Partie 15 : les retrouvailles

Ecrit par labigsaphir

[ BLESSING ]

La pluie est torrentielle, il fait nuit noire lorsque je quitte le bureau me demandant comment faire pour arriver à la maison sans me mouiller. Monsieur Nguiamba a du voyager pour Douala, je suis seule et ai dû travailler comme une forcenée toute la journée. Je soupire en fermant la porte du cabinet et sursaute en voyant la voiture de Malick garer devant moi.

- Entre !

- Merci.

Je cours et rentre en grelotant dans la voiture. Il me tend une serviette et attend patiemment que je me sèche avant de me passer une couverture.

- Merci. C’est le bon Dieu qui t’envoie.

- En voyant cette pluie et sachant que tu n’as pas de voiture, il fallait que je passe.

- Merci. Sans toi, je serai surement arrivée chez moi à 21h.

- C’est certain. Comment a été ta journée ?

- Fatigante et la tienne ?

- Fatigante.

- Un temps pourri pour finir la journée.

- Cela faisait longtemps que je ne t’avais vue grimacer.

- Ah bon ?

- Mais oui, chérie. Tu as du attraper froid.

- C’est vrai, je l’avoue.

- Tu t’es habillée assez légèrement.

- C’est vrai mais si tu veux parler de…

- Je t’arrête de suite, bébé. Je ne critique pas ton habillement mais le fait que tu n’ais pas prévu un pull.

- …

- J’aime te voir ainsi, vois-tu ? Tu es sexy mais responsable.

- Merci.

- Et ta coiffure, magnifique.

- Merci.

- Et si nous allions passer la soirée à la maison ?

- Malick,

- Blessing, s’il te plait. Je n’ai pas envie de passer la soirée tout seul.

- …

- Je suis fatigué de finir mes soirées devant la télévision, seul.

- Ok.

- Tu me manques, chérie. Nous avions l’habitude de finir les soirées devant la télévision avant d’aller nous coucher, l’un dans les bras de l’autre.

- C’est vrai.

- Tout ça me manque et je te rassure, nous ne ferons rien.

- …

- Je te rassure.

- Je sais, Malick, je sais.

- Alors ?

- Ok, mais…

- Le chat, n’est-ce pas ? Me coupe-t-il en souriant.

- Oui, le chat.

- Tu ne l’aimes pas vraiment.

- C’est clair.

- Tu ne le verras pas, je te rassure.

- Dans ce cas, allons-y.

Nous passons par le chinois, puis prenons le chemin de la maison en devisant gaiement. Je vais prendre une douche rapide et enfile les vêtements et sous-vêtements laissés par Malick sur notre lit. Je le rejoins dans la cuisine, il est en train de faire infuser du thé.

- Puis-je t’aider ?

- Non, je préfère que tu ailles t’installer au salon.

- Ah non, non.

- Pourquoi ?

- Je suis une femme. Crois-tu que je vais rester à te regarder te démener comme un beau diable et me tourner les pouces ?

- C’est pourtant ce que tu vas devoir faire.

- Malick,

- On ne discute pas, madame.

- Malick,

- Blessing, au salon. Ouste !

- C’est bon, j’y vais.

Je vais m’installer dans l’un des canapés et allume la télévision. Je suis concentrée à regarder un film sur Canal+ lorsqu’il pose le plateau sur la table et fait le service.

- Merci. Ca sent drôlement bon et les biscuits semblent délicieux.

- N’est-ce pas ? Je sais que tu aimes bien les sablés, j’en ai pris pour toi.

- Merci.

- Merci, chéri.

- Merci, chéri.

- Voilà qui est mieux.

Je porte la tasse à mes lèvres et en bois une gorgée. Je me réchauffe rapidement et au lieu de m’adosser sur le fauteuil, pose ma tête sur la poitrine de Malick.

- Qu’est-ce qui sent aussi fort ?

- J’ai fait bruler des encens.

- Pour quoi faire ?

- J’aime bien cette odeur en plus du thé.

- Es-tu obligé de le faire ?

- Non mais j’aime bien.

- Moi, pas trop.

- J’ai compris. J’en ferai moins la prochaine fois.

- Merci.

- Et ce thé, il est à quoi ?

- La fraise et d’autres plantes du nord.

- Il a un arrière-gout, je trouve.

- Ah ok.

- Désolée, si j’ai l’air de tout critiquer.

- Non, ce n’est pas grave.

- Wow ! Qu’as-tu fait à cette maison ?

- Rien, chérie, rien.

- Les rideaux achetés par tes grande-sœurs ?

- Je leur ai demandé de laisser-tomber. Tu es ma femme et la seule habilitée à changer quoi que ce soit dans cette maison.

- Ah bon ? Fais-je en me tournant vers lui.

- Oui, Blessing. Je sais que tu ne crois pas vraiment au fait que j’ai fait des efforts. Humm.

- Quelle a été leur réaction ?

- Elles n’ont pas bien pris le fait que je me rétracte mais bon.

- …

- Elles sont mariées et ont leur foyer, il est temps que j’ai aussi le mien.

- Huhum.

- Tu as carte blanche pour tout changer.

- C’est noté. Pourquoi ai-je l’impression que c’est ma première fois d’arriver ici ?

- Peut-etre parce que tu as déserté ton foyer.

- Ce n’est pas mon foyer mais celui de…

- Blessing, tiens-tu vraiment à ce que nous nous disputions ?

- Non.

- Merci.

Il soupire, je lui passe la télécommande, il zappe et nous regardons un film américain. Il n’est pas vraiment cinéphile mais fait des efforts pour me suivre et satisfaire. Cette fois, il ne s’est pas endormi, c’est un bon point.

Alors que nous sommes en train de visionner, une sonnerie retentit, celle de la prière. Il s’excuse, se lève et me dit aller prier. Je comprends et attends patiemment en regardant la télévision. A son retour, il pose un livre sur la table.

- Qu’est-ce ? Fais-je en posant la main dessus négligemment.

- C’est le coran.

- Oh ! Il est volumineux, je trouve.

- Boff… Pas plus que votre bible.

- C’est vrai. Puis-je le prendre ?

- Bien sûr ? Il est pour toi, en fait.

- Quoi ?

- Je suis conscient des différences entre nous et sais pertinemment que la religion peut diviser un couple.

- Continue,

- Je sais que les non-musulmans ont des préjugés sur nous. La plupart ne se donne pas la peine de connaitre la religion mais juge la majorité pour les dérives d’une minorité.

- …

- C’est la raison pour laquelle, j’ai décidé de t’offrir un coran traduit. Tu auras la possibilité de t’imprégner de cette religion.

- Malick, je croyais avoir été claire.

- Oui, tu ne tiens pas à te convertir, je sais. Rassure-toi, je ne te forcerai jamais la main.

- Pourquoi m’offrir le coran traduit ?

- Pour qu’il n’y ait aucune méfiance ou défiance entre nous. Je ne tiens pas à ce qu’il y a ait des malentendus, non-dits ou doute, concernant mon obédience.

- Ok.

- J’aimerai que tu m’aimes et me suives, sois prête à vivre avec moi en me faisant totalement confiance.

- Moi, j’ai aveuglement confiance en toi. Je sais que tu ne me feras jamais de mal.

- …

- Je suis certaine que tu n’as pas encore dit à tes parents que tu as un mec et surtout, qu’il est musulman.

- …

- Je m’en doutais. Tu comprends pourquoi j’ai décidé de prendre les devants afin d’aplanir toute difficulté pouvant subvenir dans notre couple.

- …

- Qui mieux que toi pourrait tranquilliser tes parents ?

- …

- Qui mieux que toi, pourrait parler de moi ?

- …

- Je ne cherche pas à te convertir ou t’évangéliser mais juste te donner l’opportunité de mieux me connaitre.

- …

- Je tiens et insiste sur le fait qu’il ne s’agisse pas de prosélytisme.

- Ok.

- Avant ma conversion à l’islam, j’étais un fervent catholique.

- Je vois.

- Mais oui donc, le catholicisme, je connais.

- Pourquoi t’es-tu converti ?

- Tu sais, comme certaines personnes, j’avais aussi des préjugés. Si l’on m’avait dit que je finirais par me convertir, je n’y aurais jamais cru.

- Et pourtant,

- Et pourtant, j’y suis.

- Huhum.

- Je me suis converti parce que je me suis rendu compte que l’islam est une religion de paix et d’amour. Contrairement à ce qui est véhiculée dans les médias, l’on n’oblige pas les croyants à faire quoi que ce soit. Il y a des règles comme partout ailleurs mais pas d’obligations. Tu as la foi et sais ce que le prophète aime et voudrais que tu fasses.

- Huhum.

- Tout a commencé comme un jeu d’enfant, vois-tu. J’étais en train de discuter avec un ami musulman. Un soir, il a pris le coran et s’est mis à lire devant nous, à expliquer. Au lieu de me rebeller, j’ai pris sur moi et décidé d’écouter afin de me cultiver. C’est ainsi que j’ai pris gout sans m’en rendre compte.

- …

- Avec le temps, je m’y suis intéressé, ai commencé à faire des recherches sur internet et demandé à cet ami de m’expliquer.

- Aussi simplement ?

- Oui. Tout simplement, chérie. Tus ais, au lieu d’être un fardeau, je me cultivais. C’est ainsi que ma vision a commencé à changer.

- Et le terrorisme ?

- Tu sais dans tout, il y a des extrémistes. Il y a des fondamentalistes qui disent vivre selon les préceptes du prophète, exactement comme lui. On retrouve aussi ce type de personne chez les chrétiens. Tiens pendant que nous y sommes, la secte Boko Haram qui sévit dans le Nord-Cameroun en est une branche ou mieux, une dérive.

- …

- Tout part de l’interprétation des Saintes écritures. Dans l’islam, l’on trouve des sunnites qui interprètent le coran à la lumière de la Sunna du Coran.

- La sunna du Coran ?

- Ce sont les règles, lois ou préceptes ayant pour but d’éclairer sur les enseignements et recommandations du prophète Mahomet.

- Paix et bénédictions d’Allah sur lui.

- Comment le sais-tu ?

- Attends, ce n’est pas parce que je suis chrétienne que je ne m’intéresse pas à l’Islam un temps soit peu. Je ne suis pas obtuse, tu sais.

- Je suis agréablement surpris.

- A côté des sunnites, il y a des chiites qui pensent que l’Homme est doté des capacités pouvant lui permettre d’interpréter le coran et donc, de se passer de la sunna du prophète.

- Je vois. Et toi, où te situes-tu ?

- Ce n’est pas important, je suis musulman.

- Tu ne réponds pas à la question.

- Chez les chrétiens, il y a des catholiques, protestants, orthodoxes et autres. Moi, je fais partie de la branche appelée SUNNA DU PROPHETE.

- Serait-elle radicale ?

- Non.

- En es-tu certain ?

- Oui.

- Humm.

- Garde en mémoire que la sunna du prophète n’est en rien, jumelle au sunnisme.

- Ok.

- Je te laisse donc le coran traduit en français et si tu as des questions, j’y répondrais avec plaisir.

- Merci chéri. Là, j’ai sommeil, surtout que je travaille demain.

- Ok.

- Allons-nous coucher.

UNE SEMAINE PLUS TARD…

Je suis réveillée par des effluves de thé et croissants chauds. J’ouvre les yeux et croise le regarde de mon chéri.

- Bonjour chéri.

- Bien dormi ?

- Oui et toi ?

- Bien. Je souhaitais faire plaisir à ma princesse.

- Wow ! Qu’ai-je fait pour mériter un homme comme toi ?

- Tu m’as ensorcelé.

- Oh !

- Redresse-toi, amour ; je m’exécute.

- Qu’est-ce ?

- Le petit-déjeuner.

- Un petit-déjeuner au lit.

- Les croissants sont chauds et je n’ai pris que ce que tu aimes.

- Ah bon ?

- Mais oui.

- Attends, je vais aller au petit coin. Quelle heure est-il ?

- Six heures.

- Je vois.

- Nous avons encore le temps.

Je pose mes pieds sur le sol en baillant aux corneilles, cherche à enfiler mes babouches mais n’y arrive pas parce que je ne suis pas complètement réveillée. Je me baisse et constate qu’il y a sur le sol et partout dans la chambre, de la cendre comme si l’on avait brulé du papier dans toute la maison.

- Que s’est-il passé, ici ?

- Je ne comprends pas chérie.

- Pourqu

BLESSING, petit femm...