Partie 12

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Marc-André Moussavou

 

J’ai du mal à contenir ma joie, être père j’en ai rêvé toute ma vie. Je veux que mes enfants reçoivent ce qui m’a très tôt été arraché, j’ai de l’amour à revendre, je suis un homme comblé à cet instant précis. Une fois que je redeviens lucide je me rappelle ce dont quoi je me suis engagé, je suis fiancé à l’une tandis que l’autre porte mon enfant, c’est un sacré bourbier que j’ai créé là, je n’ai absolument pas de courage pour me mettre devant Nina et pout tout lui dire, moins elle en saura mieux nous tous nous porterons bien. Il va falloir que je sois un bon jongleur, pour pouvoir tout gérer, il ne faut pas que Marimar s’imagine que parce qu’elle est enceinte je vais quitter Nina, il en est hors de question, Nina Mbuedi c’est mon terminus, avec les bonnes astuces je vais m’arranger à garder l’équilibre entre une vie de couple saine et une baby mama. Une fois rentrée, je me douche et je rejoins Nina dans le lit, toujours soignée même quand elle dort, cet ensemble en satin coordonné à son bonnet de nuit, quelle finesse.

Nouvelle semaine, nouveaux objectifs, je vais être père il y a plein de chose que je veux faire avant l’arrivé de ce bébé. D’abord nous allons chercher une bonne clinique pour qu’elle puisse s’y faire suivre, on fera la première échographie dans la foulée aussi, j’ai tellement hâte. Ensuite il faudra qu’elle déménage de son quartier miteux, je ne veux pas qu’il lui arrive quoi que ce soit pendant cette grossesse, je vais lui trouver un appartement de deux chambres dans un bon immeuble sécurisé, ensuite on commencera par faire la layette. Je vais peut-être un peu trop vite en besogne, j’essaye de calmer ma joie même si c’est plus fort que moi, je ne sais pas ce que vont dire Gémina et Gisèle quand elles sauront qu’elles auront bientôt un petit neveu ou une petite nièce, surtout que Gémina est très attaché à Nina, j’espère qu’elle n’ouvrira pas sa grande bouche, tout ceci restera un secret jusqu’au moment où je me sentirais prêt à l’avouer à Nina. Dans le meilleur des cas nous seront déjà mariés et elle me pardonnera tout ceci, je ne souhaite pas penser au pire des cas, Nina est une femme si calme et douce, mais sa colère est très amère. Sincèrement pour l’instant je ne réfléchis pour le long terme, je ne sais pas comment les choses vont se dérouler pendant la grossesse et ensuite une fois le bébé là, pour l’instant je prends le positif de la situation et j’agis un peu comme si tout est normal, je suis dans le déni le plus total.

J’ai enchaîné les réunions ce matin, je me plais beaucoup dans cette société et je prends beaucoup de plaisir à travailler ici. Gravir les échelons, avoir de plus en plus de responsabilités, rendre ses patrons fiers c’est satisfaisant. Si j’avais choisi de travailler avec Nina j’aurais certaines plus de responsabilités, mais je n’aurais pas eu la même satisfaction et de toute façon j’aurais travaillé pour elle ce qui dans ma tête d’homme bantou sonnait faux. Elle m’a poussé vers le haut certes mais travailler pour elle aurait été un peu comme une démasculinisation à mes yeux et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai attendu de construire la maison où nous vivons avons d’emménager ensemble, j’ai construit et elle a meublé, c’est un peu équilibré. L’argent n’a jamais été un sujet de discussion dans notre couple, son père est premier ministre depuis des années, il a détourné bien plus d’argent que la majorité des familles de ce pays ne possèderont jamais et Nina en est consciente, elle a bâti son entreprise, construit ses maisons et essaye de gagner de l’argent à la sueur de son front, dans la vie on a pas tous les mêmes départ mais on peut arriver au même endroit.

 

Koumba Marimar

Avec Marc en ce moment je suis sur un petit nuage, hier nous sommes allés dans une nouvelle clinique et j’ai donc un nouveau gynécologue qui me suivra pendant toute la grossesse. On a fait une échographie et j’en suis à deux mois, je suis surprise d’être déjà à ce stade, mais comme les calculs de cycles et tout ça c’est pas mon fort, je me contente d’écouter le médecin, il m’a donné un carnet de naissance où seront notés toutes les informations en rapport avec la grossesse, tout ceci est tellement nouveau pour moi et pour lui aussi, il m’a dit que la fameuse Nina ne voulait pas d’enfant pour l’instant, bientôt la fin de son règne à celle-là, je vais lui donner ce qu’elle ne lui a pas donné. Après la clinique nous sommes allés dîner, puis il m’a raccompagné, j’ai toujours un pincement au cœur quand il s’en va, mais je le savais dès le départ, il n’est pas libre et je dois m’en accommoder, il m’a avoué vivre avec elle, mais je m’en doutais depuis le début. Je ne lui mets pas la pression, je sais que je l’aurais à l’usure, le pouvoir ne s’arrache pas il s’obtient. Pour l’instant être enceinte c’est facile, mon ventre est encore tout petit, j’ai quelques nausées mais rien d’ingérable, je me sens en pleine forme. Peut-être cet enfant est la pièce manquante du puzzle qu’il me manquait pour être heureuse, peut-être que la petite Koumba va enfin gouter au vrai bonheur. Surprise du silence de l’autre pimbêche je vis ma meilleure vie, ses menaces n’était que pire rigolade.

En rentrant ce soir là du boulot, Marc à décider de passer me prendre à l’improviste, le pauvre Abou s’est déplacé pour rien mais tant qu’il a son salaire mensuel il ne se plaindra surement pas. Nous sommes encore allés diner, en ce moment il me chouchoute, tout est parfait. En rentrant ce soir là il m’a annoncé que la semaine qui suivrait j’allais déménager, il a trouvé un appartement de deux chambres dans immeuble sympa et sécurisé qui se trouve à Likouala, je suis aux anges, je ne m’y attendais pas. Ma conscience me demande de refuser et de rester ici, mais une part de moi veux couper les ponts avec ce quartier, je n’y ai connu que tristesse et déboire ici, mais je ne prévois pas pour autant me faire entretenir par lui, je n’ai jamais été sous la dépendance de qui que ce soit depuis que je suis dans cette ville, je me suis toujours battu à payer mon loyer, mes factures, ma nourriture et à éventuellement envoyer de l’argent au village. C’est pensive que je suis rentrée, je lui ai dit que pour le déménagement je réfléchirai, même si lui n’a rien voulu entendre.

Ce matin le réveil était difficile, je me suis réveillée courbaturée, mais je me suis quand même apprêté. Comme d’habitude Abou est venu me chercher devant la porte, une fois dans la voiture je me suis excusée de ne pas l’avoir prévenu de pas venir me chercher

-Oh madame peut-être c’est Dieu qui a voulu que monsieur passe vous prendre ?

-Ah bon ?

-Ah c’est pas hier en sortant de la ruelle du restaurant j’ai trouvé une cliente, donc elle s’est mis derrière, à peine quelques mètres au feu rouge là, un gars mal costaud à seulement ouvert la portière et à récupérer la fille, moi qui voulais jouer le héros erreur, un autre gars costaud m’a donné une bonne gifle et m’a demandé de remonter dans mon taxi

-Ah Seigneur

-Comme vous dites là

Un long frisson me parcoure de part en part et si ceci m’était destiné, si Marc ne m’avait pas invité à cette heure si serais-je en train de respirer ? Je prends peur tout d’un coup, elle est peut-être plus dangereuse qu’elle en à l’air, pour moi ce n’est pas une coïncidence, ils ont surement cru qu’elle était moi, la pauvre fille se trouvait au mauvais endroit. C’est troublé que j’arrive au travail, je sursaute au moindre bruit, je commence à être parano. En rentrant ce soir je suis tendue malgré que je sois avec Abou, il me raccompagne comme d’habitude jusqu’à la maison, je n’ai pas cessé de regarder de gauche à droite. Je ne sais pas si je dois le dire à Marc, vu la manière dont ils étaient proches la dernière fois au restaurant je vais passer pour la folle et ça va gâcher la stratégie que j’ai mis en place, il faut que je sois courageuse, à la guerre comme à guerre, on a pas les mêmes armes mais à la fin il y aura une perdante et ce ne sera pas moi. Tout ceci me pousse à accepter l’offre de Marc, je veux bien déménager, ici je me sens moyennement en sécurité et de plus 2kx de la bande des drogués du quartier, celui qui me draguait et me défendait face aux autres est en prison, c’est un autre petit du quartier qui me l’a dit hier. Il a parfois été déplacé, ses baisers horribles ou une main baladeuse, mais je sais que c’est grâce à lui qu’il ne m’est rien arrivé ici. Chaque fille de ce quartier à un mécanisme de défense contre tous ces drogués, certaines choisissent un dans le lot à qui elles font des petites gâteries de temps en temps, d’autres comme Cynthia c’est l’argent et les paquets de cigarettes qu’elles donnent pour passer sans soucis et moi la petite chanceuse il m’a suffi de taper dans l’œil de celui qui s’est auto proclamé chef de la meute. Je sais que face à ces gars même Abou ne fera pas le poids et tout ceci fait définitivement pencher la balance, adieu quartier pourri. Dès ce soir je commence à emballer mes affaires, il n’y a pas grand-chose, monsieur à dit qu’il y aura du mobilier là-bas, je vais offrir des choses aux gens qui on auront besoin, le lit, l’armoire, le réchaud et les tabourets, au final je n’ai pas grand-chose n’en plus. 

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