Partie 22 : mamans

Ecrit par labigsaphir

[ BLESSING ]

- Je n’étais jamais venue ici, fait ma mère en regardant autour d’elle.

- C’est vrai, maman. Bienvenue oooo.

- Merci, ma fille ; féfé est en train de sauter dans ses bras.

- Tu n’as pas honte de sauter dans les bras de te grand-mère ? Dis-je doucement en lui tendant les bras.

- Non, maman. Me répond-elle.

- Donc tu parles, féfé ? M’exclamai-je en posant la main sur la bouche.

- Mais c’est elle qui te répond souvent au téléphone, intervient ma mère souriante.

- Maman, elle était bébé quand elle est partie.

- Mais elle grandit, Blessing.

- Ah ça !

Le bureau de la chiasse d’eau puis d’une porte qui claque et des pas dans le couloir, puis la porte qui cède le passage à Ma’a Chan, ma tante et mère de Christelle.

- Blessing, donc je te vois seulement quand ta mère ou ta cousine est là ?

- Non, Ma’a Chan, c’est le travail qui me bloque souvent.

- Huhum, le travail te bloque mais tu vois bien ton homme, n’est-ce pas ?

- Weeee m’a’a Chan.

Féfé qui est en train de s’exciter dans mes bras, descend et se met à toucher tout dans la pièce, je la surveille distraitement. Maman nous observe et pose la main sur la joue comme si elle réfléchissait.

- C’est comment, maman ?

- Je vais bien, Blessing.

- On n’a pas l’impression.

- Laisse ma sœur tranquille. Vous les enfants de maintenant, êtes terribles.

- Maman, maman, fait féfé en prenant une statuette en bois sur la table-basse.

- Chérie, repose, s’il te plait. Fais-je en me levant et la lui prenant des mains. Viens plutôt faire des câlins à maman.

Je la prends dans mes bras et la couvre de baisers, sous les regards des deux femmes.

- Elle t’a manquée, fait remarquer Ma’a Chan en souriant.

- C’est ma fille, Ma’a Chan.

- Seulement, tu as pu te construire, te relever et aller de l’avant. Poursuit-elle en regardant sa sœur.

- Oui, oui, confirmai-je.

- Où en es-tu maintenant ? S’enquiert maman en se redressant.

- Je travaille et tu le sais bien. Répondis-je interloquée.

- Je sais que tu travailles mais est-ce stable pour que tu puisses reprendre la petite ?

- Depuis quand féfé te dérange-t-elle ? Répliquai-je, piquée au vif par la question de ma mère.

- A dire vrai, je préfère garder ma petite-fille loin de certaines choses, surtout que je ne vois pas où tout cela pourrait te mener, avoue-t-elle.

- Je ne comprends pas, maman. Féfé, laisse les cheveux de maman, dis-je en attrapant sa main tirant mon tissage.

- Féfé, laisse ta mère tranquille ! Gronde Ma’a Chan.

Féfé s’arrête et éclate en sanglots, après avoir regardé sa grand-mère. Elle descend et va se réfugier dans les bras de sa grand-mère en pleurant.

- Comme tu penses que c’est ta grand-mère qui va te passer tout, dit Ma’a Chan.

- Akieuuu laissez ma petite-fille tranquille, nous coupe maman.

- Humm, mieux de ceux qui ont encore leur grand-mère, dis-je en tapant des mains.

- Ah oui oui, c’est ma petite-fille, cherchez pour vous. Repique fièrement maman.

- Blessing, tu dis travailler où ?

- Je travaille dans un cabinet d’études à Longckak mais Malick est en train de se battre pour que je rentre au ministère des finances.

- Ah bon ? Peut-il vraiment le faire ? S’exclame Ma’a Chan en roulant des yeux.

- Mais oui, il a des relations. Dis-je tout simplement.

- Dis donc…Il a le bras long, ton type.

- Chantal, tu as entendu Malick Malick mais as-tu entendu une personne dire qu’elle nous le présenterait ?

- Non oooo ma sœur. Les enfants d’aujourd’hui préfèrent les sauteurs de barrière.

- Je te dis ! Un voleur comme ça. J’aurais même pu dire que c’est u voleur de chèvre mais non, c’est un voyou.

- Qu’elle-même est quoi ? Une voyelle, lâche Ma’a Chan ; j’ai envie d’éclater de rire mais me maitrise, ces femmes sont terribles.

- Je te dis, Chantal. Comment peut-on mettre aussi long avec une femme et ne pas se présenter à sa famille.

- Justement, il en parlait la dernière fois, intervins-je espérant calmer l’impatience des deux femmes.

- Il en parlait quoi ? Et quand ? Demande Ma’a Chan, tendu comme un arc.

- Il y a de cela quelques jours.

- Humm, fait maman en secouant la tête.

- On t’écoute, Blessing.

TOC…TOC…TOC…

- Attends-tu quelqu’un ? Demande maman en regardant la porte.

- Non, maman.

- Mais qu’attends-tu ? Va ouvrir ! Gronde Ma’a Chan.

Je me lève et me dirige vers la porte en réfléchissant, j’ai l’impression de passer dans un rouleau compresseur ayant des étaux. Ma mère et sa sœur ne sont pas facile à gérer et lorsqu’elles tiennent un os, elles le lâchent difficilement. Je regarde par le judas et suis surprise de la voir mais ne peux faire autrement, j’ouvre la porte.

- Bonjour ma belle-sœur, fait Lubna souriante.

- Bonjour ma belle. Comment vas-tu ?

- Bien, merci et toi ?

- Ça peut aller.

- Malick m’a dit que tu dois être à la maison et comme j’allais prier à la moquée, j’ai pensé à venir te chercher.

- Ah oui, fais-je gênée car ma mère et ma tante ont les oreilles tendues et ne font aucunement semblant de ne pas écouter.

- Mais oui, Blessing. Qu’y a-t-il ? Ce n’est pas la première fois que je viens te chercher pour aller prier à la moquée, à ce que je sache.

- Cette fois, ce n’est pas possible. Euh…Lubna, une autre fois, surement.

- Depuis quand me reçois-tu à la porte, s’impatiente-t-elle en me poussant légèrement et rentrant dans la maison.

- Lubna, j’ai de la visite, dis-je en refermant la porte.

Elle rentre et s’arrête devant les deux femmes et féfé qui se cramponne à sa grand-mère.

- Lubna, je te présente ma fille féfé, ma mère et ma tante, Chantal.

- Ça va, ma fille ? Demande maman.

- Bien, merci. Répond Loubna en souriant. Blessing, nous allons à la mosquée ou pas ?

- …

- C’est comment Blessing ? Intervient Ma’a Chan, répond à ton amie.

- Je ne suis pas son amie, corrige Lubna mais sa belle-sœur.

- Sa quoi ? Demande maman en se redressant et berçant féfé qui s’en dort dans ses bras.

- Sa belle-sœur, elle va épouser mon frère, Malick, dans quelques mois.

- Dis donc, Blessing ! S’exclame Ma’a Chan.

- Lubna, ce n’est vraiment pas possible. Nous nous verrons une autre fois, dis-je rapidement en voyant les deux femmes attacher la figure.

- Quoi, ai-je gaffé ?

- Lubna, nous nous verrons une autre fois. Dis-je sèchement en la poussant vers la sortie.

- Mais Blessing, quelles sont ses manières ?

- C’est vrai, Blessing, c’est vrai. Ta belle-sœur a raison, dit maman.

- Maman, elle ne faisait que passer.

- Non, pourquoi ? Comment t’appelles-tu déjà ?

- Lubna, maman.

- Et moi, c’est Ma’a Chan. Pardon, ma chérie, assieds-toi. Voici la mère de Blessing et sa fille, féfé.

- Ah ok ; Lubna, je la trouve trop insistante. Il serait temps de régler certaines choses avec ma famille.

- Blessing, apporte à boire à ta belle-sœur. C’est comment ?

- Ma’a Chan, elle va partir.

- Partir, comment ? Me contre Lubna en souriant. Féfé, vient dans les bras de tata, s’i te plait. Et dire que mon frère aura aussi des enfants comme elle, bientôt.

- Il n’a donc pas d’enfant ?

- Non, maman ; ma mère n’aurait pas pu rater celle-là.

- Que fait-il ? Demande Ma’a Chan.

- Il est ingénieur mécanicien dans tout ce qui est avion.

- C’est bien. Ton frère n’a aucun enfant, dis-tu ?

- Oui, maman.

- Et pourquoi ?

- Sa première femme ne pouvait pas lui donner d’enfant.

- Sa première femme ? Bondit ma mère.

- Il l’a répudiée pour faute grave, complète tranquillement Lubna.

- Ah ok, je vois ; ma mère pose la main sur la bouche.

- Sont-ils séparés ou divorcés ?

- Ils sont déjà séparés….Officiellement répond-elle en me fixant.

- C’est mieux, c’est mieux, dit Ma’a Chan en regardant sa sœur.

- Je croyais qu’il était musulman, repart maman en regardant Lubna.

- C’est vrai que nous le sommes tous.

- Mais pourquoi n’es-tu pas voilée ?

- Mon voile est dans la voiture, maman. Je venais chez ma belle-sœur et n’ai pas vu l’utilité du voile.

- Humm, commence ma mère. Blessing, que comptes-tu faire ?

- Je ne comprends pas maman.

- Puisque c’est par ta belle-sœur que j’apprends que tu veux te marier. Comptes-tu te voiler ?

- Maman, je comptais vous en parler. J’avais déjà décidé une date pour le déplacement.

- Blessing, laisse-moi tout ça, aka. Réponds à la question que l’on te pose.

- Maman, nous allons en parler à tête posée.

- Je vais devoir vous laisser, mamans. Vous avez surement des choses à vous dire, dit Lubna, gênée.

- Pourquoi, Lubna ? Il faut rester, la coupe maman.

- Non, maman. Je vais devoir m’en aller sinon je serai en retard.

- Non, reste. Insiste cette fois, Ma’a Chan.

TOC…TOC…TOC…

- Je vais ouvrir, dis-je en me levant.

- Bonjour oooo ma co’o. C’est comment ? Depuis que je cherche à joindre nos mamans.

- Ah bon ?

- Mais oui, poursuit Christelle en rentrant dans la pièce.

- Elles sont là.

- Eukieee les femmes-ci, portables n’est pas fixe. C’est comment ? Lâche Christelle en fronçant la figure.

- Aka, il faut nous laisser ça. A l’époque de nos parents, ça n’existait pas. Réplique Ma’a Chan en faisant la moue.

- Je te dis, renchérit maman en bougeant sur le canapé.

- Où avez-vous mis vos portables ?

- Le mien est déchargé, répond maman.

- Pour moi, j’ai attaché dans le plastique pour le protéger de l’eau puis dans le foulard avant de le jeter dans le sac ; Ma’a Chan est forte, j’ai envie de rire.

- Akieuuu mes mamans, vous aussi. Et dire que ce sont des i-phone, rebondit Christelle.

- Qui a demandé l’i-phone ? Repart Ma’a Chan.

- C’est pour que vous soyez toujours à la page ou bien ?

- Christelle, laisse-nous tranquille. Ton affaire-là, on a toujours envie de m’arracher dans le taxi alors que le parpaing de 10 quand je l’avais, même si je l’oubliais dans le taxi, l’on me rappelait pour le récupérer.

- Je te dis, Chantal ; on dirait de jumelles.

- Humm…C’est comment Blessing, ma sœur ? Tu as l’air constipé, dis donc.

- Christelle, laisse ta sœur, elle cherchait les mots pour nous expliquer certaines choses ; Ma’a Chan dans toute sa splendeur.

- Quoi ?

- N’est-ce pas son futur mariage avec un musulman ?

- Elle vous l’a finalement annoncé ?

- Oui ooooo, poursuit sa mère.

- Et le reste ?

- Quel reste ? S’enquiert maman, inquisitrice.

- Humm, voici sa belle-sœur, Lubna.

- Ahaaaaan Bonjour maman, fait Christelle en s’asseyant près d’elle.

- Je vais y aller, décrète Luba en se levant. Bonjour Christelle ; elle lui sert la main.

- Comment vas-tu ? J’espère que ce n’est pas moi qui te fais partir.

- Non, non. Bonne journée mes mamans et à plus tard. Au revoir Blessing et Christelle.

- Au revoir, répondons-nous en chœur.

Elle se dirige vers la porte, le silence s’installe dans la pièce telle une Chappe de plomb. J’ai l’impression d’être une souris prise au piège. J’avais prévu le dire à mes parents mais n’avais jamais imaginé que les choses tourneraient de cette façon. Je soupire, ferme la porte et reviens m’asseoir toutes me regardent en ayant l’air d’attendre le discours du président de la république le 20 Mai.

- Je m’excuse déjà que vous ayez appris que j’allais me marier de cette façon, commençai-je en me frottant les mains.

- Blessing, laisse-nous les formules toutes faites des blancs ! Me coupe ma mère.

- Qu’est-ce qui t’arrive ? Enchaine Ma’a Chan.

- Maman, je suis avec Malick depuis plus d’un et nous allons vers la deuxième année, c’est lui qui m’a aidée lorsque…

- Hé hé hé hé hé ne continue même pas un peu, Blessing ! Gronde ma mère.

- Toi aussi, laisse l’enfant parler, dit Ma’a Chan.

- Quelle enfant ? Une enfant qui fait des enfants ?

- Calme-toi, d’abord. Je te comprends, ne l’oublie pas ; je baisse la tete et attends patiemment qu’elle se décide à se calmer.

- Mes mamans, écoutons d’abord Blessing, suggère Christelle.

- Je disais donc que c’est Malick qui a tout fait pour féfé et moi, depuis le départ de Jack. J’ai appris à l’aimer et je souhaite devenir.

- Tu souhaites quoi ? Rugit ma mère en se levant.

- Christelle, va mettre l’enfant dans la chambre, conseille Ma’a Chan en tendant féfé à Christelle.

- Ok ; elle s’en va avec la petite.

Ma mère arpente la pièce puis revient se placer devant moi, le doigt pointé vers moi.

- Avant Malick, tu ne vivais pas ?

- Si !

- Et alors ? Tu veux dire quoi ? Que voudrais-tu nous montrer ? Est-ce toi et Malick, qui avez créé l’amour ?

- Non, maman.

- Et alors ?

- Maman,

- Non, tais-toi ! Chantal, elle se tourne vers sa sœur, un homme qui fait près de deux ans avec une fille sans chercher à rencontrer sa famille est sérieux ?

- C’est aussi ce que je cherche à comprendre.

- Que se disait-il, Blessing ?

- Ta mère a raison, tu n’es pas orpheline !

- D’ailleurs tout ça, c’est long. Où est même le lili-phone-là ?

- Eukieee n dit i-phone ?

- Chantal, descends sur moi, tu as compris ce que je voulais dire.

Ma mère tâte son caba, puis met la main dans son soutien-gorge et finit par se rendre compte qu’il n’y est pas.

- Où est même l’affaire-là ? S’interroge ma mère en fouillant son sac à main.

- Quoi ? Demande Christelle en rentrant dans la pièce.

- Mon téléphone, répond ma mère, très très fâchée.

- Tu as dit qu’il est déchargé. Il faut prendre pour moi.

- Donne-le à ta sœur, qu’elle appelle Malick et lui demande de venir ici.

- Eukieee ma mère, c’est comment ? S’exclame Christelle.

BLESSING, petit femm...