien à côté de ce que toi tu es. Continue à te battre pour préserver ta dignité. Et on se quitta ainsi.
Je revins à Niamey, cœur léger, heureuse d’avoir fini et obtenu mon diplôme, ce n’était pas facile, mais j’avais réussi. J’étais pressée de voir Karim, on pouvait enfin concrétiser nos rêves de se marier.
Hum…. Je rêvais en couleurs , bien sûr, tout avait changé……………
Récit recueilli et transcrit par Ibtissem…