Préjugés

Ecrit par Dr Sool

S’IL SUFFISAIT D’AIMER


Partie 2


Chapitre 3 : Préjugés


Mehdi se lève et commence à marcher de long en large dans le salon pour essayer de mettre de l’ordre dans ses idées. Hadja Zoulia le suit du regard, on aurait dit qu’elle attend qu’il finisse d’encaisser la nouvelle et se calme avant de poursuivre :


-Tu es un homme Mehdi et même si je ne suis pas d’accord avec cela étant donné que c’est contraire aux préceptes Islamiques, je peux comprendre que tu veuille t’amuser un peu avec cette fille, mais ça n’ira pas plus loin que ça, tu dois le savoir, et elle aussi !


-Maman, je crois que je veux faire ma vie avec elle…


-(sarcastique) Tu crois ?!


-Non ! J’en suis sûr ! C’est elle que je veux à mes côtés pour le restant de mes jours. C’est auprès d’elle que je veux me réveiller chaque matin…


-Tu rêve trop ! Et pour un homme c’est vraiment très incorrect. Elle n’est pas musulmane, elle n’est pas Massa et elle n’est pas non plus de notre milieu, alors donne-moi une seule chose qui plaide en sa faveur !


-(s’arrêtant) Je l’aime…Je l’aime maman.


-Ca  ne suffit pas !


-Pourtant ça devrait !


Elle pousse un profond soupir et l’invite à venir s’assoir en face d’elle. Elle lui prend les mains :


-Ecoute Mehdi, tu dois comprendre que les choses ne sont pas aussi simples que tu le crois. Un mariage n’est pas seulement une alliance entre deux personnes qui éprouvent l’un pour l’autre des sentiments amoureux. Tu n’as pas besoin d’être amoureux pour te marier, ce n’est pas important car ce n’est pas cela la base du couple. J’ai rencontré ton père pour la première fois le jour de notre mariage, tu dois le savoir, nous ne nous connaissions pas du tout. Mais crois-moi nous nous aimons comme deux époux doivent s’aimer. Les enjeux vont au-delà de ce que tu peux bien imaginer mon très cher fils. Et ce que je m’apprête à te raconter maintenant, je suis sure que ton père ne le fera pas, tu sais comment il est. Il ne voudra même pas entendre parler de cette fille, encore moins la voir en peinture. Mais tu dois comprendre qu’il ne s’agit pas que de toi mais de l’intérêt général, de l’avenir de toute la famille, de tout le clan RYAD IMRAN. Tu ne peux pas épouser une fille qui sera comme un agneau au milieu de loups, tu ne peux pas. Ce ne sera bien ni pour elle, ni pour toi crois-moi, je sais de quoi je parle.


-Maman je…


-(perdant patience) Ne m’interromps pas s’il te plait, parce que je n’ai pas fini de parler. Tu es notre unique enfant et je pense que tu devrais éviter de te comporter comme le nombril du monde, arrêter d’être égoïste et penser un peu à ta famille, à tes parents ! Ton père est celui qui dirige le clan aujourd’hui et après lui ce sera à toi de le faire ! Le pouvoir et la force de tout dirigeant ou de tout responsable résident dans le soutient qu’il peut espérer de son épouse. Que peux-tu attendre d’une fille qui ne sait rien de notre religion, de notre culture, de notre milieu social ? Que peux-tu espérer d’une fille qui vient d’une région ou le sexe est aussi banal qu’un plat de nourriture qui peut être offert à n’importe qui ?!!


-(vexé) Maman !!!


-Tu passeras ta vie à élever des enfants qui ne seront pas les tiens, ton domicile sera un orphelinat attitré. Tu ne seras respecté de personne, parce que l’intimité de ta femme sera juste comme…


-(tonnant) Maman ça suffit !! Tu ne la connais pas ! Tu ne sais absolument rien d’elle. Tu n’as pas le droit de la juger sur la base des étiquettes que la société décide de coller à des groupes de personnes sans bases logiques !


-(dégoutée) C’est une « Nkoah » ! Elles sont toutes les mêmes !


-(exaspéré) Donc si je comprends bien, Assana l’épouse d’oncle Razid qui avait été répudiée après avoir été surprise dans une boutique avec son amant…Elle était Nkoah!! Dois-je conclure que cette femme musulmane qui arborait tous les jours le voile intégral et qui avait pourtant été huée sur la place du marché pour avoir été plusieurs fois prise en flagrant délit d’adultère avec des hommes différents, était elle aussi une Nkoah !


-Tu mélange tout Mehdi, ce n’est pas pareil ! 


-Qu’est ce qui est donc différent maman ? Dis-moi ?! Dans quel monde vis tu au juste ?!!


-C’est à moi de te poser cette question ! Ne fais pas celui qui veut changer le monde et  les mœurs de la société parce que ça ne te sied absolument pas ! Je ne vais pas poursuivre ce débat avec toi parce qu’il est stérile et sans aucune importance. Tout ce que je veux que tu intègre et ce dès maintenant est que tu n’épouseras pas cette fille, ni comme première, ni comme seconde épouse, ni comme…


-(rigolant) Ah ! Parce que je suis aussi tenu d’en épouser plusieurs ?!


-Non ! Ton père n’a épousé que moi. Mais dans la mesure où elle remplissait au moins un de nos critères tu aurais pu la prendre pour seconde épouse.


-(sarcastique) Et qui serait la première?


-Ce n’était pas à moi d’aborder ce sujet avec toi, mais puisque tu insistes…


-(sarcastique) Vas y maman, dis-moi tout !


-Ton père est actuellement en train de s’accorder avec l’ambassadeur du Cameroun en Arabie Saoudite pour conclure une union entre sa fille et toi. C’est un très bon parti pour l’harmonie et la prospérité de notre clan. Tu sais très bien que tes oncles n’ont toujours pas déposé les armes, ils espèrent tous qu’après la mort de ton père la tête du clan leur revienne. Tu as donc besoin dès maintenant d’acquérir des bases très solides, et comme je te le disais tout à l’heure, le  profil de la ou des épouses d’un dirigeant est très déterminant pour son règne.


Mehdi pousse un long soupir et prends sa tête entre les mains :


-(souriant) Elle s’appelle  Anissa, elle a étudié les relations internationales en Arabie Saoudite elle soutiendra  son projet de fin d’études tout juste un mois avant toi, en Mai. Il est évident que tu devras trouver le temps d’y aller, ce sera l’occasion de faire sa connaissance. Elle est tellement jolie, tu verras.


-(soupirant)Si je comprends bien, vous me contraignez à épouser une fille que je ne connais même pas et que je ne sais même pas si je serais capable d’aimer, juste pour assurer l’harmonie du clan après vous ! Et si je ne l’aime jamais ?!


-Tu l’aimeras !


-Sinon ?


-Tu feras avec ! De toutes les façons ton père a déjà pris sa décision et donné sa parole à l’ambassadeur, tu sais très bien qu’il n’a pas deux paroles. Je n’étais pas censée t’en parler, mais je n’ai pas eu d’autre choix que de le faire, pour t’empêcher de commettre une bêtise.(se levant) Je dois y aller maintenant. Notre vol doit repartir ce soir et j’ai encore quelques connaissances à saluer avant de partir.


Mehdi raccompagne sa mère jusqu’à sa voiture dans laquelle s’est endormi le chauffeur. Ils échangent quelques civilités et se séparent ensuite. Il voit la voiture  s’éloigner et a l’impression qu’elle emporte avec elle ses espoirs et ses rêves.


Pour quelqu’un qui n’a pas grandi dans le cocon familial c’est si difficile de mettre en avant l’intérêt de sa famille, du clan. Mais une chose est certaine, il aime ses parents, il aime sa mère autant que tous les enfants qu’elle aurait pu avoir réunis l’auraient aimé. Et son père bien qu’autoritaire et très rigide reste celui qu’il a toujours admiré. Il se souvient de tout ce que qu’Oumi Fatou lui avait souvent raconté au sujet de sa maman, de tout ce par quoi elle avait dû passer avant, pendant et après sa conception. Il se souvient encore de ce soir ou il avait dû être séparé d’elle alors qu’il n’avait que 10 ans. 


Ce soir-là sa mère avait elle-même tiré sa valise jusqu’à la voiture. Il était tard, et presque toute la concession était endormie. C’était fait à dessein, puisqu’il n’était pas question que la famille de Ryad sache que son fils allait partir, encore moins ou et avec qui. Mehdi avait été pris pour cible dès sa naissance, dès l’instant ou tout le monde avait appris qu’Hadja Zoulia avait mis au monde un garçon. L’histoire se répétait une fois de plus, et il fallait prendre les mesures qui s’imposaient.


Hadja Zoulia pleurait silencieusement, l’on n’entendait pas ses sanglots, mais ses yeux étaient rouges et ses pommettes humides. Mehdi ne comprenait pas ce qu’il se passait, il ne comprenait pas pourquoi il devait se séparer de ses parents, pourquoi il devait s’en aller aussi brusquement. Personne ne l’avait prévenu, de peur qu’il le répète à quelqu’un d’autre. Il s’était demandé s’il avait fait quelque chose de mal, si ses parents lui reprochaient quelque chose. Mais quand il avait posé la question sa mère s'était contentée de le prendre dans ses bras et lui dire que tout irait bien, que ce n'était pas sa faute et qu'elle l'aimait plus que tout au Monde.


Cette image lui revient de plein fouet maintenant qu'il se retrouve face à ce dilemme auquel ses parents le confrontent. Il avait tellement hâte de voir sa maman, mais loin d'imaginer que cette visite allait le plonger dans l'embarras. 


Il pousse un long soupir et se dirige vers sa chambre. Le soleil est entrain de se coucher, il se dévêtit alors et va prendre une douche pour se rafraîchir les idées. Ensuite il fait ses ablutions et va accomplir sa salât. Il ne manque pas de faire quelques douas pour demander la clairvoyance et la guidance du très haut.


Il aperçoit de la lumière sur l'écran de son téléphone posé sur le lit. C'est un appel d'Azaya, il regarde sonner, incapable de bouger, il est comme tétanisé. Après toute une année d'amour et de passion intense, après tous ces projets qu'il a imaginé pour eux comment envisager de mettre un terme? Comment envisager de se séparer de celle qui est devenue pour lui un organe vital ?


Il  expire profondément  et s'allonge dans le lit pour finalement se retrouver à dormir jusqu'au matin.


 C'est la sensation de froid et la lueur du jour qui frappe son visage de plein fouet qui le sort de son profond sommeil. Azaya vient de tirer la couette et tirer les volets de part et d'autres de la fenêtre. Elle vient ensuite le rejoindre dans le lit sans mot dire, affichant une mine des plus vexées.


Mehdi s'approche d'elle et la prends dans ses bras dans ce même silence. Il la serre si fort qu'elle comprend tout de suite que quelque chose ne va pas:


-(murmurant) Je suis désolé...Je me suis endormi ...


-(inquiète) Tu es sur que ça va baby? Je suis vraiment fâchée que tu n'ai décroché aucun de mes appels. J'étais tellement inquiète que  j'ai failli sortir ainsi au milieu de la nuit pour débarquer ici.


-...Ça aurait été très imprudent!


-Qu'es ce qu'il ne va pas?


-babe je...Je ne veux pas en parler maintenant s'il te plaît.


-C'est si grave que ça ? C'est au sujet de ta mère c'est ça ? Elle ne m'aime pas je l'ai bien remarqué. Elle te...


-Azaya s'il te plaît...


-(soupirant) D'accord. Alors qu'est ce que je peux faire?!


-Me faire plein de câlins, juste ça. C'est tout ce dont j'ai besoin maintenant. 


Elle s'installe à moitié assise dans le lit et l'invite et s'insérer entre ses jambes. Il dépose sa tête sur son ventre et entouré sa taille de ses bras, tandis qu'elle lui caresse lentement les cheveux, la nuque, l'arrière des oreilles...sans mot dire. Ils restent ainsi plusieurs minutes jusqu'à ce que le sommeil s'empare d'eux et les plonge dans un monde de toute les possibilités, ou tous les rêves deviennent réalité, ou toutes les barrières de brisent et les préjugés s'éteignent...


Pendant ce temps assise dans son lit à déguster des croissants accompagnés d'une tasse de lait devant son programme télé favori de la matinée, Lisa entend frapper à la porte.


"Qui celà peut bien être un weekend et de si bonne heure?" Se demande t'elle


Elle enfile son peignoir et se dirige vers la porte. Contre toute attente elle se trouve Nez à nez avec Joël. Elle essaie de refermer tout de suite la porte mais il pose le pied dans l'espace et essaye de la dissuader:


-Lisa s'il te plaît!


-(vexée) Qu'es ce qu'il te prends de venir chez moi?!! Et puis qui t'a indiqué ?


-Ca n'a pas d'importance. Tu ne réponds pas à mes appels et tu ignore mes messages...


Lisa le tire à l'intérieur et referme la porte pour éviter d'être vue ou entendue par les voisins. Elle est si peu sympathique et asociale qu'elle évite au maximum de donner de quoi alimenter les potins de la mini cité:


-Me t'ai dit que je n'étais pas intéressée par ton amour! Ya quoi de si compliqué à comprendre ?!


-(suppliant) Donne moi juste une chance s'il te plaît. Une chance de te prouver que je suis l'homme qu'il te faut! Celui qui...


-Si tu m'aimes autant que tu le dis. Rentre retrouver ta femme et réconcilie toi avec elle.  Fais le au nom de l'amour que tu dis ressentir pour moi. Je ne serais pas capable de me regarder dans une glace si je construis mon bonheur sur les larmes d'une autre, comprends le ainsi et fiche moi enfin la paix !


-Je ne l'aime plus, alors si tu ne veux pas de moi tans pis. Mais je ne retournerais pas avec elle.


Lisa détourne le visage et il se résigne à s'en aller la queue entre les jambes.


Josepha vient de terminer sa prière matinale  habituelle lorsqu'elle voit son mari franchir le pas de la porte alors qu'il est sorti de la maison de très bonne heure. Elle s'apprête à vociférer quand il lui revient qu'elle doit faire profil bas et essayer de réparer son couple:


-Tu veux manger quelque chose? Tu es sorti si tôt que tu n'as dans doute rien mangé.


-(désinvolte) J'étais au sport et j'ai mangé en rentrant.


A force de mentir, ç'en était devenu un véritable réflexe. Josepha s'approche de lui et l'invite à s'installer sur un siège :


-Je veux que nous discutions s'il te plaît.


Il fronce les sourcils. Avec son épouse une discussion n'est jamais une discussion. Elle est le plus souvent un monologue de reproches ou alors une véritable dispute et il en a vraiment marre de tout celà, d'autant plus qu'il ne se sent vraiment pas d'humeur à supporter ses jacasseries de pie. Il essaie de se lever mais elle le retient en le suppliant du regard.


-S'il de plaît Joël. Je t'en prie. Nous pouvons discuter comme des adultes.


-(sarcastique) C'est toi qui dis ça ? On dirait l'hôpital qui se moque de la charité


-Je sais que je suis parfois invivable et assez  exaspérante et je tiens d'ailleurs à te demander pardon pour celà.Mais Joël s'il te plaît, tu ne peux pas jetter ainsi à l'eau tout ce que nous avons construit ensemble sur un simple coup de tête !!ll


-(soupirant) Ce n'est pas un coup de tête Josepha. Tu serais honnête de reconnaître qu'il n'y a plus absolument rien entre nous. Nous ne sommes un couple que de nom et ce n'est pas ainsi que je veux passer le reste de mes jours, dans le mensonge et l'hypocrisie. Je ne veux pas mener une double vie...


-(perplexe) De quoi de parle ?


-De rien du tout. Il n'y a plus d'espoir entre nous. La meilleure chose à faire est de laisser tomber.


-Mais non Joël, pas sans avoir essayé de tout réparer. Nous devons moins essayer s'il te plaît. Faire une thérapie de couple ou quelque chose dans le genre?


-Une thérapie de couple? Tu te rends compte que c'est la première fois depuis plus de deux ans que nous avons une conversation saine et correcte?


-C'est justement pour celà que nous devons essayer...


-(se levant) Je suis désolé Josepha mais ce n'est plus possible. C'est mort.


Il se dirige vers la chambre sous le regard triste et désespéré de son épouse. Josepha ne peut s'empêcher de laisser couler une larme. A peine cinq années de mariage et elle se retrouve au bord du divorce sans issue potentielle. Leur véritable romance n'aura duré que les quelques mois qui avaient suivi directement le mariage. 


Que diront les gens? Ses cousines célibataires endurcies seront les premières à faire des allusions provocantes. Les soeurs du quartier ainsi que les choristes ne manqueront pas de la pointer du doigt. Sans compter les difficultés financières qui seront bientôt les siennes. Elle se lève et essuie ses larmes, bien décidée à se battre pour récupérer son mari.


La nuit vient de tomber dans la capitale économique du Cameroun. Azaya sort du four le gateau renversé à l'ananas qu'elle vient de cuisiner. Elle le démoule et le laisse refroidir sur un plateau avant de le découper et le servir accompagné de jus d'ananas et gingembre frais. Elle porte le plateau jusqu'à la chambre et le dépose au chevet du lit dans lequel Mehdi à passé toute la journée. Elle sait qu'il aime bien manger des gâteau quand il est de mauvaise humeur ou déprimé, elle prends alors le tranche et la lui met en bouche. Il mange avec appétit et la contemple avant de dire:


-(lui caressant le visage)Tu as su me cerner en si peu de temps. Telle une horde de microbes tu as colonisé ma vie Azaya. Je n'arrive pas ay l'imaginer sans toi. C'est au dessus de mes forces


-(inquiète) Pourquoi tu parles ainsi ?


-(soupirant) Azaya les choses commencent à se compliquer et je ne sais vraiment pas comment faire pour m'en sortir...


-(prenant sa main) Pour nous en sortir, tu n'es pas seul chéri, je suis avec toi.


-Je... J'ai cette responsabilité qui plane au dessus de ma tête et je ne sais pas trop quoi en faire. Et puis ma mère m'a dit que...


Mehdi réfléchi un instant et se demande si c'est une bonne idée de le dire, comment elle le prendrait. 


-Qu'es ce que ta mère t'a dit?!


A suivre...


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S'IL SUFFISAIT D'AIM...