PARTIE 5 : Maudit soit la vie !
Ecrit par Fleur de l'ogouée
Tania Boussougou
Le lundi matin tant redouté, je suis debout depuis 5h, je
n’ai pas cessé de passer en revu mes dossiers, cet audit aura raison de ma
santé mentale. Je suis perfectionniste et je suis une boule de stress, depuis
mon enfance je cherche toujours à être la meilleure dans tout ce que
j’entreprends, ma vie amoureuse a toujours été écrasé par mon envie d’être la
meilleure. J’ai d’ailleurs un excellent CV, je pourrai éventuellement me
trouver un autre travail si on me vire me dis-je pendant un moment de panique.
Quand je suis sur le point de partir pour le boulot je reçois un appel de Ben
-Allô Benito, qui t’as jeté de ton lit ?
-Très drôle mademoiselle, ce n’est pas de ma faute si je
suis un ingénieur avec des heures de boulot très flexibles
-Ah tu as appelé pour me narguer lundi matin comme ça
-Laisse-moi parler Boussougou, écoute ma bichette je
t’appelle pour t’envoyer toute ma force, toute mon énergie positive, tu es une
bosseuse, une femme vaillante probablement la plus intelligente que je
connaisse, ne laisse personne te dire le contraire, cet audit va bien se passer
car tu es la meilleure dans tout ce que tu entreprends. Bonne chance !
-Merci beaucoup Benito, tu ne sais pas à quel point ces
mots me touchent, je t’aime tellement
-Je t’aime aussi mais ne tombe pas quand même amoureuse de
moi akaa
-Idiot
On rigole comme deux gamins, je comprends ceux qui disent
que ce n’est pas la quantité mais la qualité qui compte en amitié, je sais que
ceux qui m’apprécient seront toujours là pour moi. C’est plus détendu que
j’arrive au boulot, le stress je le laisse derrière moi. Un arrêt rapide à la
machine à café pour prendre une bonne dose de caféine, je ne suis pas accro au
café mais aujourd’hui j’en ai vraiment besoin pour que cette journée se passe
pour le mieux. En entrant dans mon bureau j’ai à peine le temps de déposer mon
sac que la secrétaire m’appelle pour me dire que ma présence est de rigueur
dans la salle de réunion, stressée je déambule dans le couloir en essayant le
plus possible de masquer mon inquiétude. Je trouve mon supérieur hiérarchique
accompagné des cinq membres de la compagnie d’audit qui ont été assignés pour
notre évaluation. J’essaye de paraître le plus neutre possible et prend place
sur le siège qui m’est réservé dans cette salle. Le patron donne le ton en
énonçant clairement ce qu’il attend de cet audit. Ensuite c’est à nos invités
de dérouler la stratégie qu’ils utiliseront pour mener à bien leur mission
pendant les trois prochaines semaines. Je mets à leur disposition tous les
dossiers, toutes nos évaluations internes et surtout mes fiches. Après une
courte discussion, ma présence n’est plus de rigueur, cette nouvelle entreprise
ne me plaît guère. J’ai l’impression d’avoir passée le bac et que dans trois
semaines les résultats seront affichés, ils ne communiqueront qu’avec mes
supérieures hiérarchiques. Je vais essayer de ne pas trop penser à tous cela et
me concentrer sur la prévoyance financière du mois à venir. Sylvie une des collaboratrices
avec qui je m’entend bien cogne à ma porte pour savoir si cet audit ne me
stress pas trop
-Je suis stressée par l’attente, mais sinon je ne travaille
pas avec eux. Les gars-là sont étranges, ils font directement le compte rendu
aux boss
-Ah ça ils ne blaguent pas, en fait je suis venue vérifier
que tu as bien reçu ton invitation pour mon mariage, ce sera la coutume et
l’état civil, en fin d’année
-C’est gentil Sylvie, merci pour l’invitation
-C’est normal Tania, ton invitation était avec ta secrétaire
mais apparemment elle l’a perdu, je t’en apporte une autre demain et il y aura
le pagne pour la coutume dans un mois
-Ok donc tu me feras signe quand le pagne sera là
Sylvie et moi ne sommes pas amies mais avons de bon rapport
c’est pour cela que je vais faire l’effort d’aller à cette cérémonie. Quand
elle s’en va j’appelle ma secrétaire pour lui demander pourquoi je n’ai jamais
entendu parler de ce mariage.
-Madame, je pensais que vous ne voudriez pas partir, j’ai
menti que j’ai perdu l’enveloppe, sinon c’est là hein. Mais comme les mariages
ce n’est pas votre truc là
-Oui mais cette fois ci je pense que j’irai et de toute
façon j’ai beaucoup de temps pour y réfléchir
-D’accord je vais vous apporter l’invitation et appeler Sylvie
pour dire que je l’ai retrouvé
Ma secrétaire c’est la meilleure, un peu intrusive mais
elle fait son travail correctement, elle prévoit chacune de mes réponses avant même
que les mots ne sortent de ma bouche. Cependant il faut que j’apprenne à
honorer les rares invitations qu’on m’adresse, je n’ai pratiquement pas de vie
sociale, toujours fourré dans mon humble demeure, ‘’ ce n’est pas en restant
dans tes murs que tu trouveras un prince charmant’’ me dit maman souvent.
Grégory Tchibinda
Ce matin au réveil, j’ai été surpris de trouver le
petit-déjeuner prêt, omelette avec du pain et une tasse de café noir, la petite
Ingrid commence à trop prendre ceci au sérieux, depuis samedi qu’elle est là, à
quel moment va-t-elle me libérer le périmètre. Je file me doucher avant de
venir avaler tout ce qu’elle à préparer, en m’apprêtant à partir elle me
retient et m’embrasse
-A ce soir bébé, tu veux manger quoi en rentrant ?
J’ai vu les rognons et le poulet dans ton congélateur
-Ah ! donc tu seras encore là le soir ????
-Oui, ma petite sœur va passer m’apporter quelques
vêtements en sortant des cours, moi je n’ai rien de prévu et en ce moment je
n’ai pas de boulot donc je suis tout à toi
-OK
Devant mon air dépité elle ne s’est même pas senti gênée,
qu’est-ce qu’elle me veut à la fin, ce n’est pas comme ça qu’on cherche le
mariage aussi. Néanmoins je n’ai pas envie de la brusquer, sa présence ne me
dérange pas forcément, c’est juste que je suis habitué à ma solitude, déjà que
ce studio est assez étroit pour une personne, à deux on se marche littéralement
dessus. C’est le ventre plein que je me traîne au travail, toujours à l’heure
je fais en général l’ouverture du magasin attenant au garage, vente de tout le
nécessaire pour une voiture en pleine forme. La vendeuse qui est la nièce du
patron arrive souvent à des heures improbables donc j’ai la responsabilité du
magasin, c’est un peu comme des heures supplémentaires, il me paie pour le
temps que je passe à tenir la boutique, ce n’est pas de refus, car être l’aîné
c’est porter toute la famille sur son dos, si je peux me faire de l’argent en
plus ça me va.
Après une journée de travail plutôt calme je fonce chez un
de mes amis d’enfance, un gars de ma bande de pote que je dois aider à aménager
la chambre de son futur bébé, nous allons tout faire, la peinture et le montage
meubles. J’ai un petit pincement au cœur en installant ce berceau, en peignant
ces murs en rose pâle, ça aurait pu être moi, peut-être il est temps que je me
concentre sur mon bonheur et que je sois un petit peu égoïste, tous mes petits
frères sont adultes, il est peut-être tant que je lâche du lest et que je
m’accorde de trouver le bonheur. Je me suis toujours privé de ma part de
bonheur car je pensais que c’était la meilleure chose à faire pour que mes
petits frères s’épanouissent, mais au final j’aurais pu avoir cette vie-là, une
femme à aimer et des enfants à dorloter. En même temps je n’ai que 32ans,
rien n’est totalement perdu, même si je ne sais pas comment aimer, je vais bien
trouver celle qui m’aidera à combler cette lacune.
Quand je rentre je suis épuisée, quand j’arrive dans la
cour j’aperçois mademoiselle Ingrid en train de papoter avec une de mes
voisines avec qui je ne m’entends absolument pas, cette fille veut vraiment me
pousser à bout, je lance un bonsoir avant de rentrer dans ma chambre. Je file
prendre une douche, après je ferai une petite sieste. Quand je reviens dans la
chambre, je la trouve nue sur le lit, mais cette petite-là veut m’épuiser où
c’est comment ?
-Viens vite mon petit chéri, ta femme va te souhaiter bonne
arrivée comme il se doit
Elle se tortille vigoureusement sur le lit et mon gendarme
se met aussi tôt au garde à vous, je ne remercie pas la physiologie humaine à
ce moment-là, attiré sur le lit en homme faible je la laisse mener la partie. Moi
qui voulais pourtant dormir, je me retrouve à être enjamber par la petite, le
sexe fort nous appelle t’ont.
Tania Boussougou
Après le boulot je suis passée à la boutique de ma sœur
pour voir si tout se passe bien, gérer une affaire comme celle-là à distance ce
n’est pas facile, c’est pour ça que je l’aide comme je peux, mais il faut dire
que c’est surtout maman qui mène la barque, elle exécute les ordres de ma
petite sœur, gère tous les problèmes internes et tout cela avec le sourire,
sans essayer de s’approprier tout le mérite. Maman avait un atelier de couture
quand nous étions enfant, elle a toujours eu le sens du business, aujourd’hui
elle est dans l’évènementiel et s’en sort très bien. Papa quant à lui est un
homme influent, son père était président de la cour constitutionnelle pendant
de longues années, ce qui a permis à beaucoup de mes oncles de se lancer dans
la politique, mais mon père a toujours aimer se distinguer des autres, il a
fait des études en commerce international et comme d’après ses frères c’était
un peu le favoris, mon grand-père lui a remis une somme conséquente pour
débuter dans la vie et dès lors il n’a fait que fructifier cet investissement,
certains de ses frères lui en ont voulu mais rien qu’ils n’aient pu surmonter,
parfois je ressens un peu d’amertume dans leurs propos mais jamais rien de
grave. Ils ont toujours su dépasser leurs désaccords et ont pu demeurer unis.
Je prends une bonne douche et je me mets au lit de bonheur,
cette semaine ne commence pas de la meilleure des manières mais pour ne plus
penser à cet audit je vais avancer sur des dossiers que j’avais mis de côté
pour me concentrer sur cet audit, je ne vais pas leur montrer que je suis en
proie au doute, je vais me comporter comme d’habitude.
6h10
Mon téléphone sonne, je pense tout d’abord que c’est mon
réveil mais je me rends compte que c’est ma sonnerie d’appel, quand je regarde
le nom affiché je me rends compte que c’est maman. Pourquoi un appel aussi
tôt ?
-Allô maman qu’est-ce qu’il y a
-Viens oh Chinenye la police embarque ton père, viens oh
Elle s’est lancée dans une discours confus un mélange de
pidging, français et de igbo, j’ai du mal à la suivre, à moitié endormie je
peine à distinguer ses phrases. Il m’a fallu quelques secondes pour que
l’information remonte à mon cerveau « les policiers sont en train d’embarquer
mon père ». Je finis par sauter de mon lit, chercher une robe facile à
enfiler et là je maudis ma garde-robe contemporaine, puis j’enfile une tenue de
sport ça ira plus vite. Je prends les clés d'une des mes voitures et fonce dans le
garage. Je klaxonne agressivement pour que le gardien se hâte à venir ouvrir le
portail, heureusement que je peux toujours compter sur lui.
Sans prendre le temps de me calmer j’appuie à fond sur
l’accélérateur, en dix minutes à peine je suis devant le portail de mes
parents, je descends en trombe et je trouve maman assise par terre devant la
terrasse en pleur. ‘’ ils m’ont tué oh, ils m’ont tué’’ ne cesse-t-elle de
répéter, je m’approche pour pleurer avec elle. Je ne veux pas être rationnel,
je veux juste pleurer pour une fois.