PORTE DE SORTIE... OU BILLET D'ENTRÉE POUR L'ENFER ?
Ecrit par Chelso
Point de vue de Georges :
'' J'ai passé deux heures de temps a parler avec ma tante, avant de repartir.
Elle m'a prodigué de judicieux conseils... Je ne regrette pas d'être allé la voir. J'entends encore sa voix maternelle me conseiller : << Mon fils, prends du recul... Si tu veux, sors entièrement de ton contexte actuel. Tu dois te ressourcer, mon fils. Tu dois te reprendre en main et repartir de zéro. Prends un nouveau départ, loin d'ici, et refais toi, puis reviens pour leur montrer. Ou carrément, ne reviens pas. Laisse leur la douleur de t'avoir perdu et la culpabilité de t'avoir chassé. Tu es chanceux, même si tu repars de zéro, tu sauras y arriver. Mais n'oublie pas ici ta pauvre tante hein. J'aurais pu t'aider pour cette histoire de rêve, mais je sais que tu ne donnes pas trop dans nos affaires traditionnelles d'ici... Sinon je connais un très bon consultant traditionnel chez qui je t'aurais amené... >>
Bien évidemment, avec ma piété, je n'en voulais pas. Mais avec son dévouement, elle était prête a me prendre un rendez-vous le lendemain. Je n'avais jamais vu de personne aussi dévouée et aussi gentille. Et aussi avisée. J'ai pris son numéro, j'allais écouter ses conseils. Et voyager, loin, pour avancer. Alors deux jours plus tard, j'ai pris un billet, pour l'Espagne. Parce que je comprends bien cette langue, et que j'adore leur culture. Et y surtout, que personne ne me connait là bas. Une semaine plus tard, j'étais parti, avec en tout et pour tout, deux bagages. Et le numéro de ma tante, ma seule famille a présent.
Arrivé là bas, j'ai peiné a trouver une chambre dans un hôtel. Un hôtel miteux, qui avait l'air d'être sur le point de s'effondrer. Mais je ne pouvais faire la fine bouche. Parce que, comme on le dit chez moi, c'est celui qui demande qui a la main tendue. Au bout dun mois, j'ai enfin réussi a trouver un travail, celui de barman dans un bar. Rien de bien glorieux, en somme. Je me débrouillais, j'économisais, et surtout, je survivais. Je me tenais bien loin de quiconque pourrait s'immiscer dans ma vie au point que je rêve de lui. Solitaire mais battant, c'était ma devise. Je devais me remettre suffisamment debout pour fermer le clapet a ceux qui ne voulaient pas que je réussisse. Les trois premiers mois, je réussis a m'en sortir. Je dormais très peu, et avec la lumière allumée, en regardant des dessins animés jusqu'à m'assoupir. Après tout, des dessins animés ne peuvent mourir. Et vu que je rêvais souvent de la dernière chose a laquelle je pensais... C'était tout vu.
Après ces trois mois, je me repris suffisamment en main pour oser innover. En effet, ayant eu le Bac scientifique, j'avais une certaine notion des mélanges explosifs... Et être barman m'a permis d'expérimenter ces connaissances en pratiquant. Et étant donné que j'étais en Espagne, mes créations de cocktails exotiques étaient de plus en plus prisées. Il y avait de plus en plus de monde à mon comptoir, et donc plus de revenus pour le boss. Heureux, il augmentait de plus en plus mon salaire, répétant qu'il aimait les travailleurs, et que je le méritais bien. Bien évidemment, j'étais ravi, et je me donnais de plus en plus. Je finis par établir une carte, pour permettre aux clients de choisir ce qu'ils voulaient entre les nombreuses propositions. Tout le monde dans la région finit par me connaître, et les gens venaient exclusivement pour mes mélanges, ou avoir l'honneur de goûter a de nouvelles créations. Ayant économisé assez au bout d'un an, j'achetai un appartement, et je créai mon propre Lounge que je gérais en même temps que le bar dans lequel tout avait commencé. Puis au bout d'un moment, mon patron me libéra, et je lui offris, en remerciements, la recette du cocktail qui avait le plus été apprécié.
Et une autre partie de ma vie commença. Je fis trois ans, dans ce pays, a amasser de la richesse, a tester de nouveaux mélanges, à rester loin de toute attache émotionnelle pour éviter de tirer le diable par la queue.
Pendant ces trois ans, je n'appelai pas ma tante une seule fois. Pas que je ne voulais pas, mais je n'arrivais pas a me rappeler de le faire une seule fois. J'y pensais a chaque fois, mais arrivé a la maison, un truc me le faisais oublier. Je ne comprenais pas pourquoi. Ni comment c'était possible. Je me sentais presque indigne... Et ingrat de ne pas faire signe a celle qui l'avait aidé.
Puis les occasions se multiplièrent...et je n'y pensai plus. Je fis un tour du monde en bonne et due forme. Adaptant mes créations a chaque pays, à chaque culture, a chaque ingrédient que je trouvais. Je passai dans près d'une quarantaine de pays pour y apprendre de nouvelles recettes et y implanter les miennes. Je passai, en cinq ans, du néant au géant, possesseur d'une chaine de Lounge-Bars, dans plusieurs dizaines de pays.
Après cette période, une idée germa dans mon esprit. J'avais recommencé à rêver de personnes réelles, mais rien ne se passait. Alors, peut-être que...
Plein d'espoir, je me risquai à m'engager avec une fille avec laquelle je le sentais bien... Deux semaines après cette prise de risque, je me sentais rassuré. Rien ne lui étais arrivé...
Trois semaines.
Quatre semaines.
Deux mois.
Puis, une nuit, le cauchemar reprit.
Je la vis dans mes rêves, assise sur une terrasse surplombant une piscine. Sa robe légère autour d'elle, ses cheveux lâchés, son doux sourire... J'étais heureux. Très heureux. Sauf que dans la réalité...
Lorsque je repris conscience, je me précipitai sur mon téléphone pour l'appeler. Plus rien n'était arrivé depuis un moment, mais il valait mieux vérifier.
Après six sonneries, le répondeur s'enclencha, sa douce voix invitant a laisser un message.
Je raccrochai, manquant d'air. J'etouffais. Je craignais le pire. A peine le soleil apparaissait a l'horizon que je débarquais chez elle.
Juste pour savoir. Et être rassuré.
Mais je fus choqué. Bien évidemment. Elle était déjà morte. Dans la même tenue que celle de mon rêve, alors qu'en ce moment, au Canada, c'était l'hiver. Une robe d'été en hiver.
Rattrapé par mes démons.
Je l'avoue, j'ai sombré. Je continuais mes cocktails, mais j'ai plongé dans la dépression. Par deux fois, j'ai découché. Avec deux filles différentes. Pour essayer de forcer le destin, de lui montrer que je continuais quand même ma vie. Mais j'ai perdu. A vouloir jouer avec le feu, je me suis brûlé les ailes. Les deux filles zn question sont également décédées. Le pire, c'est que personne ne se doutait que j'étais a la base de ces morts. Comme si le démon qui m'habitait voulait laisser la culpabilité me détruire. Et voulait aussi que je continue mes dégâts. Alors je pris une résolution. Je me repris en main, m'éloignai des femmes, des enfants et des personnes âgées pour éviter de m'attacher. Je fis encore dix ans a l'extérieur. Dix ans, c'est très long. Et pendant ces dix années, ma main droite était devenue ma meilleure amie ( comprendra qui voudra ooh.. )
Après quinze ans passés a l'extérieur, je décidai de prendre le taureau par les cornes. De me libérer moi même. Puis de rentrer au pays. Le Bénin me manquait.
Alors, un dimanche soir, je commençai la première phase de ma libération. Je devais tenir sept jours. Juste sept. Puis, qu'il le veuille ou non, ce truc me laisserait. Juste sept jours....''