Partie 16 : c'est compliqué
Ecrit par labigsaphir
DANS UNE CONTRÉE LOINTAINE...
Deux hommes sont assis autour d'une table, l'un a le verre dans la main et l'autre, des cartes qu'il bat avec frénésie. Le deuxième s'arrête en entendant le premier se racler la gorge puis se tourne vers lui.
- Alors, comment avance le projet ? Demande le premier, le regard fixe et dur.
- Comme nous le pensions, c'est-à-dire, bien.
- Des freins, je sens qu'il risque y en avoir.
- Pourquoi ?
- Le climat et surtout, l'environnement.
- Des moyens visant à atteindre l'objectif, je les mets à votre disposition.
- Merci bien.
- Seulement,
- Oui,
- Sachez que je sais où appuyez, les leviers à faire basculer afin de m'assurer votre loyauté.
- C'est noté.
- Bien.
Le premier homme se lève et sort de la pièce sans un regard vers l'autre.
[ AMICIE ]
- Tiens, ma chérie ; elle me tend un verre de jus d'orange et pose la bouteille sur la table.
- Merci Od.
- De rien. Tu fais souvent comme-ci tu es une étrangère ici. Tu as même la chance que je t'ai servie.
- Akieuuu
- Akieuuuu quoi ? La prochaine fois, tu iras te servir. Ce n'est pas la première fois que tu viens ici, dis donc.
- Krkrkrkr, tu es terrible Od.
- Terrible dans quoi ? Comment va mon mari ?
- Il va bien, dis donc. Il est comme tous les gamins de quatre ans, à courir partout.
- C'est l'âge, ma chérie, c'est l'âge.
- Au moins, je sais qu'il y a quelqu'un dans la maison quand son père n'est pas là.
- Au moins toi, tu as déjà une trace sur terre.
- Je t'assure. Mais je ne m'inquiète pas pour vous, ça viendra.
- Et le job ?
- Tout va bien, de ce côté-là.
- Et pour le love ?
- Rien n'a changé, n'est-ce pas le gabonais-là signe sur son affaire de polygamie ?
- Krkrkrkrk les africains et le banditisme.
- Je t'assure !
- Après toutes ces années de bons et loyaux services.
- C'est au bout de sept(7) années qu'il s'est rendu compte qu'une seule femme ne lui suffisait pas. Sérieux quoi, l'on dit souvent que les camerounais sont les bandits mais lui-là, c'est un gabonais-camerounais, un bandit.
- Mais un bandit que tu aimes, ma chérie, il y a nuance.
- Ma chérie, je lui ai donné six(6) mois pour aller se présenter à mes parents, sinon l'on se sépare.
- Enfin ! Voilà l'Amicie que je connais et j'aime.
- Je n'en peux plus. Il passe le temps à dire que je ne suis pas douce, ne pleure jamais et m'occupe de tout dans la maison.
- Si tu vis tout le temps avec le petit, qui devrait prendre soin de vous ?
- Même quand il est là, il ne fait rien dans la maison.
- Mais tu lui fais à manger, prends soin de lui et lui offres ton corps. Il se la coule douce, en fait.
- Oui.
- Tu as bien fait de poser l'ultimatum. Nooon, les africains et les femmes, à croire qu'ils sont maudits.
- Krkrkrkrk n'est-ce pas ?
- Comme disait Marguerite Nicole.N.E, les africains et particulièrement les Bantu, sont des verseurs de Ndolè amer, toujours à l'affût d'une panthère qui viendra déstabiliser sa vie.
- Ga ga ga ga ga ga elle est très très forte, une vraie Beti, je parie.
- Tu doutes ?
- Des mauvais jouisseurs en plus.
- Ga ga ga ga ga ga , massa, tu n'y vas pas avec le dos de cuillère.
- Noooon, pourquoi il y aller de main morte ?
- Dis donc, ha ha ha ha ha celle-là est bonne.
Nous éclatons franchement de rire, je me rembrunis en regardant Odessa qui pose son verre de jus sur la table et se tourne vers moi.
- Quoi ? Je te connais comme si je t'ai faite.
- Od, c'est difficile la vie.
- Depuis quand philosophes-tu ? En as-tu besoin pour faire naître un bébé ?
- Akaaaa laisse-tomber.
- Amy, que se passe-t-il ?
- Je ne sais pas comment le dire. Je ne suis pas un exemple, une référence dans le domaine. Si je ne maîtrise rien, comment pourrais-je donner des conseils ? Qui suis-je pour m'ériger ne moralisatrice ?
Sans le vouloir, des larmes se mettent à coule sur mes joues. Je suis émue, perdue car même si ne le voulant pas, ma situation amoureuse est toujours prise en compte. J'ai peur de perdre l'amitié d'une amie, presqu'une sœur. J'ai peur qu'elle ne pense que je suis jalouse et ne veuille pas de son bonheur.
Elric est un ami, oui, mais il fait partie des amis que l'on doit pouvoir garder à distance. J'ai eu des échos de son palmarès, pas dans le milieu camerounais mais dans celui des blanches. S'il pouvait s'envoyer toutes les femmes de Limoges, il l'aurait fait. C'est un tireur d'élite, presqu'un cœur d'artichaut. J'ai toujours été étonnée que sa chérie, n'ait jamais eu de réaction ou alors, a-t-elle choisi de faire comme la plupart des africaines, faire l'autruche.
- Eh Amicie, calme-toi, oulaaaaaaaa c'est la première fois que je te vois pleurer et surtout, de cette façon.
- Désolée.
- Non, ce n'est pas grave. Tu as les mots des blancs dans la bouche, tu es vraiment intégrée, toi.
- Ga ga ga ga ga ; le rire a fusé sans que je ne m'y force. Odessa est vraiment folle, je vous assure.
- Bah voilà, c'est ce que je voulais, t'entendre rire.
- En fait, il s'agit de Jen.
- Quoi, Jen ?
- Il s'agit de Jen et Elric.
- Amy, tu devrais aller tout doucement avec cette histoire. Je sais que tu n'approuves pas mais devrais faire un effort pour elle.
- J'ai compris, Od, je sais mais comment fermer la bouche.
- Amy,
- S'il te plait, écoute-moi.
- Ok.
- En fait,...
Lorsque j'ai terminé, elle se lève et se met à arpenter la pièce, je la sens très nerveuse.
- En es-tu certaine ?
- Pourquoi vais-je inventer tout cela ?
- ...
- Il fallait que je sorte cela de ma tête et le dise à quelqu'un.
- Tu as finalement bien fait, je crois.
- ...
- Ce qu'on va faire, Amy, c'est le lui dire toutes les deux.
- Huhum.
- Je ne préfère pas que tu sois seule, elle pourra penser que tu le fais parce que tu es jalouse ou je ne sais trop quoi.
- Ok.
QUELQUES JOURS PLUS TARD...
[ LOUHANN ]
Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête d'Elric. Je ne sais pas si je me fais des idées mais j'ai l'impression qu'il y a une femme en dessous. Pendant quatre années, cela n'a pas toujours été rose mais par amour, j'ai pardonné toutes ses bêtises. Pendant quatre longues années, j'ai dû supporter ses périodes creuses ou celles d'abondance.
Il a certes consentis à bien des sacrifices comme ceux de m'envoyer en France et subvenir à mes besoins. Tu es une panthère, me direz-vous, soyons honnêtes et laissons-tomber les œillères, chers amis. Une relation sans intérêt, existe-t-elle vraiment ? Une mère qui aime enfant, l'aime parce qu'elle est certaine de pas être abandonnée quoi qu'il arrive. Un patron qui engage un jeune homme ou une femme, le fait déjà pour des raisons financières. Je pourrais vois citer d'autres exemples. Quoi que nous disions ou fassions, nous avons tous un intérêt ; les miens sont financiers et affectifs, je l'assume.
C'est vrai que tout a été calculé afin d'obliger Elric à prendre ses responsabilités. Il ne lui fallait pas quatre années pour être certain que je ne suis pas la bonne. Il était bien content de se réveiller à mes côtés, faire l'amour avec moi, profiter de ma cuisine et ma compagnie. Suis donc bonne pour lui tenir compagnie mais pas assez digne pour le mariage ? J'ai fait fuir les dragueurs, de potentiels fiancés et maris pour Elric. Tu ne vas pas utiliser la fille d'autrui durant quatre longues années et dire qu'elle n'est pas assez bien pour toi. Une femme a une date de péremption et un homme, non ; un homme peut décider de se marier à 60 ans et avoir des enfants.
Après concertation avec mes amies et ma mère, j'ai décidé d'aller faire le nécessaire au Cameroun afin de redresser la situation et récupérer Elric. J'ai enfin pu rencontrer ses parents de manière officielle, même si Elric m'a vraiment semblé hésitant. J'ai pu séduire les parents d'Elric, afin de les préparer à rentrer dans le bain. J'ai pu respecter le plan à la lettre : la conception du bébé juste après mon retour, le déplacement officiel de la famille d'Elric vers la mienne avec une légère modification ; il est plus que temps pour moi, de me marier.
BRRRR....BRRRR...BRRRR...
- Oui, maman
- Allo, Lou.
- Je t'écoute, maman.
- Comment va le bébé ? Et toi ?
- Nous allons bien.
- Et avec Elric ?
- Ça ne va pas du tout.
- C'était prévisible, montre-toi douce et ça ira.
- Maman, il a explosé lorsque sa mère lui a demandé de chercher une maison pour nous deux.
- Sa mère est assez responsable e sans le savoir, ils nous facilitent la tâche.
- Ah ça ! Après avoir discuté avec son fils, elle m'a appelée et demandé de la mettre au courant.
- Elle pourra faire des piqûres de rappel à son fils, de temps à autres.
- Tu as tout compris.
- T'a-t-elle demandé comment tu te sentais ?
- Et comment ? Je lui ai dit que j'avais des nausées, vomissais, avais du mal à me réveiller le matin et un début de courbatures.
- Très bien !
- Je lui ai parlé de mes envies !
- Ah ça !
- Je lui ai fait savoir que je me réveillais la nuit pour faire le tour de la ville, avec une amie.
- Alors qu'il est véhiculé !
- Je te dis, maman.
- Aka, reste dans ton rôle. Il peut gronder, crier s'il veut, le bébé est déjà là.
- Où es-tu en ce moment ?
- Je suis chez lui. Je lui ai dit que je venais lui rendre visite.
- Alors ?
- Il n'a pas bien réagi, comme je le pensais. Il passe le temps à râler et s'énerver pour rien. Je sais qu'il serait plus facile pour lui de me demander de partir. Il est à deux doigts de me demander de partir.
- Où est-il ne ce moment ?
- Dans la chambre, au téléphone.
- Hummm. Dis donc, assieds-toi et attends sagement qu'il se décide à sortir de la chambre. Si tu peux, fais à manger avant de partir.
- J'y avais déjà pensé.
- Bon, je te laisse et sois courageuse, reste dans la prière.
- Bonne soirée, maman.
Je raccroche et vais dans la cuisine, regarder ses placards, congélateurs et frigidaires. Je constate avec surprise qu'ils sont pleins à craquer et le contenu différent de ce qu'il y a, d'habitude.
- Depuis quand achète-t-il les légumes ? Je croyais que son truc, ce sont les pizzas et la nourriture de chez nous ?
- Les priorités changent dans la vie, tu sais, répond-il dans mon dos ; je sursaute et me retourne vers lui, il est accoudé à la chambranle.
- Oh, tu es là !
- Oui, j'ai terminé au téléphone.
- Wow ! Tu sais déjà faire les courses et pourtant, j'essaie depuis des années.
- Huhum.
- Il suffit que je m'absente durant quelques semaines pour que tu changes.
- Eh oui ! Parfois, il suffit e peu pour changer le cours de l'existence d'un homme ; il lève les yeux puis les baisse sur mon ventre.
- Huhum, c'est vrai, confirmai-je en tapotant mon ventre.
- Voilà !
- Je te fais à manger avant de partir, dis-je en sortant les marmites.
- Non, pas besoin, je vais me débrouiller.
- Elric, tu ne sais pas cuisiner, je te rappelle.
- J'apprends, rassure-toi.
- Mais il n'y a rien de prêt, ici.
- Je vais faire une quiche, assieds-toi, me demande-t-il en m'enlevant les marmites des mains.
- Et depuis quand sais-tu faire des quiches ? Depuis quand en manges-tu ?
- Nous changeons tous, répond-il sur un ton mystérieux.
- Elric, que t'arrive-t-il ?
- Rien. Va t'asseoir, s'il te plait.
- Je peux t'aider, tu sais.
- Non, merci.
Je vais m'asseoir et le regarde cuisiner, en prenant soin de nettoyer après chaque étape. Lorsqu'il a terminé, la cuisine est nette comme si elle n'avait jamais servi.
- Quelle est la femme qui t'a changé ?
- Ce sera prêt dans un quart d'heure, fait-il savoir ; il ne veut pas répondre, ce qui me conforte dans mon idée.
- Et si nous commencions à choisir les meubles pour la chambre de bébé et les vêtements ?
- Fais comme tu veux, Louhann.
- Comme peux-tu être aussi désinvolte alors qu'il s'agit de ton enfant ?
- Louhann, je n'ai ni l'envie ni la force de me disputer avec toi.
- Je ne l'ai pas dit dans l'intention de me disputer avec toi.
- On dirait que non. On dirait que tout ce que tu fais, est bel et bien calculé.
- Calculé, comment ? Je parle de la layette et des meubles de la chambre.
- Pas seulement ! J'ai l'impression d'avoir été piégé, Louhann. Concernant ce bébé, tu as tout manigancé. Depuis des années, tu prends la pilule et c'est juste après ton retour du pays que tu oublies de la prendre ? Me prendrais-tu pour une marmite percée ?
- Oublier, n'est-ce pas quelque chose que tu connais ?
- Louhann, il ne s'agit pas d'un sac ou d'une paire de chaussures, mais d'un enfant !
- Qu'est-ce que ça change ? Il est là, que peut-on y faire maintenant ?
- Tu m'étouffes, Louhann ! Tu m'étouffes ! J'ai l'impression de ne plus vivre !
- Je ne fais pourtant rien de mal.
- Un petit problème et hop, tu appelles ma mère. Louhann, je n'ai pas quatre ans. Mes parents ne peuvent décider de qui je vais épouser ou non !
- Je n'ai jamais pensé que tu étais incapable de prendre des décisions.
- Et appeler ma mère pour te plaindre, c'est dans quel but ?
- J'étais triste et désespérée.
- Tu sais, Louhann, un enfant n'est en rien synonyme d'engagement.
- Cela change quoi ? Cela fait quatre ans que nous nous fréquentons, tout de même. Il y a des couples qui conçoivent leur enfant après six mois. Tu me connais assez et si je ne te projetais pas avec moi, nous n'aurions pas fait quatre ans ensemble.
- Tu me forces la main et m'étouffes, Louhann.
- Et moi, penses-tu à moi ?
J'éclate en sanglots, il va éteindre le four, prend les clés de sa voiture sur la table et sort en claquant la porte.
- Non, non, ce n'est pas bon pour le bébé, dis-je en m'exhortant au calme.
UNE SEMAINE PLUS TARD...
[ ELRIC ]
- Chéri, un jus d'orange ?
- Oui, merci, bébé.
Je prends la télécommande et zappe les chaines en soupirant. Jen qui a fait des brownies, les apporte accompagnés d'une carafe de jus d'orange sur un plateau. Nous buvons, puis je l'invite à venir dans mes bras. Elle le fait, je soupire d'aise en caressant ses bras. Un quart d'heure plus tard, Odessa pénètre dans l'appartement. Jen et moi, échangeons un regard car c'est la première fois que je viens officiellement la voir.
- Jen, appelle-t-elle en posant ses clés sur la table-basse.
- Dans la chambre !
Elle arrive quelques secondes plus tard, tenant ses chaussures à la main et ouvre la porte au ¼.
- Ça va, ma belle ?