PARTIE 4 : Comme des inconnus
Ecrit par Fleur de l'ogouée
Grégory Tchibinda
Quelle nuit intense je viens de passer ! Je ne
regrette absolument pas d’être rentré avec cette douceur, elle est aussi belle
que performante, je crois que j’ai déjà assez fait de sport pour la semaine à
venir. Allonger l’un contre l’autre, je la regarde dormir, un sommeil paisible grande
sera la désillusion à son réveil quand elle verra que mon studio est loin
d’être un endroit agréable, elle va prendre ses pieds à son cou et vivement que
cela se produise, je n’ai pas envie de passer la journée à jouer aux amoureux.
Au moment où je me lève pour aller me doucher elle me retient par le bras et me
demande de rester près d’elle
-Bonjour, bien dormie ?
-Comment ne pas bien dormir après la nuit d’hier, tu m’as
servi de la virilité sur un plateau
-Et toi donc, que de performance.
Je me rallonge et elle se blottit contre moi, je me sens si
faible à ce moment-là. Comment un peu de chair réussi à créer tant d’émoi, je
me sens vulnérable. On finit par se rendormir, c’est vers 14h qu’on s’extirpe
du lit, je lui montre la douche commune pour qu’elle puisse se laver, je
m’attendais à un regard perplexe quand je lui ai parlé de douche commune mais
rien, elle y est allée comme une vieille habituée. Après avoir pris la mienne,
elle a proposé qu’on aille prendre une glace, ce que j’ai accepté même si ce
n’est pas trop mon truc. Je lui ai passé un T-Shirt et un pantalon jogging, je
ne savais pas que quelqu’un pouvait rendre une simple tenue aussi sexy. Tous
les gars du quartier vont voir flou quand je vais marcher aux côtés de cette
beauté, je vais pouvoir m’en vanter pendant des mois.
Tania Boussougou
6h30
Le réveil sonne, je suis totalement en forme après huit
heures de sommeil, en même temps comment ne pas l’être, surtout que je n’ai pas
rêvé de cet audit comme il y a deux jours. Je prends une tasse de thé tout en
lisant un peu les informations, je m’intéresse beaucoup à la bourse, je songe à
acheter des actifs dans certaines sociétés mais je préfère prendre le temps de
me familiariser avec ces sociétés, chaque matin je regarde les actions qui ont
chutés et j’essaye de comprendre ce qui a mené à cette baisse, je m’auto forme
sur ce sujet qui n’a été que brièvement abordé en école. Ensuite j’enchaîne
avec une bonne douche tiède histoire de se réveiller en douceur, en sortant je
recoiffe le tissage que ma coiffeuse m’a posé hier, d’habitude je n’ai que
trois type de coiffure, soit je laisse mon afro libre, soit un chignon haut
assez rigide ou parfois un tissage en coupe garconne très strict, car
j’apprécie ne pas en faire des tonnes, et là je ne sais pas comment elles ont
pu me convaincre de mettre ce tissage deux tons avec une coloration blonde au
bout des mèches, la longueur reste tout de même raisonnable, mais j’ai
l’impression d’avoir changé de look.
Une fois ma robe et mes chaussures enfilés, je prends la
direction de chez mes parents, je ne me vois pas affronté le reste de la
famille seule. Assise dans leur salon j’attends que maman sortent enfin, la
reine du retard en personne fait finalement son apparition, une magnifique et
fière dame Igbo avec son ensemble en dentelles colorés et son gele (foulard
nigérian) rose brillant qui couronne majestueusement sa tenue, elle est trop
fière de ses origines nigérianes, toujours une touche dans ses tenues et elle
ne fait jamais dans la demi-mesure. Tout comme ma petite sœur, elles sont assez
extravagantes contrairement à moi, qui suis très classique.
-Oh honey mais ta fille a porté de la couleur aujourd’hui,
quel ange l’a visité hier soir
- Peut-être elle s’inspire enfin de sa maman, qui en
passant est très ravissante ce matin
-Quel beau flatteur êtes-vous monsieur mon mari
C’est dans la bonne humeur que nous nous mettons en route
pour l’église, c’est Monsieur Ndong qui est au volant comme toujours depuis
plus de dix ans déjà, papa a entièrement confiance en lui. Nous arrivons juste
à temps, le célébrant est prêt à faire son entrée, papa et maman se sont assis
avec les autres membres la famille, ma famille paternelle semble assez soudée,
toujours là pour assister et s’entraider dans chaque étape de la vie des uns et
des autres ainsi que de leurs enfants et petits-enfants. Je me suis assise au
fond de la salle, ça fait plus de trois mois que je n’ai pas mis pieds dans une
église car obnubiler par mon boulot. Malheureusement je ne sais pas m’arrêter
et prendre le temps de souffler, je maigrissais a vue d’œil, ce n’est qu’un
mois auparavant que Ben m’a traîné de force pour un week-end à la pointe Denis,
j’ai encore frôlé le Burn out et grâce à lui je me suis déconnecté à temps. Le
Baptême se déroule sans accro, la célébration n’est pas aussi longue que je le
pensais, à la fin pendant la séance photo je voulais m’éclipser pour me poser
dans la voiture mais la petite sœur de papa m’a repéré et m’a obligé à taper ma
meilleure pose. Nous avons tous pris la direction du domaine d’un de mes
oncles, il a une extravagante maison en périphérie de Libreville, ranch, ferme,
piscine cet ancien ministre ne se prive de rien, avec tous les millions de
francs qu’il a détourné pendant son mandat c’est sûr qu’il ne va pas bouder son
plaisir.
L’atmosphère est assez détendue, même ma tante avec qui
j’ai eu l’accrochage est peace and love avec moi, la nourriture, la musique et
l’ambiance sont bonnes, je passe un super bon moment contrairement à ce que
j’avais imaginé. Le repas tire jusqu’à 17h, puis les parents se retirent comme
d’habitude pour parler de sujets assez sensibles, une de mes cousines propose
qu’on aille prendre des glaces au nouveau glacier qui fait fureur dans la
ville, pour ne pas faire ma rabat joie comme d’habitude, j’accepte d’y aller
avec eux alors que je voudrais rentrer me plonger dans mes documents
-Les gars on y va habiller comme ça
-Ah Taninou on mange chez qui ? dit un de mes cousins
-Moi en tout cas je vais taper mes meilleures photos.
Ajoute une cousine
Nous disons au revoir aux vieux, en promettant de les
appeler plus souvent, ce qui est pur mensonge. Nous faisons un crochet par chez
mes parents pour que je puisse prendre ma voiture. Ensuite direction le
quartier Louis pour découvrir le fameux glacier. Avec nos cinq voitures on a du
mal à tous se garer sur le mini parking mais au final on y arrive, les gens
sont surpris de voir une dizaine de personnes en tenue du dimanche, j’avais
raison on aurait dû aller se changer, mais bon vu que nous sommes tous dans la
même galère c’est plutôt drôle d’être le centre d’intérêt. Le lieu est bien
décoré, assez sympathique pour une sortie en famille comme celle-ci, en
m’asseyant mon regard croise celui de Grégory le mécanicien, il est en
compagnie d’une minette mal fagotée, quel manque de goût de sa part mais ça ne
m’étonne pas. Pendant que je dévorais ma glace, j’ai surpris son regard se
balader sur moi, mais sûrement je me fais des films, je suis en face de lui
c’est normal qu’il regarde devant lui, j’ai un mini pincement au cœur en
invoquant cette hypothèse, il est carrément sexy dans ce petit T-shirt blanc,
je l’imagine aisément me secouer dans tous les sens, je me console en me disant
qu’au moins la glace est bonne. Je crois que j’ai atteint mon maximum en termes
d’abstinence, je vais recontacter un ancien sex friend avec qui j’ai perdu
contact, je n’ai pas le temps pour les prises de têtes. En relevant ma tête, je
tombe sur un spectacle bien cocasse, Beyonce et Jay-z du PK12 se prenant en
photo, désespérant.
Grégory
Tchibinda
Après la douche je n’ai pas résisté à l’envie de répéter la
séance d’épanouissement personnel de la veille, nous avons virer nos fringues
comme si nos vies en dépendaient et elle m’a offert la même performance
grandiose, quelle femme ! Nous avons enfin repris nos esprits et nous
sommes rhabiller, elle a finalement porté sa robe moulante d’hier soir, je me
retiens fort pour pas la déshabiller encore une fois, cette femme à un corps
attractif, si cela ne dépendait que de moi nous passerions toute la journée à
se donner du plaisir sans relâche. Nous prenons le taxi direction Louis, un
glacier qui vient d’ouvrir apparemment, elle n’arrête pas de prendre des vidéos
d’elle, de son corps, de faire des grimaces bizarres, en d’autre lieu ce serait
peut-être drôle mais pas à l’étroit dans un taxi. Arrivée devant le glacier je
trouve l’endroit sympa, mais ce n’est clairement pas le genre de lieu que je
fréquente habituellement. Quand je vois le prix des glaces je manque de
m’étouffer, ce sont des malades ces gens-là, heureusement que j’ai pensé à
prendre 15.000 Fcfa et dire que je pensais que les glaces c’était une affaire
de 500 ou 1000f, vraiment les choses qui m’énerve, mieux on allait même manger
la vraie nourriture, si on tuait un poisson braisé avec de bonnes bières glacés
c’est que 10.000 allait largement suffire. J’ai pris deux boules de glace pour
elle et une pour moi, en rentrant je vais m’arrêter chez la vendeuse de
brochette, la famine veut ma mort.
-Sinon tu as quel âge et tu fais quoi dans la vie ma chère
Ingrid ?
- J’ai 25ans, j’ai eu mon bac il y a 2ans, je devais aller
au Ghana faire les cours de langues et éventuellement un BTS en communication, mais
comme la vie n’est pas facile, je suis là dans Libreville je me bats comme je
peux avec les petites bricoles par ci par là et toi ?
-Moi je suis garagiste
- Et tu as quel âge Greg ? Je peux t’appeler Greg
non ?
-J’ai 32ans et oui tu peux m’appeler Greg, c’est comme ça
que les gens m’appellent généralement
On a continué la conversation, c’est une jeune fille
vaillante et très drôle, nous passons un bon moment. Sortie de cette bulle
lorsqu’un cortège à débarquer un peu plus tard, les gens sont descendus des
voitures comme s’ils tournaient un clip, habillés comme à un mariage, je ne
sais pas ce que les gens veulent toujours prouver dans ce Libreville-là, pour
venir prendre une glace ils ne pouvaient pas mettre des vêtements moins tape à
l’œil, vraiment la jeunesse dorée de Libreville et leurs bêtises. Une
silhouette m’a l’air familière dans ce lot, c’est quand elle s’assoit que je
remarque enfin de qui il s’agit, la princesse Tania deuxième du nom. Sa
coiffure la rend différente, c’est une femme de goût et sa robe qui moule
subtilement le corps c’est un 10/10 pour moi, je revois ce joli fessier qui m’a
chamboulé le vendredi soir. La vie est quand même étrange, vendredi nous avons
dansé ensemble passionnément, samedi m’a traité de moins que rien à cause de
mon métier et aujourd’hui dimanche nous sommes deux parfaits inconnus qui
s’observent du coin de l’œil. J’essaye de rester focus sur ma très charmante
cavalière, elle est pétillante et légèrement surexcitée, mais j’aime le fait
qu’elle soit simple et sans complexe c’est agréable. Perdu dans mes pensées, je
regarde dans le vide en pensant au roulement financier de mois, mes deux cadets
directs sont assez autonomes en terme, le garçon enseigne dans un lycée de la
place et malgré les grèves arrivent à grapiller quelques francs en faisant des
cours particuliers. Ma petite sœur qui vient de trouver un stage rémunéré dans
un cabinet d’avocat prestigieux à payer sa scolarité de dernière année, malgré
mes réticences elle a tout réglé, elle vient à peine de trouver ce boulot, il
faut qu’elle dépense avec parcimonie. Je reviens sur terre quand mademoiselle
Ingrid me demande de regarder l’écran de son téléphone pour prendre un selfie,
ensuite elle fait des vidéos sur un truc qui s’appelle Snapchat, tu peux même
ressembler à un chien avec cette application, les blancs vont nous tuer avec
leurs conneries. Après cette glace nous allons à la maison, elle a dit qu’elle
ne veut pas encore rentrer chez elle, donc on va encore passer la soirée
ensemble. Avec l’argent qu’il me reste je prends les nikes (ailes de poulet
braisés) avec du manioc et nous nous asseyons pour déguster ça au bar du coin
avec deux bières bien fraîches.
Je me surprends à penser à Tania, elle était si
rafraîchissante vendredi soir, si nous n’étions pas de deux mondes différents
j’aurais voulu apprendre à la connaître, elle a l’air d’être une belle âme
malgré son snobisme. Je me suis souvent demandée ce que ça fait d’être
amoureux, de développer une relation jusqu’au mariage, d’avoir des enfants.
Aucun de nous n’a encore donné de petit enfant à notre mère, en même temps mes
cadets ont grandi avec cette phrase « vous devez vous concentrer sur
l’école, les hommes et les femmes ne fuient pas mais si vous vous éloignés de
vos objectifs vous ne serez rien dans la société et quand on est rien, on
a rien » des mots durs, un discours alarmiste mais quand on a plus de père et
que notre mère semble lasse et fatiguée, lorsque l’on se retrouve chef de
famille à 17ans et que l’on doit choisir entre son bac et se battre pour aider
sa jeune maman que l’on voit sombrer dans la dépression, il faut être dur, même
très dur. J’ai très tôt pris des responsabilités qui n’étaient pas les miennes
et je n’ai pas donné à mes petits frères et sœurs l’occasion de donner du
stress supplémentaire à notre mère, ils devaient filer droit. C’était
l’excellence ou rien, j’ai conscience d’avoir mis une barrière entre eux et
moi, il me craigne et me respecte comme un père et pas comme leur grand frère.
J’aspire à me caser dès que j’aurais trouvé la bonne, j’ai un peu d’argent de
côté pour commencer la construction de ma maison, j’ai acheté ce terrain à un
de mes amis d’enfance pour un franc symbolique seulement. Contrairement à
Ingrid, Tania semble plus mature que ce soit en âge et en comportement, plus
enclin à se poser, elle ferait une bonne partenaire de vie si je l’intéressais
à minima. Il va bien falloir que je l’oubli, elle n’était qu’une parenthèse
dans ma vie, une parenthèse qui a blessé mon égo.