Plan A

Ecrit par Aura

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- Tu dois m’écouter maintenant !

- Pourquoi devrai-je faire ça ? 

- Parce que c’est dans ton intérêt. 

- Et qui me parle de mon intérêt ? Toi ? Toi qui n’a aucune dignité ? Toi qui n’a aucun scrupule ? 

- Prends ce billet avant que tu ne me reconnaisses pas. 

- NON !

- Tu vas prendre ce billet, sinon…

- Sinon quoi ? Tu vas me donner une fessée ? Sale garce ! Tu n’es qu’une dévergondée !

- Bravo ! C’est bon ? Tu as sorti tout ton venin parce que je commence à perdre patience. 

- Non ! Vilaine fille ! Jalouse ! Tu n’es qu’une ignoble arriviste !

- OUI MOI ! Moi qui sauve ta peau chaque fois ! Moi qui encaisse les coups à ta place ! Moi qui nettoies toutes tes chiottes derrière. Moi, moi, moi, qui reste et gère tout, alors que tu fuies. Moi qui supporte et endure la peine sans rechigner. Moi, qui ai pris le droit d’ainesse sans qu’on ne me le donne, juste parce que tu étais trop lâche et incapable de prendre tes responsabilités au moment où on avait besoin de toi. Oui si pour ça je suis dingue ? Si pour ça je n’ai aucune dignité, si pour ça je n’ai aucun scrupule, alors je m’en fous. Mais je t’exige, non je t’ORDONNE de prendre ce billet et de poser tes fesses dans cet avion sinon je ne répondrai plus de quoi que ce soit. Tu vas à Conakry et tu t’en tiens à ce qu’on s’est convenu. Maintenant vas-y et…..

- Quoi encore ? 

- Gares-à-toi si tu fais couler le navire. Tu restes naturelle et ne laisses rien transparaitre. 

- Ok !

- Bon voyage ! 

- Je ne peux pas te dire merci, parce que tout ça c’est contre mon gré. 

- T’inquiètes, tu me remercieras un jour. Peut-être pas aujourd’hui mais ça va finir par arriver. Maintenant vas-t-en. 

Elle prend le billet d’avion et tire le petit trolley que j’ai préparé pour elle. Elle s’en va sans m’adresser un quelconque regard. C’est tant mieux pour moi, parce que je n’avais aucune envie de revoir ses yeux me lancer des éclairs. Rassurée de constater qu’elle s’est faite enregistrée et qu’elle ait intégrée la salle d’embarcation, je m’en vais donc rejoindre mon équipe pour la prochaine étape. Dehors, je trouve Safiya qui m’attendait dans la voiture ainsi que le chauffeur et l’un des sbirs de Vincent. Il faut dire que sans lui, on n’aurait pas pu appréhender Fallone. Je m’engouffre dans le véhicule, une VX noire aux vitres teintées que Vincent a pris le soin de mettre à notre disposition. Là se trouve Safiya, vêtue de sa Boukha noire, qui me tend une bouteille d’eau minérale. Depuis le lancement des hostilités, elle a choisi de ne se vêtir que de cette tenue comme signe de son entrée en guerre. A ces propos, son visage ne sera dévoilé que lorsque ML en aura pour son compte. Je prends de grandes gorgées d’eau avant de souffler.

- C’est bon ? Tu as réussi à la mettre dans cet appareil ? me questionne-t-elle

- Oui et sans qu’elle ne m’arrache les yeux. 

- Tant mieux ! Je redoutais qu’elle ne sorte ses griffes de panthère. 

- Elle n’en a pas eu besoin. Il m’a suffi de prendre mon regard électrisant de lionne pour qu’elle se soumette. Tu ignores que les panthères, les hyènes affamées peuvent jacasser autant qu’elles le veulent mais seules les lionnes sont les reines de la putain de jungle. 

- Pas de gros mots. 

- Désolée ! Je ne peux pas m’en empêcher. 

- T’as qu’à faire gaffe quand tu es avec moi. 

- Je m’en souviendrais. Bien maintenant allons-y. 

- Mouais. J’ai hâte d’être à la prochaine étape.

- Moi de même. 

Le chauffeur prend la direction de la maison (chez Vincent) et tout le voyage se fait en silence. Safiya qui est tellement attachée à sa religion égraine son chapelet pendant la durée du trajet. Moi par contre j’ai mon visage collé à la vitre pour voir la ville défiler sous mes yeux. J’adore admirer le paysage surtout en étant dissimulé. Cela donne l’impression de posséder un immense pouvoir. J’espionne les autres sans qu’ils ne le sachent et je peux me préparer pour les attaquer par surprise. C’est un pur régal de voir comment on peut manipuler les gens sans qu’ils ne s’en rendent même pas compte. Néanmoins, cette discrétion me permet de faire une introspection et communiquer avec mon moi-profond, pour savoir me redonner du courage et garder la tête et les idées lucides. 

  Nous arrivons quelques minutes plus tard à domicile. A ma grande surprise, le trajet n’a pas pris beaucoup de temps. Nous nous engouffrons donc dans la villa et rejoignons Vincent dans le jardin où il sirote un jus d’orange. Je suis étonnée qu’il soit là, aussi détendu que possible en train de prendre ses verres de jus alors que la situation est si délicate au point de vous donner une urticaire. Dès qu’il nous aperçoit, il vient à notre rencontre et nous tend chacune un verre de jus d’orange et nous sourit de toutes ses dents blanches, comme si de rien était. 

- Alors mes amazones ? Comment cela s’est-il passé ? 

- Comme un jeu d’enfant ! lui répondis-je 

- Bien ! 

- Alors quelle est la prochaine étape ? 

- L’attente ! 

- Quoi ? pendant combien de temps ? protestons-nous en chœur Safiya et moi. 

- Le temps que ça prendra. 

- Cela veut dire que je peux attendre jusqu’au prochain Ramadan, aller même à La Mecque puis revenir. Lui lance Safiya.

- Si tu veux y aller, je ne t’en empêche pas. Mais sache une chose, nous avons disposé tous les pièges pour faire tomber l’ennemi. Il ne reste plus qu’à ce que la proie morde à l’hameçon et le tour sera joué. Donc beauté, je te suggère de rester ici égrainer tes chapelets au lieu de faire ton tour de La Mecque, car à ton retour, tu risqueras d’être déçue de constater que le poisson s’est échappé. Et ce sera dommage après tous ces efforts. 

- Hummm ! Je vais donc continuer à faire mes chapelets….

- N’oublies pas de prier que sa sœur ne fasse pas foirer le plan.  Sinon, tout sera compromis. 

- Qu’Allah manifeste sa grâce. 

- Je l’espère. Pour l’instant, on va faire comme si de rien était et éviter de penser à ce qui nous préoccupe en ce moment. Son vol n’atterrit que demain matin, alors pendant tout ce temps, on vaque à nos activités. Vous pouvez lire, dormir, prier de votre côté ou bien venir faire des folies avec moi. 

- Folies ? Quel genre de folies ? lui questionnai-je

- Faire du karaoké ? Jouer de la musique ? Jouer aux jeux vidéos, danser sur des morceaux de zouk, ou même être mon aide-cuisinière. 

- Donc tout ceci se résume à s’amuser !

- Tu as tout compris Arielle. 

- Je suis partante. 

- Pas moi ! lance Safiya. C’est ridicule de s’amuser comme des bambins alors que la maison va bientôt brûler. Non je n’adhère pas à cette idée. Mieux vaut être concentrée plutôt que de perdre le contrôle de la situation. 

- Cesses de stresser Safiya, tout ira bien. Si tu penses à ce qui va arriver, tu risqueras de t’évanouir d’un moment à un autre, mais en te changeant les idées, tu ne verras pas le temps filer et quand il s’agira de faire face au danger, tu seras armée de courage. 

- Cela marche peut-être pour vous pas pour moi. Je préfère être en communion avec Allah. Néanmoins quand il s’agira de cuisiner, faites-moi signe. Pour l’instant, je vais dans la chambre. 

- C’est d’accord Safiya. Fais comme tu veux. Et à tout à l’heure. 

- D’accord….

Elle finit par s’en aller les secondes qui suivent. 

- Tu es sûre qu’elle n’a pas chaud dans ce tissu ? me questionne Vincent

- Je n’en sais rien. Tu n’as qu’à lui poser la question. 

- Et me retrouver en train de réciter les sourates ? Non merci !

- T’es vraiment un cas. 

- C’est pourquoi tu m’aimes autant. 

- Non ce n’est pas vrai, je t’apprécie tout simplement. 

- Mouais, c’est bien ce que je disais, je te plais. 

Je lui donne une tape sur l’épaule. 

- Aïe !!!! Mais sois un peu plus douce ! Vraiment vous allez me rendre dingue toutes les deux. 

- Ce sera donc une bonne chose pour te faire taire à jamais. 

- Même pas. Je suis un vrai mâle dominant et je ne peux pas me laisser faire. 

- Lol. 

- Allez tu viens jouer à la play station ? 

- Oui !!!Je vais te donner la raclée du siècle ! 

- C’est ce qu’on va voir femmelette !


Il y a deux mois de cela, Vincent n’était qu’un inconnu pour Safiya et moi. Mais aujourd’hui, c’est différent. C’est la personne sur laquelle repose nos espoirs en ce moment. Vincent est certes un homme, mais il est avant tout une personne très chaleureuse et attentionneé. Nous lui avons fait confiance et il ne nous a pas déçu. Disons pas encore jusqu’à présent. A cause de la délicatesse de la situation, Vincent a jugé bon de prendre un très long congé. Il l’a fait d’aprè ses dires pour s’occuper de nous ses hôtes et nous rendre le séjour agréable. Chez lui, en sa compagnie, nous nous sommes senties comme des poissons dans l’eau. J’en avais besoin, Safiya également avec tout ce que nous traversions. En dehors de ses blagues, sa bonne humeur, ses gâteries, et sa délicieuse cuisine, il nous fait profiter de son expertise pour gérer le conflit. Ah oui, Vincent est un vrai cordon bleu ! A croire que le proverbe qui dit que les hommes sont les meilleurs cuisiniers au monde ne ment pas. Nous avons gouté sa cuisine et depuis, nous sommes accros. Safiya, elle ne demande que ça surtout quand il s’agit des plats sud-africains. Il faut la voir être aide- cuisinière et tellement gaie, qu’elle en oubli tous ses soucis. 

Concernant la situation, nous avons donc un soir commencé à échafauder un plan. Ah oui ! Comment faire face à un monstre pareil sans trouver la bonne ruse pour le faire tomber. Moi qui croyais que j’y arriverai toute seule, je m’étais trompée sur toute la ligne. Il faut prendre en compte beaucoup d’aspects en terme de ressource humaine, la logistique, le financement, parer à d’éventuels imprévus, en tout cas concocter un plan B en cas d’échec du premier. Finalement, au bout de deux semaines, tout semblait être prêt. 

La première étape de notre plan était d’employer un certain nombre de personnes pour gérer certaines tâches. Tout le monde avait un rôle à jouer. Pour la plupart ils servaient de figurants pour l’amener à tomber. Après avoir recruté le personnel qu’il faut et leur avoir assigné les tâches, il était question d’intégrer Fallone dans le coup. Pour cela, il était question de la prendre par surprise. Nous avions donc épié ses gestes pendant près d’une semaine pour maîtriser son quotidien. Elle ne fait presque rien d’extra. Elle passe le plus clair de son temps au boulot, avant de rentrer. A travers son planning quotidien, nous avons pu découvrir que ML était hors de la ville. Nous avons profité de cette occasion pour la kidnapper au sortir de son boulot à 16h. Kidnapper n’est peut-être pas le bon mot, mais nous l’avons rencontré et contre son gré, je l’ai forcé à prendre un vol non-retour pour Conakry. Il était hors de question qu’elle soit dans les parages pendant que les choses allaient être mises à exécution. Il serait préférable qu’elle soit au pays. Et qui dit départ de Fallone, dit possibilité de sortir le renard de sa tanière. Marc-Levy devrait tenter de nous approcher en son absence et nous comptons dessus pour mieux le faire tomber. Il suffit pour cela que Fallone lui dise qu’elle est rentrée en catastrophe à Conakry parce que maman a eu un accident de circulation qui risque de lui être fatal et qu’elle n’a pas pu me contacter pour me passer la nouvelle. Sachant comment Fallone est attachée à notre mère, ce vaurien ne pourra que la croire et cherchera à entrer en contact avec moi pour semble-t-il me passer la nouvelle. Et c’est à ce moment que nous interviendrons pour la suite du plan. 

  

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Il est neuf heures à ma montre et nous avons reçu le signal de Lucien qui nous a fait savoir que l’oiseau est de retour au nid. Vous vous demandez ce que Lucien fait dans tout ça ? Il est membre de cette opération tout comme nous et il se charge de la concrétisation du plan à Conakry. Pour l’instant, il se charge de mettre ma mère et Fallone dans un endroit sûr à l’abris du danger et nous rapporter les différentes communications qui peuvent s’effectuer entre Fallone et ce meurtrier.

Quand il est 19 heures, heure de Johannesburg, le second message tombe : ML est rentré et il a été mis au parfum de la situation. Maintenant, la machine est en marche et il nous faut être plus que prêt.


Deux jours plus tard

Il est 17 heures le coup de fil tant attendu est finalement arrivé. ML a réussi à me joindre par je ne sais quel moyen. Il s’est servi d’un numéro inconnu pour me passer le coup de fil parce que disait-il qu’il avait quelque chose de particulier à me partager. Il m’a fait comprendre qu’il était temps d’enterrer la hache de guerre et ouvrir un nouveau chapitre. Pour cela, il m’invitait dans son appartement à Melville, ce soir à 19 heures. Il promettait de ne pas me faire du mal. Mais je savais que tout ça n’était que du baratin. Il était plus que temps de poser la dernière pièce sur l’échiquier. Je me suis apprêtée, j’ai mis un blue-jean un pull de la même couleur, des tennis et j’ai attaché mes cheveux en queue de cheval et tout ceci sous le regard de Safiya. 

Nous prenons ensuite une Yaris de rien du tout, que l’un des chauffeurs de Vincent conduit. Safiya et moi nous y engouffrons. Là, elle me tient la main de toutes ses forces mais ne dit rien. Vincent quant à lui est dans un autre véhicule. A 1 kilomètre du lieu indiqué, le chauffeur s’arrête, et me signale que je dois descendre parce qu’on y ait presque. Safiya me serre dans ses bras et me souhaite bonne chance. 

- Dis-toi que c’est pour une bonne cause me lance t-elle. Qu’Allah te protège !!! Saches que je ne serai pas loin d’accord ? 

- Ok

- Bonne chance ma belle. 

- Merci. 

Je descends finalement pour aller vers mon meurtrier…….


To be continued !!!


Cœur en chantier