Partie 2 : le départ de Jeneya STERN
Ecrit par labigsaphir
Deux jours que je suis ici et deux jours que j'ai l'impression de vivre dans une bulle. Après avoir discuté avec Amicie et Odessa, je descends retrouver maman qui est en train d'entreposer les bagages sur la terrasse. J'observe maman et la sens fébrile, au moment de déposer la dernière valise, elle tremble ; j'accours et la lui retire des mains pour la déposer avec délicatesse sur le sol.
- Maman, que se passe-t-il ?
- Je crois que c'est ma tension.
- Repose-toi, s'il te plait, tu vas te faire mal pour rien.
- Merci Jen, tu as toujours eu un énorme cœur.
- Tu me le dis toujours, fais-je en la prenant par la main afin que nous allions nous asseoir sur l'un des fauteuils non-loin de là.
- Mais oui, c'est vrai. Je me souviens encore de ton enfance. A l'époque, ton père et moi, n'avions vraiment pas les moyens de vous inscrire dans une école privée et avons fait comme tout le reste,
- Le public, mais ce ne fut pas mal.
- Je me rappelle qu'un soir en rentrant, ton père était assez occupé, je suis donc passée te récupérer à l'école. Tu étais arrivée comme toujours, en courant. Au lieu de monter et t'asseoir sur la banquette arrière, tu étais montée à l'avant, laissant la portière ouverte et traînant avec toi, une de tes copines.
- Ah bon ?
- Oui, tu m'avais dit d'une voix ferme, je m'en souviens encore comme si c'était hier, » Maman, pourra-t-on souvent aller la chercher au point bus et la déposer ? »
- Oh !
- Oui, je ne comprenais rien mais bien plus tard, après que Fatima se soit expliquée, je compris qu'elle était arrivée en France quelques mois auparavant et vivait chez la cousine de sa mère. C'était une enfant maltraitée, je pris souvent l'habitude de la récupérer le matin avec toi, et la ramener.
- Honnêtement, je ne m'en souviens plus.
- C'est normal, tu n'avais que 8 ans, à l'époque.
- Je vois.
- Jen,
- Oui, maman.
- Ne change jamais et surtout, prie le Seigneur pour que ton cœur ne devienne jamais un bloc de glace ou mieux, que les biens matériels ne fassent pas de toi un monstre ; elle me tient le menton avec douceur et me regarde droit dans les yeux.
- Je te le promets, dis-je en posant ma main sur son coude.
- Merci, merci, répond-elle les yeux mouillés.
- Tu sais que nous pouvons annuler le déplacement ?
- Non, malheureusement, non.
- Pourquoi ?
- Sir Ridge a demandé à ce que nous soyons là.
- Tu peux y aller avec Vanaya et me faire le compte-rendu plus tard, tu sais.
- Malheureusement, non.
- Pourquoi ?
- Il a expressément demandé que toi et moi, soyons là lors de la lecture du testament.
- Et Vanaya ?
- Je suppose qu'elle va assister au deuil et surtout, pour son grand-père ; elle se pince les lèvres, cette idée ne l'enchante manifestement guère.
- Maman, calme-toi, tout ira bien pour Jeneya.
- Je ne crois pas, non, fait-elle en se levant.
- Maman, tu ferais mieux de faire attention à ta tension.
- Ne t'inquiète pas, Jeneya, je verrais mes petits-enfants.
Nous sursautons en entendant un bruit à quelques mètres de nous, et nous retournons. Vanaya est en train d'empiler tous ses bagages, estampillés LV. Maman et moi, nous regardons et connaissons le prix d'une valise de cette marque.
- Mais où vas-tu avec tous ses bagages ? Lui demande maman.
- Je profite du voyage pour déménager.
- Pourquoi es-tu si pressée ? Ne pus-je m'empêcher de demander.
- C'est vraiment toi, Jeneya, poser ce genre de question, répond-elle avec morgue.
- Tu t'adresses sur un autre ton à ta sœur ! Intervient maman ; je prends sur moi. Où est la Vanaya si douce et gentille avec laquelle, j'ai grandi ?
- Je répondais juste à sa question, maman.
- Tu pouvais le dire autrement, pardi !
- Je m'excuse, fait-elle en nous tournant ostensiblement le dos.
- Voudrais-tu répondre à la question de ta sœur ?
- Papi a demandé à ce que je rentre dans l'entreprise, afin que je puisse apprendre et devenir plus tard, un personnage et membre influent.
- Et tes études ?
- Je prends une année sabbatique, je verrai plus tard.
- Vanaya, si tu veux être respectée, il te faut avoir un certain background.
- Je sais, raison pour laquelle, papi a demandé à ce que je lui envoie les copies de tous mes diplômes.
- Je ne vois toujours pas en quoi, lui donner tes diplômes t'aiderait.
- Nous sommes bien dans l'espace UE, il tient à s'assurer que mes diplômes peuvent peser et dans le cas où cela coince, il demandera à ce que la traduction soit faite ainsi que l'équivalence.
- Pourquoi ne terminerais-tu pas avant d'y aller ?
- Maman, je fais un BTS comptabilité, je pourrais m'en sortir et continuer plus tard.
- Mais...
- Je continuerais dans une grande école, papi a dit qu'il pourra faire jouer ses relations afin que l'on m'y intègre.
- Vanaya, j'aurai préféré que tu termines tes études avant d'y aller.
- Maman, je n'ai rien à perdre mais tut à y gagner. L'anglais est aujourd'hui, l'une des langues incontournables du monde. Je vais en profiter pour éprouver mon anglais et m'y imprégner.
- Es-tu certaine que ce ne soit pas la fortune de ton grand-père qui t'attire ?
- Mais non, même s'il est vrai que m'entendre avec lui soit un point non-négligeable.
- Vanaya,
- Non maman, ma décision est prise.
- Ok, soupire ma mère ; je la sens si triste et fatiguée
- J'y vais, j'ai encore fort à faire.
- Ok, maman, fais-je en reculant pour la laisser passer.
- Mais pourquoi fais-tu cela ? Explosai-je après m'être assurée que maman soit assez loin de nos oreilles.
- Jen, certaines personnes sont nées pour diriger et d'autres, elle me dévisage ouvertement, pour obéir aux ordres.
- Vanaya, je ne sais pas ce qui t'arrive mais tu fais du mal aux parents.
- Non, Jen, je fais mes choix et les assume. J'ai pris la décision de partir comme maman, respectez-le.
- Sais-tu vraiment où tu mets les pieds ? Dans quel panier à crabes, vas-tu marcher ?
- Celui que tu ne connaîtras jamais, répond-elle avant de rentrer dans sa chambre.
LE LENDEMAIN MATIN...
Nous sommes à l'aéroport de Londres-Gatwick, maman qui est en train de récupérer nos bagages, les classes avec mon aide sur l'énorme chariot pendant que Vanaya, elle, manipule son portable. Je suis outrée par son attitude mais préfère garder le silence puisque maman ne dit rien.
Nous attendons déjà depuis une demi-heure lorsque maman fait signe à un homme dans la foule. Il s'avance vers nous, talonné par un autre. Avez-vous déjà regardé les aventures de Sherlock Holmes, si oui, vous visualiserez plus facilement l'homme avec une montre à gousset, une jaquette à rayures et des lunettes strictes sur le visage sans oublier les incontournables cheveux blancs.
- Bonjour Asting, dit ma mère avec émotion.
- Bonjour ma petite carla, répond-il avec douceur.
Ils s'observent durant quelques secondes, puis il prend mama dont les larmes tracent des sillons sur les joues, dans ses bras. Elle pose sa tête sur son épaule et pleure durant une minute pendant qu'il lui fait une tape sur le dos.
- Wow ! Fait-elle en se détachant de lui.
- Oui, du temps a passé, poursuit-il avec émotion.
- 20 ans voire plus, continue ma mère en essuyant les larmes avec le revers de la main.
- Oui, Carla, du temps a passé.
- Comment vas-tu, Asting ?
- Bien, merci et toi ?
- Ça peut aller, merci. Je te présente,
- Jeneya, la coupe-t-il en se tournant vers moi le sourire aux lèvres.
- Bonjour Monsieur, fais-je en serrant sa main.
- Tu as grandi est es vraiment devenue belle.
- Merci, monsieur.
- Il n'y a pas de quoi. Carla, tu as vraiment fait du bon travail ; ils échangent un certain regard. Je vois une lueur dans les yeux de ma mère mais décide de ne pas m'en formaliser.
- Merci, fait-elle sobrement. Et là,
- Vanaya, nous nous connaissons déjà.
- Bonjour Asting. Comment allez-vous ?
- Bien, merci mademoiselle Croft.
- Pourriez-vous vous occuper de mes bagages ?
C'est beaucoup plus un ordre qu'une demande en tenant compte du ton qu'elle emploie. Je suis choquée par ses manières.
- Vanaya ! Gronde ma mère, la main sur la bouche.
- Mais quoi ? C'est le majordome de papi, il est payé pour cela.
- Je ne t'ai pas éduquée ainsi, s'insurge ma mère.
- Carla, laisse, ce n'est pas si grave.
Il fait signe à un jeune homme, non-loin de là, celui-ci approche.
- Voici Jaleel, le chauffeur, il vous ramènera au manoir, annonce-t-il.
- Je croyais que nous devions faire un saut à la maison, ici à Londres.
- Malheureusement non, ton père a demandé à ce que vous arriviez au manoir dans les heures qui suivent.
- Maman, pourquoi te tutoies-t-il ? Demande Vanaya en grimaçant.
- Asting a toujours été comme un père pour moi, répond maman.
- Et nos bagages ? Poursuit Vanaya.
- Ils suivront dans un autre véhicule mais pour l'heure, suivez Jaleel, je vous prie.
- Merci Asting, merci et à tout-à-l'heure.
Nous suivons Jaleel jusqu'au parking où nous découvrons une Maserati flambant neuve, j'avoue être éblouie. J'en avais entendu parler mais ne pensais pas un jour, la conduire. Nous prenons place à l'arrière pendant que Jaleel démarre en douceur ; on croirait la sentir glisser sur l'asphalte, tellement 'on ne l'attend pas.
- Le manoir se trouve à 60 kilomètres de Londres, nous y serons dans moins d'une heure. N'est-ce pas, Jaleel ?
- Oui, madame Croft.
- Reviendrons-nous en ville ?
- Oui, Jen, nous y serons de retour après le deuil.
- Ok.
UNE HEURE PLUS TARD...
Je suis réveillée par maman qui me secoue les épaules, j'ouvre les yeux au moment où les portes du manoir s'ouvrent. L'écriteau en haut dudit portail, certifie que nous sommes bien au manoir STERN. Le luxe insolent qui nous accueille dès l'entrée, rythmera à ne pas douter, notre séjour. Nous longeons une allée bordée par des fleurs e toutes les couleurs et de toutes les espèces, c'est magnifique. Le jardin semble s'étendre de part et d'autres, à perte de vue ; le parfum exhalé par les fleurs est une invitation au voyage.
- A l'époque, explique maman, c'est ma mère qui s'occupait des jardins. Elle a toujours été manuelle et avait la main verte ; elle essuie discrètement une larme. Je prends sa main pour la réconforter, je comprends sa peine et sa douleur.
- C'est vrai qu'elle passait vraiment du temps dans son jardin, avant qu'elle ne décède, parfois restant immobile des heures et des heures.
- Huhumm, fait maman.
- Mamie Stern, était une femme très gentille et accueillante.
- C'est vrai, elle aimait la bonne chair et se sentait vivre lorsque sa maison était pleine.
Je me redresse et lève les yeux, l'idée que je me faisais du manoir n'est rien en comparaison de la demeure qui se dresse devant nous. Elle est de style victorien, une maison majestueuse que ce soit par le cadre ou par l'architecture. La façade est blanche, et les fenêtres colombes présentes à toutes les étages donnent un certain cachet à la demeure.
- Elle est magnifique, ne pus-je m'empêcher de dire.
- C'est la parfaite reproduction d'une demeure à Brighton en plein centre de la ville.
- Mamie était apparemment fan du style haussmannien, c'est très beau. Je crois que je prendrais un malin plaisir à la visiter.
- Si si si, tu n'as encore rien vu. Attends visiter la véranda verrière, Jen.
- Ah oui.
- Mais pour l'heure, nous devons saluer votre grand-père, se rembrunit-elle.
Je regarde dans la même direction qu'elle et voit un homme à l'allure athlétique, un visage au regard froid, un nez aquilin, une bouche presque inexistante, des yeux cachés par des lunettes à montures, un menton fuyant et un front haut, lui donnent en plus de ses vêtements stricts et de bonne qualité, un air de dragon. Le chauffeur gare devant lui, nous descendons dans un silence lourd. Vanaya qui est la première, va vers lui en souriant, il la prend dans ses bras et discutent avec elle quelques minutes, éclatant de temps à autres de rire, avant de se tourner vers nous.
Il plonge immédiatement son regard dans le mien, je n'y lis rien d'encourageant, bien au contraire, j'ai immédiatement la chair de poule. Il me dévisage sans vergogne avant de se tourner vers sa fille.
- Carla,
- Bonjour papa.
Au lieu de se prendre dans les bras, ils s'observent tel deux gladiateurs dans une arène. Maman tend simplement la main qu'il prend en la regardant avec curiosité.
- Tu t'es marié sans nous, fait-il remarquer.
- Il y a deux décennies, ne l'oublie pas ; la réponse de maman est froide.
- Je vois. Eh bien, bienvenue à la maison, ma fille.
Cette fois, il la prend dans ses bras, il n'y a rien de chaleureux dans ce geste ; l'on dirait que tout est faux. Contrairement avec Asting, maman se détache rapidement de lui et se tourne vers moi.
- Je te présente ma fille,
- Jeneya, oui, je sais, la coupe-t-il. Bonjour jeune fille.
- Bonjour papi.
- Comment allez-vous ?
- Bien, merci et vous ?
- Vous avez grandi depuis la dernière fois. Vous êtes devenue une belle jeune femme, ma fille a fait du bon boulot avec vous.
- Papa !
- Ne pourrions-nous pas nous tutoyer ? Demandai-je en regardant maman.
- Je dois vous laisser, j'ai fort à faire. Asting, s'occupera de vous dès qu'il le pourra.
Sans un mot de plus, il attire Venaya dans un coin, ils se mettent à discuter sous le regard réprobateur de maman qui me demande de la suivre. Nous rentrons dans la maison, je suis émerveillée à chaque fois que nous rentrons dans une pièce.
- Qui s'occupait de la décoration ?
- Maman, de son vivant.
- Elle avait du gout, elle avait du gout.
- Exactement comme toi, Jen.
- Je comprends pourquoi tu avais coutume de dire que je suis l'incarnation de Mamie Stern.
- Voilà. Viens, mon ancienne chambre est par-là, au deuxième étage.
Nous grimpons les étages en soufflant toutes les trois à quatre marches, puis empruntons un long couloir, pour nous arrêter devant une porte que maman caresse amoureusement. Le moment et le geste sont si intimes que je préfère garder le silence, lorsqu'elle pose la tête sur la porte et ferme les yeux quelques secondes. En tremble presque en posant la main sur la poignée travaillée.
Elle pousse la porte et retient sa respiration pendant qu'elle s'ouvre. Je la laisse pénétrer sur la pointe des pieds.
- Tout est encore en état. C'est comme si c'était hier que je suis partie de cette chambre, dit-elle les sanglots dans la voix.
- Pourquoi n'es-tu pas revenue depuis ?
- Que penses-tu de la décoration ? Demande-t-elle, éludant ma question.
- Elle est soignée, tout a été pensé et est coordonné avec l'ensemble.
- N'est-ce pas ? Lève les yeux, s'il te plait.
Ce que je fais immédiatement et suis subjuguée par la fresque au plafond, représentant une mère et sa fille dans le jardin. Je mets du temps avant de faire le lien avec le jardin et dans le coin, je vois une personne cachée, les observant.
- Sont-ce mamie et toi ?
- Oui.
- Et l'autre personne ?
- Et si nous allions visiter ta chambre ? Propose-t-elle en se dirigeant vers une porte à notre droite.
- Comment sais-tu qu'il y a une chambre ici ?
- C'était ma chambre, Jen, ne l'oublie pas.
QUATRE JOURS PLUS TARD...
La salle de séjour qui était bondée de monde, se vide peu à peu. Papi, tontons Jamice et Dike, et maman, serrent la main aux dernières personnes puis se lèvent. Un personnage à l'allure distinguée rentre dans la pièce, occupant immédiatement toute l'espace ; je ne suis plus étonnée par ce ressenti car après avoir côtoyé l'aristocratie anglaise durant toute la journée, il est normal de s'y être habituée. Revenons au nouveau, venu, il regarde à gauche et à droite, se dirige vers papi à qui il serre la main avant de se tourner vers mes oncles et ma mère
- Mes condoléances et navrée pour le retard, j'étais en voyage lorsque j'ai appris la nouvelle et n'ai pu revenir plus tôt.
- Ce n'est pas grave, Sir Ridge. Merci d'être passé malgré le fait d'arriver alors que l'inhumation ait déjà été faite.
- Je suis vraiment navré et vous présente à nouveau mes excuses.
- Ce n'est pas si grave. Elle repose en paix, c'est le plus important.
- C'est vrai.
Un silence tombe telle une chape de plomb dans la pièce, mes oncles qui font semblant de ne pas être intéressés ou intrigués par la présence de Sir Ridge, se tournent vers ma mère.
- Excusez-moi, je sais que le moment est surement mal choisi mais il faudrait que je vous donne l'objet de ma présence en ces lieux.