Partie 5 : LA SUNNA DU PROPHETE

Ecrit par labigsaphir


- Mama…mama…mama…mama.

- Oui, mon bébé. Reste tranquille, je vais me laver.

- Mama…mama…

- Je ne veux pas être en retard.

Je mets féfé dans le transat, vais puiser l’eau et me laver en chantant. Je me ses super bien, je vous assure. J’ai l’impression d’enfin exister et pouvoir servir à quelque chose dans la société. Cela fait deux mois que j’ai commencé les cours de secrétariat, j’ai ma petite routine. Je suis avec Malick, sans pour autant être avec lui. Je sais que vous ne comprenez pas mais ça viendra avec le temps.

Une demi-heure plus tard, je mets la dernière touche à mo maquillage, mets féfé dans la poussette, mets mon sac à main mon sac d’école et le sac à langer de féfé. Nous marchons près d’un kilomètre avant d’arriver chez Faith ; c’est normal, nous avons déménagé, il y a de cela quelques jours.

Je vis maintenant dans un studio où le salon fait aussi office de chambre. C’est petit mais plus salubre que le dernier. Malick voulait que je prenne un studio avec une chambre qu’il payerait mais j’ai refusé. Il fait tellement pour nous que j’aurai l’impression de dépendre de lui.

TOC…TOC…TOC…

- Oui, entrez !

Je fais rentrer la poussette, Faith est en train de débarrasser la table et au même moment, son mari sort de leur chambre. Il s’arrête quelques secondes en se rendant compte que ma fille t moi, sommes là. Il se tourne vers sa femme et la regarde bizarrement. Je le salue, il ne me répond mais dit quelque chose à Faith dans sa langue, puis quitte la pièce.

- Assieds-toi, fait Faith de la cuisine.

- Merci et bonjour.

- Bonjour, Blessing. Comment allez-vous ?

- Bien, merci et toi ?

- Ça peut aller.

Je suis en train débarrasser la poussette et déshabiller féfé lorsque je sens un regard sur moi, me tourne et constate que Faith est en train de m’observer.

- Ne me dis pas que tu es déjà passée de l’autre côté, plaisantai-je en chatouillant féfé.

- Mais non, je suis une vraie convaincue et adepte de la chose.

- Ha ha ha ha ha tu es terrible.

- Blessing,

- Oui, Faith, je t’écoute…Féfé, fais un sourire à maman.

- La déshabiller ne sert à rien.

- Pourquoi ?

- …

- Féfé, ce sont mes seins qui souffrent avec toi, ces derniers temps.

- Blessing, tu ferais mieux de la rhabiller.

- Pourquoi ? Il fait certes froid dehors mais comme vous resterez à l’intérieur, il…

- Blessing, la petite ne peut pas rester.

- Quoi ? Fais-je en me tournant vers elle.

- Je suis gênée, j’ai vraiment honte de te dire cela.

- Me dire quoi ? Féfé ne peut pas rester, qu’est-ce à dire ?

- Mon mari a demandé que j’arrête de garder la petite.

- Comment ça ? Pourquoi ?

- Il dit que je ne suis pas ta bonniche ?

- Pardon ?

- Tu peux passer nous rendre visite avec elle mais je ne peux plus la garder comme je faisais avant.

- La petite a-t-elle cassé quelque chose ?

- Non.

- Qu’a-t-elle fait ?

- Rien.

- Mais pourquoi cette interdiction.

- C’est lui le chef de famille, c’est lui qui paie le loyer.

- Ok.

- Blessing, je ne sais vraiment quoi te dire.

- Et depuis quand, avez-vous des soucis à ce sujet ?

- Depuis des mois…J’espérais qu’il changerait d’avis mais non.

- …

- Ça s’est empiré le jour où il t’a vue descendant de la voiture de Maick.

- Malick serait-il le souci ?

- Je crois, oui.

- Mais que lui a-t-il fait ?

- En fait, il se pourrait qu’il ait croisé Jack en ville et celui-ci lui aurait appris que tu le trompais depuis des mois avec un autre.

- Quoi ?

- Oui. Je te laisse imaginer ce qu’il pense de toi.

- Ok. Merci ; j’ai des sanglots dans la voix mais serre les dents.

En silence, je rhabille ma fille. Faith vient s’asseoir près de moi et veut poser sa main sur mon bras mais je l’esquive. Je remets ma fille dans la poussette et recharge la poussette, dans un silence cuisant.

- Blessing, fait-elle alors que j’enlève les cales de la poussette, j’aurais voulu continuer à la garder. Tu sais que féfé n’est pas une enfant qui dérange.

- J’aurai payé si tu avais demandé, Faith. Cela fait des années que nous connaissons, Sandrine et toi, étiez une famille pour nous.

- Vous aussi, Blessing. Vous aussi.

- …

- Tu sais que je ne travaille pas et c’est mon mari qui gère tout dans la maison.

- Huhum.

- Je suis obligée de me soumettre.

- Ok. Ne gâte pas ton foyer à cause de moi, je comprends.

- Tu pourrais payer la garderie, tu sais.

- Je ne peux pas.

- Tu sais, je pourrais venir la garder chez toi, si tu es malade ou elle est malade.

- Non, merci. Je vais me débrouiller.

- Blessing, ne te fâche pas pardon. Je ne le fais pas de gaieté du cœur.

- Je sais.

- Je peux la porter avant que vous ne partiez ?

- Oui, tu peux.

Elle se lève, s’avance vers la poussette pendant que je me tourne à demi et essuie une larme qui coule sur ma joue. Jack, puis Faith, j’ai l’impression de perdre toux ceux qui comptent dans ma vie. J’ai envie d’appeler Jack pour lui dire que ce que je pense mais n’ai pas le bon numéro et puis à quoi bon ? Je vais le faire mais cela ne résoudra pas le souci que j’ai à savoir, garder féfé.

- Blessing, excuse-moi. Tu connais ma situation, je te demande pardon.

- Il n’y a pas de souci ; j’évite son regard.

- Courage, Blessing, tu es une petite femme forte.

- Merci.

- Nous gardons le contact par téléphone.

- Ok.

En traversant le seuil de sa porte, j’ai les larmes aux yeux. Je serre les dents et au carrefour, éclate en sanglots. J’essuie les larmes sans plus faire attention au rimmel qui coule sur mes joues. Je me dirige vers le coin des call-boxeurs et aperçois Eric et Marimar.

- C’est comment présidente ? S’enquiert Eric en se levant.

- Présidente de quoi ? Répliquai-je en souriant timidement.

- Tu as une poussette d’enfant de président.

- Aka, poussette ngue kap haaaa (est-ce la poussette qui donne l’argent) ?

- Bonjour Blessing et ma féfé, ma féfé ?

- Doucement, madame. Dis-je doucement en sortant votre parente de la poussette ; elle sautille comme un asticot en tendant les mains vers Eric.

- Bonjour, fait Marimar en posant porte-monnaie sur sa table.

- Bonjour Marimar. Où étais-tu ?

- Je discutais avec un dragueur.

- N’est-il pas marié ?

- Et alors ? Quand il venait me courtier, ne savait-il pas qu’il est marié ?

- Eukieeeee excuse-ma bouche, je demandais seulement.

- C’est comment, aurais-tu décidé de verser un pot de peinture sur la figure avant de sortir de chez toi ou tu t’es maquillée à la truelle ?

- Pourquoi ?

- Tu as décidé de faire concurrence à Dracula, ma parole.

- Ah bon ?

- Attends, voici mon miroir ; elle le prend sur la table et me le tend.

Ah oui, je suis horrible. Je dégaine ma trousse à maquillage et me remaquille rapidement.

- Non, attends, je vais t’aider. Propose Marimar en me prenant la trousse des mains.

- Ça se passe bien chez toi ?

- Oui, Eric. Tout va bien.

- Quand viendrons-nous visiter ?

- Quand vous voulez, tara.

- Ok. Je te prendrais au mot, un de ces jours.

- N’est-ce pas ?

- Mais que faites-vous ici ? A cette heure, tu devrais être en train d’aller au centre.

- C’est vrai, Marimar mais j’ai eu un contretemps et n’irais pas au cours ce matin.

- Pourquoi ? Intervient Eric.

- Faith ne peut plus garder féfé.

- Eukieee, qu’y a-t-il encore eu ?

- Elle ne peut tout simplement plus le faire.

- Pourquoi ? Insiste Eric en prenant féfé sur ses cuisses.

- Elle ne peut plus, Eric.

- Dis plutôt que son mari ne veut plus.

- …

- Je le savais, confirme Marimar en se saisissant de la poussette.

- Mais que fais-tu, je vais rentrer à la maison me changer et revenir travailler.

- Blessing, va à la maison. Eric et moi, nous occuperons de féfé.

- Marimar, elle va vous empêcher de travailler.

- Crois-tu que ce bout de femme puisse m’empêcher de servir un client ?

- Blessing, si tu veux déjà abandonner la formation, ne prends pas féfé comme excuse.

- Je te dis, Eric.

- C’est bon, j’y vais. L’on se retrouve tout à l’heure.

- C’est top. Répond Marimar.

Je vais à l’école, soulagée mais tout de même perturbée. Je sais que cette situation ne peut perdurer et que ce n’est pas une vie pour un enfant de 17 mois.

La voiture de Malick est comme toujours, garée en face de l’établissement. Je traverse la route, il débloque les portes, je m’installe et pose mon sac sur la banquette arrière en soupirant.

- Bonjour, Blessing.

- Bonjour Malick. Qu’y a-t-il encore ?

- Fatiguée et toi ?

- Ça peut aller, merci.

- Ok.

- J’aimerais que nous allions quelque part.

- Où ?

- J’ai envie de te faire découvrir qui je suis.

- Mais je te connais déjà, Malick.

- Non, je ne crois pas.

- Je n’ai vraiment pas de temps.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te forcer la main.

- Non, non, je dois aller récupérer féfé.

- Mais elle est bien avec Faith.

- Non, elle n’est pas avec Faith mais avec Eric et Marimar.

- Quoi ?

- Faith ne peut plus la garder.

- Mais pourquoi ?

- Son mari ne veut plus.

- D’un coup ?

- Oui.

- Humm. Et que comptes-tu faire ?

- Je n’en sais trop rien.

- Tu m’avais pourtant parlé d’une garderie.

- Oui, mais elle coute trop cher.

- Combien ?

- Je ne veux pas que tu paies, Malick.

- Il faut bien que tu continues les cours et que tu le fasses l’esprit tranquille.

- Je compte arrêter durant quelques jours le temps de trouver une solution.

- Allons-y chercher féfé et nous allons discuter à la maison.

- Non, je préfère rester avec les autres et travailler.

- Ok.

- …

- Pourquoi n’enverrais-tu pas féfé chez ta mère, le temps d’avoir une situation stable ?

- Non, je ne peux pas.

- Blessing, il faudrait penser à féfé avant de penser à toi.

- Imagine que nous ne soyons plus ensemble, comment feras-tu ?

- …

- Je te demande d’y réfléchir, pas pour moi mais pour féfé.

- Ok.

Une demi-heure plus tard, il me dépose et rentre au bureau.

- Mais où sont les gâteaux et le kilichi ?

- Il ne m’a rien donné, Marimar.

- Eukieeee, depuis quand ?

- Que veux-tu que je te dise ?

Je prends ma fille dans mes bras, joue avec elle avant que nous ne rentrions à la maison, nous reposer. Deux heures plus tard, nous remontons pour le travail. Maman m’appelle alors que je suis au carrefour.

- Ta voix est bizarre.

- Non, tout va bien.

- Qu’y a-t-il ?

- La femme qui gardait féfé ne peut plus le faire.

- Pourquoi ?

- Son mari ne veut plus.

- Qu’as-tu fait à son mari ?

- Rien.

- Humm. Je peux garder ma petite-fille, tu sais.

- Non, maman. Tu as déjà du travail avec mes frères.

- Et c’est ma petite-fille qui m’empêchera de vivre ?

- …

- Blessing, viens déposer ma petite-fille et tu cherches ta vie.

- Je ne peux pas éjecter ma fille de ma vie.

- Qui a dit que tu éjectes ta fille ?

- …

- Ce n’est pas avec un enfant que tu pourras facilement évoluer. Tu fais une formation en ce moment, Blessing. Si tu ne trouves pas quelqu’un pour la garder, tu ne pourras pas la terminer et ce sera de l’argent jeté par la fenêtre.

- …

- Je serai là pour un deuil, ce week-end. Je vais directement aller à Sangmelima et au retour, je viendrai récupérer féfé.

- …

- Blessing, penses-y. Si tu n’es pas d’accord, je ne te forcerai pas la main.

- Ok.

Je raccroche et prends ma fille dans mes bras en serrant les dents pour ne pas pleurer. Savoir que dans quelques jours, je ne pourrai plus l’avoir tout contre moi, me scie le cœur.

BLESSING, petit femm...